Saga René .... le retour !!!

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Steve Parter
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Saga René .... le retour !!!

Message par Steve Parter »

Ben oui, je ne resiste pas à l'immense plaisir que j'ai de vous publier ici, avec l'accord de son auteur (Jean-Paul Dautricourt alias JPaul), le roman de l'été.
J'ai cité :
René, de la route à la piste…
Je vous souhaite une très bonne tranche de rigolade en suivant les aventures de notre Gatouillable !! [smilie=greencolorz4_pdt_12.gif]

( Ps: Je vérouille volontairement ce post afin de lui laisser toute la lisibilité qu'il mérite !!!)
René, de la route à la piste…
Par Jean-Paul DAUTRICOURT

Dédié à DAVID, SATO, CESCO, KPOK, le duo de choc PAPY et MAMIE, ainsi que tous ceux que je n’ai pas nommé de peur d’en oublier, mais qui se reconnaîtront, pour leur aide et soutien dans cette aventure…
J-Paul, membre du Repaire des Motards
Sans oublier MAURICE 09, bien-entendu…
Précision de l’auteur :
Connais-tu le Repaire des Motards ? Non… ? Je t’explique :
Il est l’œuvre de David MORCRETTE, informatitien et passionné de moto, comme toi et moi. Seulement, ce gars là à pondu un site internet amateur qui est devenu le number one français dans sa catégorie.
Prénommé à la base BANDITMANIA, et donc consacré à la moto du même nom, ce dernier a vite été rebaptisé en devenant par le fait universel et ouvert à toute la production du deux roues.
Au fil des années, grâce au travail acharné de son concepteur, l’enfant est devenu adulte, fort de plus de 10.000 membres inscrits sur les forums.
Si tu vas y faire un tour, tu y trouveras toute l’info relative à notre microcosme favori et bien plus encore, comme des essais et des tests divers réalisés à partir des réponses recueillies auprès des adhérents du site.
Les forums, quand à eux, constituent le morceau de choix du Repaire en étant devenus une mine d’or d’information et d’échanges divers. C’est un truc fabuleux où tu peux discuter avec des milliers de motards à travers diverses rubriques à thème en restant derrière ton clavier…
Seulement, le site, de part son succès, atteint les limites de l’amateurisme, et les frais de fonctionnement augmentent telle l’aiguille du compte-tour à l’assaut de la zone rouge…
Le rapport avec René ? J’y viens :
Au départ, l’idée du Gatouillable (motard ayant de la bouteille) est venue d’un affrontement plein de mauvaise foi entre la jeune génération (les d’jeun’s) et la vieille garde, dans la rubrique Moto-Taquin du forum. Cette dernière est destinée à perpétuer l’esprit motard dans ce qu’il a de plus sympathique : l’auto-dérision.
J’ai pondu un texte en inventant le personnage du Respectable, comme un petit d’œil, et aussitôt on m’a demandé une suite, puis une autre, jusqu’à arriver à la saga qui est devenue le premier roman moto publié en ligne sur le net…
Très vite, l’idée d’une publication a germé dans l’esprit de certains : sceptique, d’abord, je me suis laissé convaincre de tenter l’aventure, avec pour but d’en faire profiter le site et ainsi aider DAVID à perpétuer le Repaire. Ma façon d’apporter ma pierre à l’édifice d’un truc génial consacré à l’objet de cette passion qui m’anime depuis maintenant un sacré nombre d’années.
Je tiens à préciser que le book que tu tiens entre les mains est une réalisation de pur amateur, avec les travers et les imperfections que peut commettre quelqu’un qui n’est pas écrivain à la base. Un peu dans l’état d’esprit du Repaire des Motards, tu piges… ?
Je te souhaite une bonne lecture et te laisse maintenant tourner la page suivante…

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Steve Parter
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Episode 1 :
Le Gatouillable sort de sa léthargie…


René Gédeufoitrentans sort du garage sa vénérable YAMAZUKI 1000 XYZ qui affiche fièrement ses deux décennies, non par son état général car René est plutôt du genre méticuleumaniaque, mais à cause d'une plastique qui commence à sentir la relégation au musée du coin.
Une petite confidence, à ne surtout pas divulguer car René est devenu un poil grincheux avec les années et n'aime pas tout ce qui est susceptible de rappeler son âge canonique : en loucedé, il la nomme affectueusement " Mémère "...
Donc, not' bon René sort Mé..., pardon, je voulais dire sa bécane du garage et glisse la clé dans le contacteur : y'a un peu d'jeu mais avec l'habitude... et en plus la moto démarre très facilement, à défaut de tourner régulièrement sur ses quatre pattes, rapport aux boisseaux d'carbus qui commencent à s'user eux aussi... Mais enfin, elle tourne rond et elle est pas bridée, elle au moins, avec ses 125 véritables canassons piaffants perpétuellement d'impatience d'en remontrer à cette jeunesse devenant de plus en plus effrontée !!!
Pendant que Mé..., pardon, la moto chauffe tranquillos, René enfile son vieux barbour, un Belstaff, graissé à l'huile de chaîne comme au bon vieux temps : il ne veut surtout pas entendre parler de ces espèces de tenues bariolées qu'on vend maintenant dans ces grandes surfaces qu'on nomme magasins moto (ha ! le temps des p'tits bouclards qui sentaient bon l'huile de ricin...) : ch'suis motard, pas un clown employé chez Pinder, martèle t'il à qui veut l'entendre (pas grand monde en fait...).
Il se coiffe ensuite de son GPA SJ (pour Sans Jugulaire : une trouvaille qui a révolutionné le casque... il y a 25 ans de cela, environ...) qu'il ne troquerait jamais contre une de ces casseroles modernes et pis qu'en plus il est peint aux couleurs du grand Mike, un p'tit jeune devenu son idole mais trop tôt disparu...
C'est pas tout ça mais faut rouler... , après bien sûr dix minutes d'étirements en bonne et due forme pour détendre un organisme demandant lui aussi à chauffer avant de démarrer (à cet âge là, faut pas risquer le serrage...).
Quelques vingt minutes plus tard, la... moto étant bien chaude comme on peut le constater à la fluidité de l'huile noire répandue au sol, René, dans son style académique (très droit et rien qui dépasse) décolle doucement : enfin lui décolle, mais l'embrayage, lui, colle un pneu et la moto cale. Pas grave, y'a personne dans la rue, l'honneur est sauf !
Nous sommes à l'abord de l'hiver comme en atteste la flamboyance affichée par la forêt toute proche, ainsi que l'odeur d'humus se dégageant des bas côtés de la petite route départementale empruntée par René : ça va beau faire xx années qu'il pratique la moto, une joie indescriptible le submerge à chaque fois en cette saison car s'il aime ce contact quasi-charnel avec la nature qui s'endort, il sait aussi que les d'jeuns ont rangé leurs trucs en plastique à deux roues : ben ouais, ça fait le cacou et dès que la température descend en dessous de dix degrés ben, y'a plus personne. Ha!, d'mon temps...
René sait que la route lui appartient et aujourd'hui il a décidé d'une grande sortie vers l'océan. Pour ce faire, le niveau d'huile de la Vénérable, ainsi que le graissage de la chaîne et de l'axe de bras oscillant (on sait jamais...), a été effectué. René a même monté ses manchons sur le guidon pour ne pas engourdir ses vieux membres passablement fatigués par toutes ces années à parcourir les routes de France et de Navarre. En plus, ça lui rappelle les Eleph', comme dans le temps où il souffrait pas encore des articulations, même que si il le pouvait encore, il tracerait grand nord... . Le temps passe, René, et il ne t'attend pas...
Il en était à ressasser tout ça quand il fut réveillé en sursaut par un fracas épouvantable !
Alors que lui-même enroulait une petite courbe dans son style inimitable, une espèce de jeune effronté venait de lui faire un extérieur en bonne et due forme, le genou au sol comme à la télé (des fous !..), dans un irrespect le plus total... En plus, ce jeune tr.. du c... ne l'a même pas salué !!!
Trop c'est trop ! René rempile la quatre et fait rugir M..., pardon, sa moto, laquelle se demande ce qui se passe pour la sortir ainsi de sa léthargie, et GAZZZZZZZZZZZ , va voir c'qu'y va voir c'blanbec !!!
René est sûr de ses K81, qui ont fait le bonheur des participants de la coupe KAWA dans les années 70 (demande à Sarron ce qu'il en pense ...) et le voila au derche du petit c.. .
Ce dernier a relâché son effort et semble attendre le Vénérable qui lui, maintenant, lui colle aux basques comme un morpion sur...
J'te tiens, s'pèce de rigolo, et c'est pas en faisant le singe comme tu fais que tu vas êt' capable de larguer un monument comme moi !, se dit René en se raidissant le plus possible car, pour aller vite, il ne faut surtout pas bouger de la moto, rien ne doit dépasser : faut un style le plus pur possible pour pas désunir la moto, comme Mike à l'époque...
Pendant ce temps, Ziva Jmélesgazs, sur sa HONDAWA 600 ABCRRZW RRRR REPLICA, rigole doucement en pensant: enfin un que j'va êt' capab' de laisser sur place...
Le drame de Ziva, c'est qu'il a eu beau faire des stages avec Sarron, Bonhuil et consorts, ben..., il est vraiment pas doué pour la moto mais comme ça fait branché, il est bien obligé de rouler un peu pour justifier quelques kilomètres au compteur : pour ce faire, il roule de préférence l'hiver, pour pas risquer l'adversité.
Donc, René, droit comme un I, en aspi, colle aux basques de Ziva qui déhanche à tout va dans un style pour le moins... mouvant ! Les deux rivalisent, se dépassant aux faveurs des fautes de pilotage de l'autre (fréquentes...) : un coup à toi, un coup à moi, avec, pour l'instant, une grande égalité au niveau de l'efficacité.
Soudain, sortant de nulle part, un bruit d'abeille se fait entendre derrière eux et un magnifique boulet bleu cubant au moins 50 CC les double dans un style impeccable au détour d'un délicat pif-paf un peu glissant : ils le savent très bien de qui il s'agit en le reconnaissant, affublé de cuir bleu et jaune fluo, se regardent, et s'arrêtent… C'est le fils du patron du bouclard du coin, celui que René n'aime pas car il déteste les vendeurs de tapis. Celui que Ziva n'aime pas non plus, car à chaque fois qu'il rentre dans le magasin pour commander une pièce, l'autre il rigole tout le temps de son niveau de pilotage.
Pendant ce temps, le jeune Valentini ROSSO poursuit son entraînement sans se soucier des deux chicanes qu'il vient de doubler: sans doute ne les a t’il même pas vues... René et Ziva, réconciliés par cet affront commun, décident d'aller prendre le verre de l'amitié au bistrot du coin : là au moins, y'a pas de motard susceptible d'écouter le récit de leurs exploits qu'il ne manqueront pas de raconter au patron qui est là pour écouter sans broncher sa clientèle, commerce oblige...
Modifié en dernier par Steve Parter le dim. 08 juil., 2007 8:49, modifié 1 fois.

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Episode 2 :
Rencontre avec la nouvelle monture…

Aujourd'hui, René Gédeufoitrentans est plus fébrile que d'habitude en quittant la couette toute chaude de son lit douillet, car il ne s'agit pas d'une journée ordinaire...
Vous savez quoi ? Une nouveauté arrive ce jour chez le concessionnaire (vous savez ?, le marchand de tapis...) !
Quelle moto allez-vous me dire ? Ben oui, faut que je vous explique : la brave YAMASUKI 1000 XYZ commence à avoir l'âge (vénérable...) de son proprio, et ses accélérations deviennent aussi hésitantes que sa tenue de route et la certitude de René devant la gent féminine.
Notre bon protagoniste a donc fait un saut chez ROSSO, le fameux concessionnaire multimarque qu'à un magasin qui ressemble plus au supermarché du coin qu'à un bouclard comme dans le temps (tout fout l'camp ma brave dame !) : c'est pas qu'il en avait spécialement envie mais là, au moins, force est d'admettre que le choix est multiple pour quelqu'un qui, un beau matin, s'est décidé à troquer une fidélité de presque 25 ans contre quelque chose de, disons... plus actuel.
Faut dire aussi qu'il n'a toujours pas digéré l'affront reçu l'autre jour par le jeune Valentini, le fils du patron... Bien entendu, si sa moto avait encore eu sa jeunesse d'antan, jamais ce jeune tr.. du c.. ne l'aurait passé comme ça ! Pensez donc : avec une telle expérience de la moto...
Il avait été reçu par un jeune vendeur BCBG, sourire ultra brite et costard cravate (dans un bouclard moto !, on aura tout vu !!!) qui lui demanda, avec une extrême politesse, ce qu'il désirait :
" Ben..., j'va t'dire mon p'tit gars, tu permets que j'te tutoie ?, c'est une tradition dans le monde moto et faut pas perdre les traditions. J'te disais quoi déjà ?..., ha ouais : j'viens pour changer d'brêle car la mienne commence à défraîchir un poil, et vu c'que j'roule, y'm'faut un truc, disons..., plus récent. T'as ça dans ton bouclard ??? "
" Oui, m'sieur !, et je pense avoir ce qu'il vous faut : à un monsieur comme vous (le jeune l'avait repéré depuis pas mal de temps cet oiseau là...), il faut une moto sur mesure, du cousu main ! Venez par ici, on vient juste de recevoir la dernière KAWASUKI 1300 RRR 6 cylindres avec freins carbone, triple injection et suspensions pilotées : le top du top pour pilote d'exception !!! Je dois vous avouer que si j'avais votre expérience de la moto, je n'hésiterais pas...
En plus, c'est une sport GT qui a fait l'objet d'un soin particulier en matière de confort et d'ergonomie, et quand on voyage, il n'y a rien de plus important, pas vrai ? Je dois vous dire aussi qu'un effort particulier a été fait sur la réduction du poids suspendu et que cette merveille est capable de rivaliser avec n'importe quelle hypersport dans le sinueux.
Bien entendu, elle n'est pas donnée, mais c'est la rançon de l'exception et je pense que, passionné comme vous l'êtes, ce n'est pas une chose bassement matérielle qui va freiner votre entrée dans un univers qui va révolutionner votre vision de la moto ???.
Sans compter que vous avez le chance d'avoir le niveau pour apprécier à sa juste mesure une telle merveille technologique !, ha, si j'avais une telle expérience que vous, je vous jure qu'elle serait déjà dans mon garage !!! "
A genou qu'il est le René... : pas par cet assemblage de plastique qu'il a devant les yeux, mais les flatteries du vendeur ont frappé son ego en plein cœur et c'est, en bombant le torse, qu'il cria :
" Vendu !, t'as raison mon gars, faut vivre avec son temps et c'est vrai qu'à mon âge, on est mûr pour se faire plaisir avec un truc pareil... Tu me la reprends combien la mienne ? Viens voir, elle est dehors. "
Le jeune vendeur, s'il est un fameux commercial, ne possède pas une culture motocycliste étalée au delà de sa propre existence, mais, sachant qu'il n'aura ainsi pas à lâcher trop de lest sur sa marge en faisant mine de reprendre " bien au dessus de sa valeur ", un truc qu'il n'aura même pas à s'occuper à vendre. De plus, en insistant un peu, l'équipement ça marge pas mal aussi, et ça compensera la reprise.
Donc, il fait mine de s'extasier sur ce truc qu'il ne connaît même pas et propose royalement une offre " que René trouvera même pas ailleurs " en continuant les flatteries qui semblent combler le " pigeon ".
René est donc sorti du magasin avec un bon de commande en bonne et due forme comprenant la moto, un cuir complet, un nouveau casque et... un compte en banque passablement réduit. Mais qu'importe, avec ça, il va retrouver de sa superbe et montrer à la face du monde motard qui il est encore vraiment !!!
René, aujourd'hui, enfourche pour la dernière fois sa vieille compagne et fonce en direction du bouclard, le cœur trépidant. Quelques minutes plus tard, il entre dans le magasin pour prendre possession de son nouveau jouet...

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Episode 3 :
C’est pas gagné d’avance…

Donc, not' René préféré pousse la porte du bouclard mais marque une petite hésitation : tout cela n'est-il pas trop précipité ?, se demande t'il brusquement, comme semblant se réveiller après un long sommeil.
Ce faisant, il se retourne sur sa (bientôt ex...) fidèle monture, et doit bien avouer, en la regardant, que le poids des ans se fait palpable malgré une plastique encore intacte. Et puis, cette tache d'huile déjà présente sur le bitume, là, juste sous ses roues...
René réfléchit : j'me d'mande si l'jeune avec la cravtouze n'a pas cherché à m'endormir en m'refourguant la KAWASUKI, se demande t’il, inquiet. Il se retourne une fois encore pour une ultime comparaison : c'est vrai qu'il l'aime bien sa vieille machine, avec laquelle il a parcouru toutes les routes de notre doux pays et celles de contrées plus lointaines.
Au fil des années, une complicité certaine s'est installée au gré des galères traversées en commun : la pluie, le vent, la neige parfois, et autant d'autres d'éléments du même acabit qui scellent la moto à son pilote en une osmose difficile à briser, voire à remplacer...
Seulement voilà, l'autre jour, ce p'tit trou du c.. de fils de p.. d'enfoi.. de mer... (si y'en a trop, rayez les mots inutiles) de Valentini l'a laissé sur place sans aucun respect, mais surtout, sans que René n'y puisse quoi que ce soit. La faute à la moto bien entendu, surtout en se faisant larguer par un pisse-feu !
Cet argument le rassure dans le fait qu'il a bien fait d'envisager le remplacement de sa fidèle, mais fatiguée compagne de route. De plus, il allait voir le jeune blanc bec...
René, regonflé, prend une grande respiration à pleins poumons (l'instant est lourd de conséquence...) et, d'un pas décidé, entre dans l'officine !
Le même vendeur est présent et, tiens !, au fond du magasin, le jeune Valentini qui passe sans le voir (p'tit c.., va !).
Le vendeur s'avance sur René, un sourire de conséquence jusqu'aux oreilles, et lui dit simplement :
" Elle se fait préparer à l'atelier, les mécanos finissent de la briquer, si vous le voulez bien, pendant ce temps on va régler les modalités de reprises et finir de rédiger les papiers. "
René se laisse entraîner et signe machinalement, sans les lire, les documents présentés.
" Elle est prête !, vient annoncer un petit gars en blouse bleue maculée de graisse, elle est où la reprise que je la descende en bas ??? "
Maintenant, les dés sont jetés, et René, avec un poil de regret, donne les clés de sa moto qu'il tenait à la main pour la dernière fois.
Le vendeur l'amène au sous-sol où sont alignés une douzaine de ponts élévateurs, avec autant d'employés affairés à des machines diverses : quelle usine !, pense t'il, d'mon temps c'était pas comme ça...
Puis, d'un coup, il l'aperçoit : elle rutile la KAWASUKI 1300 6 cylindres avec, derrière, sa plaque en WW.
Le mécano, à ses côtés, procède aux ultimes vérifications en actionnant les diverses commandes qui illuminent un tableau de bord entièrement digital ressemblant plus à un arbre de noël, qu'au bon vieux compteur - compte tour analogique de sa maintenant précédente monture.
Faut faire le tour du nouveau propriétaire et l'employé à la clé de douze s'évertue à expliquer à René le nébuleux fonctionnement de tout ce bric à brac électronique : ce dernier répond affirmativement à chaque regard interrogateur (faut pas passer pour un c..) mais, en fait, commence à se demander si cette moto est bien pour lui, lui qui ne sait même pas régler l'heure de sa montre à quartz...
Bah, on verra bien à l’usage, se rassure t'il.
Le moment de grimper en selle est arrivé (il reviendra plus tard, en boitaroues, chercher l'équipement refourgué) et, c'est en tremblant un pneu qu'il se hisse pour la première fois sur le dos de sa nouvelle monture.
Il tourne la clé, BZZZZZZ, BZZZZZZ fait le tableau de bord en affichant une multitude de couleurs. Un coup de pouce, léger, sur le démarreur, et la moto s'éveille : bizarre !, ça ne vibre pas et on entend presque pas le moulin : on dirait une bagnole, se dit René en débrayant et passant la première.
Il lâche l'embrayage doucement et sort la " bête " de l'atelier, en répondant aux salutations du vendeur et du mécano : la moto décolle lentement pour prendre la direction de la maison, mais avec un petit détour toute fois, pour la prendre un peu en main.
D'abord, cette position : René a mal aux poignets ! Pas grave, faut s'habituer au début avait dit le mécano car, maintenant, elles sont toutes comme ça et ça permet de mieux viser les points de corde... . Mouais !, se dit René, pas très convaincu... .
Par contre, p'tain la légèreté ! : c'est presque trop et il doit faire gaffe de pas trop la balancer sur l'angle car elle plonge sans aucun effort, pas comme la vieille en tout cas.
Mais avant de balancer en courbe, René a dû toucher aux freins carbone : crébondieu !, j'rentre dans un mur ou quoi ??????????? C'est vrai qu'habitué à un freinage datant de 25 ans, un double 6 pistons mordant des disques de 320 en carbone, ça déménage quelque peu !!! Va falloir faire gaffe mais au moins, y peut v'nir le jeune trou du c.. avec sa brêle d'adolescent !
Le moteur ensuite... : Haaaaaaa, ce moteur !!!!!!!!!!!!!!: ça arrache dès les bas régimes comme l'ancienne le faisait en haut !!! Pourtant, pas plus de 6000 pour le rodage, avait dit le mécano :
René obéit mais, en regardant le compteur se dit : " pas possible ! , y raconte des conneries ce truc !, j'roule quand même pas à c'te vitesse là ????????? ". Il est vrai que ce moulin délivre un couple énorme et monte en régime sans aucune vibration, alors que l'autre, elle commençait à s'prendre sérieusement pour une Harley...
Finalement le progrès a du bon se dit René en se félicitant de son achat, malgré le fait que l'électronique lui fasse un peu peur et surtout, l'oblige à remettre en question des habitudes bien ancrées depuis quelques décennies (a cet âge là, ça compte les habitudes...).
Emporté par la curiosité, René décide de continuer à rouler et prend la direction du grand Ouest ! Bon sang, quelle protection ! : On sent pas l'vent mais bon dieu c'que les repose-pieds sont hauts et les demi guidons bas !!!
Au bout d'une demi-heure, force lui est de s'arrêter car il ne sent plus ses avant-bras et quelques crampes se font sentir au niveau des articulations de ses vénérables papattes qui commencent, tout doucement, à préférer le confort d'une cheminée à feu de bois aux longues chevauchées sur deux roues.
Mais point de tout ça, se dit René, pour qui un motard, tant qu'il peut marcher, doit continuer à rouler...
Pour l'instant, ayant béquillé la belle (ça s'fait tout seul avec un truc moderne comme ça !), notre protagoniste s'évertue, au prix d'une danse indéfinie, à récupérer ses gestes fonctionnels en tentant de calmer les quelques douleurs évoluant simultanément en bas et en haut de sa vieille carcasse.
Cherchant à se rassurer, il se dit : " c'est vrai que l'inaction m'a un peu ramolli. Au moins maintenant, je vais être obligé de me bouger pour être à la hauteur d'une telle machine : ça va me faire du bien... ". La vie lui a fait comprendre depuis longtemps qu'il faut positiver chaque situation pour être capable de bien l'appréhender...
Il remonte ensuite sur la moto, la remet en route, rigole en voyant l'arbre de noël s'illuminer, et décolle de nouveau.
Un gros voyant orange se met à clignoter au tableau de bord : c'est quoi ça ?, ha ouais, l'essence, z'auraient pu m'faire le plein au complet quand même !, bougonne René en empruntant la première à droite pour s'arrêter à la petite station chez laquelle on ne vient jamais par hasard, enfin si... quelquefois !, et stoppe de nouveau.
Il retire la clé et s'émerveille en constatant un bouchon d'essence monté sur charnière (depuis le temps qu'il râle pour un truc aussi simple à réaliser...).
Glou, glou, glou plus tard, le réservoir fait Beuuuurp ! : Il est plein.
René essaye alors de trouver le totaliseur journalier au milieu de toutes ces informations : conso réelle, litres restants, distance restante : c'est comme l'âge du capitaine : il s'en fout comme de sa première chemise... . Ha voilà, ça doit être ça...
Effectivement, c'est ça, mais pour le remettre à zéro... Il a tenté pourtant d'écouter les explications du mécano mais faut avouer que toute cette technologie n'est pas de son époque.
Le gars, à la pompe à côté de lui, le regarde en souriant : " Elle est neuve cette moto, en plus c'est le dernier modèle !, félicitations !!! Attendez, je vois que vous cherchez pour le totaliseur : je vais vous aider, je suis mécano de métier et motard aussi... "
Du " de quoi j'me mêle " qu'il allait balancer à cet inconnu, René se retourne avec un large sourire et lui répond : " Ben oui, j'me sens un peu dépassé, faut qu'je m'habitue, c'est comme tout. "
Ha ???, faut simplement appuyer là ??? , constate René, un peu vexé de passer pour un c.. devant cet aimable personnage.
Il règle ensuite la note et reprend sa route.
Une demi-heure plus tard, de nouvelles douleurs se font sentir et il décide de rebrousser chemin : " Décidément, savent plus faire des positions pour des gars comme nous : la faute à ces p'tits c.. qui veulent singer les pilotes. Bon, puisque c'est comme ça, hé bien, j'vais m'y habituer et leur montrer que l'René l'est pas encore fini... "
Sur ces bonnes paroles, René regagne expressément son logis douillet, gare la moto au sous-sol, enfile ses charentaises et va s'installer dans son fauteuil préféré, MJ en main, pour profiter de la chaleur de la grande cheminée près de lui ou se consument deux énormes bûches.
Il adore de plus en plus cet espèce de " calme après la tempête" qui suit chaque roulage et lui permet d'en apprécier le contraste, des images de courbes plein la tête.

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Message par Steve Parter »

Episode 4 :

Faut persévérer, René…
150 : voilà le nombre de kilomètres inscrits au compteur de la nouvelle moto de René... C'est peu, effectivement, mais suffisant pour se faire une première idée du truc...
Nous avions laissé notre Respectable (c'est un terme généralement employé par la new génération, car ils sont polis et bien élevés...) dans le confort douillet de son fauteuil près du feu, charentaises aux pieds : il s'y trouve encore et s'interroge.
Il est vrai que not'René n'est plus de première jeunesse : la soixantaine lui va bien mais les premiers stigmates du basculement dans l'autre monde commencent à frapper à la porte...
Pourtant, au fond de lui, il est resté tel qu'il était du temps où il chevauchait de fringantes anglaises qu'on mettait en route en kickant du pied gauche (si, si, les jeunes, c'est vrai...).
Ces vénérables machines ne freinaient pas, ou si peu qu'il fallait toujours faire gaffe avant d'aborder une courbe, laquelle faisait se tordre la machine dont le cadre ne serait même plus digne d'un cyclo actuellement, et glisser joyeusement grâce à l'adhérence des pneus d'alors.
Fallait être un sacré équilibriste pour garder les 2 roues sur le bitume. De même que de bonnes connaissances étaient nécessaires pour ne pas rester en rade sur le bord d'une route en attente d'un hypothétique dépannage.
Seulement voilà, les performances étaient limitées, ce qui demandait simplement au pilote un don d'improvisation...
Avec les années, le progrès aidant, elles sont devenues de plus en plus performantes, plus faciles aussi. Mais, car il y a un mais, avec le niveau de performance grandissant, paradoxalement la facilité est allée de pair avec une exigence accrue des capacités du pilote : faut reconnaître que maîtriser 150 bourrins piaffants, même avec une partie cycle tip-top, est autrement plus exigeant qu'en maîtriser 50 avec un châssis qui avoue ses limites rapidement.
C'est sûr que tant qu'on taquine gentiment la poignée droite, la bête se plie de bonne grâce, mais après, c'est une autre histoire : faut être lucide et admettre ce qui est réellement...
Lucide, au fond de lui René l'est vraiment mais refuse de l'admettre.
Soyons honnête : à son âge, disons... mûr, René devrait avoir une femme, des enfants et petits enfants autour de lui mais, point de tout ça, c'est un célibataire endurci pour qui le mariage est le commencement de la fin, une institution qu'il a toujours fui comme la peste.
De même, dans sa condition on roule en GT ou gros custom (j'ai rien contre, une moto pour moi étant une moto, du moment qu'elle possède 2 roues, un moteur et un guidon), René non : au prix d'une illusoire cure de jouvence, il préfère souffrir plutôt que d'abdiquer car telle est sa définition du motard et de la vie en général.
Il reconnaît quand même que sa dernière acquisition, si elle le remet aux standards actuels, est une machine demandant des capacités qu'il a toujours refusé de faire évoluer pour bien affirmer ses convictions qui, comme lui, commencent à sentir la naphtaline...
Il repense aux 150 bornes parcourus au guidon de sa new machine et un truc le turlupine : comment fait on pour déhancher ?, car il a bien pigé, et admis, que ces motos actuelles ne virent pas au guidon mais avec la partie basse du corps et c'est sans doute pour ça qu'il a eu tant mal aux poignets pour ses premiers tours de roues !
Fort de cette certitude, et comme il n'a plus le choix désormais, il sait qu'il va devoir s'adapter. Et comme c'est un optimiste qui ne doute pas de ses capacités, l'obstacle sera vite surmonté et l'autre là, l' p'tit jeune qu'a encore des couches culottes, y rira moins quand René le Grand redeviendra celui qui faisait trembler ses congénères 30 ans plus tôt (l'avantage avec les années, c'est qu'on se construit son propre passé au fur et à mesure que la mémoire des autres s'estompe...).
René, remis de sa courte sortie, se lève péniblement du fauteuil qui fait tout pour le retenir, et descend au sous-sol admirer sa moto, le bouquin d'utilisation en main.
Bon sang, c'qu'elle est belle !, s'extasie celui qui, une bonne semaine auparavant, dénigrait ces " espèces de trucs tout en plastique " : ne dit-on pas que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis ?...
Voyons, voyons, par où commencer ? : Ha oui, le tableau de bord...
Il ouvre le manuel au chapitre " réglage de l'heure et remise à zéro des totaliseurs journaliers "
Pour ce dernier, c'est facile pense t'il, en se rappelant le gars à la station service : il est noté qu'il faut appuyer pendant 2 secondes sur le bouton A, presser le bouton C pendant 4 secondes et régler avec le bouton B. C'est enfantin dis moi donc, se dit il en s'exécutant (car il a remarqué que la montre retarde de 30 secondes...). Il s'exécute et... ça ne marche pas !!!
Pas possible !, se dit René, j'ai pourtant fait c'qui est écrit là-d'dans !!!
Il reste ainsi, perplexe, cherchant à comprendre, pendant de longues minutes puis, eurêka !, l'explication : il fallait aussi mettre le contact...
Il en fut ainsi du reste du tour du proprio mais, par respect pour ce bon René qui pourrait être mon père, je tairai les phases successives de la découverte de sa moto…
Une heure après, il remonta à l'étage, satisfait de lui et un peu rassuré de constater que le principal était préservé, c'est à dire que sa nouvelle monture possédait toujours 2 roues et un moteur, et quel moteur !, un 6 cylindres à injection, et en V s'il vous plait !.., lequel crachait, au bas mot, près de 200 canassons en version libre.
Heuuu, pour le débridage, on verra après le rodage et... l'adaptation : pas fou quand même le René !
Pour le reste, finalement, c'est pas si compliqué que ça à utiliser. Tiens, v'la qui s'met à régler sa montre à quartz sans la notice maintenant...
Décidément, cette moto semble faire un curieux effet sur René et, à ce train là, p'têt qu’il va nous surprendre demain, sur la route...
Car René a décidé d'une longue balade en bord de mer en empruntant de la viroleuse qui va bien, histoire de roder la bête et, accessoirement, de s'essayer à la technique du déhanché : on va voir c'qu'on va voir !..

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Episode 5 :

C’est toujours pas gagné…

Il fait un temps splendide ce matin !, constate René en ouvrant ses volets avec une satisfaction certaine : " Au moins, dit-il en s'adressant à l'effigie d'Ago qui pose fièrement, le casque en main, sur un poster épinglé à un coin de la chambre, la pis.., heuu, pardon !, j'voulais dire la route, elle va être parfaite, sans trace d'humidité : exactement c'qui m'faut pour finir de roder les pneus et m'entraîner à un type de pilotage qui nous est inconnu, mon pôvre Giacomo... . Enfin, toi, tu sais c'que j'vaux et ce dont j'suis capable ! "
Boosté par ses belles paroles, René s'en va siffloter sous sa douche un air un peu désuet, déjeune un solide café au lait-pain-camembert (ouais je sais, c'est un peu lourd le matin..., mais allez donc dire ça à René !).
La veille, il s'était passé une K7 du dernier GP prêtée par un ami : vous dire qu'il a pas tremblé aux prises d'angles invraisemblables des héros d'aujourd'hui (des gamins !..) serait exagéré, mais il a pris le temps de décortiquer les différentes phases composant l'ensemble d'un passage en courbe, en étudiant, à l'aide de moult arrêts sur image, chaque positionnement et mouvement du corps du pilote sur la machine. A la fin, il avait admis que ça ne semblait finalement pas si compliqué à reproduire et retranscrire sur la route : suffit simplement d'être un bon observateur, l'instinct et l'expérience s'occuperont du reste...
En descendant au sous-sol, son regard se posa sur la superbe combinaison de cuir, aux couleurs de la moto, qu'il était allé chercher au magasin : le vendeur avait fini par le persuader que c'était un accessoire indispensable quand on possède une telle machine et que, vu la classe du proprio, il était impensable qu'il en soit autrement et que, vu que c'était pour lui, il lui laissait à prix coûtant, ce qui fait au moins - 20% par rapport à Monsieur Toulmonde qui sera obligé de payer plein pot pour avoir la même !
Bon, voilà venu le temps de l'enfiler, cette tenue de " pilote ", et not' bon René entreprend toute une gestuelle imitant à merveille la technique d'approche de séduction d'un macaque atteint de la maladie de Parkinson pour introduire sa solide carcasse dans le cuir raide de neuf !
Quelques minutes plus tard, après quelques minutes à suer en poussant de nombreux grognements dont la signification demeure inconnue, René, au bord de l'épuisement, peut enfin remonter la fermeture éclair, terme de son calvaire..., enfin non : engoncé comme il est, il peut à peine bouger !!!
Se souvenant de la K7 visionnée la veille, il avait bien remarqué qu'un petit jeune en bleu, sur une moto portant le numéro 46 (un débutant dans la catégorie, certainement...), s'agenouillait près de sa machine pour détendre la peau du cuir, pas bête ! Au fait, c'est ce même petit jeune qui avait gagné la course : fortiche le gamin, f'ra certainement une carrière si il continue comme ça, avait commenté un René quelque peu bluffé...
Donc, il appliqua la même méthode et, en forçant un pneu, constata qu'il était maintenant capable de se pencher pour mettre ses bottes (faudra qu'il pense à s'en prendre une paire assortie à la couleur du cuir...). De plus, se contemplant à la glace installée près du lavabo, à côté de la table d'outillage, il constata avec une certaine satisfaction que son " petit problème " de relâchement abdominal s'était estompé !
Kontact ! : dziiiiiizzzzz, dziiiiiizzzzz ! fait le système d'injection pendant que l'ordinateur de bord effectue sa check-list. Un coup de pouce sur le bouton rouge situé au commodo droit et le démarreur à impulsion lance le 6 en V immédiatement dans un feulement discret mais bien présent.
René enfile son casque et ses gants, sort la " Bête " et grimpe, non sans quelques difficultés (saloperie de cuir !, ha, c'qui faut pas faire aujourd'hui...), sur la fringante machine qui semble n'attendre que son assentiment pour s'élancer à l'assaut de la route.
D'un geste décidé, René débraye, passe la une et décolle gentiment car les pneus sont encore raides de neuf, comme le reste de la machine et l'attitude de son pilote vis à vis de cette dernière...
Pendant que la moto chauffe, René tente de trouver une position lui convenant, gêné qu'il est par sa combinaison : au fur et à mesure, il constate qu'en fait, rien ne sert de forcer et que le mieux est de s'adapter à ce qu'impose le cuir qui, visiblement, est conçu pour proposer une certaine position.
Voilà déjà un point positif, pense t’il, j'ai ainsi trouvé le bon positionnement sans trop tâtonner : un point de marqué !
La moto est maintenant chaude, les pneus doivent avoir en partie éliminé la paraffine : on peut y aller !!!
Une petite rotation de la poignée droite aux alentours des 6000 tours maxi du rodage propulse immédiatement le V6 à une vitesse inavouable : au moins, roder dans ces conditions ne sera pas un chemin de croix ! Le progrès à du bon, se dit René en se penchant un peu vers la bulle, les bras près du corps et les pointes de pieds en appui sur les reposes pattes, comme à la télé.
Une courbe se présente au loin : enfin... on va savoir !..
Un petit léchage de garniture sur les galettes avant ralentit immédiatement le bolide en pleine accélération mais René décide de lâcher les freins rapidement pour garder une certaine vitesse de passage en courbe. A l'approche du point de corde, il sort les fesses, le genou visant l'endroit où il va balancer la bécane et, d'un appui prononcé sur le repose-pied, jette la moto ans la courbe...
Immédiatement cette dernière plonge à la corde avec une vivacité tellement déconcertante que René constate qu'elle file droit vers la partie herbeuse en survirant exagérément !!!
Merd.., merd.., merd..!!!, panique notre apprenti pilote qui tente de redresser la situation en appuyant sur l'autre repose-pied en se remettant sur la selle, ce qui a pour effet d'envoyer la moto de l'autre côté du virage, vers l'autre partie herbeuse (heureusement, aucune voiture ne se présente en face...). René est obligé de prendre les freins en priant que la moto s'arrête : ce qu'elle fait... la roue avant à dix centimètres de l'herbe...
Le cœur cognant comme le mono d'une BSA d'antan, René décide de s'arrêter quelques instants, histoire de décompresser un poil et d'analyser la situation : Sainte gamelle n'est pas passée loin...
Première impression : Oups !, c'est sensible ce truc..., et faut dire aussi que jamais il aurait pu passer aussi vite dans la courbe avec l'ancienne...
Bon, va falloir y aller prudemment mais déjà, il a remarqué un autre point positif : en prenant les freins elle ne se redresse pas mais faut faire gaffe car elle décélère aussi vite qu'elle accélère, cette meule !
Il reprend la route, un peu inquiet, car cette vache de bécane semble tout faire plus vite que lui.
Pour en avoir le cœur net, René tente de reprendre son style antérieur, ce qui lui permet deux constatations : 1 , le cuir n'aime pas du tout et 2 , la moto refuse de virer !
" Ben, y'a pu qu'à déhancher, mais doucement, hein ? : heureusement, y'a personne pour voir ça... ", songe le pilote en devenir.
Et c'est, à l'allure d'un Respectable, que René apprend à singer les " clowns " dont il se moquait gentiment, les mêmes qui avaient fini par le faire changer de bécane, car force est de reconnaître qu'il n'était plus vraiment dans le coup...
Seulement, cette foutue moto, elle réagit trop vite pour lui..., de même que ce sacré moulbif qui le pousse au fion comme une hémorroïde !!!
A basse vitesse, ça va encore mais dès qu'il tourne un poil la poignée, tout se complique et la bécane n'en fait qu'à sa tête : un coup trop à droite, un coup trop à gauche..., vite!, les freins !, merd.. !, redresse René !!!!!!!!!!, AYE !, AYE !, AYE ! , j'va manger grave !!!..., ouuuuuuuuuuuuf !!!!, c'est passé !
Dix fois, vingt fois le même scénario se présente, et vingt fois René manque de se mettre par terre...
Il sue de tout son corps et commence à avoir des crampes aux mains et aux avants bras, ce qui fait qu'au bout d'une heure à ce rythme, il décide de calmer le jeu et de reprendre la vitesse de croisière du Respectable en vadrouille. " Au moins, se dit-il, je suis resté sur mes roues ! "
René décide d'écourter sa sortie, car tout ça l'a épuisé et il n'a plus envie de rouler.
Sur le chemin du retour, il songe que le vendeur lui avait vaguement parlé de stages de pilotage organisés par le constructeur : un peu vexé mais lucide, il décide que va falloir qu'il étudie ça de près !
Rentrant chez lui, il ouvre la porte du sous-sol, rentre la bécane, déplie la béquille et... quesquispasssssssss ?????????????? : Cette dernière, insuffisamment dépliée, se replie aussitôt tandis que René tente vainement de retenir les 250 kilos attirés par l'attraction terrestre !..
Il n'a que le temps de retirer sa jambe et la moto se couche au sol !!!
Haaaaaaan !!, fait-il pour la redresser... et constater que le rétro gauche, avec son magnifique cligno intégré, pendouille lamentablement comme son appareil génital, l'autre jour, alors que le plus dur avait été fait avec Josette, la fleuriste du coin (mais chuuuuut ! : ça, j'ai pas le droit de le dire..., vous le gardez pour vous bien-sûr ! ...) !
Hé oui, Sainte Gamelle, sans aucun doute exaspérée par son don de récupération en situation cata, avait décidé d'avoir le dernier mot...
René, furibard, enlève rageusement son cuir et, après une douche froide, décide de regarder un bon vieux western sur le câble pour se changer les idées : demain sera un autre jour...

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Episode 6 :

Un stage de pilotage, t’es sûr… ?

Au chapitre précédent, nous avions laissé notre Vénérable, furibard, digérer sa défaite...
Mais point de réussite sans travail : seule la persévérance paye !
Comme on dit : c'est en forgeant qu'on devient forgeron et c'est en sciant que Léonard... de Vinci !
L'erreur de René, il en est conscient, c'est d'avoir surestimé ses acquis (ne lui jetons pas la pierre, avec l'âge, on est tous comme ça, sauf moi bien entendu...).
Voilà ce qu'il a médité toute la nuit suivante et, au petit matin, il a enfourché sa belle légèrement égratignée pour filer chez le marchand de tapis rechercher un rétro (heureusement, la moto n'a que ça !).
Un peu honteux, il pousse la porte du bouclard et tombe nez à nez avec le Valentini, lequel lui lance un " B'jour M'sieur ! " avec un air un peu malicieux...
René ne réagit même pas, grognant un simple " S'lut !, tu vas bien ? ", en baissant la tête (voilà qui ressemble fort au syndrome Rossi dont souffre notre bon Biaggi, trouvez pas ?).
La queue entre les pattes, il se rend au magasin pour commander un rétro de KAWASUKI V6 au magasinier qui le regarde, l'air faussement dépité pour son propriétaire : " Vous avez chuté ? ", lui demande t'il.
" Heuuuuuu, non !, répond René, c'est un p'tit c.. qui a fait tomber ma moto en la regardant de trop près... ". La voix s'est faite hésitante et il a un peu baissé les yeux en disant ça : c'est que René n'est pas menteur dans l'âme, mais va t'en dire, quand tu possèdes un tel vécu, que tu t'es vautré lamentablement en la béquillant !
" Ben M'sieur, vous l'aurez demain : je l'ai pas en stock, car en principe, on en change pas tous les jours avec ce type de machine. C'est pas de chance pour vous, elle est toute neuve... "
Y's'fout d'ma tronche le nain hydrocéphale ou quoi ?, songe René en ruminant intérieurement, j'ai l'impression qu'il a pigé...
Il fait un énorme effort sur lui-même pour se reprendre (pas donner l'avantage à l'ennemi surtout), et répond : " Ouais, les jeunes n'ont plus aucun respect de nos jours... "
En disant ça, il se tourne pour jeter un coup d’œil vers Valentini, lequel est affairé auprès d'un client.
" Bon ! A demain donc... au fait ?…Ca coûte combien ??? "
" Beeen..., ça fait tant ! "
" QOAAAAAAA ? !!!!!!!, à ce point là ?????? !!!!!!!!!!! "
" Ben ouais ! : c'est un haut de gamme et y'a un clignotant intégré... "
" D’toute façon, j'ai pas l'choix !, bon, à d'main... "
" A d'main M'sieur ! ", répond l'employé en passant aussitôt à autre chose.
Au moment de sortir du bouclard, René aperçoit le perroquet en cravtouze qui lui a vendu sa meule, lequel vient vers lui avec un large sourire :
" Mooonsieur Gédeufoitrentans !!, cooomment allez-vous ?, et la moto, ça roule ???? "
" Ouais !, au poil !!!, répond René, c'est vraiment la machine qu'y m'fallait. J'étais v'nu commander un rétro rapport à un p'tit c.. qu'a fait tomber la brêle en l'approchant d'un peu trop près !!! "
" Pas de chance, enfin..., vous en êtes content, c'est le principal ! "
" Pendant que j'te tiens : tu m'avais parlé de stages de pilotage... . Ho ! , c'est pas qu'j'en ai vraiment besoin mais j'ai envie de me faire plaisir avec ma moto, dès qu'elle sera rodée. Au fait, j'pense en avoir terminé dans un jour ou deux, j'peux t'l'amener dans la s'maine si y'a d'la place pour la révision des mille ? "
Le vendeur va consulter l'atelier et revient en disant : " Oui, après demain 09h00, c'est possible... "
René songe soudain qu'il doit d'abord récupérer le rétro, le monter et rouler les 700 kms restants en une seule journée : ça fait beaucoup pour un seul homme qui n'a plus vingt ans...
" Heuuu, le jour d'après me conviendrait mieux... "
Un rapide coup de bigo : " Ok, ça marche ! ".
Comme René semble hésitant à le quitter, le vendeur se souvient : " Ah oui, les stages ! : venez avec moi, on va voir ça ! "
Le binôme s'installe à un bureau et le cravaté commence, en tendant un dépliant à son client :
" Comme vous le savez, l'importateur organise des stages pour ses clients privilégiés sur le circuit du Mans, dans la Sarthe. Les tarifs sont bien entendu préférentiels pour quelqu'un comme vous qui venez d'acheter le fer de lance du constructeur.
Le stage dure trois jours, l'hébergement est compris et le moniteur n'est autre que Christian Sarron ! Il y en a un dans quinze jours et je dispose encore de deux places disponibles, faut faire vite ! "
" Ok ! , vendu ! : ce n'est pas que j'ai réellement besoin de ça car, à mon âge, on commence à avoir fait le tour de la question mais j'ai envie de voir c'qu'elle a réellement dans l'ventre, ce qui, sur route, n'est pas possible... ", répond René qui, bien malgré lui, n'a pu s'empêcher cette petite phrase...
Il songe soudain qu'il ne sera pas seul à ce stage : pourvu que personne ne le connaisse car il s'est bien rendu compte que dompter les 200 CV de sa bête n'était peut-être pas aussi facile qu'il l'avait imaginé au début...
Et va falloir déhancher...
René quitte alors le bouclard en se demandant dans quelle galère il s'était encore laissé entraîner mais, pour se faire une raison, il se dit que, toute façon, faut qu'il en passe par là s'il veut être capable de dominer sa bécane.
En attendant, de retour chez lui, pour se vider la tête, René décide de sortir son matos de pêche pour aller taquiner le goujon à l'étang du coin (autre habitude sacrée de tout Respectable digne de ce nom).

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Episode 7 :

Où René commence enfin à piger le mode d’emploi…

Donc, René, après une nuit à cogiter la nouvelle embrouille dans laquelle il s'est fourré : un stage de pilotage oblige à dévoiler ses faiblesses au yeux des autres et il n'est pas possible de tricher dans ce cas là mais, comment faire autrement s'il veut apprendre à bien maîtriser la bête qu'il s'est fait sournoisement refourguer ?...
Mais pour l'instant il y a un rétro à récupérer et monter, sans compter le rodage à terminer (ce qui permettra de continuer l'apprentissage de ce truc qui a évolué plus vite que lui...).
Sitôt prêt, il sort la V6 du sous-sol, jetant un regard au rétro pendouillard, s'équipe (pas le cuir, trop long à mettre...) et démarre la surpuissante mécanique qui feule immédiatement en douceur sur son ralenti grâce aux bienfaits de l'injection.
René décolle ensuite gentiment et se rend au bouclard qui doit être ouvert à cette heure.
Pénétrant dans l'officine, il se rend immédiatement au comptoir " pièces détachées ", et s'adresse au magasinier présent derrière le comptoir :
" Salut mon gars !, t'as r'çu mon rétro ? "
" Bonjour M'sieur, le camion de livraison est présent en bas : si vous voulez bien patienter quelques minutes, je vais vérifier si je l'ai... "
" Pas d'problème, ça marche ! "
René en profite pour le tour du magasin et... tombe nez à nez avec Valentini !..
" Bonjour M'sieur Gédeufoitrentans !, alors comme ça j'ai appris que vous serez présent sur la liste du stage au Mans ? Moi aussi, je serai présent pour préparer ma saison !… "
Douche froide pour René !!!
Décidément, songe t’il amèrement, j'ai pas d'bol : y va êt' présent l' jeune blanc-bec... . J'les accumule en c' moment !
" Ben ouais, à mon âge il faut parfois penser à se recycler, répond t'il en ajoutant, faut dire que maîtriser 200 canassons sur l'angle, à mon époque, le problème ne se posait pas sous cet aspect là : nous, on devait composer avec des motos qui se tordaient en courbe et ne freinaient pas, maintenant, elles pourraient être pilotées par ta grand-mère, mais c'est l'moulin qu’il faut domestiquer. Heureusement, c'est pas d'hier que j'fais d' la moto : faut simplement que j'm'adapte... "
" Oui !, j'ai vu l'autre jour, avec votre ancienne... , lance perfidement le jeune effronté, mais bon !, avec celle-là vous pouviez pas faire plus... . Vot' V6 c'est autre chose !, et j'ai hâte de voir comment elle va se comporter sur la piste... "
René lui lance un regard noir en répondant : " On f' ra c' qu'on pourra... ", puis il retourne vers le comptoir car le gars en blouse est de retour.
" Voilà le rétro : z'avez pu qu’à l' monter... . Ca vous fait tant ! "
René règle et sort rapidement : pas envie de rester plus longtemps la dedans !
Il rentre chez lui rapidement en songeant que maintenant, quoi qu'il arrive, il va être obligé de se sortir les doigts du c.. : son honneur est en jeu !
Remonter le rétro fut un jeu d'enfant, mis à part ce " bon dieu de foutu cache en plastique " fixé par une minuscule vis que sa vue déficiente refusait de décoder...
Enfin, après un quart d'heure de jurons en tous genres (heureusement qu'il ne va pas à confesse !..), René est fier de lui : le rétro est posé et la machine neuve comme avant.
Ceci terminé, il s'équipe de son cuir, lequel commence à se faire à sa morphologie, et décide d'aller rouler, sans but précis, juste pour bouffer de la borne.
Le temps reste obstinément au beau fixe, constate René avec satisfaction, tandis qu'il décide de tirer Sud-Ouest.
La moto chauffe gentiment et il en profite pour tester différentes positions à basse vitesse : pour l'instant, ça va et la machine se comporte de manière satisfaisante.
Une vingtaine de kilomètres plus loin, pilote et moto sont maintenant prêts à en découdre avec le ruban d’asphalte !
GAAAZ ! : VROOOOAAARRRRR !!!!, fait le V6... et OUUUP'S !!! fait René, le nez plaqué contre la visière du casque et les bras tentant de résister à l'accélération proportionnelle à sa résistance musculaire (et encore, il se cantonne à 6000, la zone rouge étant à 10500...).
La vache ! : Ça pousse velu ! s'exclame t’il à chaque fois qu'il tourne la poignée droite !
René s'extasie encore et toujours de cette poussée particulièrement jouissive. Oui mais ça, c'est en ligne droite car déjà, une courbe se profile au loin...
Rester calme !, pas se déconcentrer surtout...
100 mètres..., 50 mètres..., la moto est toujours en pleine accélération !
René ne quitte pas le point de corde qui se présente maintenant à lui, 2 doigts sur l'embrayage et 2 doigts sur le frein avant...
Lentement, il actionne le levier droit en tendant les bras : Wouuuf ! , fait la moto sous l'effet de la morsure des plaquettes sur les disques carbone...
" T'énerve pas René, bien en ligne vas y : freine plus fort ! , bien en ligne j't'ai dit, FREIIIIINE !!! ".
Cette fois encore la machine donne l'impression de rentrer dans un mur mais ne se désunit pas, merci l'A.B.S. !
Le genou sorti, il fait maintenant plonger la moto à la corde, d'un léger appui sur les cale pattes, gaz coupés :
" Ca passe, ça passe, ça PASSE... , c'est passé !!!
Le 1300 a viré d'un bloc exactement sur la bonne trajectoire...
Ouais ! : ça y' est !!! , jubile René en remettant la sauce, moto encore inclinée sur l'angle...
Cette dernière, sous l'effet du couple démoniaque généré par l'optimisme de son pilote à tourner la poignée, se met aussitôt à dériver de l'arrière !…
René sent un frisson le parcourir tandis qu'il coupe immédiatement, ce qui pour effet de produire une amorce de guidonnage suite à la remise en ligne immédiate de la grosse sport GT...
La moto se met aussitôt à gigoter furieusement de droite à gauche, puis de gauche à droite au grand désarroi d’un René au comble de l’épouvante.
" Ca passe, ça passe, ça PAAAAAAAAAASSSSSSSSSSSEEEEEEEEEE !!!, répète t'il de nouveau en croisant les doigts dans sa tête, c'est paaaaassé !!! ", constate t'il avec un soulagement non dissimulé !
Un enthousiasme plein d'orgueil fait place immédiatement au sentiment de panique précédent :
" Mon p' tit René, t'es vraiment un bon : Ago lui-même n’aurait pas fait mieux... . Finalement, c'est pas compliqué : faut rester calme et concentré, l’expérience et le talent faisant le reste ! "
Heureux comme toi le jour où t'as emballé la frangine de ton pote malgré ta laideur, René se jette maintenant de courbe en courbe avec un entrain sans cesse croissant : faut croire qu'en matière de pilotage, la confiance joue énormément car notre bonhomme, ragaillardi par ses exploits, en remet et... ça passe !!!
Au bout d’un moment, c'est le physique qui crie grâce..., et René décide d'une halte au troquet du coin, à l'entrée de ce village.
Celui-ci est tenu par Germaine, laquelle aurait pu se trouver sur les mêmes bancs d'école que notre motard préféré. Lorsqu'elle voit arriver ce fringant motard sur sa rutilante machine, elle sent frissonner tout son être : toute sa vie elle en a rêvé de grimper derrière ces fringants bolides mais son père a toujours refusé, mariée jeune, son époux n’a jamais aimé la moto, maintenant qu'il n'est plus là, sa vie commence à se regarder dans le rétroviseur, et il y a ce foutu bar dont elle doit s'occuper pour vivre !
Lorsque René enlève son casque, elle se précipite immédiatement, réajustant son chignon :
" Bonjour M'sieur !, belle moto que vous avez là !, venez, venez, installez vous à l'intérieur : j'vais vous servir et on va causer bécane, dit-elle en se rapprochant plus que de convenance vers René, allant même jusqu' à lui toucher la main, vous avez une sacrée allure là-dessus !!! "
René se demande sur quelle espèce d' hystérique il a bien pu tomber, surtout que cette dernière n'arrête pas de le dévorer des yeux en roucoulant et papillotant des paupières.
Il fait mine de la suivre et, dès qu'elle a le dos tourné, ré-enfile son casque et se précipite vers sa moto comme pour un départ des 24 heures !
" Au s'cours !!!, elle est malaaaade, la vieille !!!! ", se dit-il en démarrant brusquement ...
" Encore raté ! ", soupire la vieille dame en retournant tristement derrière son comptoir.
René n'a plus soif tout à coup : il roule, roule, roule, s'arrêtant juste pour ravitailler et manger un casse-croûte sur le bord de route par le biais d’un commerçant ambulant.
Puis il reprend la route, les kilomètres défilent et le soir commence à tomber, en même temps que la fatigue se fait sentir (cette foutue position, il s'en accommode finalement, mais ses avant-bras pas encore...).
Une nuit d'hôtel, la route du retour et la moto affiche maintenant presque mille bornes lorsqu'il regagne son domicile... .
De retour chez lui, un courrier l'attend dans sa boite aux lettres : c'est son frère jumeau Maurice, motard comme lui (mais lui assume son âge et roule en custom, comme quoi les caractères...), qui lui annonce sa venue dans 15 jours !
" Chouette !, s’exclame René, il va pouvoir m'accompagner au Mans ", se réjouit-il, rassuré de la présence d'un proche dans l'épreuve qu'il va devoir surmonter...
Inutile de dire que René a dormi d'un sommeil profond cette nuit là...

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Episode 8 :

Va encore falloir progresser…

Donc ce bon René se réveille de bon humeur ce matin, car il a de quoi se réjouir : enfin il a commencé à trouver le mode d'emploi lui permettant de rouler " correctement " avec sa nouvelle bécane, c'est à dire en dépoussiérant son style " j'bouge pas d'la selle et j'rentre les coudes en courbe " qui, s'il a prouvé son efficacité il y a un temps que les jeunes de maintenant ne doivent pas connaître (faut avouer que l'arrivée des ricains qui savent pas tourner en gardant les roues en ligne a quelque peu bouleversé la donne dans le petit monde du Continental Circus et, par effet rebond, sur la production de série qui n'a jamais cessé d'évoluer dans ce sens...), avec une moto contemporaine, si on sort pas le genou, ben la brêle elle va tout droit et tu passes pour un blaireau.
Bref, René avait été touché dans son orgueil d'avoir d'abord été humilié par le jeune Valentini Rosso, alors qu'il était encore en possession de sa précédente " vénérable ", et humilié par le fait que sa nouvelle bécane refusait de se plier à son style. Mais René avait persévéré et il était maintenant sur la bonne voie pour sortir correctement d'une courbe...
La deuxième bonne raison est la venue de Maurice, son frère jumeau, lequel est motard lui aussi.
A la différence de René, Maurice se fiche du poids des bougies faisant crouler le gâteau chaque année : il vit en assumant sa Respectabilité et roule comme il se doit sur une YAPAPA 1100 VIRAGRO, un custom qui doit son nom à son allure " pachydermique " et qui, comme l'animal précité, est d'un caractère plutôt placide. Ce qui convient tout à fait à un motard obligé d'ajuster ses lunettes pour regarder dans le rétro...
Maurice lui avait envoyé un courrier la veille lui annonçant sa venue dans la région d'ici une bonne dizaine de jours, et René appréciait vraiment la compagnie de son frère, même si ce dernier avait pour lui les paroles d'un père gonflant son fils en lui répétant sans cesse de grandir.
Il allait ainsi passer quelques jours à la maison, ayant ainsi la double surprise de découvrir la V6 et de voir son " pilote " de frère la piloter sur le prestigieux circuit Bugatti !
En repensant au stage qui l'attendait, la bonne humeur de René s'assombrit un peu : c'est vrai qu'il allait devoir y affronter ce jeune trou du c.. de ROSSO, digne fils de son père par l'attitude, et il n'avait pas le droit à l'erreur car l'autre ne manquera certainement pas d'en faire écho...
Allez, ce jour est consacré au nettoyage du " monstre " avant la révision de demain : René, en méticuleux qu'il est, prépare ses éponges, ses brosses à dent pour aller dans les coins, un seau d'eau chaude avec du produit à vaisselle et son tuyau d'arrosage.
Un chiffon dans les embouts d'échappement, un coup de flotte sur l'ensemble et... chauffe Marcel !
René, en tirant la langue et en jurant toute une bordée de noms d'oiseaux et d'invertébrés non encore répertoriés par les naturalistes, s'acharne, au comble de contorsions à faire frémir un Fakir diplômé, à vaincre l'inaccessibilité des recoins de la " bête "..., foutu progrès !
Ses voisins, alarmés par les cris poussés, se précipitent pour jeter un oeil par dessus la barrière :
" Ha !, c'est pour ça tout ce vacarme, mon bon René !: on croyait qu't'avais trouvé une bonne femme... Tu nous as fait peur ! Bon travail... "
René, un peu vexé par cette remarque du voisin, se mord la lèvre et jette un regard noir envers sa moto qui n'en demande pas tant...
" D'mon temps, on s'emmerdait... pas comme ça : 2 boulons et hop !, la moto était démontée...
Reste calme, mon p'tit René : toute façon, faut s'y faire ! ".
Deux heures plus tard, c'est une KAWASUKI rutilante comme les outils au tableau de ton atelier, tu sais ?… Ceux qu't'as accroché pour faire croire que t'étais un crac en mécanique ?… Qui trônent à l'entrée du sous-sol !
René est fier de lui, un peu haletant aussi après tant d'efforts...
Il décide d'aller se doucher pour ensuite pêcher à l'étang du coin (il l'avouera pas car ça fait " vieux " … mais c'est un passe temps qui lui plait presque autant que la moto !).
Le soir, pour passer le temps, il regarde sur Eurosport, la retransmission de la finale du mondial Superbique pour assister, dépité, à la défaite de Régis LACONNERIE (là, j'm'en veux un peu car c'gars là, j'l'aime bien) fasse au rosbif To The Land (quel nom idiot !). L'aime pas les Angliches le René, même si, en son temps, il a beaucoup roulé sur leurs pisseuses d'huile !..
Demain est un autre jour, dit-on, et aujourd'hui est celui de la révision de Gamine (ainsi l'a baptisé René), la V6 : son premier passage à l'atelier !..
René n'aime pas que quelqu'un d'autre touche à sa moto et, c'est avec une certaine retenue qu'il tend les clés au mécano pour la descendre au sous-sol du bouclard.
Mais qui vient là ? : Bravo !, t'as gagné un autocollant du PSG, car, effectivement c'est bien de Valentini qu'on parle...
Pendant que René fait les cent pas dans le magasin en faisant mine d'ignorer le gamin, ce fourbe l'aborde d'un joyeux : " B'jour M'sieur !, bientôt le jour J pour le stage, hein ? ... "
" Y'me cherche cui-là !, bougonne René intérieurement, va finir par me trouver... ". Se reprenant, au prix d'un effort surhumain, il lui répond toute fois : " Ouaip !, mon p'tit, ça approche et la brêle va être prête pour ça, moi aussi d'ailleurs... "
" J'vais faire le stage avec une TUMATRAPRAPA 1000 REPLICA, préparée par le chef mécano : c'est celle avec laquelle je vais participer au championnat promosport l'an prochain... ".
" C'est bien, répond René, mais t'es pas un p'tit peu jeune pour un truc comme ça ? "
" Pas plus, répond l'effronté en riant, que vous dans l'autre sens avec la votre ! "
Paf !: dans l'blair !..
Répond pas René..., surtout répond pas !
Il fait mine de prendre ça à la rigolade, tout en accusant le coup :
" Tu sais, comme on dit : c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe... "
" ... A condition de pas la laisser croupir trop longtemps, répond Valentini en lui lançant un petit clin d’œil puis, redevenant sérieux, je rigole mais je vous admire d'être encore comme ça à votre âge: bel exemple de passion !… "
Flatté et blessé à la fois, René se contente de le remercier d'un signe de tête.
" Au fait, reprend Valentini, j'ai une TUMATRAPRAPA en démonstration : si ça vous dit de l'essayer pendant la révision de la vôtre, j'aurai ainsi votre avis sur cette machine ? "
T'aurais fait quoi, toi ?...
La bête est dehors, toute ramassée et prête à bondir : les bracelets au ras du bitume et les repose-pieds à la hauteur du dosseret de selle !
René n'aime pas trop ces engins qu'il qualifie de " gamineries à roulettes " : ben ouais, y'a rien pour attacher un sac, même pas une béquille centrale et cette position, grotesque, qui lui donne l'impression que l'mimile qui l'suit, y va l'prendre par derrière... . Mais enfin, faut faire plaisir au gosse et lui montrer qui on est...
René lève la patte pour enfourcher la moto : boudiou qu'elle est haute !
Au prix d'un effort qu'il tente de cacher, il parvient à se hisser sur le dos de ce truc hyper raide où il a l'impression d'être assis sur le cadre. Se penchant pour attraper les demi-guidons, il manque de se cogner le casque sur le té de fourche supérieur : bordel, c'que c'est qu'cette position, songe t'il en redressant la tête, ce qui a pour effet de faire craquer ses vieilles cervicales...
Première, c'est parti : René à la désagréable impression d'être assis sur la fourche, de plus, ses jambes lui font déjà mal au niveau des articulations alors qu'il n'a pas encore fait 500 mètres...
Tant bien que mal, il tente d'appréhender cet engin de torture et commence à mettre gaz : AUUUUUUU S'COUUUUUUUUUUURS !, s'effarouche t'il en se demandant s'il ne vient pas de déclencher la troisième guerre mondiale en tournant la poignée de gaz !..
Le monstre a bondi brutalement en avant, sans aucune inertie, dans un hurlement déchirant, pour le précipiter dans la 4ème dimension !
Il tente désespérément de s'accrocher aux bracelets qui ne demandent qu'à lui échapper des mains tandis qu'il se retrouve scotché le c.. au dosseret et les yeux dans les orbites !
De plus, l'avant de la moto a quitté le sol et monte à l'assaut des cieux !
Il coupe aussitôt, effrayé par les réactions de cet engin de fou...
" C'est pour les malades, ce truc !!!, pense t'il, un peu inquiet, heureusement que j'ai pas fait ça en courbe... "
En parlant de courbe, en voilà une petite qui se profile à l'horizon : René fait alors comme avec la sienne sans imaginer que celle-ci pèse quelques cinquante kilos de moins que la sienne...
La moto, après un freinage timide (on sait jamais...), plonge alors franchement au point de corde, tellement, que notre " Respectable " ne peut éviter une incursion dans l'herbe !!!
La TUMATRAPRAPA fait alors une embardée que René récupère sans trop savoir comment (manquerait plus qu'il la flanque par terre...).
Il décide d'arrêter les frais et de ramener ce " truc de fou " au bouclard en traînant sur un filet de gaz pour pas rentrer trop vite !
René, en rendant les clés à Valentino, s'efforce de ne rien laisser paraître (faut pas donner d'avantage à l'adversaire...) en lui déclarant que : " Ouais..., faut voir sur une piste car sur la route elle est pas franchement à sa place c'te meule... "
Il songe aussi que Valentini va en baver grave avec un tel engin...
Sa moto est prête ! Il la récupère avec une satisfaction non dissimulée en retrouvant une position qu'il juge immédiatement plus en accord avec lui-même.
Attention toute fois, avait précisé le mécano : elle est débridée maintenant et fait pas loin de 200 canassons !
Rien à voir malgré tout avec l'autre, constate René avec soulagement et, rassuré de retrouver une telle facilité après la tempétueuse furie précédente, tourne le truc à droite à fond, pour voir...
VROOOOOAAAAAAOOOOOUUUUUUUUUUUU !!!!, fait aussitôt le V6 avec une force encore supérieure à la TUMATRAPRAPA !!!
Coupe, René, coooouuupe !!!
Il revient aussitôt sous la barre des 6000 et rentre chez lui bien perturbé en enroulant comme il le faisait avant la révision...
Rentré chez lui, il décide de prendre une bonne tisane et de s'allonger dans son fauteuil préféré pour digérer tout ça : il a eu son compte d'émotions pour la journée...

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Steve Parter
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Episode 9 :

La confiance s’installe…

Comme d'habitude, nous retrouvons René, de bon matin, sitôt après le lever : ben, en fait..., il a pas passé une bonne nuit, malgré une fatigue justifiée !
Faut se mettre à sa place : vous imaginez vous, franchement, après tant et tant d'années de pratique axée dans l'immobilisme, sauter le pas d'une évolution de trois décennies ? J’vous l'demande...
Bon, qu'il se fasse peur avec une hypersport actuelle, même s'il ne l'avouera pas, il s'en doutait un poil..., maintenant qu'il lui arrive la même chose en tournant le truc à droite sur sa meule perso, ça, il doutait de rien l'animal !
Et pourtant, un truc de 200 dadas avec un couple énorme comme les cuisses à ta rombière, par rapport à son vieux tromblon qui fut certainement honorable en des temps reculés, faut pas avoir une boule de cristal pour imaginer qu'il puisse y avoir comme une certaine différence de caractère moteur... . Un peu comme si, toi, avec le lamentable niveau qui te permet tout juste de te déplacer d'un point A à un point B, on te mettait les fesses sur la M1 à Rossi : tu vois c'que j'veux dire...
L'est plus tout jeune, l'ami René, et il est bien obligé d'admettre ce fait... au moins en partie.
Pourtant, le fait d'apprendre, avec un début d'assimilation quand même, les secrets du genou visant le point de corde (si on lui avait dit un truc pareil il y a trois semaines...), l'avait quelque peu réconcilié avec la confiance en ses aptitudes à être le Pilote qu'il pensait avant ce jour funèbre ou ce jeune sans gène de Valentini l'avait laissé sur place, alors qu'il était en lutte avec Ziva, champion de sa rue toute catégorie !…
Ben..., c'est pas tout ça mais, dans une dizaine de jours, c'est direction le Bugatti ! Faut pas traîner pour tenter de domestiquer une partie au moins du haras ayant trouvé demeure dans le cadre de la KAWASUKI !!!
René enfile donc son cuir, lequel maintenant est presque ajusté à son physique de star (laissons lui au moins ça...), pour sortir Brigitte (il a ainsi re-baptisé Gamine en souvenir d'une vedette du temps passé dont la télévision vient de proposer une énième diffusion d’un de ses grands classiques...), sa V6.
Contact : dzzzzzzzzz !, dzzzzzzzzzz !, fait l'injection, Vroaaaaaaarrrr !!!, fait le moulbif libéré en s'éveillant...
" Mer.., se dit René, c'est vrai qu'elle fait un autre bruit maintenant : va falloir que j'fasse gaffe à pas trop ouvrir sur l'angle ! J'vas p'têt tenter de l'apprivoiser en ligne droite, c'est plus prudent... . Pourvu qu'j'tombe pas sur l'Ziva ou l'Rosso avant d'êt' capab' de trajecter comme quelqu'un d'ma condition... "
C'est avec un sentiment mitigé entre peur et fierté, qu'il démarre, bien décidé à dompter la bête !
Brigitte chauffe lentement, mais chaque rotation de poignée la fait bondir dans les tours en tortillant de la croupe : sorte d'avertissement rappelant à René de la maintenir sous la barre des 6000 le temps que les pneus montent en température.
Même à ce régime, auquel notre Vénérable s'est habitué depuis qu'il la pilote, le V6 souffle déjà fort !
Il en profite pour soigner sa position, pensant à bien sortir le genou (même si ce dernier est encore bien loin du sol...), léchant les freins juste ce qu'il faut pour permettre à Brigitte de se placer vers ce foutu point de corde qu'elle commence doucement à tutoyer de son train avant.
La confiance commence à s'installer au fur et mesure des passages en courbes et autres ronds-points : René, bien que concentré à chaque réaction de sa bête, sent le calme l'envahir, de même que la fierté de trajecter propre en ayant le sentiment de commencer à dominer son sujet !
Une longue ligne droite se présente soudain devant lui : Brigitte est maintenant en état de supporter quelques milliers de tours supplémentaires...
Allez !, un p'tit coup à 7000, pour voir... : René se raidit légèrement tandis que le V6 propulse l'ensemble en avant avec une hargne non dissimulée !
" Wahouu !, rigole René dans son casque, c'est pas du mou d'veau ! ".
Une fois, deux fois, trois fois: le respectable s'habitue lentement mais sûrement au caractère de sa Brigitte...
Un pt'it coup à 8000 pour voir ?
WRAOUUUUUUUUU !!!, fait le 1300 en devenant carrément féroce : là, René redevient sérieux, surtout en regardant le chiffre inscrit au compteur de vitesse ! Ses bras aussi commencent un peu à s'inquiéter...
Heureusement pour lui, les Zombleux sont pas d'sortie ce jour !
On s'habitue à tout dit-on ?: petit à petit, René s'adapte aux frasques de la " jeunette "... en ligne droite !
Mais dis moi donc ?, c'est quiquédevant ??? : non, non, pas Valentini (heureusement pour lui ...), c'est... Ziva !!!
Peut pas faire autrement que d'le ramarrer au train à c't'allure !
La V6 fond comme un faucon sur sa proie et dépose carrément le jeune qui n'a rien vu v'nir !!!
Mais Ziva, ce jour là, ne l'entendait pas de cette oreille (lui aussi il a sa fierté !..) et soude la poignée pour tenter de suivre la KAWASUKI...
" Mais..., y'm'suit c'bargeot, constate René dans son rétro, ben cette fois-ci, j'va êt' obligé de rester d'vant... ", s'inquiète t'il un peu quand même, car Brigitte est pas une fille facile à emmener ainsi dans les tours !
Ziva cravache son Hypersport en se couchant derrière sa bulle : la sienne non plus elle boîte pas...
René est de plus en plus nerveux, et il peut pas dépasser les 8000 car ses p'tits bras commencent à donner aux abonnés absents !!!
Au loin, une courbe se profile déjà et Ziva est toujours en aspi...
" Coupe pas René ! , coupe pas surtout, pense le Respectable, un oeil dans le rétro, y'm'lâche pas le chacal... "
La Kawasuki hurle en crachant ses bourrins au pneu arrière, le morbak de Ziva collé à sa plaque : 100 mètres, 50 mètres..., les disques carbone sont soudain portés au rouge tandis qu'un truc intergalactique déboule devant René en... tirant tout droit !
Le Vénérable inscrit Brigitte dans la courbe : la moto s'exécute d'un bloc malgré la vitesse de passage en courbe (mais c'est qu'il va devenir bon l'ancien !..), puis René fait demi-tour...
Le brave Ziva, obnubilé par le feu rouge du 1300, n'a eu que le temps de déboîter sans freiner : heureusement pour lui, le champ en face est plat, un peu boueux, mais plat...
René béquille Brigitte sur le bas-côté et demande : " Alors petit, ça va ??? T'es pas fou d'essayer de m'accrocher avec ta mobylette ??? Attend, j'vais t'aider à la sortir du champ ! ".
Le pauvre Ziva, reconnaissant René, passe par toutes les couleurs de l'arc en ciel et ne peut que bredouiller : " Ha ?, c'est toi ???, t'as changé d'brêle ??? " Intérieurement, il se dit que si même les vieux s'y mettent, y va bientôt devoir penser à passer au tricot, en regardant tristement sa magnifique sportive maculée d'une terre bien grasse (heureusement, il l'a pas flanquée par terre !)...
René et Ziva, après bien des efforts, finissent par réussir à sortir l'engin d'un terrain pas trop fait pour elle.
Le vieux propose au jeune : " Allez, j'te paye une bière au bistrot du coin ! ".
" Heuuu, non merci René, pas dans cet état..., j'rentre chez moi ! J'peux te d'mander un truc avant d'partir ??? "
" Dis toujours... "
" Ben..., tu l'diras pas, hein ??? "
" T'inquiète !, mais la prochaine fois, joue pas avec les grands... ", répond René en redressant le torse.
Et le Vénérable décide d'arrêter les frais pour aujourd'hui en prenant le chemin du retour, pas mécontent de sa sortie...
Demain, la V6 prendra de l'angle dans les tours, c'est sûr...

Episode 10 :

Tu connais pas l’frangin ??? Il arrive…

Lentement, il se dirige vers un coin de l'atelier, en sort un vieux carnet et note un nom : ZIVA, qu'il barre d'un trait énergique en lâchant un " c'est fait, et d'un ! ", le rictus au bout des lèvres.
Vraiment pas sérieux pour son âge, le Respectable...
Pendant les jours suivants, il s'entraîne à domestiquer Brigitte et, savez quoi ? : ben, on dirait qu'il commence à y arriver. La preuve ? : même ses avant-bras suivent à présent le mouvement !
Bon, remettons les choses dans leur contexte : bien évidement, s'il tombe sur moi, la désillusion sera bien réelle, mais par rapport à toi, il me semble capable de tenir la dragée haute... . Si, si !
René sait maintenant prendre les freins en jetant la moto à la corde, et non en ligne. Mieux : la puissance du V6 ne le surprend plus comme avant et il remet la sauce de plus en plus tôt en sortant des courbes.
Comme quoi, quand on veut, on peut ! : même toi, j'en suis certain, quoique...
Les jours suivants, les progrès deviennent bien réels et la KAWASUKI se dit qu'enfin, elle va pouvoir se dérouiller les bielles (au moins, le rodage aura été fait sérieusement : c'est important le rodage !), que finalement l'ancien est pas usé qu'il parait aux premiers abords...
Tiens !, René est tellement remonté qu'il décide d'aller faire un tour au bouclard en prétextant l'achat d'une paire de botte, juste pour aller narguer l'morpion !
" Salut mon p'tit gars, t'es prêt pour le stage ? ", demande t’il sur un ton qui ne manque pas d'intriguer Valentini, lequel répond aussitôt :
" Ben..., moi, y'a pas de blèm' sur la question, mais toi (il décide de le tutoyer car ce vieux schnock commence à le gonfler avec ses grands airs. Quand on est jeune, on aime pas trop les vieux qui la ramènent...), tu crois que ça va l'faire ? "
René a noté au passage le tutoiement mais passe là-dessus en déclarant :
" Ouais, y'a eu comme un temps d'adaptation, mais maintenant elle commence à dessiner des virgules sur le bitume ".
" Quand tu fais des burns ??? ", ne peut s'empêcher de rire le jeune Rosso.
" M'parle pas d'ces truc de mômes ! : accélérer sur place, c'est bon pour les boutonneux...
Moi, j'te parle de celles laissées à la remise des gaz en sortie d'courbe ! "
Valentini devient songeur tout à coup : c'est qu'il semble sérieux le Préhistorique !
Changeant de sujet, le temps de digérer cette attitude : " Tu viens pour quoi ? "
" J'voudrais une paire de bottes pasque j'ai bien râpé les miennes en courbes !
A c'propos : manque un pneu de garde au sol la 1300 quand on penche fort... "
Là, Valentini se demande si l’ancêtre ne se met pas brusquement à débloquer !
" Me dis pas qu't'as fait toucher ?????? "
" Ben, si..., sur un rond point !, et puis aussi dans l'gauche de la courbe aux Vaches, tu sais ?, celle de l'aut' jour avec mon vieux tagazou quand tu m'as doublé... "
Valentini n'a plus envie de rire du tout d'un seul coup...
" Alors là René, tu m'épates ! ".
Sur ce, voilà que se pointe Ziva : " Salut les tarmos ! B'jour René !, b'jour Tini ! Tiens Vale, faut qu'j'te dise : l'René avec son 1300, c'est queq’chose ! "
Valentini a alors l'impression d'évoluer dans la 4ème dimension et décide de s'occuper de la vente des bottes, pensant ainsi se réveiller !
" Viens voir René : j'ai une belle paire d' Alpinestar Rossi Replica, à ta taille je pense. En plus la couleur est assortie à ton cuir. T'as pas râpé tes sliders au moins ??? "
" Ben non, pas encore..., répond le Vénérable, c'est qoaa déjà la marque ? : La pin… des stars ???, avec un truc pareil, j'va les tomber toutes !!! "
René essaye les bottes : au poil ! Il règle son achat au comptoir, serre la louche au père à Valentini, et sort en sifflotant...
" J'l'ai mouché l'spermatozoïde à pattes ! ", se dit-il, pas mécontent de provoquer ainsi l'objet de ses tourments, qu'il est maintenant convaincu de pouvoir doubler à la régulière...
Il rentre tranquillement chez lui, sans forcer genre, force tranquille !
Le lendemain soir, alors qu'il regardait la téloche, on DRIIIING !!! à la porte : il lui semblait avoir entendu un bicylindre arriver quelques instants plus tôt.
René se précipite alors et ouvre à Maurice, son frère, lequel arrive de ses Vosges qu'il n'a jamais pu quitter...
" Mon frèèèèèèèèèèèèère ! ", s'exclame-t'il en serrant vigoureusement son jumeau dans ses bras. L'autre, bien moins solide malgré la ressemblance, et aussi un peu cassé par la route (le demi siècle bien entamé, ça commence à compter...), grimace sous cet accès fraternel, mais est bougrement content de retrouver celui qu'il nomme affectueusement, le gamin !
Ils sont jumeaux, on ne peut le nier, mais Maurice est à l'opposé du frangin : plus enveloppé, placide, aimant la bonne chair, le beaujolais nouveau et le calme de ses montagnes usées par l'érosion.
Maurice est un jouisseur tranquille, là ou René, lui, refuse les années qui passent, il se complait au poum, poum paisible de son VIRAGRO, lequel ressemble étrangement, par définition, à son pilote. Lui aussi est célibataire, mais par une timidité maladive envers la gent féminine qui lui a toujours refusé la moindre tentative d'approche. Mais qu'importe, Maurice possède un poisson rouge et... sa moto !
Garant le custom à côté de la KAWASUKI, Maurice regarde René d'un air soupçonneux : " Non, t'as pas osé ? : t'es vraiment pas raisonnable, toi... J'te l'ai déjà dit : tu vas finir entre 4 planches si t'acceptes pas de grandir !!! "
" Toi ?, t'es un vieux !, réplique René en rigolant, mais moi, au moins, je vis et je me fais plaisir ! "
" Ouais mais, à nos âges, y'a d'autres façons d'le faire... "
" OK, OK..., t'as raison !, mais tu m'vois, franchement, sur un truc pour ricain bedonnant qui sait même pas qu'une poignée de gaz se tourne du haut vers le bas ??? "
" Ben quoi ?, il est bien mon custom. Et en plus, il soigne bien mon fessier sur les longs trajets "
" Je vois qu'on est toujours d'accord, vieux croûton !, aller, entre : , on va prendre l'apéro... "
Voilà un argument sur lequel les 2 frères sont d'accord !
René explique ensuite à Maurice le coup du stage au Mans : l'autre ne peut que constater que le frangin s'arrange pas avec le temps, mais enfin bon, il va quand même aller l'encourager, à défaut de pouvoir le freiner...
Le stage est pour le surlendemain...

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Message par Steve Parter »

Episode 11 :

RETROUVAILLES ET ROULAGE EN FAMILLE (c’est pas triste…)

René et Maurice ont passé une soirée... plutôt arrosée, ce qui fait que le lendemain matin, c'est plus vraiment le matin quand ils se lèvent : ben ouais, y'a pas d'âge pour ça ! Et au moins, on ne risque pas la sortie de route, installé au salon...
Par contre, faut pas parler trop fort car les effets secondaires sont bien présents !
Quand on dépasse le demi siècle d'existence, on est généralement bougon dans cette condition : Maurice n'échappe pas à la règle, ayant la certitude d'avoir un moteur de Norton à l'allumage déréglé dans la tête, ou quelque chose d'équivalent...
Et René, vas tu me demander ????????
A ton avis ? : pour pas faire comme les autres, bien qu'un moulbif identique tente d'imiter celui du frangin, il pète la forme !
Faut dire qu'il nage en pleine euphorie depuis qu'il est capable d'emmener Brigitte dans les tours en prenant de l'angle. Et dire qu'il refusait, il y a peu de temps encore, toute incursion dans le monde moderne de la moto...
Peut dire merci à Valentini (avec un I et le numéro 46 sur le tête de fourche…), l'ancien !
Tu m'croiras p'têt pas si j'te dis qu'il a passé les derniers jours à visionner sans relâche le Doctor dans ses oeuvres ? Eh bien si !
Le magnétoscope n'a pas eu beaucoup plus de répit que la V6 mais le résultat semble maintenant bien palpable : René est fin prêt à affronter la piste et il entend le montrer, non d'une bielle !
Maurice est quelque peu déconcerté par l'attitude du frèro. Déjà, en temps normal, il a jamais été fondu dans le moule, mais là, en ce moment...
Bon, c'est pas tout de causer : y'a 2 brêles au sous-sol qui n'attendent que leur proprio respectif pour se dérouiller les pistons !
Pauvre Maurice ! : faut vraiment qu'il tienne à son frangin pour accepter sans broncher le rythme imposé par cette tornade de René, lui qui venait simplement se reposer quelques jours au sein de sa famille (à part de lointains cousins, ils n'ont de proches que l'un et l'autre).
Car René, sitôt sorti du plumard, en prenant juste le temps nécessaire à caler le Norton qui poum-poum dans son caberlot, pousse Maurice à se préparer comme le fera ton môme le jour ou tu te décideras enfin à lui payer la bécane que tu lui a promis l'an dernier et dont tu as reculé l'échéance pour te payer un nouveau carénage en remplacement du tien, espèce de mauvais (père?) pilote !
Un p'tit déj' rapide (le dîner, on verra sur la route...) et viiiiiite !, en selle !
Le pauvre Maurice, lui si paisible en temps normal, il est bien obligé de suivre un jumeau qui semble soudain avoir 30 ans de moins que lui...
Les 2 bécanes chauffent tranquillement tandis que René enfile son cuir, et Maurice un vieux barbour qu'il traîne depuis plus de 3 décennies.
C'est parti pour une sortie dans la France profonde... comme semble l'être cette douleur à la tête qui ne quitte pas le possesseur de la Viragro, surtout quand il voit son René de frère chauffer " tranquillement " sa moto en zigzagant comme le font les pilotes pendant le tour de chauffe, cinquante mètres devant lui...
Faut dire que le Vénérable a tout du pilote, maintenant : il serre la machine entre les cuisses, les pointes de pieds en appui sur les cale pattes, bras écartés en se calant au plus près du réservoir ! Casqué et en cuir, on jurerait qu'c'est moi... le talent en moins, bien entendu !
La Yapapa (c’est la marque du modèle Viragro…) est maintenant chaude... tandis que Maurice se contente toujours d'enrouler sans chercher le moins du monde à rattraper le missile jouant au yo-yo devant lui, ce qui a le don d'exaspérer René : " Ben alors ???, hurle t'il en se portant au niveau du custom, tu la trouves la clé d'contact ????.
L'autre le regarde d'un air désespéré en songeant : " pas possible ?, y'd'vient fou l'frangin ??? "
C'est vrai que la Brigitte est elle aussi en température maintenant, de même que René qui commence à enrouler du câble !
Il laisse Maurice prendre cent mètres, rempile la trois et Gaaaaaaz !, dans l'vent la Viragro ! : surtout à l'approche d'une courbe !
Dans ce cas de figure, le Paisible assiste, totalement hébété, à une jetée au point de corde sur les freins, genou sorti, le tout à une vitesse supersonique et dans un style qui le laisse tout simplement sans voix !
Au début, il pensait bien que le frangin avait oublié de freiner et le voyait par terre, mais non : René recommence dix fois, vingt fois, tandis que lui se contente de rouler, totalement impuissant et effrayé aussi par celui qu'il connaissait un peu déjanté, mais à ce point !
Au bout d'un moment à rouler à ce rythme pendant lequel Brigitte a effectué le double de kilométrage que le custom, ils décident d'une halte ou René, impatient, attend le verdict de son frère : " Alors ???, t'as vu c'qu'on peut encore faire quand on veut vraiment ??????? "
" René : t'es bon pour l'asile !!! Remarque, j'dois avouer que ton style est propre mais, franchement ?… t'as l'intention de rouler LONGTEMPS comme ça ?????????? "
" Moi, mon truc, c'est d'jouer avec ma moto et d'montrer aux p'tits jeunes que l'ancienne garde a pas rendu les armes... "
Inutile de dire que l'après-midi fut en tout point identique à ce qui précède, et c'est un Maurice déconcerté et un René de plus en plus remonté qui regagnèrent le domicile dans la soirée.
Ce soir, on se couche tôt car demain, direction Le Mans !
J'ai dans l'idée que René risque de nous surprendre...

Episode 12 :

Direction LE MANS…

THE grand jour !!!..
René est comme un gosse à qui on va offrir un nouveau jouet.
Il vérifie tout : son cuir, ses gants, ses bottes, nettoie dix fois la visière de son casque, sur Brigitte passe le chiffon (faut qu'elle soit belle pour la grande messe !) et contrôle la molette de réglage de garde à l'embrayage ainsi que le jeu à la poignée de gaz pour qu'il soit nul (il aime une réponse immédiate et ne supporte pas le moindre jeu, sujet de discorde avec le chef d'atelier : un gamin de quarante ans qu'est trop jeune pour savoir...).
Maurice le regarde faire, un peu amusé. Petit à petit, lui aussi se laisse gagner par l'enthousiasme un peu contagieux du frangin : bien malgré lui mais, après la démonstration sur la route, le voilà un peu rassuré quand à la capacité de René d'être digne de ses délires... . Puis aussi, l'arrière pensée de voir la vieille génération en découdre avec la nouvelle (Maurice est persuadé que le fait d'avoir roulé si longtemps sur des motos " dont il fallait s'occuper " a développé un sens de l'improvisation que les jeunes, même habitués au degré de performance actuelle, sont incapables d'avoir en cas de situation critique : selon lui, la botte secrète de son frère...) qui risque de constater qu'un Respectable passionné n'est pas encore tout à fait arrivé au stade où on le range dans un des placards réservés à l'histoire de la moto...
Aussi, Maurice est pressé d'essayer la Brigitte : même si une brêle comme ça est aux antipodes de sa définition d'appréhender la moto, cette machine l'intrigue par l'effet produit sur René et il veut en avoir le cœur net !
Pourtant, le Vénérable n'est pas prêteur en temps normal (laisser sa femme, à qui il fait les yeux doux, à son meilleur pote, à la rigueur, mais on touche pas à Brigitte..., surtout pas !), mais aujourd'hui, René veut faire plaisir à son frère, à la condition extrême qu'il fasse gaffe à pas la laisser tomber...
Ce qui l'a fait céder est le fait que le frangin, en toute circonstance, garde son calme. Et même s'il avance à la vitesse " d'un âne qui r'cule ", son expérience de la route - 30.000 kms par an au minimum - fait de lui un gars qui se laisse rarement surprendre.
René a pris le soin de demander l'autorisation à l'organisation d'emmener le frangin avec lui : ils partageront la même chambre et Maurice assistera même aux cours statiques mais, au fond de la classe.
Le sentiment de retrouver un peu du " Continental Circus " (c'est ainsi qu'on nommait, à l'époque lointaine où les sponsors n'avaient pas encore parasité le milieu, le petite monde des GP d'antan : une période où les pilotes se rendaient sur les circuits avec la vieille camionnette prêtée par le boucher du coin et festoyaient ensemble avant et après la course, avec les spectateurs. Essaye de faire la même chose aujourd'hui...), du temps heureux de leur jeunesse.
En ce temps là, le GP de France se déroulait à Charade, près de Clermont-Ferrand, voire sur le prestigieux circuit des Essarts, près de Rouen, dont le tracé routier existe toujours. Seules les tribunes ont été détruites (c'est un de mes terrains d'essai des brêles de prêt...).
A cette époque, ils s'y rendaient, sur leurs anglaises, avec plus de poids en outillage qu'en matériel de camping car vu le niveau de fiabilité des motos d'alors, valait mieux être prévoyant si on voulait arriver au bout du voyage.
Aujourd'hui, les deux croûtons ont le même sentiment d'excitation qu'alors : leur jeunesse qui leur sautait à la tronche en quelque sorte. Sauf qu'aujourd’hui, ils allaient être acteurs, et non spectateurs...
Bon, bien sûr, c'était pas une course mais un stage de pilotage, mais ils allaient tutoyer un ancien champion du monde et être acteur, René en tant que pilote et Maurice en manager imaginaire, sur une piste mythique, elle aussi.
Bon sang, quelle cure de jouvence !
C'est René qui chauffe la KAWASUKI (la faire essayer à Maurice, passe encore, mais c'est SA moto, et c'est lui qui s'occupe de la mise en température du fougueux bolide !) et c'est parti en direction de la Sarthe : deux cent bornes à peine, mais c'est suffisant comme mise en jambe...
René, comme il en a maintenant pris l'habitude, zigzague pour chauffer les pneus, bien plus concentré qu'à l'ordinaire. Maurice suit, à distance, mais lui aussi tourne la poignée un peu plus qu'en temps normal (c'est fou comme le rêve peut engendrer un changement de comportement...).
Une courbe à droite puis une à gauche, une longue, une épingle : on vise le point de corde, on fait mordre les plaquettes sur les disques carbone tout en se positionnant pour faire plonger la V6 avec un angle de plus en plus prononcé : René est studieux, obnubilé par le fait de bien faire, sous l’œil critique de Maurice, lequel suit à distance en notant le style de son " poulain " !
Cent bornes plus loin, arrêt et débriefing : Maurice a remarqué que " son " pilote freine un peu trop en ligne sur les grandes courbes, ce qui l'oblige à couper légèrement pour placer la moto sur la traj'...
" René, t'es bon mais là, tu perds du temps : faire ça, c'est bon pour les épingles, mais tu devrais prendre les freins sur l'angle pour aborder une courbe rapide, la moto va pas élargir dans ce cas, vu la façon dont tu visualises la sortie ... ! "
Ben mer.. alors !, y savait pas qu'l'frangin possédait un tel don d'observation, l'René ! Car il s'était bien rendu compte que ça pouvait passer plus vite, 'fectiv'ment... , mais, vu la puissance du 6 à injection, y'avait comme ch'tite ret'nue au placement de la moto !
" Ouais, Maurice : j'ai r'marqué ! Mais avec c't'engin, faut faire gaffe : un coup d'gaz en trop, et hop !, c'est une virgule su'l' bitume... "
" J'ai vu..., mais faut qu'tu forces : tes adversaires y vont pas t'attendre, surtout l'gamin qu'tu m'as parlé ! L'honneur d'la famille est en jeu... "
René est impressionné par le ton employé par Maurice : jamais il n’a connu son frère sous ce jour là. Et il se demande s'il ne l'a pas un peu sous-estimé...
De plus, en regardant dans l'rétro, il a trouvé que le custom était pas si loin que ça sur les freinages : à l'accélération et en courbe, bien sûr que non, mais sur les freinages, l'est pas si gatouillable que ça l'Maurice !
Ils échangent ensuite les bécanes pour le reste du trajet : René, inquiet quand même, arrête pas de donner mille conseils et avertissements au frangin quand au mode d'emploi de Brigitte...
" T'inquiète pas comme ça : elle a deux roues et un guidon ta Brigitte !, c'est tout c'qui m'importe. Pour le reste, c'est une moto comme une autre et j'en ai essayé des tas comme celle-ci, même si tu ne m'fras pas acheter un truc comme ça... "
Maurice se cherche un peu au début mais, même s'il roule en custom (pour lui, faisant beaucoup de route, ce type de position lui convient à merveille pour découvrir tranquillement de nouveaux horizons), il a quand même un poil des mêmes gènes que l'frèro, ce dont Brigitte profite en lui jouant le chant de la sirène...
Bien sûr, les pattes repliées et le corps basculé, ça désoriente... au début, tout du moins... !
Car v'la t'y pas qu'le Momo d'service y s'met ensuite à déhancher, visiblement pas trop gêné par le déferlement de canassons du monstre qu'il a entre les pattes, à la grande surprise d'un René qui, lui, a bien du mal à se faire à ce curieux engin où on a les bras en l'air, les pieds en avant et un moteur qui semble faire reculer la moto quand il tourne la poignée, en comparaison des possibilités d'accélération de sa bête !
Heureusement pour René, la Viragro possède le frein moteur de tout gros bi qui se respecte, car maintenant habitué aux freins carbone, ce truc y r'semble aux vieilles anglaises d'il y a trente ans...
Maurice semble s'amuser comme un p'tit fou : " pas possib', c'est pas lui !.., songe René, un poil inquiet, il a jamais roulé comme ça l'frangin !!!.. "
Un gauche se profile à l'horizon : René se bat avec ce " tracteur à roulette " qui fait tout pour le rendre ridicule tandis que Maurice ajuste son tir...
Un coup d’œil sur le point de corde pour visualiser la distance le séparant de la corde, un poil de frein et... un superbe extérieur sur ce pauvre René qu'à rien compris, occupé à se battre avec la Yapapa !!!..
Furibard, René remet la sauce, le custom se tord dans tout les sens, le moteur, peu habitué à un tel traitement, hurle gravement sa désapprobation (le cardan aussi...), et... Gazzzzzzzz !!!, au derche de Maurice ! Non mais ! , c'est qui le pilote ???????.
Un pif-paf arrive très vite : René tente de retarder le freinage au max', recollant ainsi au V6, mais le frein moteur déstabilise la paisible machine qui se met à onduler du croupion comme ces filles que tu rencontres, le soir, quand tu prétextes sortir le chien à ta femme... Raté ! Toujours devant la V6, avec Maurice qui déhanche un poil, très propre..."
" Pas croyab': j'va pas y arriver ! ", panique René, lequel ne peut que constater, impuissant, la supériorité de Maurice sur SA moto...
Il essaye deux fois, trois fois..., rien à faire ! Et Maurice rigole dans son casque du coup qu'il vient de faire au frangin...
René, il en peut plus : appel de phare sur appel de phare (il sait que l'autre, il le regarde dans l'rétro), il oblige ainsi son frère à s'arrêter sur le bas côté et, enlevant son casque rageusement, lui dit :
" Eh, dis donc, tu t'es foutu d'moi hier, avec ton air de vieux schnock sur ton tromblon ??? : qui c'est qui t'a appris à rouler comme ça ?, espèce d'enfoiré !!!!! "
Maurice rigole franchement : " Oui, c'est vrai : avec l'âge on perd la mémoire... . J'ai simplement oublié d'te dire que d'temps en temps, j'fais des p'tits stages de perfectionnement en louant des sportives actuelles... : c'est pas un truc prestigieux comme celui que tu vas faire, mais j'avais r'marqué qu'sur la route, surtout en roulant par tous les temps, valait mieux en faire pour bien appréhender les pièges du réseau routier. Mais attention !, par rapport à toi, moi j'roule calmement sur la route... "
Et il ajoute :
" Marche bien ta Brigitte !: le moteur est bon avec ce couple et cette facilité à prendre les tours. Un peu trop de puissance pour la route, c'est certain, mais elle est sympa cette bécane !
Peut-être un peu lourde pour les enchaînements rapides sur circuit... "
René, il est à terre !!!
Ils reprennent leurs motos respectives, et Maurice son style tranquille..., pour les derniers kilomètres avant de toucher au but.
Un panneau, à quelques kilomètres du Mans, indique " circuit Bugatti " : toc, toc ! , fait le cœur de René, dont le rythme augmente avec le trac s'installant peu à peu... .
La longue ligne droite, ouverte à la circulation, les murets bordant le circuit, les panneaux indiquant les différents parkings : la pression monte d'un cran !
Ils pénètrent dans le site : une pancarte indique " stage : suivre le fléchage " les invite à se rapprocher des tribunes qui maintenant se précisent...
Sur le parking, en face, quelques fourgons (dont un, avec l'inscription " ROSSO MOTO "...) plus quelques voitures et cinq, six bécanes sont déjà présents.
Un gars, avec une casquette et un blouson marqué ACO, les accueille avec un air solennel : " allez garer les motos en face et présentez vous au bureau, de l'autre côté de la piste, en empruntant le tunnel d'accès : y'a déjà du monde présent... ".
Ils obtempèrent, laissant les machines et les sacs à la surveillance du gardien et empruntent ce fameux tunnel passant sous la ligne de départ : c'est fois, c'est le début de l'aventure qui commence pour René, son sacré Maurice de frère à ses côtés...
Et on allait bientôt voir de quoi se chauffe la petite famille Gédeufoitrentans...

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Steve Parter
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Episode 13 :

Cette fois, on y est…

Les deux frangins franchissent le tunnel, et se rendent à un petit bureau attenant au bâtiment des stands :
" Bonjour messieurs !, Hummmm ! Vous, on dirait que vous faites dans le recyclage..., lance le gars derrière son bureau. Enfin, y'a pas d'âge pour apprendre ! Et j'ajouterai que c'est courageux de se lancer dans un truc aussi relevé : y'a des jeunes qui se prennent pour des bons qui seraient bien avisés dans faire autant... "
Le René, y sait pas comment prendre un tel accueil : l'aime pas entendre qu'il est un poil gatouillable mais le coup de pommade, juste derrière, lui chatouille l'ego...
" Ben..., comme tu dis mon p'tit gars, l'âge n'a rien à voir avec tout ça et j'ai décidé de me faire plaisir", répond le Respectable, l'air supérieur...
Maurice regarde son frère du coin de l’œil, l'air amusé par l'attitude déterminée du jumeau: " il est à point, ça va l'faire...", pense t'il.
Le préposé aux inscriptions fait remplir les formulaires et va montrer la chambre située à côté d'une dizaine d'autres, dans le complexe.
Passant devant la voie des stands, il leur montre un box spécialement transformé en salle de classe, avec écran et tableau noir au centre d'une quinzaine de tables de bureau :
" Cet après midi à 13h00, rendez vous ici, il a été plus pratique d'installer un box donnant directement accès à la piste, c'est une demande de Monsieur SARRON...".
Ensuite, René va chercher Brigitte pour un contrôle de la machine (à son grand soulagement, on ne lui demande pas le changement du liquide de refroidissement par de l'eau, c'est complexe à faire avec un tel bric à brac de plastique à démonter...), de la carte grise et de l'homologation de l'équipement (cuir obligatoire).
Ils vont ensuite garer les motos dans un local désigné (Maurice, avec la YAPAPA, détonne un peu, mais bon, lui il roule pas...).
Le réfectoire se trouve dans le bâtiment au dessus des stands, ils s'y rendent après voir rangé leurs affaires, et tombent nez à nez avec le team ROSSO :
" Salut René !, lance le jeunot, content que tu sois là, j'ai hâte de te voir en piste avec ton 1300..."
" Salut gamin !, t'inquiète pas, les sliders sont prêts ! "
" Tu vas voir, lui dit le père du morpion, fier comme s'il était en compagnie de la fiancée à Capirossi, Valentini y sait tourner la poignée.... Mais toi, je suis pressé de te voir à l’œuvre..."
" Ho..., à mon âge, on fait c'qu'on peut mon cher ROSSO...", répond René en lui lançant un regard de biais.
Il n'aime vraiment pas le " marchand de tapis ", et entend bien que ça se sente, le problème, c'est qu'y a qu'lui qui vende des bécanes dans l'coin à René...
Les stagiaires, une vingtaine environ, sont présents au restau improvisé : tous des jeunes (moins de 30 ans...) qui regardent l'arrivée des jumeaux avec un air amusé.
René feint de ne pas s'en s'apercevoir et s'installe, avec Maurice, à une petite table au fond de la salle.
Un jeune, un peu à l'écart, ne les quitte pas des yeux...
Lentement, il se lève et s'approche :
" Monsieur René Gédeufoitrentans je présume ? ", dit il en regardant les deux anciens avec interrogation.
" Ouaip, it's me ! ..., répond René, en employant le quelque peu d'anglais disponible à son vocabulaire, pour faire " branché ", c'est pour quoi ?..."
" J'me présente : Grigou Thekick, journaliste à Moto Canard. Je suis chargé de faire le reportage sur le stage et, quand j'ai lu la liste des participants, j'ai fait " tilt " sur votre âge. J'aimerai que vous soyez, si ça vous dérange pas trop, le fil conducteur de mon papier..."
René commence à en avoir plein les arpions qu'on lui serve son âge à toutes les sauces et y 's'dit qu'ça commence à bien faire, ce truc...
Néanmoins, l'idée d'être le héros du journaleux, en espérant qu'un gamin comme ça sache écrire correctement (y z'écrivent tous en abréviation maintenant, se désole t'il), ça peut le faire, surtout pour clouer le bec aux ROSSO !
" Assied toi petit !, René est à toi... " dit il, l'air souverain...
Grigou lui explique qu'il va rouler aussi, avec une BIMOCATI de prêt, histoire de faire plaisir à l'importateur qui vient de lui payer une semaine de vacances en Australie : faut être reconnaissant dans ce métier...
De même, il étrenne un cuir Denénésse tout neuf dont il doit donner un avis vu que le fabriquant organise un stage avec ROSSI en Italie, la semaine prochaine. Pour sûr, vu de l'extérieur, le métier de journaleux semble formidable, mais y'a pas plus stressant comme job...
Et même pas bien payé en plus, car Grigou roule au quotidien en 500 GSE : la bécane du pôvre !
Les jumeaux en verseraient presque une larme, tiens !
Ils mangent léger et se rendent ensuite en direction de la salle de cours.
Christian Sarron les accueille en personne :
" Bonjour messieurs. Je ne me présente pas car vous me connaissez. Vous êtes ici pour trois jours de perfectionnement qui vont faire de vous, non pas des champions du monde en puissance, mais des gens responsables sachant ce qu'est un freinage ou une trajectoire...
Le stage commence par une partie théorique, où l'on va se familiariser avec le tracé. Puis on va étudier chaque virage et vous aller tenter de bien visualiser tout ça. Je vous emmène faire ensuite deux tours derrière moi (sur vos bécanes, s'entend...) à faible vitesse pour matérialiser la piste en live et debriefing des premières impressions.
Dès demain, c'est vous qui roulez, d'abord libres et filmés, on décortique chaque passage et on retourne sur la piste en étudiant LA bonne trajectoire dix ou vingt fois s'il le faut, jusqu'à ce que ce soit parfait.
Le troisième jour, vous êtes lâchés face au chrono, un à un, et le plus rapide d'entre-vous aura le privilège de rouler en compagnie sur la R1 préparée par Martial Garcia, laquelle possède pas mal de pièce de la M1 de GP ! Je précise que je roulerai avec lui sur l'autre R1...
Des questions ? Non ? Et bien prenez place à l'intérieur, on va commencer par une présentation... "
Un tour sur la R1 ! René a les yeux qui brillent tandis qu'il s'installe aux côtés de Maurice... et de Grigou, bien décidé à ne pas le lâcher...


Episode 14 :

On fait connaissance…

Tout le monde s'installe, l'instant est un peu solennel, on entendrait tourner un mono 125 équipé d'un catalyseur !
Le maître (ne pas oublier qu'il a été considéré, malgré un unique titre en 250, comme un des pilotes les plus talentueux de l'histoire par les ténors du Continental Circus...) observe l'assemblée sans dire un mot, comme pour bien les jauger.
Le groupe retient son souffle !
Monsieur Sarron parle enfin :
" On va commencer par un tour de table et vous allez vous présenter un à un..."
Et la vingtaine de s'exécuter.… Bon, je te passe tout ça, on va pas les faire causer tous, de toute façon, pour la plupart, c'est le genre p'tit c.n friqué qui te taxe au comptoir du bar avec la dernière hypersport du marché.
Le genre qui plait aux constructeurs car il s'agit de la partie " prolifique " du marché, aussi bien en terme de moto (généralement celles qui margent le plus), qu'au rayon pièces détachées ou on peut afficher, sans honte aucune, le plastique au prix de l'or (t'as vu le prix d'un carénage ?...:). Ceux la, ils achètent cash, ils la jouent façon " grille de GP ", se plantent, car ça ne fait pas branché de demander le mode d'emploi, et achètent ensuite les pièces pour réparer...
Quelques uns, peut être moins cons que les plus cons, finissent par honorer de leur auguste présence ce genre de stage (à la condition que le mono soit une vedette...), réalisant enfin le ridicule de leur condition (tu sais, celle qui nous fait marrer, nous, les vrais...) lamentable de pseudos passionnés qui ne connaissent rien à l'histoire de la moto mais te répondent systématiquement " je sais " quand tu essayes inutilement de leur inculquer le moindre savoir...
Oui, je sais, je m'égare un peu mais, pardonne moi, ça fait du bien.
Revenons à nos moutons, pardon, je voulais dire motards, on va s'intéresser à trois protagonistes seulement (et ça m'évitera d'user mon clavier : un journaleux m'a expliqué il y peu qu'il fallait faire court pour garder le meilleur...) : Grigou, Valentini et René...
Le jeune Plumitif se lève devant le parterre impatient d'entendre " l'autre " célébrité :
" Je me nomme Grigou Thekick, journaliste essayeur à Moto Canard depuis deux ans (p...ain !, deux ans...). Mon rédac' chef m'envoie ici couvrir le reportage et rouler avec vous. Mais, je vous en prie, considérez moi comme un simple motard lambda malgré mon statut au sein de la rédaction number ouane de la presse française. Comme vous, je roule au quotidien, et sur un 500 GSE... "
A l'énoncé de la " modeste " machine, certains se mettent à rigoler, doucement (faut pas trop attirer l'attention, au cas où...), mais... ironiquement !
René ne dit rien mais ça le gonfle franchement : à son époque, on aurait traversé la France avec une 125, en se fichant du " qu'en dira t'on ", uniquement par amour du deux roues ! Aujourd'hui, on n'effectue pas le tour de quartier de maison à moins de 1000 cm3...
D'un seul coup, Grigou lui devient plutôt sympathique !
Puis arrive le tour de Valentini :
" Je me présente : Valentini ROSSO. Je viens d'avoir 18 ans et roule sur piste depuis mes 5 ans.
J'ai participé, grâce à mon pôpa ici présent, lequel tient une grôôôôôsse concession muti-marque aux pays des Pommes, à TOUS les championnats cyclos de la ligue, que j'ai gagné haut la main.
Je tente le pari, l'an prochain, de sauter du cyclo à la catégorie Superproduction en Open et de remporter le titre dès la première année !!! "
Le père se lève, les yeux brillants de fierté :
" C'est mon fils à moaaaa !!!, d'la graine de champion, j'vous l'dis !!! " dit-il, lui qui n'a jamais le cap d'une qualification au cours d'une carrière éphémère, bien entendu par faute d'une moto " performante ".
Là, c'est Maurice qui ne peut s'empêcher de pouffer, sous le regard complice de Christian qui se dit que cet oiseau là, va falloir l'avoir à l’œil...
René, enfin, se présente :
" Ben... moi, chuis René Gédeufoitrentans : un motard de la période glorieuse et encore actif à ce jour. J'ai décidé de ne pas finir idiot en participant à ce stage, histoire de valider mon savoir et d'ajouter un peu de sécurité à mon roulage de tous les jours.
Faut dire qu'après plus de trente ans de pratique à circuler par tous les temps sur les routes de France et de Navarre, je viens de passer dernièrement à la 1300 V6, et que celle-ci me demande une réactualisation du coup de gaz... "
En disant ça, il jette un regard amusé vers la famille ROSSO, et particulièrement vers le jeune Valentini qui le regarde bizarrement...
Bon, les présentations sont faites, voici maintenant le tracé du Bugatti, dont le revêtement est neuf depuis cette année. Le grip est exceptionnel, même sur sol humide. Mais bon, la météo sera clémente.
" Un mot sur vos machines : vous gardez vos réglages habituels ! Le but est de vous apprendre à vous en servir, pas de chercher des excuses bidons comme certains pilotes : elles resteront donc telles que vous les utilisez au quotidien.
Une règle à ne pas oublier : vous êtes là pour apprendre, pas pour faire une course. Le premier qui déroge à la règle en mettant les autres en danger est mis hors stage immédiatement...
Maintenant, je vous laisse quelques minutes pour vous mettre en tête le tracé... "
Le maître a parlé ! Ces quelques mots ont pesé comme l'action de son poignet droit face aux adversaires d'alors et tout le monde se concentre à étudier le tracé au tableau...
Christian reprend :
" Maintenant, écoutez-moi et prenez des notes si vous le voulez : on démarre de la voie des stands pour rentrer dans le grand droit de la courbe Dunlop. Celle-ci s'aborde en 6 en prenant la corde très tard car elle vire en deux temps (il trace la traj' au tableau): la difficulté consiste à plonger la deuxième fois alors que le virage est " en aveugle ".
Le truc est de sacrifier un peu de vitesse à l'entrée pour bien ressortir en ligne car une chicane, à gauche, se présente rapidement : freinage en ligne et relâché des freins en balançant avec les repose-pieds (il mime la scène).
Ensuite, grosse accélération pour un freinage le plus à l'extérieur possible à " la Chapelle ", dont vous aller chercher la corde le plus loin que vous le pouvez, comme ceci (nouvelle démonstration au tableau), en 3. Vous passez la 4 très rapidement pour un énorme freinage en ligne au " Musée ", le plus à la corde possible (attention à ce point sinon vous allez visiter le bac à sable en sortie) pour sortir en 2, puis en 3 très rapidement et 4 voir 5 jusqu' au " Garage vert " , un double droit en cassure où vous prenez le plus possible l'extérieur entre les 2 virages.
Ensuite Gaz ! : Longue ligne droit jusqu'au pif-paf du " Chemin aux Bœufs " lequel demande beaucoup d'improvisation (on verra en dynamique...). Puis 2 et 3 jusqu'aux " Esses Bleus ", qui s'abordent comme le " Musée ".
Après, c'est plus technique car vous avez un grand gauche avec beaucoup d'angle (certains d'entre-vous y passeront " fond de 3 ") avec un freinage, moto encore inclinée, jusqu'au virage du " raccordement " où la moto va se détendre au relâchement des freins que vous allez effectuer en contrebalançant pour attaquer ce droite assez serré (gaffe à ne pas en faire trop sinon, comme Arnaud Vincent au dernier GP, vous allez visiter le sable Sarthois...).
Ensuite, retour à la ligne droite et passage devant la voie des stands.
La pôle aux essais du dernier GP est, je le redis pour ceux que ça intéresse, détenue par " 4+3 " Gibernau en 1'33"425.
Tournez en 2' et vous me ferez plaisir ... "
OOOOUUUUUFFFFFFF ! L’assemblée est concentrée comme le lait et personne n'ose piper mot.
Christian invite les participants à aller chercher les motos et à s'équiper : rendez-vous devant le stand dans trente minutes pour les fameux 2 tours derrière le champion !
René a décidé de rester à côté de Grigou, en queue de peloton, pour avoir une vue d'ensemble. Valentini, lui, sur le bolide préparé par " son pôpa ", se place directement derrière Christian : c'est pôpa qui lui a ordonné de faire comme ça...
Et c'est parti...
Allure sénatoriale de Christian qui, d'une main, indique les bonnes traj' en tête du cortège, lequel suit docilement.
Le deuxième tour est plus rapide : déjà certains s'écartent et doivent remettre du gaz pour ramarrer.
Valentini suit Christian comme un chien fidèle, pour ne pas fâcher le paternel, tandis que René, studieux, apprend et comprend, observant au passage Grigou devant lui, lequel semble plutôt doué. Du moins, à cette allure...
A la fin des 2 tours, tout le monde s'arrête devant le stand et Christian attend les réactions : certains, comprenant qu'on ne devient pas pilote en jouant à la play-station ravalent leur salive sans dire un mot, Valentini pose 2 ou 3 questions concernant le positionnement à adopter pour certaines courbes, René lâche un simple " ça marche !.. ", et Grigou observe tout ça en prenant des notes sur son carnet...
Christian libère ensuite la troupe avec rendez-vous en soirée au " restau ", puis à la salle de détente pour un concours de baby-foot.
Demain, les choses sérieuses commencent...

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Episode 15 :

Premiers affrontements…

Ce fameux repas du soir, tu t'en doutes bien, a été particulièrement agité...: le malheur, c'est que dans le plat principal, quelqu'un a eu la bonne idée d'y adjoindre des... petits pois!
Contre toute attente, c'est Maurice qu'a commencé : l'a pas trop apprécié la suffisance du Père ROSSO pendant la présentation et, avec une fourberie digne de Scapin, il a sorti l'arme qui a tout déclenché : sa petite cuillère...
Maurice a bien préparé son coup : planqué derrière Grigou, il a placé 3 projectiles dans l'ustensile de cuisine et, d'un tir précis, a balancé le tout en direction du " marchand de tapis " !
Celui-ci mettait, à cet instant même, son verre à la bouche : il a tout lâché sous l'impact, renversant le contenu sur son pantalon en poussant un cri d'énervement car il n'a pas beaucoup le sens de l'humour, préférant, de loin, ridiculiser les autres en mettant en avant sa " réussite ", qu'être l'objet de ce type de situation !
Fou rire général devant la tronche en biais affichée par " Monsieur le Concessionnaire " : il en fallait pas plus pour que, bientôt, une pluie verte déferle dans la salle au grand désespoir du service de salle se rendant compte du rab à effectuer pour remettre la pièce en état...
Le père Sarron n'a pas été le dernier à ce petit jeu, et son poignet droit s'est montré aussi alerte qu'au maniement d'une poignée de gaz...
Décidément, le Vulgaris Motardus, n'est pas un animal qu'il faut laisser en troupeau : l'instinct primaire, plutôt joueur, reprend alors aussi vite ses droits et mieux vaut, dans ces cas-là, éviter de se trouver sur son passage : et ne me dis pas que quand tu sors en groupe et qu'tu t'arrêtes au troquet du coin avec ta p'tite bande, tu t'contentes de siroter ta limonade sans lever le nez de ton verre...
Bon, c'est pas tout ça, mais après la rigolade, voici venu le temps de la détente : direction la salle de jeu !
Y'a que le père ROSSO qui fait un peu la tronche, les autres sont chauds pour le " Mondial de Baby-foot " par équipe de 2 : les jumeaux ensemble, Grigou avec Christian, le fils avec le père qu'a pas pu faire autrement, et ainsi de suite... .
On procède par élimination : faut avouer qu'on se rend compte rapidement qu'y en a qui doivent quelque peu négliger le roulage au profit des salles de jeu...
J'ai d'ailleurs à ce sujet un petit truc pour constater que le printemps sonne à la porte après la longue torpeur hivernale : suffit de regarder bourgeonner les parkings devant les terrasses de cafés... .
On constate alors une éclosion de sportives rutilantes, raides de neuf, lesquelles auront leurs places attitrées jusqu'à l'arrivée de l'automne, époque à laquelle tu pourras les cueillir à peine sorties du rodage...
D'emblée, le père (qui tente de jouer le jeu en serrant les dents) et le fils (qui est bien obligé de suivre le père), peu habitués à cette discipline, ne passent même pas le cap des qualif'.
Petit à petit, on en arrive aux choses sérieuses et faut avouer que le " Vénérable Team " se défend plutôt pas mal, ainsi que le duo de choc Sarron / Grigou : ce dernier a l'avantage de posséder en son sein un Journalis Motardus, dont la spécialité est de paraître toujours débordé quand tu visites une rédaction, laissant ainsi croire qu'il n'a de temps à consacrer qu'à l'exercice de sa noble fonction, mais qui s'entraîne, en fourbe, à ce genre de truc pour toujours être à la hauteur sur les lieux de rendez-vous où n'est jamais éloigné ce genre de sport (hein Grigou ?...)...
Pour la finale, tu l'auras deviné, je ne te donne pas les noms !
Faut dire aussi que les frangins ont été de fervents assidus en leur temps, et ce sport n'a pas évolué avec les années...
Donc, nous avons René dans les buts, face à Christian, et Maurice à l'attaque face à Grigou : la lutte est de toute beauté devant l'assemblée qui retient son souffle devant l'énormité du spectacle !
Christian, d'un geste précis, envoie la balle du centre vers ses avants qui ne servent qu'à ricocher en direction des buts : René n'est pas né de la dernière pluie et bloque avec ses défenseurs pour renvoyer la balle par dessus le jeu, droit dans les buts adverses ! Grigou n'a rien pu faire...
Je ne vais pas te décrire toute la partie car : 1, ça fait long à écrire et 2, ça me gonfle un pneu... . Sache qu'à la dernière balle, ils en sont à une parfaite égalité et Maurice a la balle à l'avant.
L'assemblée retient son souffle, Grigou est prêt : Le Vénérable fait monter la pression en prenant son temps calmement, ce qui déconcerte un peu l'adversaire.
Les secondes s'égrènent et, soudain, René crie " Gazzzz !!! " à la grande surprise générale, sauf de Maurice, lequel fait ainsi gagner l'équipe sous un tonnerre d'applaudissement !!!
Cette " botte secrète " avait été mise au point, au cas où, avant le commencement de la partie : c'est ce genre de truc qui fait la différence entre un team qui gagne et celui qui ne comprend pas pourquoi ça ne marche pas, ça se nomme l'osmose, l'entente parfaite.
Regarde cette année avec Valentino qui a emmené son staff technique chez Yam’ pour prendre le guidon d'une moto qui ne " fonctionnait pas "...
Dans cette équipe, chacun a son rôle bien défini et tout le monde fonctionne en pleine confiance, en ayant conscience de ses capacités sans chercher la moindre excuse : si quelque chose ne fonctionne pas, on n'accuse pas le voisin mais on se concerte pour trouver LA solution... et on bosse !
Les jumeaux sont de cette trempe là et les années ont renforcé cette façon d'être, à la différence de cette jeunesse actuelle qui se cherche parfois sans se donner la peine de se baisser pour ramasser la solution qui se trouve à ses pieds.
J'ai dans l'idée que, demain, on risque d'avoir quelques surprises sur la piste...
Avant d'aller se coucher, Grigou échange quelques mots avec les frangins : d'abord pour les féliciter encore et ensuite encourager René dans la suite des évènements car il a bien pigé (aussi en l'observant dans les rétro de la BIMOCATI pendant les 2 tours...) que ce gars là n'est pas au bout de ses ressources malgré le poids des ans...
D'ailleurs, pendant que les autres dorment ou se racontent des histoires, les jumeaux passent une partie de la nuit à se refaire le tour du circuit dans la tête : Maurice en manager, René en pilote, en parfaits complices se connaissant sur le bout des doigts...


Episode 16 :

La pression monte, doucement…

Ce matin, on se lève tôt et René a passé une excellente nuit malgré le raffut dans les chambres à côté, car faut avouer que les d'jeuns, c'est comme les rongeurs : ça se réveille, la nuit venue...
Tout ceci ne l'a pas dérangé : le Vénérable ayant perdu une bonne partie de ses facultés auditives avec toutes ces années à porter le casque !
D'ailleurs, c'est le signe distinctif d'un vécu de motard ayant bourlingué : il te fait répéter 2 fois la question et perd ses tifs au sommet du front, c'est inéluctable !
N'est même pas stressé, l'ancien ! Plutôt prêt à en découdre, mais cette journée est consacrée à l'apprentissage, sans affrontement direct ni chrono affiché.
Donc, y'a pas d'urgence, simplement une mise en application...
De toute façon, Christian a prévenu : pas d'affrontement direct et chacun roule de son côté sous l’œil du Maître !
Maurice aussi est en forme, se sentant investi d'une mission particulière auprès de son frère : Sito PONS veillant sur Daniel PEDROSA (y'a pire comme exemple !)...
En descendant dans la salle du petit déjeuner, ils croisent les autres stagiaires qui, pour bon nombre d'entre eux, sont encore en mode " anti-brouillard ".
Le binôme Père et Fils fait un peu la tronche : on sent que le gamin commence à trouver lourde la présence du paternel, lequel semble déterminé à se faire un nom par le biais d'un Valentini qui a bien du mal à s'émanciper de l'emprise familiale...
Grigou, qui a passé une partie de la nuit à rédiger un trombinoscope du groupe, rejoint le Vénérable Team à leur table :
" Salut les détenteurs du savoir ! lance t’il joyeusement, prêt pour le grand saut René ? "
" Impec', mon gars ! Tu sais, à mon âge il en faut plus que ça pour m'impressionner...
Et toi ?, avec ton statut de scribouillard ? C'est un rôle qui ne doit pas être facile à assumer ! "
" Exact !, surtout avec cette daube de BIMOCATI ! : je dois t'avouer que l'importateur loue pas mal de pages au canard et il se sent le droit de refourguer une pré-série qui, aussi belle qu'elle soit, absolument pas au point du tout...
Mais bon, ça, ils le savent très bien et ce qui compte pour eux, c'est les photos en action... Le directeur a briffé le rédac' chef pour le papier en insistant bien sur le fait qu'il s'agit de ne pas froisser le " client ", les anciens ont refusé d'endosser la responsabilité et c'est le p'tit dernier, ton serviteur ici présent, qui s'est vu refiler le bébé avec mission de ne pas paraître ridicule, de pas la faire tomber et de ramener un papier élogieux de la bête en résumant le stage...
Tu vois l'travail ?!! "
" Ouais, vu comme ça j'préfère ma place avec la Brigitte... ", fait René, visiblement dégoûté du procédé.
Grigou reprend : " j'ai observé les ROSSO, hier : t'as pas l'air de beaucoup les aimer, pourtant, elle vient de chez eux ta moto ? "
" Exact, répond René, mais d'mon temps les patrons d'bouclards te serraient la louche les mains pleines de graisse et tu pouvais rester 2 plombes à discutailler moto sans rien acheter : ça, c'était la vraie définition du mot passion !
Chez l'ROSSO, c'est clean comme un magasin de boîtaroues, y'a des gamins en cravate qui viennent te vendre des arguments publicitaires sans être capables de démonter une bougie, et l'patron, l'a une tronche de marchand d'tapis.
Le problème c'est que c't'oiseau là a bouffé tous les autres dans l'secteur et faut bien acheter la brêle quelque part : ça t'suffit comme explication ? "
" Effectivement, je vois le problème : un peu comme les grosses boîtes qui nous confient des motos pour les essais... . Les patrons se mettent au garde-à-vous à la vue d'une carte de presse, faisant passer le client qu'a payé sa moto plein pot au second plan, alors que nous, qui risquons de le citer en le remerciant de sa bonté, on a droit au tapis rouge...
J'te rassure quand même : des vrais, on en trouve encore et c'est ceux-là qu'on tente de privilégier malgré la pression de hiérarchie (je ne te parle pas du coup de la BIMOCATI, car là, il s'agit d'un arrangement importateur-client de pub / direction de presse). "
" Le fils, pour en revenir à nos moutons, a l'air de savoir tenir un guidon à ce qu'il m'a semblé ?. "
" Oui, répond René, l'est plutôt doué le môme mais j't'avoue qu'je vais m'cracher dans les pognes pour lui démontrer qu'c'est pas avec une couche au derche qu'on est capab' de rester d'vant sans s'vautrer, car chuis sûr qu’il va manger : un, pour lui rabattre le caquet, et deux, pour montrer au père qu'c'est pas en restant derrière un comptoir qu'on détient le monopole du Savoir, foi d'René ! "
Maurice ajoute, un sourire au coin des lèvres : " Faut pas jouer avec mon frère si on a pas les armes pour ça..., surtout que je s'rai à ses côtés pour l'assister si l'prof suffit pas !
Et l'père Maurice, y fait pas que d'rouler tranquillos sur son custom : j'sais faire aussi si j'veux, hein René ? " , ajoute t'il en riant franchement, une oeillade vers le jumeau qui n'a toujours pas digéré le coup de la " petite cachotterie " du frèro !
C'est forts de cet état d'esprit que tous trois s'équipent bientôt et rejoignent le groupe, avec les machines, près du stand où Monsieur Sarron les attend, déjà vêtu de son célèbre cuir...


Episode 17 :

René ouvre déjà, ça t’étonnes… ?

Christian a fière allure près de la R1 spécialement préparée pour lui, selon ses directives, par le staff à JCO, fidèle complice et accessoirement à la tête de l'importation française de la marque aux trois diapasons : voilà ce que René pense en s'approchant, après avoir déposé Brigitte près des autres machines bien alignées dans la voie des stands.
Monsieur Sarron regroupe la troupe près de lui d'un geste rapide :
" Messieurs, des caméras ont été placé à chaque entrée et sortie de courbe, exactement au point de corde expliqué hier pour chaque virage. On vous installe actuellement un transpondeur magnétique sur chaque moto pour connaître votre temps au tour, lequel ne vous sera pas communiqué aujourd'hui car votre rôle, ce jour, est de rouler propre en corrigeant vos défauts.
Je le redis encore : ce n'est pas une course donc, si quelqu'un est plus rapide que vous, vous vous écartez en levant le bras pour le laisser passer.
Je vais vous accompagner avec une personne en duo qui filmera chacun d'entre-vous. Vous faites dix tours, par série de cinq, en partant avec dix secondes d'intervalles. Pour le premier tour, n'oubliez pas de chauffer les pneus...
Des questions ?, non ?, alors, à vos machines et soyez prudents et attentifs à ce que vous faites en retenant bien que vous êtes là pour apprendre ! Au fait, pour ceux qui attendent leur tour : l'écran géant va être branché et faire le tour des caméras "
Une première série part aux ordres du personnel de piste, Christian derrière eux avec le caméraman (l'a pas peur c'ui là, songe René, qui a décidé de partir dans la dernière série avec Grigou, histoire de prendre la température...).
L'écran s'allume sur la Chicane après la courbe Dunlop avec un gros plan sur... la première chute ! : un ch'tit jeune sur une HONDAWA CBXR qui vient de s'en prendre une bonne en couchant la moto dans le gravier... . Pourtant, il avait bien négocié le Pif..., c'est le Paf que la moto n'a pas aimé en projetant son pilote dans un superbe high-side ! Christian ne s'arrête pas : le personnel de piste est là pour ça.
" C'ui-là, y'r'partira pas, diagnostique René à Maurice et Grigou, toute façon, vu la manière qu'y a grimpé sur sa brêle, j'me doutais bien que l’môme allait manger rapidement : c'est toujours pareil, quand on leur dit quelque chose, ben, ils font tout l'contraire... ".
Le duo père et fils attend aussi, à quelques distances, affairé aux réglages de suspensions ou un truc comme ça..., enfin, d'après ce que peut voir le trio, penché sur la superbe TUMATRAPRAPA, laquelle est rutilante avec son poly peint aux couleurs du Team ROSSO.
Le père semble excité et le fils un peu boudeur : y'a de l'eau dans l'gaz, certainement...
C'est Maurice qui, observant la scène, déclare : " R'garde-moi ça l’équipe de pignoufs là-bas, j'vous parie un verre que l'gamin va pas faire trois tours sans s'en mettre une, vu la pression que lui met le père... "
René, pendant ce temps, se concentre à re-visionner le circuit dans sa tête tandis que Grigou, qui lui se fout comme de sa première pige d'être le prochain DE PUNIET, est occupé à la rédaction de quelques notes qui viendront plus tard composer son papier.
Bientôt, les moteurs reviennent hurler dans la ligne droite tandis que l'écran montre une nouvelle chute à la Chapelle : le gars se relève aussitôt mais, regardant sa moto au sol, enlève son casque en le jetant rageusement !
" Et de deux !.. ", s'amuse René qui, s'il est concentré, a toujours un oeil sur l'écran... et un autre, en loucedé sur Valentini !
Les séries passent ainsi et on en est déjà à cinq chutes : selon Grigou, c'est l'adhérence du bitume qui est responsable de ça en mettant les gars trop en confiance.
" Ben ouais, confirme Maurice, quand ça accroche trop, ça décroche encore plus brutalement : c'est physique ! "
Arrive bientôt pour la quatrième et dernière série le temps de se préparer: on en est à huit chutes à présent...
René ajuste son casque, fait chauffer Brigitte et vient se placer juste derrière... Valentini ! Grigou ferme la marche pour observer le vénérable.
Le commissaire de piste agite son drapeau, les faisant partir un à un, Christian en dernier, comme d'habitude.
Le premier tour se passe calmement, sans aucune chute : tous ont eu le temps de visionner les scènes antérieures ainsi que la tronche des bénis ayant vu Sainte Gamelle en personne, ce qui a dû les inciter à se souvenir des bons conseils de tonton SARRON...
Valentini roule propre mais, progressivement, commence à tordre la poignée en affûtant ses freinages et en soignant les points de corde.
Pourtant, René, parti dix secondes plus tard, n'est pas très loin...
Dans la ligne droite, une bonne cinquantaine de mètres les sépare (Grigou suit plus loin, à distance mais surtout, comme il peut avec son truc qui refuse désespérément de prendre la corde.
On en est au 6ème tour, avec toujours le même écart entre René et Valentini (lesquels sont maintenant seuls devant). Grigou qui progressivement s'adapte à forcer outre mesure sur les repose-pieds pour inscrire cette saloperie de ritale en courbe, se rapproche de René.
L'écart ne varie pas jusqu'au... dernier tour : D'un seul coup, la KAWASUKI change de tonalité et le V6 se met à chanter de façon plus aiguë tandis que Grigou voit cette dernière s'éloigner rapidement.
René plonge dans la courbe Dunlop sans couper, d'un geste autoritaire, fait rougir les freins carbone à la chicane pour balancer Brigitte dans le pif-paf avec un mouvement de pied parfait sur les appuis : l'écart avec Valentini se réduit un peu (mais ce dernier enquille de plus en plus...).
Un freinage d'outre-tombe à la Chapelle le rapproche encore tandis que la sortie de courbe fait glissouiller le pneu arrière, lequel commence à crier grâce sous l'attaque des deux cent canassons. René s'en fout : il visse !
Au musée, il est déjà au train de la TUMATRAPRAPA et le môme a senti le danger : il en remet une louche mais la bécane commence à bouger pas mal !
Au Garage vert, cet enf...ré de vieux schnock est toujours derrière un Valentini pas décidé à le laisser passer, malgré les consignes.
Petit écart dans la deuxième partie du virage : René plonge à la corde et double le gamin, lequel réagit aussitôt en se plaçant au c.. de la V6.
D'un seul coup, dans la longue ligne droite précédant le Chemin aux Bœufs, René lève le bras et coupe un peu, obligeant ainsi Valentini à repasser devant, et lui... juste derrière.
Le gosse commence à paniquer en abordant la chicane, mais se rattrape in extremis pour plonger, après une courte mais violente accélération dans le petit droit suivant, dans les S Bleus.
La courbe qui suit avant le virage du raccordement demande un gros cœur mais Valentini n'est pas décidé à couper ! il arrive quasiment en travers au Raccordement... René toujours à ses fesses !!!
La TUMATRAPRAPA mord un peu le vibreur mais reste en piste, tandis que notre Vénérable reste obstinément accroché aux basques du jeune ROSSO...
Avant de regagner les stands, il se porte au côté de Valentini, soulève sa visière et lui lance un regard complice en lâchant une main pour le saluer...
Le père, qui attend son fils, a assisté à une partie du petit jeu par écran interposé et fait un peu la tronche en constatant l'air hilare de René !
Le père SARRON, qui s'était aperçu du simili duel, n'avait, lui, rien perdu du spectacle en les suivant de très près...
Va y avoir de l'explication dans l'air !

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Episode 18 :

SARRON est scié…

Maurice attend l'arrivée de " son " pilote, non loin du père ROSSO...
Le Vénérable arrive tranquillos, pas mécontent de lui ! Lentement, il prend le temps de béquiller Brigitte, enlève ses gants puis son casque.
Un bref coup d’œil autour de lui, en s'attardant sur ROSSO, et l'homme à la V6 lance à son frère :
" Maurice, t'as perdu et tu vas devoir payer ton coup : le môme, il est pas tombé !!! "
Grigou, qui venait d'arriver, lâche sa ritale en entendant ça et éclate de rire ! Maurice est par terre...
Valentini aussi a enlevé son casque et baisse la tête, surtout que le paternel arrive, l'air furibard : " Viens ici, toi, faut qu'on cause ! ", articule t'il en serrant les dents, sans regarder le Vénérable Team toujours hilare...
" Un instant !, lance Christian Sarron qui vient de les rejoindre, j'avais pourtant dit : pas d'arsouille en piste !
René !, toi, à ton âge, c'est pas très sérieux..., et toi Valentini, va falloir soigner ton mental si tu veux un jour être devant !
Je passe l'éponge pour l'incident car faut avouer que vous avez enquillé comme des pros tous les deux : je ne devrais pas vous le dire, le but n'étant pas les chronos aujourd'hui mais comme vous semblez prendre un malin plaisir à brûler les étapes, ben, vous étiez en 1'45 !!!
Toi, Valentini, c'est très bien, les freinages sont incisifs, bonne prise de traj', mais tu dois apprendre à rester maître de toi quand tu as un adversaire qui te marque comme l'a fait René : tu paniques au lieu de rester concentré à fermer les portes et c'est un truc, bien que ce ne soit pas le but originel, que je vais te faire travailler !
Quand à toi René, je suis perplexe... : jamais, tu entends !, jamais au cours de ma carrière je n'ai vu quelqu'un ayant ton nombre de bougies, faire ce que tu as fait !!!
Bon, Reed et Ago, à la limite, ça se comprend aisément : ils n'ont jamais arrêté donc ça ne se perd pas et ce sont d'anciens champions !, mais toi ??????.
Je t'ai suivi et longuement observé : pas un point de corde raté, pas un freinage loupé, et je ne te parle pas de la sortie en glisse à la Chapelle !!! Merd..., c'est pas possible un truc comme ça!!!!!!!!!! T'es sûr que t'as jamais fait de piste ?????????????????????.
Le plus incroyable est la façon dont tu as assimilé la piste : on dirait que tu la connais par cœur...
Mais là ou tu m'as scié le plus, c'est que tu en gardes sous la main : je t'ai vu couper plusieurs fois...
Tous les deux, vous avez ce petit truc en plus qui fait la différence entre le motard lambda, lequel roulera honorablement s'il s'applique en respectant les consignes, et le gars fait pour la piste : l'adaptation au circuit !
Pour Vale, on a déjà vu ça et il a l'habitude de la piste mais ce qu'il a réalisé d’emblée, c'est plus que prometteur, mais toi, mon cher René, t'as pas été croisé avec un ROSSI par hasard ?????????.
Pour vous deux, on va sauter la deuxième partie et je vais commencer par m'occuper du debriefing, de la vidéo et de faire travailler les autres sur la piste.
Vous deux, rendez-vous après tout ça !, et en cuir...
Pour info : aucun des autres stagiaires n'est descendu sous la barre des 2' ! "
René est sur un nuage : il regarde les sliders râpés de son cuir puis les repose-pieds ainsi que les pneus de Brigitte...
Lui-même n'en revient pas et, plusieurs fois, il a eu l'impression que les scènes se passaient au ralenti sur la piste, qu'il lui était possible de corriger chaque trajectoire, de sentir chaque réaction de son train avant...
Tiens !, pour la fameuse dérive à la Chapelle : quand la V6 s'est mise à glisser, il a contrôlé en modulant du poignet droit sans ressentir la moindre émotion ! C'était naturel et évident..., comme si quelqu'un d'autre le guidait dans son pilotage...
" Messieurs ! , un peu d'attention je vous prie : deux élèves sortent du lot et vont avoir droit à un traitement spécial qui n'était pas prévu à la base..., je veux parler de René et Valentini, que vous avez vu tournez, pour ceux qui étaient sur le bord de piste, et laissé sur place pour les autres.
J'avoue que je ne m'attendais pas à ça, donc, vous allez retourner dans la salle de cours sans eux !
Mais avant tout, je vous demande de leur rendre hommage : messieurs, applaudissement pour René et Valentini !!! "
Pour certains, qui se voyaient déjà à la place de ROSSI, c'est la douche froide !
Mais même dans ce cas, on reconnaît toujours les héros à leur juste valeur (le motard a besoin de se sentir admiré, mais aussi besoin d'admirer, pour l'exemple...).
Pour les autres, les moins ambitieux ou tout simplement ceux qui admettent leur REEL niveau sans se voiler la face : c'est un tonnerre d'applaudissements !
Le père ROSSO ne sait plus quelle attitude adopter entre la fierté de voir SON fils mis ainsi en avant, et le fait de voir ce fossile (mais client quand même...) voler ainsi la vedette.
En réfléchissant, il se dit qu'un truc comme ça n'arrivant pas tous les jours, c'est bonnard pour son établissement (surtout avec un représentant de la presse spécialisée à leur côté...), et y'a p'têt' quelque chose à exploiter avec tout ça...
Faisant un effort sur lui-même, il force un sourire genre pub pour dentifrice, et s'avance franchement vers René pour lui serrer la louche :
" Alors toi !, tu nous avais bien caché ça avec tes airs de gatouillable ", dit-il pour plaisanter et dégonfler la tension qu'il avait lui même instauré.
" Ben tu sais, répond René, tu lâcherais tes grands airs de marchand d' tapis en t'comportant comme dans l'temps : quand l'patron laissait tomber la clé d'douze pour venir tailler une bavette, on aurait causé d'avantage... "
ROSSO marque une hésitation : " Ouais..., t'as p'têt raison René !, mais, sans m'chercher d'excuse, c'est pas facile de t'nir une grosse boîte comme la mienne... ".
Faut dire que, malgré ses grand airs, le père ROSSO est quand même un authentique passionné, même si son boulot l'a un peu fait dériver dans une spirale difficilement contrôlable.
Christian SARRON, avec sa sagesse habituelle, a su trouver les mots justes pour le toucher à travers la cuirasse et lui faire reprendre pied à la juste réalité des choses.
Valentini lui, ayant maintenant digéré l'affront, s'avance avec un grand sourire vers René et, sincère, lui déclare : " on s'est bien amusé !, et j'ai hâte de recommencer !!! "
Grigou, qui lui aussi zappe le cours (y'a un super papier à faire là-d'sus !), observe la scène, aussi stupéfait que réjoui.
Maurice verse une petite larme : " j'en r'viens pas, balbutie-t’il, j'en r'viens pas... ! "
Et tous de rejoindre la salle de jeu pour un débriefing un peu particulier, en cercle restreint...
C'est bien entendu Maurice qui arrose et, l'euphorie aidant (j'parle pas des boissons : c'est qu'un distributeur de trucs non alcoolisées), Grigou amène l'idée de la formation d'un team un peu particulier, dont le récit fera sans aucun doute sensation dans les premières pages du canard...
A ce moment précis est né officiellement le Vénérable Racing Team, composé du fils et du Respectable, aux manettes (l'alliance des oppositions), ROSSO père et Maurice au management, Grigou s'occupant lui, du public relation !
Le but ? : mettre à g'nou le père SARRON avant la fin du stage !!!..

Episode 19 :

SARRON est scié (bis)…

Pendant que le père SARRON distille son (immense) savoir, le tout frais Vénérable Racing Team nage dans l'euphorie en tirant des plans sur la comète.
Tiens, on va prendre le Grigou : son rédac' chef le propulse stagiaire au guidon d'une pré-série que même avec ses capacités d'essayeur professionnel, il lui est impossible d'être à la hauteur de son rang tant la moto est imparfaite... .
De plus, l'importateur du " cadeau empoisonné " est l'un des annonceurs principaux du canard, le genre de client qu'il faut soigner absolument !
Grigou a la lourde tâche de rédiger un papier sur le stage ET sur la moto en question, laquelle doit être, à sa sortie, le fer de lance du constructeur...
A la base, voilà un truc qui semble bonnard, seulement voilà : notre scribouillard est venu par la route avec la meule, se rendant compte très vite que cette dernière est sortie trop rapidement des ateliers, alors qu'un travail énorme est encore à effectuer dessus pour qu'elle puisse accomplir ce à quoi elle est destinée...
Bon, pas vraiment une mauvaise moto mais, dans sa définition actuelle, elle se redresse franchement dès qu'on prend les freins, ce qui oblige à rester en ligne (alors que le point fort d'une hypersport est cette facilité de zapper tout temps mort entre la phase accélération et mise sur l'angle).
Ce " défaut de jeunesse " oblige Grigou à prendre le levier très tard s'il veut rester dans le coup, mais à pas freiner trop fort pour garder une certaine vitesse à la corde, la moto se trouvant alors en roue libre. Vient alors le problème que, sans appui du train avant (ben oui, sans les freins...), la machine se cherche à la corde sans que l'on puisse s'aider d'un frein arrière aux abonnés absents...
On dirait que le gros bicylindre est placé trop en hauteur dans le cadre, et que son inertie est responsable de ce comportement car, même en diminuant la hauteur des tubes de fourche et en freinant les compressions, le phénomène persiste.
Régler la chasse ? : Christian, questionné, n'y croit pas non plus. De plus, selon lui, le pignon de sortie de boîte est trop éloigné de l'axe de bras oscillant, ce qui contrarie et rigidifie l'arrière avec un effet de chaîne empêchant le transfert de masse à la mise sur l'angle...
Dans l'état actuel, c'est une moto ratée, alors qu'il suffirait simplement de repositionner le moteur dans le cadre pour l'aligner au point zéro du centre de gravité, et de le reculer d'un tout petit centimètre pour l'ajuster à l'axe du bras arrière : c'est incroyable qu'un bureau d'étude laisse partir une telle moto sans savoir que ce type de " baptême du feu " peut lui être fatale.
Mais il est vrai aussi qu'en la confiant aux mains expertes des rapides et expérimentés essayeurs (lesquels connaissent parfaitement la concurrence) de la presse qu'on arrose avec la pub, on économise ainsi des heures de mise au point sur le terrain en faisant ainsi faire le travail par d'autres personnes (indirectement, on récupère aussi les frais occasionnés par la pub, économisant le personnel...) qui n'oseront, de ce fait, tuer la " poule aux oeufs d'or " !
Grigou n'aime pas être ainsi manipulé, de plus qu'il n'aime pas se sentir diminué face aux autres par faute du matériel, ce qui allait fatalement arriver avec l'épreuve de la piste...
Mais, même s'il en crève d'envie, on ne le laissera pas " casser " ainsi la prestigieuse marque si impliquée dans le monde de la compétition...
L'arrivée inattendue des Vénérables, avec surtout l'incroyable performance de René (du jamais vu dans aucun stage !!!), est tombée comme un don divin : fallait exploiter l'aubaine au maximum !
Le père ROSSO, flaire aussi le bon coup : un vieux qui roule comme ça, c'est mieux que tous les frais engagés en pub au niveau rentabilité (surtout avec un journaleux à leurs côtés).
Il commence à songer qu'un team fait de la course et que son talentueux mais feignant de fils aurait ainsi une motivation réelle à exploiter un don pour l'instant laissé en veille...
René est content... un peu étonné mais content, tout simplement...
Maurice aime être à ce rôle de " donneur de conseil " pour un frère qu'il n'aurait jamais imaginé voir ainsi accomplir de telles prouesses...
Le jeune Valentini aime bien René, qui plus est, s'il se place entre lui-même et son " envahissant " de père...
Maintenant, comme il reste du temps libre avant que Christian ne les appelle, tous décortiquent le travail accompli par les deux " pilotes du team " et se penchent sur les réglages pour optimiser les motos par le biais de leurs expériences respectives réunies.
Aux explications, données avec une grande précision par les vénérables et décodées par le journaleux pour être transmises à la clé de douze de l'expérimenté ROSSO, vient se greffer l'enthousiasme de la jeunesse de Valentini, qui n'est pas le dernier à savoir tourner le truc à droite du guidon !!!
Pendant ce temps, les machines des stagiaires, sous la direction de l'ancien champion du monde, continuent la mise en application après l'analyse en salle dans un ballet incessant sur la piste.
Christian, seul, veille à tout : il avait tenu, en perfectionniste, à un enseignement unique car un autre moniteur aurait pu avoir une vue différente de la sienne, ce qu'il juge peu compatible avec le bon déroulement des explications, même si c'est plus long comme ça...
Le Vénérable Racing Team observe le travail du Maître en prenant note de ce qui peut lui servir : une façon utile de patienter avant que vienne leur tour.
Les stagiaires sont studieux : leurs passages dans les différentes courbes s'affinent au gré des explications et les temps, demain, risquent de tomber grâce aux judicieuses remarques de Monsieur SARRON !
Bon, après bien des litres de sueur évacuées, les élèves sont invités à quitter la piste : pour eux, aujourd'hui, l'enseignement est terminé et ils sont fins prêts pour le dernier jour du stage.
Christian se tourne maintenant vers les " phénomènes " :
" Messieurs, ce que je vais faire maintenant n'est pas dans mes habitudes, mais voir tourner d'emblée des stagiaires en 1'45 non plus !
Est-ce que vous vous rendez bien compte ? : 13 secondes de GIBERNAU !!!.. et avec des pneus du commerce...
Bon, toi Valentini, tu as une moto bien préparée, je te l'accorde, MAIS C'EST UNE MOTO DU COMMERCE !!!!
Allez ! : admettons qu'il soit possible que tu sois LE pilote que la France pleure de dénicher pour enfin être en mesure de botter les fesses des ritals et espingoins : je suis prêt à miser sur toi car tu as fait très, très fort, bien plus que ce qui sort des formules de promotion au niveau maturité de pilotage.
Ton seul point faible est le mental, mais c'est normal à ton âge et ça se travaille...
Mooonsieur René maintenant ! : 60 berges... pas de palmarès... une sport-GT... et... 1'45 aussi
(et encore, j'ai vu que tu forçais pas !) !!!!!!!!!!!
Là, on nage complètement dans la 4ème dimension !!!!!!!!!!!!!! J’ai l'impression que je suis dans mon lit et que je vais me réveiller...
Personne !, tu m'entends bien ? : PERSONNE ne peut faire ce que tu as fait et je veux en avoir le cœur net en te demandant de remiser ta V6 et de grimper sur la R1.
Toi, Valentini, tu gardes la tienne.
Mais avant de passer à la piste, je veux revisionner tout ça en salle : allons-y ! "
C'est ainsi que le Vénérable Racing Team se rend au stand aménagé et s'installe au côté de Christian, qui branche la vidéo.
Au fur et mesure du défilement, le père SARRON pousse des cris divers, arrête la K7, revient en arrière, regarde de nouveau et semble bien perplexe en se grattant le menton...
René et Valentini se regardent en rigolant, commentant les passes d'armes avec une mauvaise foi évidente :
" T'es sûr que là t'avais pas oublié qu't'avais une poignée d'gaz ? ", plaisante René en revoyant le moment où il a doublé autoritairement Valentini.
" Non, se marre le jeune, j'avais simplement un moucheron dans l’œil ! "
" Ouais, visière baissée..." , remarque Maurice.
" Hô, tu sais ?: c'est tellement ******* ces bêtes-là..." rétorque le gamin.
A la sortie de la Chapelle :
" René ! : j't'ai d'jà dit qu'faire des burns c'était plus d'ton âge... , fait remarquer le père ROSSO en visionnant la sortie en glisse du Respectable, remarque, comme t'achètes tes pneus chez moi, ben..., tu peux continuer ! "
L'ex-champion du monde n'en revient pas : non seulement l'exploit réalisé n'a pas l'air de les perturber plus que ça, mais en plus ils en plaisantent comme d'une simple arsouille au comptoir du bar d'en face !!!
Il se lève, lentement, les regarde un à un , l'air grave et soucieux...
" Bien !, dit-il, nous allons maintenant nous diriger vers la piste, mais j'avoue qu'en matière de technique, y'a pas grand-chose à voir : les enchaînements freinage / mise sur l'angle, un peu plus de mobilité...
Et pour toi Valentini, apprendre à rester calme avec un adversaire aux fesses !
Messieurs, en piste ! "

Episode 20 :

Vale surprend, René doute…

Christian SARRON, accompagné du Vénérable Racing Team, sort du stand/salle de cours pour rejoindre les deux machines alignées sur la voie des stands.
Autour de la R1 du Maestro, les mécanos à la solde du champion, finissent d'installer des couvertures chauffantes : des slicks équipent la YAMAHA ainsi que la TUMATRAPRAPA de Valentini que Christian a pris la liberté de faire chausser aussi.
Il s'avance vers les hommes en bleu (mais non, c'est pas des MIB...) et leur glisse deux, trois mots à l'oreille : aussitôt, le staff à la clé de douze se penche sur les réglages de suspensions des deux motos pour y apporter d'ultimes modifications.
Le père ROSSO n'aime pas trop que l'on touche ainsi à " son " bébé mais l'attitude de l'ex-numéro trois de la 500, et accessoirement World Champ' 250 (je le re-précise pour les étourdis, ainsi que pour mesurer l'ampleur de ce qui va suivre), cette attitude décidée de Mr SARRON (qu'on jurerait prêt à prendre le départ d'une course) l'invite à ne rien dire...
" Bon, dit ce dernier en s'adressant au Mino, j'ai pris l'initiative de faire monter des slicks sur ta machine, ainsi que de rajouter de la compression et libérer un poil les détentes des suspensions pour l'adapter au comportement quelque peu différent de ce type de pneu : tu vas la trouver bien changée, avec une vivacité et un grip bien plus importants...
Va falloir t'adapter. Pour ce faire, nous allons effectuer deux tours ensemble : un, calmement, pour chauffer et prendre la teneur de la machine, et l'autre, toujours en me suivant, en 1'50 environ.
Tu me colles au dosseret et dès que tu vois s'allumer le feu stop (la R1 a conservé le feu arrière pour la nécessité du stage), tu freines. Allons-y ! "
Valentini ajuste son casque, ses gants, et grimpe sur sa moto pendant que Christian fait de même.
Les mécanos, qui avaient déjà démarré les machines et les faisaient chauffer par de petits coups de gaz, débéquillent suite à l'autorisation du personnel de piste et... c'est parti !
Les deux motos décollent de la voie des stands, Vale derrière Christian, tandis que le Team, ainsi que quelques stagiaires et les mécanos, se pressent contre le muret. On sent que le moment n'est pas ordinaire...
Le père se mord les doigts, Maurice se gratte nerveusement le sommet du crâne pourtant atteint d'une sérieuse calvitie, René a le regard vide, concentré et Grigou, lui, prend des notes sur son carnet...
L'écran géant est en marche, permettant de suivre la progression par le biais des caméras synchronisées par un pro d'ce truc dans la salle de contrôle. Pour l'instant, tous deux sont encore visibles à l'approche de la courbe Dunlop mais bientôt tous les regards se portent sur l'écran.
Christian, même à cette faible allure du tour de reconnaissance, a fière allure dans son style mêlant l'autorité à une parfaite fluidité.
Derrière, Valentini semble plus brouillon, mais ne dévie pas la trajectoire d'un iota.
Le père SARRON prend le temps de soigner les points de corde sans quitter l'élève des yeux par le biais des rétros laissés à sa demande.
A l'abord de l'entrée des courbes, il exagère les freinages pour habituer Valentini à ne pas se faire surprendre.
La fin du premier tour approche : ils abordent maintenant le Raccordement.
Christian relève rapidement sa moto et, d'un geste décidé, visse le poignet droit : la R1 se cabre sous l'avalanche de canassons et, immédiatement, Valentini se prend vingt mètres...
Au moment de passer devant les stands, Grigou ne peut s'empêcher d'actionner son chrono.
La Yam’ hurle tandis que Valentini se jette le nez dans la bulle pour tenter de répliquer : peine perdue, la R1 est trop puissante !
Deux cent mètres avant la première courbe, SARRON coupe son élan pour permettre à Vale de recoller et tous deux plongent dans la courbe Dunlop à une vitesse sidérale...
L'écran montre ensuite un freinage dantesque à la Chicane, bien contrôlé par le gamin, lequel suit Christian de très près (un peu comme toi avec la superbe frangine de ton pote: j't'assure que si t'avais pas cette tête là, t'aurais ta chance : c'est elle qui m'a fait cette confidence au..., mais revenons à nos mou.., motards !).
A la sortie, la R1 cabre de nouveau dans le – presque - bout droit menant à la Chapelle.
S'ensuit une prise de frein d'outre-tombe du champion qui voit Vale, surpris, s'écarter pour ne pas le percuter !
Christian plonge au point de corde tandis que l'écart oblige le jeune ROSSO à prendre un angle de cintré, dans une superbe gerbe d'étincelles, pour ne pas se faire distancer : le gosse tient bon et ramarre rapidement malgré le fait que l'ancien World Champ' n'ait absolument pas coupé son élan.
C'est roues dans roues qu'ils abordent le Musée, les motos balayant la piste sous la morsure des freins : la sortie, un peu optimiste de Vale, voit la TUMATRAPRAPA partir dans une glisse monstrueuse : là, la chute n'était pas loin car la roue arrière a mordu sur le vibreur en décrochant d'un coup...
Le jeune n'a pas coupé pour autant mais a perdu dix mètres dans l'histoire, dix mètres vite rattrapés au garage vert au prix d'une arrivée tout en travers au point de corde !!!
Christian lui, est toujours aussi propre...
Le bout droit précédant le Chemin aux Bœufs est l'objet d'une accélération phénoménale de la part des deux pilotes qui ne se lâchent pas d'un poil, de même qu'une arrivée au point de corde roues bloquées parfaitement synchro !
Petit coup de gaz jusqu'aux Esses bleus (délicats à négocier) et nouvelle gerbe d'étincelles à la corde...
La longue courbe précédant le raccordement voit Vale se porter, malgré les consignes, à hauteur du Maître : celui-ci, pas né de la dernière pluie, ferme aussitôt la porte pour aborder le raccordement le premier et parcourir en wheeling la distance le séparant de la rentrée aux stands, singé aussitôt par le jeune ROSSO, survolté !!!
Grigou vient de réaliser qu'il ne peut valider le chrono avec la rentrée aux stands mais doute d'un 1'50...
Les deux pilotes lâchent les motos aux mécanos sous une pluie d'applaudissement des personnes présentes... et du père ROSSO qui ne peut s'empêcher de verser une larme !
Christian enlève alors son casque et prend un air sévère en s'adressant à Valentini :
" Je t'avais pourtant expliqué que tu DEVAIS me suivre sans chercher à doubler à aucun moment !!! "
Silence total !
Il reprend, riant franchement :
" Mais bien joué ! Tu as presque réussi à m'avoir... . Je dois t'avouer qu'en parlant d'1'50, c'était pour ne pas te mettre la pression : c'est moi qui l'ai eu quand je t'ai vu suivre avec une puissance inférieure alors qu'on a dû faire dans les 43 ou 44 !!!
Vraiment Valentini, il va falloir que je m'occupe de toi !!!!!!!!!!!!!
De plus, j'ajouterai que tu es resté sur tes roues : à ce rythme là, vu ton peu d'expérience, je n'en connais pas beaucoup qui auraient été capables de faire ça... ", ajoute t’il en jetant un bref regard, furtif, vers René, lequel semble dans un état second à mesure que son tour approche...
Grigou, pendant ce temps, note fébrilement sur son carnet !
" Excuse-moi, répond Vale, j'ai pas pu résister... Au début, j'ai été surpris par les slicks : incroyable le grip et la facilité de mise sur l'angle !
Le plus impressionnant, c'est au freinage quand l'arrière semble pousser l'avant : on a alors l'impression que la moto te pousse mais ne peut décrocher tellement l'avant est rivé au sol !!! Génial ! "
Vient maintenant le tour du Respectable...
Les mécanos ont renfilé les couv' sur la R1 béquillée : cette dernière est impressionnante avec cette énorme fourche inversée, ses étriers racing et les disques carbone en provenance du service course.
Les demi-guidons sont positionnés très bas et l'arrière a été rehaussé : ce qui donne à la moto une allure de fauve prêt à bondir !
La touche ultime, c'est les jantes Marchesini larges : on dirait une brèle de GP disposant d'un rétro et d'un feu arrière...
René s'avance à pas lents, tandis que Christian prend la parole :
" René ! Cette moto est bien différente de la tienne : la puissance est certainement équivalente à ta V6, mais les montées en régime n'ont rien à voir, et elle pèse 45 kgs de moins, au bas mot...
Elle est progressive et plonge à la corde sans effort mais devient délicate quand on la pousse dans ses retranchements : là, faut faire gaffe car elle est vraiment violente dans cette condition !
Tu fais autant de tours que tu veux mais tu te chauffes sérieusement au premier... "
Le Respectable grimpe difficilement sur le " monstre " et fait OUPS ! en constatant que les bracelets sont vraiment trop bas pour lui : les mécanos les remontent aussitôt dans les tés.
" Bon !, on f'ra avec..., marmonne l'Ancien, mais j'ai passé l'âge d'avoir le cul en l'air ! "
Les mécanos débéquillent pendant que René ajuste casque et gants.
Le préposé à la piste signale que cette dernière est sa disposition d'un mouvement de drapeau : la R1 s'élance de la voie des stands...
René part lentement, très lentement... On sent qu'il prend la teneur de l'engin sous ses fesses.
Il aborde la courbe Dunlop sans forcer, en balançant la moto de droite à gauche, se fait surprendre à la Chicane en mordant le vibreur puis accélère un peu pour tester les freins à la Chapelle : la R1 se met aussitôt en travers !
Le respectable récupère in extremis la moto pour l'inscrire dans la courbe, mais on sent bien une hésitation de sa part à la balancer...
La sortie voit René glissouiller en ouvrant un peu fort : la moto bouge de façon anormale !
Le Musée est abordé sur des oeufs, ainsi que le Garage Vert...
Redressant la Yam, le frère de Maurice décide alors de visser le truc, la moto se cabre presque à la verticale, l'obligeant à relâcher les gaz et se positionner plus en avant.
La moto hurle dans les tours tandis qu'il remet la sauce : tout le monde retient son souffle car le Chemin aux Bœufs arrive très vite, trop !!!
René tend les bras et serre les freins de toutes ses forces, en ligne : la R1 se tord sous l'effort mais l'Ancêtre tient bon !
Il négocie le pif-paf avec prudence, et fait de même pour les Esses Bleus et le Raccordement.
On le voit lever le bras et regagner la voie des stands...
René, tout rouge, enlève alors son casque en laissant la moto aux mains des mécanos :
" J'y arrive pas : trop basse de l'avant et j'ai mal aux épaules... En plus, elle est trop dure pour moi et j'ai l'impression qu'j'vais passer par d'sus l'guidon à chaque freinage !!! "
Christian donne alors des ordres aux mécanos, lesquelles enlèvent la cale fixée à la biellette arrière, relèvent encore les demi-guidons, repositionnent les repose-pieds et se penchent de nouveau sur les réglages des suspensions, remontant au passage la fourche dans les tés.
Le Respectable boit un coup, fait quelques mouvements d'étirement et jette un regard soupçonneux sur la moto avant de l'enfourcher, cette fois, plus facilement.
Il teste les commandes et lance un coup d’œil vers Christian, le pouce levé !
Le préposé de piste donne son aval et René s'élance de nouveau d'un coup de gaz rageur en laissant une énorme virgule au sol...

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Steve Parter
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Episode 21 :

René, faut lui laisser le temps…

Tout le monde est au muret tandis que la R1 s'éloigne dans un hurlement déchirant pour disparaître très vite dans la courbe Dunlop.
Christian s'adresse alors au Team :
" Je me doutais un peu de ce qui allait arriver : René, habitué aux anciennes géométries, ne peut s'adapter aux caractéristiques " tout sur l'avant " des motos actuelles, lesquelles demandent un pilotage en positionnement sur la colonne de direction.
Il a un don incroyable, mais pour l'exploiter, il lui faut un truc qui ne soit pas extrême : c'est pour ça qu'il a été capable d'être aussi vite avec une sport GT, alors que pour nous, habitués aux machines modernes, nous serions bloqués par la situation inverse.
Sa V6 possède un potentiel au moins équivalent, malgré le poids, à une sportive actuelle, mais jamais nous ne serions capable d'enquiller comme il le fait de par le fait de cette position de transition : et lui, c'est exactement comme ça qu'il sait faire !
J'ai donc fait repositionner la R1 en l'adaptant à son style en ayant, j'espère, évalué un bon setting de suspension... "
Maurice regarde Christian, l'air amusé :
" Tu sais, ce vieux gamin, j'le connais bien : à partir du moment où il te balance pas que c'truc c'est une daube (t'as vu son air avant d'grimper sur la brèle ?..) et vu qu'y a levé l'pouce en l'air, c'est qu'ça roule pour lui !
Alors, tu sais, les réglages... c'est pas ça qui va l'empêcher de tourner la poignée dans l'bon sens, même si ça bouge de tous les côtés car il a été vexé... et faut pas vexer René ! "
Effectivement, les yeux rivés sur l'écran géant, force est de constater que la R1, cette fois, est drivée de manière plus autoritaire : René est positionné plus en arrière que la normale, il garde les jambes serrées et les bras repliés dans un style atypique.
A l'abord de la Chicane, c'est à peine s'il est mobile sur la machine, se contentant d'ouvrir le genou en imprimant un angle incroyable à la moto...
Il visse et la R1 se tait pour filer droit !
En arrivant à la Chapelle, le Vénérable plante un freinage dantesque en ligne : l'arrière de la moto se retrouvant à 50 centimètres du sol sous l'effet du transfert de masse...
Ho !, fait la petite foule en visionnant la scène, pensant que ça ne passera pas...
Et si pourtant ! L'Ancien a complètement stoppé la machine au point de corde dans un jeu d'équilibriste parfait, pour la jeter avec violence dans le droite, slider au sol, en faisant pivoter la moto d'un coup de gaz rageur : un nuage de fumée est sorti du pneu arrière tandis que la R1 plongeait, roue avant en l'air, vers le Musée...
Et on recommence...
Au Garage vert, petite variante : cette fois l'Antiquité décide de prendre la corde en travers, les deux roues bloquées, pour aborder le second droit en glisse !
Dans les stands, le silence est complet et Christian SARRON, pourtant pas né de la dernière pluie, est vert de chez vert !!!
La descente vers le Chemin aux Bœufs est aussi un moment d'anthologie : ressortie en glisse, la R1 s'est cabrée en reprenant de l'adhérence, mais René n'a pas coupé, jouant de la boîte, la roue avant dirigée vers les cieux...
Il aborde ensuite le Chemin aux Bœufs comme précédemment le Garage Vert, les Esses bleus sont avalés d'un superbe freinage sur l'angle suivi d'un balancé autoritaire, une nouvelle glisse sur l'angle avant le Raccordement, ce dernier abordé guidon en butée et roue avant sur le vibreur !!!
René passe maintenant gaz en grand devant les stands en secouant la tête, pas content de lui. Verdict, 1'47...
Il est bien évident que, si spectaculaire soit sa démonstration dans ce premier tour, au niveau du chrono : c'est pas terrible !
Deuxième tour : René s'est positionné plus sur l'avant et a plongé sans couper à Dunlop !
Arrivé à la Chicane, freinage en ligne et balancé impeccable pour une sortie en douceur, mais gaz, jusqu'à la Chapelle où il place la moto sur l'angle d'un poignet léger en ressortant milieu de piste pour aborder le Musée à l’extérieur.
Là, il prend la corde très loin et ressort plein gaz pour plonger au Garage Vert sans transition entre la phase freinage et celle de la mise sur l'angle dans un style coulé mais diablement efficace qui le fait ressortir en ligne pour aborder le bout menant au Chemin aux Bœufs en pleine vitesse les deux roues au sol.
La chicane suivante n'est qu'une formalité et les Esses bleus avalés d'un balancé faisant presque se tordre la moto.
Le regard au loin dans la courbe suivante, il plonge au raccordement en soignant la sortie pour ne plus mordre le vibreur.
Le chrono annonce cette fois 1'42 quand René passe devant les stands pour la seconde fois, le nez dans la bulle...
Tout le monde retient son souffle, Valentini est blême, Christian agite nerveusement son chrono en secouant la tête, ROSSO ressemble à une carpe, Grigou, en transe, ne bouge plus et Maurice... se fend la poire en constatant les mines autour de lui, pas surpris le moins du monde !
Le troisième tour est abordé dans un style qui ne cesse de s'affiner : René occupe maintenant toute la largeur de la piste, son regard se porte de plus en plus loin, ses traj's sont tendues à l'extrême : 1'41"530...
Au quatrième, il se rate à la Chapelle au freinage, tirant un peu dans le gravier...
Mais le Vénérable ne lâche pas le morceau et revient très vite en piste pour terminer son tour comme le précédant : 1'43 quand même !
Au cinquième, on constate qu'il a modifié ses freinages en tirant moins fort sur le levier, mais passe plus vite en courbe en tendant les trajectoires à l’extrême, le nez dans la bulle : la YAM hurle de tout son mégaphone en sortant comme un boulet de chaque courbe : 1'40"01 !!!!!!!!!!!!!!
Cette fois, le Respectable coupe pour enquiller ce tour à petite vitesse : il s'arrête dans la ligne droite précédant le Chemin aux Bœufs, relève sa visière et effectue quelques mouvements d'épaules avant de tranquillement redémarrer pour finir au ralenti, le nez en l'air, et regagner la voie des stands où la foule lui fait une ovation incroyable !
René lâche la moto aux mécanos, enlève ses gants puis son casque : pas même marqué par l'effort l'Ancêtre !!!
Le team au grand complet se presse autour de lui, riant franchement, le Vénérable déclare :
" Marche pas si mal finalement, cette chiotte... !
J'aurais pu faire mieux mais mes vieilles articulations ont crié grâce !
Enfin, j'suis pas trop mécontent de c'te p'tit galop d'essai mais faudrait qu'j'ai l'temps d'la prendre en main pour arriver à rouler vite avec... "
Monsieur Christian SARRON, ancien champion du monde qui a tutoyé les plus grands, est par terre en se grattant la tête :
" Si le chrono fonctionne correctement, je dois te dire que t'as fait un 1'40"01 !!! C'est tout bonnement impensable..., et pourtant, avec ce que j'ai vu !!!!!!!!!!
Nous allons en avoir le cœur net :
Vale ! Tu vas te préparer pour remonter sur ta moto.
René ! Toi, tu souffles quelques minutes, le temps que je fasse descendre et préparer ma deuxième machine : on se retrouve sur la piste dans une demi-heure environ pour faire une dizaine de tours ensemble sans aucune consigne... "


Episode 22 :

René s’explique…

Pendant que Christian s'éloigne avec une partie de son staff en direction du semi-remorque, un mécano ré-enfile les couvertures chauffantes sur la R1 et passe la machine en vérification.
René, lui, se détend, entouré d'une cohorte constituée des stagiaires et du Team, venue prendre la température de " l'extra-terrestre "...
Le premier à l'interroger est Grigou, carnet et stylo à la main :
" Franchement René, est-ce que tu te rends bien compte de ce que tu viens de faire sur la piste ??? ", demande t'il, encore abasourdi.
" Ben..., j'ai tourné la poignée d'gaz, y'm’semble..." répond le Respectable.
" C'est tout l'effet que ça te fait ??? ", s'étonne franchement Grigou.
" Bon !, j'vas confier mon secret. Tu sais, à notre époque fallait composer avec des brèles qui freinaient pas, dont l'cadre arrêtait pas de s'tordre en courbe, sans compter qu'les mécaniques n'avaient pas la fiabilité du matos d'aujourd'hui.
Tout ça faisait qu'on était sans arrêt su'l fil du rasoir, comme on dit, et j'pense qu'on a développé un sens de l'improvisation qu'les jeunes y z'ont pas.
Pendant des années j'suis resté en sommeil en roulant peinardos, à ma main quoi !
Pis, j'ai pris conscience que j'm'encroûtais un poil (ce faisant, il lance un petit regard vers Valentini...), alors j'ai décidé d'me r'mettre au goût du jour avec une moto au top.
Faut avouer qu'les trucs d'maintenant, ça marche très fort, mais si on prend l'temps d'les comprendre, on a pas à s'battre avec pour aller vite : pas comme de not'temps...
Alors, c'est pas difficile, quand on est pas trop mauvais, d'êt'capable de tourner la poignée dans l'bon sens, même si ça fait pas loin d'200 ch'vaux.
Pis, j'me suis rappelé d'une p'tite phrase confiée un jour par le regretté Patrick PONS : le secret pour aller vite c'est " savoir rouler vite lentement "...
J't’explique en deux mots : à force d'te botter l'arrière train à passer mille fois la même courbe de la même façon, au bout d'un moment, t'as l'impression que la scène se déroule au ralenti alors qu't'es plein gaz.
C'est ça qu'il voulait dire : t'as tellement l'habitude d'c'que tu fais, qu't'arrives à décomposer chaque phase pour repousser les limites d'c'que t'avais fais précédemment. La marge de progression est présente dans c'cas-là.
Quand tout s'accélère, c'est qu'tu vas trop vite par rapport à ta capacité.
C'est ça qu'je mets en pratique et ça semble réussir, non ?... "
Grigou noircit fébrilement son carnet tandis que les stagiaires restent suspendus aux paroles de René, devant reconnaître le caractère exceptionnel du Vénérable.
Valentini ne le quitte pas des yeux, admiratif et inquiet à la fois.
ROSSO père, d'abord perplexe, se frotte maintenant les mains en pensant qu'il est LE concessionnaire du phénomène et que l'idée du Vénérable Racing Team risque d'être sacrément bénéfique pour le bouclard...
Maurice, lui, sifflote tranquillement en nettoyant la visière du casque du frangin...
René se dirige alors vers le mécano :
" Dis-moi mon p'tit gars ?, tu pourrais pas r'tendre l'arrière un poil ? : quand j'mets les gaz, ça pompe et j'suis perturbé. C'est des manies d'vieux d'se focaliser sur des détails comme ça, mais que veux-tu ?, on s'refait pas...
Pendant qu't'y es, si tu peux m'rebaisser les guidons un poil ? J'sens qu'mes épaules vont mieux maintenant et ça va m'aider quand j'serai vraiment chaud pour tourner l'truc à fond... "
" Ha bon ? Là, t'étais pas chaud ??? ", plaisante le mécano.
" Ben non, j'la connais pas c'te bécane ! ", répond René très sérieusement...
Cette dernière phrase du Fossile semble avoir électrifié la foule, team compris, car René l'a prononcé d'une voix ferme, presque intimidante...
Au bout du stand, là ou se trouve le camion atelier, on entend soudain le feulement rauque d'un moteur qu'on fait chauffer à coups de gaz.
Puis, quelques minutes plus tard, Christian SARRON prend la piste, seul...
Le maître semble parti pour régler sa moto, mais l'écran éteint, ne permet plus de suivre la progression sur le circuit.
Un certain temps après, il réapparaît au raccordement et regagne le stand, sans s'arrêter devant les stagiaires, pour stopper à hauteur de ses mécanos: deux, trois ordres, et ces derniers se penchent sur la machine, tournevis à la main.
Christian repart très vite pour un nouveau tour, puis un deuxième avant de rentrer de nouveau.
Cette fois il stoppe à hauteur du groupe et lève la main : aussitôt les mécanos accourent et béquillent la machine, en tout point identique à la première (à part l'absence de feu arrière et rétro), près des deux autres.
Elle aussi a droit aux couvertures chauffantes.
Christian enlève lentement ses gants, puis son casque.
Ceci fait, il se dirige vers le groupe, un large sourire aux lèvres :
" Alors René ? fin prêt ?... "
" Ouais, ça baigne ", rétorque l'ancien
Se tournant vers Valentini :
" Toi Vale, n'oublie pas : quand tu as quelqu'un derrière toi, tu restes calme en ne songeant qu'à fermer les portes, rien qu'à ça !
Pour le reste, tu roules propre et concentré, comme tout à l'heure... "
Puis vers René :
" Quand à toi, je pense n'avoir rien à dire, si ce n'est qu'un mot : GAZ !
Messieurs, équipez vous, je passe devant, on fait un tour de chauffe et en repassant devant les stands... on ouvre en grand sur dix tours !!! "


Episode 23 :

Superpapy…

Les mécanos viennent de retirer les couvertures chauffantes et débéquiller les machines, les pilotes sont maintenant alignés l’un derrière l’autre en attendant les ordres du préposé à la piste.
Christian est devant, l’air concentré, suivi de Vale, un peu nerveux, qui tapote son réservoir.
René, derrière, sifflote la Marseillaise, visière relevée, tranquille mais avec une lueur déterminée dans le regard…
Personne ne parle : le silence est seulement troublé par le feulement rauque des moteurs qui montent en température.
Les stagiaires retiennent leur souffle, Grigou, tirant la langue, transmet à son carnet l’ambiance présente, le père ROSSO, quand à lui, a entamé une espèce de bizarre " danse de la pluie " (faut espérer que cet indien là va pas ramener les nuages…) pour tenter de calmer son palpitant qui bat la chamade.
Maurice, pour sa part, observe tout ce petit manège, un léger rictus au bord des lèvres, en pensant que la raison de tout ça est due à la simple fierté de son frangin…
Le journaliste, en écrivant, songe à une éventuelle promotion car il a conscience que cet instant pas comme les autres risque de lui offrir THE scoop !
Hé toi ?…, oui ! c’est bien à toi qu’je cause… Te rends-tu bien compte de ce que tu lis, assis tranquillement devant ton écran ou dans ton plumard ???
Un stage, d’ordinaire, c’est un prof et des élèves, lesquels écoutent et font ce que le prof demande, tout simplement car c’est lui qui sait et eux qui sont là pour apprendre…
Là, le prof se nomme Christian SARRON, ancien champion du monde pour la petite histoire, et il va se tirer la bourre avec deux de ses élèves comme un vulgaire (terme non péjoratif) pilote de ligue, dont l’un a largement dépassé le demi-siècle sur notre bonne vieille terre…
L’écran géant vient de s’allumer, le préposé au drapeau se met aussitôt à agiter ce dernier, et les trois pilotes quittent la voie des stands en direction de la piste…
Christian, devant, fait chauffer ses pneus par des mouvements alternatifs de droite à gauche, imité par les deux autres : ils abordent ainsi la courbe Dunlop pour disparaître à la vue des spectateurs présents qui se tournent maintenant vers l’écran.
L’allure, pour l’instant, est sénatoriale : les pilotes se chauffent l’un derrière l’autre en testant les freins et les entrées de courbe.
Christian soigne ses positions, Vale tente de l’imiter, tandis que René reste droit comme un I en lâchant une main de temps en temps, comme si cette procession le gonflait un pneu…
Le tour de chauffe tire maintenant à sa fin et le grondement des moteurs annonce leur arrivée au raccordement : bientôt le champion réapparaît, abordant la courbe tranquillement, suivi comme son ombre des deux autres.
Arrivé à hauteur des stands, il ralentit encore un peu, lève la main en se retournant, se cale contre son dosseret et… visse à fond, faisant cabrer la R1 sous l’avalanche de canassons déferlante !
Immédiatement, ROSSO junior réplique, le nez dans la bulle, mais la machine bleue a pris 20 mètres. René, lui, s’est déporté sur la gauche.
Christian est déjà au freinage de la Chicane quand Vale plonge dans la courbe Dunlop mais doit vite couper pour ne pas se faire percuter par un missile bleu qui vient de lui recouper la traj’ par l’intérieur ; René vient de passer à l’offensive !
Au prix d’un freinage d’outre-tombe, Vale recolle aussitôt mais le Fossile négocie la Chicane à la perfection pour ressortir comme un boulet et, accessoirement, reprendre 10 mètres à la Chapelle à l’autre pilote en bleu, devant lui.
Au sortir de la courbe, Christian est devant, suivi à quelques mètres par le duo qui s’est resserré au prix d’un maître balancé à la corde de Vale.
Dans les stands, le silence est quasi-religieux alors que même pas un tour n’a été bouclé…
Le freinage du Musée voit Christian reprendre une longueur au prix d’une glisse phénoménale à l’entrée de la courbe, alors que les deux autres l’abordent de front : mais René ne cède rien et conserve sa deuxième place dans la ligne droite précédant le Garage Vert.
Les positions restent ainsi figées, sans que quiconque ne prenne l’ascendant jusqu’à la fin du tour.
Le père SARRON arrive en tête (logique respectée…) au passage devant les stands avec 1 seconde d’avance sur le duo qui se marque de très près.
Les moteurs hurlent dans la ligne droite et, par le jeu de l’aspiration, Vale repasse René à l’approche de Dunlop, lequel reprend son bien par le biais du même stratagème qu’au tour précédant.
L’écart se réduit soudain au Garage Vert entre les deux motos bleus au prix d’un freinage raté de Christian : René tente alors un dépassement à la sortie mais le gars SARRON en a vu d’autres !
Les trois motos abordent le Chemin au Bœufs en se marquant de près : c’est Christian qui sort le mieux du pif-paf pour aborder les Esses bleus avec une petite avance.
Vale, derrière René, semble attendre son tour et ne tente plus rien, se contentant de ne pas se laisser distancer par Pépère…
Au second passage devant les stands, Grigou pousse un hurlement couvrant celui des 4 cylindres : " Ils ont tourné sous la barre des 42 !!! " crie-t’il devant la foule médusée !
René, à l’aspi, parvient à recoller à Christian tandis que Valentini essaye de s’infiltrer à l’intérieur à Dunlop, il y parvient et se retrouve en tête à la Chicane !!!
SARRON réagit aussitôt et reprend son bien à la Chapelle, René est trois maintenant…
Des stands, en suivant l’écran géant, force est de constater que l’ancien champion du monde, s’il est supérieur en technique, ne parvient pas à creuser l’écart avec ce gamin sorti de nulle part, et celui qu’on commence à nommer " Superpapy " ! Tout bonnement surréaliste…
Le troisième tour a été bouclé dans les mêmes chronos et les positions ne changeront plus pendant quatre tours, comme si les pilotes s’observaient sans dégainer…
Au huitième tour, gros freinage au Chemin aux Bœufs de René sur ROSSO : le Respectable vient de reprendre la deuxième place.
Aux Esses Bleus, ayant recollé à Christian qui vient de relâcher son effort, il tente un intérieur osé; droit comme un chêne, l’Ancêtre sort légèrement le genou en balançant sa R1 dans un angle faisant jaillir des étincelles de toutes parts.
Christian, surpris par la manœuvre alors qu’il prenait la corde, est obligé de s’écarter pour ne pas aller à la collision : René EST EN TETE !!!!!!!!!!!!!!!!!!
C’est le Vénérable qui franchit les stands le premier, SARRON en embuscade suivi de près par un Valentini qui ne lâche pas le morceau : encore deux tours de ce palpitant et incroyable spectacle !
Au Garage Vert, Christian, vexé sans doute, vient de reprendre la première place en recoupant le freinage de René, obligé à son tour de s’écarter. Valentini en profite pour doubler lui aussi et… tenter de bloquer le père SARRON à la remise des gaz !!!
Les deux motos de tête attaquent de front le Chemin aux Bœufs, Vale plonge le premier mais écarte, ce dont profite Christian pour repasser en tête.
Mais René, dans l’histoire, a redoublé le gamin et fond comme une balle sur la R1 devant lui à l’approche des Esses bleus.
Christian a fermé la porte et le trio se présente dans cette position à l’abord du dernier tour…
La pendule annonce un 41 tout rond !
Les trois motos fondent littéralement de front dans la courbe Dunlop, Christian ne disposant que d’une infime marge.
C’est alors que Valentini tente son va-tout ne coupe absolument pas, doublant d’un coup les deux pilotes devant lui !!!
Attends, c’est pas fini ! Vu sa traj’, il se rate à la Chicane et René en profite pour les doubler tous les deux et reprendre la tête !!!!!!!!!!!!!!!!!
Très vite, ROSSO a recollé à SARRON pendant que Pépère, dans l’histoire, s’est ménagé une confortable avance sur eux à l’abord de la Chapelle…
Christian ne parvient pas à combler son retard, occupé qu’il est à contenir Valentini…
René, lui, a le casque dans la bulle et soigne ses trajectoires, c’est ainsi qu’il passe en tête au raccordement !!!!!!!!!!!!!
Dans les stands, c’est la folie …….. tout le monde se presse au muret pour voir René Gédeufoitrentans, Vénérable de chez Vénérable, passer la ligne en vainqueur devant l’ancien champion du monde qui secoue la tête en se demandant s’il va se réveiller un jour de ce qui semble être un mauvais rêve !
Valentini est trois, de peu devant Christian, mais cette troisième place a le goût d’une victoire, marquant le début d’une carrière prometteuse…
Les trois pilotes entament un tour d’honneur, l’ancien s’essayant même au petit jeu de la roue sans trop de succès. Qu’importe ! Après une telle démonstration…
Dès le retour aux stands, c’est la folie sitôt les trois descendus des motos : Christian lui-même, ne peut s’empêcher de se jeter dans les bras de René, surpris par cet élan de " familiarité ".
Grigou observe et griffonne nerveusement sur son carnet, ROSSO père embrasse son fils, Maurice chiale comme un môme et les stagiaires, ainsi que les mécanos applaudissent à s’en rompre les mains !!!
Les effusions durent ainsi un long moment avant que René, fourbu par l’effort, demande le silence :
" Bon !, on s’calme, dit le vénérable, c’est pas tout ça mais moi, c’te p’tite arsouille m’a donné soif : j’espère qu’y a du monde au bar car c’est moi qui régale !
Après, p’têt ben qu’j’vous mettrais une piquette au Baby-Foot "

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Episode 24 :

René, la nouvelle star du milieu…

Ben mon vieux ! : je peux te dire que l’épisode du Mans à fait causer dans les chaumières, et particulièrement dans le petit monde de la presse spécialisée :
Le Gatouillable, maintenant que la saison de GP est finie, fait l’objet de toutes les conversations du milieu et sort même du domaine de la moto… Tu veux un exemple ? bon, c’est d’accord, mais au départ le gars René n’a pas très bien pris la chose…
Rentré chez lui, son phone n’a pas arrêté de driiiiiinger, obligeant le fossile à rester près de ce dernier pour répondre, bien souvent négativement, aux sollicitations les plus diverses : la faute à Grigou dont le papier à fait l’effet d’une bombe !
Imagine un peu : un vieux, semblable à tant d’autres, comme on en rencontre des centaines à longueur d’année dans les couloirs des concessions, sorti de nulle part en plus, aucun palmarès à son actif, bref , un monsieur toulmonde qui roule en moto comme n’importe qui…
Mais qui se permet, lors d’un stage de pilotage, de bousculer le déroulement de ce dernier, mettant à genou le moniteur qui n’était rien d’autre que Christian SARRON en personne, et allant même jusqu’à finir devant le Maître lors d’une série de dix tours qui restera dans les annales du circuit : même les exploits de ROSSI sur sa monture bleue passent actuellement au second plan devant l’énormité accomplie par le Respectable…
Bon : on cause, on cause… et je m’égare ! Je te parlais de quoi déjà ? Ha oui !, le phone du Vieux.
Moto Canard, Moto Verrue, Poignée-dans-le-coin Magazine : tous se battent pour une interview de Pépère qui commence à trouver ça un peu gonflant !
La presse non spécialisée a eu vent de l’événement, et voilà ce que je voulais te dire : René a été sollicité par Tricot Magazine, le canard de la femme " branchée "… Tu connais le goût de l’ancêtre pour la gent du beau sexe… ?
Ben, au début de l’histoire, ça se présentait plutôt bien avec une voix d’hôtesse de l’air, blonde, à forte poitrine : de celle qui jamais, même dans tes rêves les plus fous, ne daignera porter son magnifique regard sur ta triste personne (oui je sais, mais faut bien que quelqu’un te le dise un jour et comme je t’aime bien…). Bref, le Respectable, dès les premières intonations, a le Pollux qui se met au garde-à-vous devant la voix mélodieuse de la dadame au bout du fil ! Seulement voilà, si la propose de faire la Une du fait que son profil est en accord avec les phantasmes des lectrices de cette noble revue, ce qu’il ne sait pas ( le tricot et René…), c’est que l’age moyen du lectorat dépasse le demi-siècle…, et quand, tout émoustillé il a ouvert la porte de son antre à celle qu’il imaginait déjà dans des positions pas racontables même par moi, son menton a joué les sliders à la vue de l’Antiquité se présentant à lui : un peu comme quand Valentini l’avait doublé la première fois. La journaliste a fait son papier en mitraillant un René quelque peu renfrogné, devant user de tout son talent pour faire ressortir quelque chose de " vendeur " de cet ours mal léché qui s’est prêté de mauvaise grâce à son petit jeu consistant à présentant le Respectable comme le symbole des désirs des demoiselles sur le retour…
Maurice a décidé de jouer les impresarios en filtrant les appels pour protéger sa " célébrité " de frère lui annonçant faire un burn sur le prochain quidam osant se présenter avec ce genre de proposition !
De son côté, le père ROSSO a vu son chiffre d’affaire augmenter dans les jours suivant la parution de l’article de Grigou avec la venue d’une clientèle curieuse de faire la connaissance de la nouvelle " vedette " dont les apparitions au bouclard sont pourtant demeurées sporadiques. Mais le commerçant, en parfait homme d’affaire, a su tirer avantage de la situation en accrochant ainsi de nouveaux client à une liste qui n’arrête pas de s’allonger depuis. Son fils, lui-même, dans le sillage du Gatouillable, s’est vu offrir des guidons pour la prochaine saison Open et n’a plus qu’à faire son choix sans se soucier d’un quelconque manquement " matériel " dans le déroulement de son cursus de pilote en devenir. Valentini est sur les rails de la réussite avec la sûreté d’obtenir une moto au top et n’a plus qu’à s’entraîner sereinement cet hiver, certain de décrocher le titre dès son premier essai et d’obtenir ainsi son ticket d’entrée pour le Mondial la suivante.
Bref, l’effet " René " marche à plein… au grand désespoir de l’intéressé lui-même ! S’attendait pas à truc pareil l’Ancien, qui depuis, cherche à retrouver sa tranquillité habituelle par tous les moyens !
Pas une journée sans un appel d’un acteur du milieu lui proposant un guidon en vue d’une participation aux diverses épreuves à venir inscrites au calendrier : de la course de cote en passant par l’Open, voir l’endurance et même le T.T. de l’île de Man… Mais René refuse en bloc une quelconque participation à la compétition. À son age, on a passé l’envie de ce genre de truc et de toute façon, il n’a jamais éprouvé le besoin de s’exprimer par le biais de la course, préférant de loin être spectateur qu’acteur, et aimant plutôt rouler " dans son coin " même si son ego le chatouille de temps à autre à la vue d’une roue se plaçant sur sa traj’…
Par contre, il a accepté, sous l’insistance de Maurice, de se laisser photographier par quelques annonceurs de pub trouvant le personnage particulièrement innovant par ce côté " hors-norme ", donc " vendeur " dans un style ou l’uniformité est depuis trop longtemps présente : conscients de tenir là une mine d’or à exploiter, ils n’hésitent pas à proposer un pont d’or pour une simple photo de Pépère posant sur la dernière nouveauté sortie. Maurice a parfaitement saisi le sens lucratif de tout ça et fait monter les enchères tel un requin de la finance. Il a décidé de s’installer provisoirement chez son frère pour s’occuper à plein temps de son image, le compte en banque de la famille Gédeufoitrentans s’est vu gonflé de quelques zéros supplémentaires et la Viragro remplacée par une Kawasuki V6 offerte par l’importateur désireux ainsi de la promouvoir. C’est pas son truc à Maurice de rouler sur la route sur ce genre de " catapulte " mais faut quelques fois donner de sa personne pour la bonne cause…
Ce qui désespère le plus René, dans l’histoire, c’est le fait de ne plus pouvoir se balader tranquillos comme auparavant mais le frangin fait en sorte d’être toujours présent à ses côtés pour éloigner les importuns un peu trop audacieux : sur la route, nombreux sont ceux qui veulent se mesurer à celui que la presse a surnommé " Superpapy " et Maurice, profitant de la ressemblance, joue les leurres en emmenant l’ennemi sur une fausse piste pendant que la " cible " use du slider de son côté !
Grigou est devenu un habitué de la maison Gédeufoitrentans, même si René lui pardonne difficilement sa soudaine notoriété : faut dire aussi que le journaleux s’est un peu fâché avec l’importateur BIMOCATI suite à quelques commentaires " ironiques " de ce dernier quand à l’efficacité réelle de son dernier fer de lance, mettant le responsable de la pub un poil en " délicatesse "avec sa hiérarchie face à un annonceur plutôt généreux pour le canard, mais dont le papier à fait monter les rotatives au rupteur pour un numéro ayant cartonné comme jamais dans l’histoire de la presse moto… Grigou, pour ce fait d’arme, a été promu adjoint au rédac-chef et voue désormais une reconnaissance sans borne à celui sans qui rien ne serait arrivé : pas une semaine sans qu’il ne passe une journée avec les frangins qui finissent, même René, par le considérer comme le troisième de la famille. Pépère faisant même la pige pour quelques essais, à la condition extrême qu’on lui adjoigne quelques " créatures de rêve " en accompagnement des photos le mettant en action : surprise, la direction du canard a cédé à ce " caprice " de la " star " puisque les lecteurs ont applaudi des deux mains en submergeant la rédaction d’encouragements à persévérer dans ce style novateur !
Les filles… voilà bien le point sur lequel le Gatouillable trouve quelques réconforts dans cette envahissante médiatisation… Faut dire que l’Ancien, célibataire farouche, ne crache jamais sur une rencontre à partir du moment ou celle-ci reste sans lendemain. René est un jouisseur qui ne trouve son plaisir que sans attache, aimant rester libre d’aller et venir au gré de son humeur du moment, et là il est comblé au delà de toute attente car c’est bien connu que les plus belles sont rarement les plus fidèles. Dans ce cas précis, comme la fidélité n’est pas la qualité qu’il leur demande, et comme ce genre de fille adore s’exhiber au bras du male " dans le coup " pouvant exciter la jalousie de la copine, l’accord est vite trouvé et tout le monde est content, surtout René dont l’aplomb de la notoriété semble avoir fait l’effet d’une cure de jouvence l’ayant ramené quelques décennies en arrière !!!
Le patron du bar d’en face, lui aussi, profite de la manne providentielle, l’adresse des Respectables restant secrète, les curieux (et curieuses…) n’ont pour indication qu’un vague lieu incluant son établissement dont la fréquentation ne cesse d’enfler depuis. Le tenancier a donc affiché une photo de René et " filtre " les demandeurs en notant soigneusement les coordonnées de la gent " essaie-moi " susceptible de valoir les faveurs de " Superpapy ", lequel sera bien affranchi d’effectuer un bilan de santé au train du défilement de ses " conquêtes d’un soir " " dans un domaine plutôt réservé à une jeunesse bien en peine d’égaler en nombre le palmarès du Respectable…
La Kawasuki aussi a changé : ROSSO, sur instruction de l’importateur, a fait monter sur la V6 toutes les pièces disponibles en accessoire chez le constructeur et le 1300, déjà pas mollasson, est maintenant capable de rivaliser en accélération avec n’importe quel avion de chasse… au grand plaisir de René, piqué au jeu, mais qui doit à présent fréquenter les salles de sport pour aider ses petits bras à contenir une telle cavalerie à sa disposition !!!
Le concessionnaire a aussi profité de l’aubaine pour installer " à ses frais " tout un panel de pièces " racing " pouvant aider la partie cycle à ne pas se laisser déborder par une mécanique capable à présent de rivaliser avec une moto de GP ! Accessoirement, la V6 sert aussi, ainsi attifée, de vitrine de son savoir faire, et comme c’est déductible des impôts…
Le jeune Valentini, depuis son retour du Mans, voit en René le père qu’il aurait aimé avoir (au désespoir de son géniteur partagé entre le fait de conserver son emprise sur SON fils et ne pas risquer de froisser SON client vedette par des remarques désobligeantes au gamin sur le fait que ce dernier passe plus de temps avec le Respectable qu’au magasin…) et, dés que c’est possible, roule en compagnie du Vénérable, lequel apprécie de plus en plus la présence rafraîchissante du djeun’s qui n’en veut ( le coup de gaz du gosse devient de plus en plus précis et René l’accompagne maintenant sur les circuits, en plus des sorties sur route).
Ziva, dés qu’il le rencontre, harcèle René afin qu’il lui enseigne l’art de rouler devant ; mais pour lui, c’est peine perdue car jamais il ne sera capable d’être à la hauteur de ses rêves. Ce n’est pas faute d’essayer, et René a bien tenté de s’occuper de lui, mais ce d’jeun’s là est décidément incapable de planter le moindre freinage sans se sortir… pour le plus grand plaisir du père ROSSO, vendant des carénages comme personne dans la région, mais au grand désespoir de l’Ancien qui commence à trouver bien envahissante l’insistance du " roi de la sortie de piste " à l’accompagner, même si chaque figure non improvisée provoque chez lui une hilarité sans cesse renouvelée. Le problème, c’est qu’à chaque fois, il faut ressortir la brèle du champ et, parfois, ramener Ziva quand la moto n’est plus en état de rouler !

Episode 25 :

Dave Jmordlacrette…

Ce matin là, comme d’habitude, René se lève tôt pour aller faire son footinge devenu quotidien avec sa récente notoriété. Déjà, ça lui permet de se maintenir en forme, histoire de pouvoir mettre la poignée dans le coin avec la V6, ensuite, sa sangle abdominale gagne de jours en jours en aérodynamisme, lui permettant ainsi de grappiller quelques secondes au tour sur le circuit EPEDA au guidon d’une fougueuse pouliche (blonde ou brune : c’est toi qui choises…) !
Pendant que René trottine, Maurice prépare le petit dej’ pour lequel a été sacrifié le rouge qui tache et le " à l’ail-pâté " qui était, il y a peu de temps encore, une institution dans la famille (remplacé par du jus d’orange, des œufs sur le plat et des céréales…). Ensuite, le frangin/manager s’occupe de noter les messages du répondeur et d’aller chercher le volumineux courrier encombrant chaque matin la boîte aux lettres. Puis, c’est le tri entre ce qui part directement à la poubelle (avec une petite pensée pour la déforestation…), ce qui peut attendre et le truc urgent genre proposition de pub ou de demoiselle à forte poitrine en détresse…
Lorsque René regagne le domicile, ruisselant mais heureux de constater que l’âge est une invention de l’esprit, Maurice a préparé l’emploi du temps de " Superpapy " pour la journée mais attend que le jumeau soit sorti de la douche pour lui expliquer ce qui l’attend aujourd’hui, autour de la table de cuisine. C’est devenu un rituel auquel le Respectable se plie de bonne grâce depuis que la gent " à protubérance mammaire " daigne de nouveau porter son regard (pour ne pas parler d’autre chose…) sur son auguste personne !
" Bon, René, écoute moi bien : aujourd’hui y’a les casques TETDEBOIS qui proposent une séance photo avec un chèquos pourvu de quelques zéros plus un deux devant… ", commence Maurice.
" Mmmoais !, bof ! : ça commence à m’gonfler grave tout ce cirque… " rétorque le Fossile en faisant la moue.
" Hé !, j’te signale que grâce à ce cirque, comme tu dis, on va bientôt aller s’dorer au soleil, les doigts d’pieds en éventail… et gratos en plus ! " fait remarquer le frangin.
" Ouais mais si t’as r’marqué, c’est toujours le gars mézigue qui si colle, tu pourrais faire l’effort d’me remplacer de temps en temps vu qu’on a la même tronche !!! "
" Heuu, moi, j’suis l’impresario… faut que j’veille à tout pendant qu’toi t’as qu’à prendre la pose, c’est toi qu’a l’beau rôle… "
" N’empêche que j’en ras l’intégral de toujours faire l’pingouin devant l’gus qui fait clic-clac et qu’a toujours l’air d’une tafiolle ! "
" Bon, t’as fini là ??? J’te signale que dans cette boîte, y’a plein de nanas choucardes qu’attendent que ton bon vouloir pour se faire culbuter… et y’a pas b’soin d’se baisser pour les ramasser ! "
" Ok, ok !, mais là, t’es pas honnête : tu sais toujours toucher ma corde sensible, et comme j’suis un sentimental qu’a jamais la force de refuser quoi que ce soit à une frangine, faut qu’t’arrives toujours à tes fins en employant cet argument là… "
Maurice se fend la poire devant la mine faussement boudeuse de René. Il a vu l’étincelle dans son regard à la simple évocation du personnel féminin, seul moyen d’enrayer une mauvaise humeur souvent présente chez l’Ancien quand on le bouscule avant qu’il ait fini de déjeuner.
" Tiens, Valentini peut pas rouler aujourd’hui : il se rend chez BIMOCATI pour discuter d’un possible contrat avec son père pour la saison prochaine, poursuit le manager improvisé, j’avais pensé qu’on pourrait rouler ensemble vers la côte après les photos vu qu’t’auras certainement fini avant midi : on graille sur place et on peut être devant la grande bleue avant 15 heures. Là, j’connais d’la viroleuse pas pourrie et comme le temps est sec… "
René, à l’évocation d’une bourre possible avec Maurice, faillit en lâcher son verre tellement l’image du prudent frangin à l’aspi derrière l’autre V6, le pneu fumant sur l’angle, lui sembla incongrue…
" Tu t’rends bien compte de c’que tu proposes ?, tenta d’articuler le Vénérable en rigolant franchement, toi qui, hier encore, jouait les mères poules en parfait gatouillable que tu es, me faisant la morale dès qu’j’avais le malheur d’pousser un peu trop la deux sur la route, tu m’proposes maintenant d’se taper la bourre comme des gamins ! T’aurais pas un peu siroté pendant qu’j’m’entraînais par hasard ???????? "
" René, pour être tout à fait franc avec toi, je roule beaucoup sur circuit aussi avec les stages à longueur d’année… . Bon, bien sûr, je n’ai pas ton coup d’guidon, j’te l’accorde, mais ma V6 m’a fait changer d’avis sur ma façon de rouler sur la route. J’admet volontiers qu’on peut tourner la poignée sans risque avec ce genre de brêle et, comme on dit, seuls les djeun’s ne changent pas d’avis ! "
Ils éclatent franchement de rire, comme deux vieux complices qu’ils sont, puis tentent de redevenir sérieux car Maurice doit confirmer le rendez-vous avec l’agence de pub.
Ce dernier allait décrocher le téléphone quand quelqu’un sonna à la porte :
Driiiiiiiinzzzzzzzz !!!!!!!!
" Qui c’est qui vient nous emmer… à cette heure-ci ? " grommelle René qui n’aime pas être dérangé si tôt dans la matinée.
Maurice va ouvrir, c’est Ziva, lequel arbore un sourire timide en constatant l’air peu amène du Respectable assis à la table :
" Heuuuuu, j’vous dérange pas trop ? demande t’il prudemment, car voilà : j’viens d’acheter une nouvelle moto, une Cacazuki 600 ZZX, mais comme la précédente j’arrive pas à comprendre comment aller vite avec… Alors, j’avais pensé te d’mander, cher René, si tu pouvais t’occuper d’moi pour essayer de m’apprendre ??? "
Voilà bien le truc apte à dérider le Vénérable…
" T’es un p’tit marrant toi, rigole l’Ancien, tu sais bien qu’on a déjà tenté cent fois d’te montrer comment qu’on fait, mais faut admettre que t’es vraiment, mais vraiment pas doué pour la moto… "
Ziva prend alors un air triste :
" Je sais, mais la bécane, j’l’ai dans la peau, et c’est pourquoi j’ai décidé de prendre une moto moins puissante : j’suis certain qu’si tu m’aides, avec une brêle plus facile et de la volonté, j’peux réussir à rouler comme tout le monde… "
" Ben y’a du boulot avec toi, rétorque René, et chuis pas sûr de pouvoir faire de toi un gars pas dangereux pour les autres ! "
Driiiiiiiiiinzzzzzzzzz !!!!!!!!!!!!!
" C’est pas possib’ !!! : y s’sont donné l’mot aujourd’hui !!!!!! " s’énerve l’Ancêtre qui commence à trouver cette matinée assez casse-pieds…
Maurice, de nouveau, va ouvrir. Un gars d’un certain age, voir d’un age certain, portant des lunettes par dessous la visière de son casque, se présente à lui :
" René Gédeufoitrentans, c’est ici ? ", demande ce Respectable.
Maurice, méfiant :
" Ouais, c’est pour quoi ? " répond t’il sur un ton égal à celui de son frère.
L’autre, avec un franc sourire en enlevant son casque :
" Bonjour ! Je me présente, Dave Jmorlacrette. Voilà ce qui m’amène, je suis le créateur d’un site internet consacré aux anciens de la moto, le " Repaire des Gatouillables " et, depuis quelques temps, certains membres me reprochent de rouler sur une modeste SUCEKIKI Truand, et de ne peut-être pas avoir le niveau de pilotage nécessaire pour rester la figure de proue de mon site…
J’ai entendu parlé des exploits de Monsieur René et je pensais lui demander conseil sur ce que je dois faire pour rester crédible ! "
Maurice a les yeux qui sortent des orbites à l’évocation du nom du personnage !
" Daaaaaaaave Jmooooooorlacreeeeette !!!!!!!!!!!!!!, bons sang !, j’y crois pas… J’suis un habitué du site et vous êtes une sorte d’idole pour moi !!!. René , c’est Dave Jmorlacrette, du site dont j’t’ai parlé !!! "
Le René en question, l’Internet et lui c’est comme toi avec les filles : deux trucs totalement incompatibles et, si effectivement Maurice l’a " bassiné " avec ce truc, il l’a simplement écouté poliment pour ne pas le froisser, par respect pour lui…
Maurice fait rentrer Dave et le présente à Ziva, qui, en parfait djeun’s, ne connaît pas non plus ce site réservé aux personnes " d’un certain âge ", et à René qui grogne un vague bonjour.
Dave expose de nouveau le motif de sa venue au Respectable qui l’observe avec une moue attentive : il reste un long moment silencieux, un peu perplexe, fronce un peu les sourcils comme s’il cherchait ses mots. Enfin, au bout d’un moment, l’ancien se décide à prendre la parole.
" Si j’comprend bien, tu t’occupes d’un truc pour les gars d’not’âge qu’à rapport avec la moto : c’est bien, même si les z’ordinateurs et moi c’est comme Ziva avec les courbes…Mais j’dois dire qu’j’aime bien les gens qui s’bougent pour la bécane et j’va t’dire un truc, ta moto, elle est bien, et avant d’songer à prendre aut’chose, j’te propose d’essayer d’te montrer comment t’en servir !.
Tu fais rien c’t’après-midi ? Ça tombe bien… . Mauuuuurice !!! bigophone au circuit Carole et réserve la piste pour 15h00 environ en disant qui j’suis !
Ziva, mon garçon : tu viens aussi, c’est mon jour de bonté…
En attendant, sans vouloir vous mettre à la porte, j’ai des photos qui m’attendent… et p’têt ben une frangine ou deux à bousculer, alors, à 15h00 précise sur le circuit et en cuir ! "
Ziva et Dave quittent la maison Gédeufoitrentans heureux que le Maître daigne leur accorder ainsi les faveurs de son savoir.
A l’intérieur Maurice regarde son frère avec satisfaction :
" C’est bien ce que tu viens de faire, René ! " dit-il à ce dernier, qui lui répond :
" J’aime pas qu’on fasse chi.. les mecs qui s’bougent le c.. pour la moto… , et cui-là, j’sens qu’c’est un bon. Par contre l’Ziva, y va encore devoir commander du carénage, mais j’pouvais pas lui r’fuser car j’l’aime bien c’gamin ! "
15h00 pétante, les deux frangins attendent à la porte du circuit ou on fait " trembler les gonzesses " comme dit René : pas seulement à cause de l’ancien nom de la commune accueillant Carole, mais surtout qu’il s’agit d’un territoire de chasse de premier choix pour le Gatouillable !
Partout ou il passe, c’est la cohorte et partout on lui déplie le tapis rouge : le circuit parisien n’échappe pas à la règle, bien entendu…
Lorsque Maurice a téléphoné aux responsables, ces derniers ont spontanément libéré un créneau d’une heure alors que nous sommes en semaine… et gratos en plus ! Faut dire que la venue de Superpapy est toujours un événement et même en sacrifiant une plombe, le téléphone arabe fonctionnant à plein dans le petit microcosme motard, le reste du temps est largement rentabilisé par les exploitants qui voient affluer un nombre inhabituel de " clients " qui paieront plein pot ensuite pour prendre la piste, ensorcelés par le coup de gaz du Respectable !
La foule curieuse s’est précipitée pour voir le phénomène dès l’annonce faite par la tour de contrôle, avisée de l’arrivée de la " star " du moment et les deux frères (mais non, j’te parle pas du film mais des frangins ! suis un peu bon sang !) sont entourées d’une meute à laquelle René répond amicalement en attente de l’arrivée de ses deux élèves. Pépère signe même des autographes, particulièrement avec la gent féminine pour laquelle, si la nana est choucarde, la signature est accompagnée de son numéro de téléphone…
En parlant de téléphone justement, Dave a joint Maurice pour lui expliquer qu’il risquait d’avoir un peu de retard suite au fait que Ziva ne sachant pas aller à Carole (le nain !), il faisait un crochet pour le prendre en passant.
En fait de retard, c’est presque une heure après que se pointent les deux attendus risquant ainsi de subir la foudre d’un René pas très patient : celui-ci commençait à trouver le temps long et regardait sa montre en permanence tout en envoyant paître les badauds qui ne trouvaient plus du tout aimable celui qui, tout à l’heure, répondait calmement aux questions de " ses " fans.
Mais la mauvaise humeur du Respectable fut vite remplacée par un franc éclat de rire à la vue de la mine déconfite de Ziva… et du flan gauche de la CACAZUKI quelque peu râpé !
C’est Dave qui donna l’explication :
" Bizarre ce môme ! Il se traîne mais à l’abord des courbes, on dirait qu’il ne freine pas…ça, c’était ma première impression. Impression qui s’est vite transformé en certitude quand, à l’abord d’un grand gauche pour lequel faut pas s’rater, j’ai été doublé par un bolide plein gaz en pleine zone de freinage !!! Le Ziva a fini dans le champ en face à compter les vers de terre tandis que sa bécane est restée plantée dans la boue… On a été oblige de s’y reprendre à deux fois pour sortir la meule et trouver ensuite une aire de lavage pour plus ressembler aux fonds de culottes des amateurs de cassoulets qui se laissent aller…
Et c’est pas tout , quand je lui ai demandé ce qui c’était passé, il m’a simplement répondu qu’occupé à regarder mon feu stop, il avait oublié que c’était à ce moment là qu’il devait choper les freins !!!!!!!!!!!! "
Les frangins éclatent franchement de rire, ainsi que les quelques curieux encore présents à leur côté sauf… le Ziva qui, visiblement, est tout penaud de son " fait d’arme " !
" Bon ! ça commence bien ! résume l’Ancien en s’adressant à celui qui doit certainement détenir le record de vitesse d’entrée en courbe, faut toujours que tu fasses autrement que les autres, toi ! "
" Moi, à ta place petit, j’envisagerai le motocross : comme ça, au moins, tu ne changerais pas de surface au sol à chaque fois que tu rentres en courbe… ", s’esclaffe Maurice en lançant une œillade à Dave, bien perplexe devant le spécimen précité !
Heureusement, il leur reste encore une heure avant de prendre la piste et le " professeur " commence par observer les motos des " élèves ". Celle de Ziva, malgré la taule, est encore OK pour rouler. Il grimpe dessus, modifie la position de leviers, teste l’accord avant / arrière en apportant quelques modifications aux réglages de suspensions puis marque une pause en fixant la bécane. Il hoche ensuite la tête d’un air satisfait et passe à celle de Dave en observant la morphologie de son propriétaire en comparaison de la sienne, constatant avec plaisir qu’ils font la même taille et presque le même poids :
" Ça va être plus facile comme ça… ", commente l’Ancien…
Sans en dire plus, il monte sur la SUCEKIKI et demande une clé de douze à Maurice. Ceci fait, il desserre les potences du guidon, le ramène en arrière et pose les mains dessus en s’avançant au maximum du bord du réservoir. Il répète la même chose en fermant les yeux, puis resserre les fixations, content de lui :
" Tu vois, le secret d’une bonne position est de fermer les yeux en tendant les mains vers le guidon : si ces dernières se posent naturellement sur les poignées, c’est bon ! "
Il aligne ensuite les leviers de façon à ce que les doigts se trouvent dans le prolongement des avants bras :
" Faut pas casser les poignets… ", précise t’il.
Ensuite, c’est au tour des suspensions de subir l’auscultation du Vénérable qui pousse même le geste jusqu’à demander de l’huile pour en rajouter dans les tubes de fourche !
L’amortisseur arrière voit son ressort subir une tension supplémentaire et les pneus un peu d’air supplémentaire.
" C’est bon pour les motos, passons maintenant à la piste… " décrète René en commençant un cours sur le bon positionnement à adopter, sur les appuis à effectuer aux repose-pieds, le placement du regard… et même la façon de placer les doigts sur les leviers.
Ensuite, il déplie un plan du circuit, leur demande de mémoriser le tracé en expliquant quelles trajectoires adopter pour ensuite les emmener au bord de la piste, au freinage de " Hôtel ", en commentant les passages de chaque pilote avec de nombreux exemples de ce qu’il faut ou ne faut pas faire. Les deux élèves écoutent, attentifs, surtout Ziva qui, à mesure que se rapproche le moment d’entrer en scène, tremble de plus en plus…
" Qu’est-ce t’as p’tit ? demande René, on dirait qu’t’as avalé un laxatif… "
" C’est que j’ai jamais roulé sur un circuit… ", bredouille le môme.
" Allons Bon !, remarque : tu m’étonnes pas beaucoup…. Mais rassure-toi : le gravier, ça salit moins qu’la terre ! " dit l’ancien en lui balançant une grande claque dans le dos !
La série se termine, et la suivante, c’est pour eux : déjà la foule se presse pour assister au spectacle du Vieux rentrant en piste, suivi de Dave, puis Ziva et enfin Maurice qui a décidé de rouler aussi.
Pendant quelques tours, René adopte un rythme tranquille, se retournant fréquemment pour indiquer d’une main la bonne traj’ ou le moment de planter les freins puis, sans prévenir, il visse en grand !
La V6 se met alors à fumer du pneu arrière tandis que René jette sa monture dans Alfa en plongeant " aux freins " sitôt imité par…Maurice ! : Les deux élèves sont loin, surtout Ziva qui semble paralysé et entre en courbe… un peu comme toi !.
Jusqu’à Beta, Maurice arrive à suivre, ensuite c’est peine perdue : René balance sa machine avec autorité dans le pif-paf et prend un angle de cintré dans la parabolique en glissant des deux roues ! . Maurice est obligé de lâcher prise pour ne pas se sortir…
René sort de la para comme une balle pour avaler la ligne droite menant à Golf avec une vitesse sidérante : les spectateurs présents n’en reviennent pas et semblent pétrifiés par le spectacle… La surpuissante 1300 est maintenant jetée, tout freins bloqués et en travers, dans la courbe par un René dont le coude vient de frotter le vibreur !!!
Il ressort la roue avant en l’air et passe ainsi deux rapports avant qu’elle ne retombe : la V6 crache ses bourrins en hurlant de tout son mégaphone pour plonger littéralement dans Hôtel et repasser devant les stands comme une balle…
" 1’03 !!!!!! " crie stupéfait à la foule ébahie un spectateur ayant eu le réflexe d’enclencher le chrono au moment ou René a mis la sauce !
Bientôt, c’est Maurice qui se présente devant les stands avec l’autre V6 : 1’10 quand même pour celui qui, hier encore, roulait en VIRAGRO !
René, lui, est déjà au freinage de Golf et s’apprête à avaler Dave qui lui, vient de sortir de la courbe et aborde la ligne droite en roulant proprement aux alentours de la minute 20.
Ziva, tu l’auras deviné, est occupé à comptabiliser le gravier de la para après avoir évité de justesse celui du pif-paf : ce coup-ci le côté droit du carénage ne jalousera plus le gauche…
René, pour sa part, arrive à Hôtel avec la roue arrière à 50 centimètres du sol et frotte de nouveau le coude en sortant de la courbe : 1’01 !!!! (non, non : tu rêves pas…)
Il finit par couper son élan et se retourne en faisant signe à Maurice, qui arrive au loin après avoir doublé Dave, de le passer. Il en fait de même pour ce dernier en se plaçant directement dans sa roue arrière, le forçant ainsi à remettre du câble en le déboîtant de temps en temps.
Ziva a repris la piste pour… vérifier si le gravier de Golf n’était pas plus fin par hasard…, tandis que Maurice reste constant en 1’10 environ.
Dave, quand à lui, poussé par son professeur, tourne maintenant en 1’13, ce qui est honorable avec une moto comme la sienne !
Ils effectuent ainsi une quinzaine de tours, trois pour Ziva…, et René lève la main pour signaler le retour dans la voie des stands ou la foule se presse autour de lui pour manifester son admiration envers l’ " extra-terrestre ". Ce dernier, sitôt descendu de sa machine, félicite Dave pour sa façon de rouler et lui indique quelques points à travailler. Maurice rentre à son tour, un peu fourbu par l’effort mais content de ce qu’il vient d’accomplir. Enfin, c’est au tour de Ziva de faire une arrivée triomphale en… oubliant de béquiller sa moto à la descente de cette dernière ! Un tonnerre d’applaudissement lui est fait au moment où la pauvre machine, qui n’en demandait pas tant, se retrouve une fois encore au sol…
René, ayant réuni sa troupe, décide de ré effectuer quelques tours en solo, les deux premiers sont effectués en 1’02, le troisième en 1’01, et le quatrième… il ne passe plus !!!
" Merde ! s’écrie Maurice, y s’est pas gaufré quand même ???? " . L’instant est angoissant et tous de courir vers l’autre extrémité du circuit…
Qu’elle n’est pas leur surprise de constater la V6 béquillée à la sortie de la parabolique sans personne alentour !… Ils ont beau regarder à gauche et droite : nobody !
Maurice se met alors à crier le prénom de son frère quand, derrière le talus, une voix se fait entendre :
" Pouvez pas m’laisser tranquillement astiquer la d’moiselle, non ? Ha ! j’vous jure, j’viens en aide à une personne en détresse et faut toujours qu’on m’dérange quand j’rend service !!!!!!!!! "
Dave est par terre ! Non seulement le Gatouillable explose les chronos dès qu’il grimpe en selle – et de quelle manière ! – mais semble jouir aussi d’une dextérité peu commune auprès des filles… C’est en tout cas son impression quand, quelques longues minutes plus tard celui-ci refait surface en compagnie d’une superbe créature au corps élancé, pas plus de vingt cinq ans, brune (cette fois…) avec des cheveux longs tombant en bataille, le teint halé, bref, le genre de fille qui ne se retournera jamais sur ton passage !
La fille précitée est rouge en tentant de reprendre son souffle, mais son fin visage exprime une satisfaction totale avec un regard admiratif envers son " cavalier " du moment qui lui, est frais comme un gardon ! On dit que l’animal est triste après l’amour, mais pas René qui, visiblement semble content de lui-même…
" Mais il est fait en quoi ce type là ?????, se demande Jmorlacrette qui se pince pour vérifier qu’il ne rêve pas, j’ai quelques années de moins mais j’ai l’impression d’être à la rue face à lui ! Comment peut-on être ainsi quand on a cet âge là ??? La presse n’avait pas exagéré, c’est du jamais vu… et, mon vieux Dave, va falloir le travailler le corps pour l’amener au site ce personnage. Avec un gars pareil à nos côtés, on va filer des boutons à la presse écrite…
Le problème, c’est que j’arrive après les autres et va falloir trouver de arguments chocs pour le convaincre, pas joué d’avance ! En plus il semble avoir mauvais caractère… "
Dave est songeur, retraité depuis peu de l’administration, il voue désormais sa vie entière au net, et principalement au site de sa création. Seulement voilà, il a décidé de se cantonner exclusivement à la tranche " Respectable " du milieu moto, et même si cette dernière couvre un large pourcentage du milieu, c’est assez restrictif. L’exemple est donné par le site number one, " Le Repaire des Motards " qui surfe en permanence à la limite de zone rouge, mais celui-là est généraliste. Avec un René Gedeufoitrentans à ses côtés, ce serait l’assurance de drainer une " clientèle " boostée par l’aura de l’Ancien… Mais comment faire pour trouver l’argumentaire susceptible de faire mouche avec un pareil bonhomme… ?
Pépère lui, pendant ce temps, répond calmement aux questions de la foule se pressant autour de lui, il commence a en avoir l’habitude maintenant !
Un responsable du circuit, un peu excité, se ramène alors en lui brandissant un chrono sous le nez,
" Pas possible !, regarde : 1’01 !!!!!!!!!!!!!!!!, et régulier en plus… Dis-moi, René : tu te rends compte que le record officieux est détenu par Arnaud Vincent en 99 secondes la semaine dernière avec sa 250 FANTIC MOTOR qu’est officiellement pas encore construite… Ha zut ! Je devais pas le dire, c’est un truc top-secret…, hô la la !, j’vais m’faire virer !!!!!!!! "
Le gars jette un regard inquiet autour de lui.
" Z’avez rien entendu, hein ????? En fait, je voulais dire VINCENT Philippe sur la SUZ du team Méliand… " essaie t’il de se rattraper. Trop tard, l’info a fait l’effet d’une bombe et Dave a déjà sorti son carnet. Il est pas seul dans ce cas car certaines personnes présentes s’éclipsent très rapidement sans dire un mot…
Le gars René se marre franchement :
" Mon vieux Sam ! : t’en loupes pas une, toi… . Il est vraiment descendu sous la minute ??? : mouais…, la KAWASUKI est lourde dans les enchaînements et c’est vrai qu’j’perd un temps fou à la contrebalancer ! . Avec celle-ci, j’peux pas faire mieux : va falloir qu’je demande celle à SARRON pour voir… " déclare tout naturellement Superpapy, comme si exploser les temps des circuits lui était devenu une chose machinale comme lever l’coude pour avaler le contenu de son verre, par exemple…
C’est Ziva, quelque peu chiffonné, qui indirectement, détourne la conversation.
" Et moi ? J’étais en combien ???????? ", ose t’il demander…
" C’est pas facile d’évaluer ça avec un chrono, déclare Maurice, huuuum…, à vu d’nez…, j’dirais dix kilos d’gravier au tour : t’es en forme ! "
René, à la réponse de son frère, se paye sa première gamelle de la journée… sans bécane ! :
Il arrive plus à reprendre son souffle tellement il se marre, surtout devant la mine toute dépitée du pauvre Ziva qui constate que non seulement le carénage de la CACAZUKI est bon pour la poubelle, mais son cuir aussi…
" Tiens ! j’va être sympa avec toi, poursuit Maurice, tu vas aller voir ROSSO d’ma part et y va t’faire un prix sur ma VIRAGRO qui s’ra parfaite pour toi, elle est en super état et t’en s’ras content… Par contre, c’est un peu lourd à manier dans la terre ! "
Ziva sait pas s’il doit rire ou pleurer mais semble se résigner à suivre le " conseil " du Vénérable, se disant qu’après tout il n’était peut-être pas " vraiment " fait pour la moto sportive et, qu’en plus, son compte en banque commence à se vider plus vite que lui quand il rentre en courbe !!!
Retrouvant un brin de sérieux, Dave attire René un peu à l’écart.
" Je te remercie pour le cours de pilotage, même si, un truc comme ça va être difficile à démontrer par le net ; peu importe, mais va falloir que je me débrouille pour retrouver la crédibilité autrement… T’avais raison : je garde ma SUCEKIKI car j’en ai pas encore fait le tour, même après cinq ans à son guidon !
Par contre, je voulais te demander : ça te dirait de t’intégrer à l’équipe du site ? Une personne comme toi DOIT absolument faire partager son expérience… De plus, ton profil correspond parfaitement avec l’esprit qui y règne. A nous deux, on peut faire mieux que l’autre site et le détrôner au hit-parade du net, et même faire de l’ombre à la presse hebdomadaire… "
René fait la moue en réfléchissant longuement : il prend son temps en semblant chercher ses mots :
" Moooais ! dit-il, l’air peu emballé, un site sur les " Respectables "… - note que j’ai rien contre et qu’c’est super c’que tu fais ! – mais c’est p’têt pas terrible pour mon image… En plus, j’y connais rien avec les z’ordinateurs… Et les gonzesses ? T’y as pensé aux gonzesses ??? Doit y avoir que des vieilles sur ton truc et j’ai pas envie d’être emmerdé par tout un tas de desséchées du bas ventre alors que j’donne dans la pouliche tout juste sortie d’rodage ! "
Dave semble embarrassé :
" Je comprend ton point de vue et je peux pas t’obliger, mais mon but, en montant ce site, était de montrer que les djeun’s ont encore beaucoup à apprendre de gens comme nous. J’avoue que le but est loin d’être atteint… Toi ? Y’a pas un gamin qu’est capable de t’accrocher ! J’te propose de faire les essais en allant chercher les motos chez les importateurs, Maurice peut écrire les papiers, et moi je les met en ligne. Et on donne pas tes coordonnées, t’es d’accord ??? De plus, sur l’autre site, y’a ton copain Grigou qu’écrit une chronique chaque mois, ce serait marrant que tu tires la bourre avec lui sur le net…
Je ne peux pas te payer, mais tu me rendrais un sacré service en acceptant !!! "
Maurice, qui s’est rapproché, s’en mêle :
" Dis oui, René : ça te prendra pas beaucoup de temps, et j’me charge des écritures… "
Superpapy ne répond pas…: pas trop l’air emballé, l’Ancien !
Ziva n’est pas trop loin non plus : il a entendu une bonne partie de la conversation et ne tient pas à rester à la traîne (dans ce domaine là au moins…)
" Moi, je veux bien participer : j’ai une licence en informatique et je peux être utile ??? "
C’est encore une fois Maurice qui répond :
" Ziva, mon garçon, j’ai bien peur que Dave n’ait pas les moyens d’investir en unités centrales : t’imagines, quand t’arrives au bout de la ligne, si t’oublies de freiner en mettant un point ?????????? "
" Note qu’il peut être utile pour tester la solidité de pièces détachées et accessoires, rétorque Dave, je veux bien prendre le risque ! "
René, toujours pensif et dont le regard va ostensiblement de l’un à l’autre, se décide enfin à parler :
" Bon, puisque tout l’monde semble insister comme ça, j’va encore céder à mon bon cœur et c’est OK ! . Mais j’veux pas voir de p’tites vieilles se radiner à la maison…, c’est bien pigé ??? "
" VEEEEEEEENDU !, s’exclame Dave, au comble de la satisfaction, tiens, pour fêter l’événement, je vous emmène chez moi et on va vider quelques bouteilles…
Ziva ! , part devant , on t’rattrapera sur la route ou… on t’aidera à sortir de la terre, comme d’habitude… René, s’il te plait, roule pas trop vite qu’on arrive à suivre…
Au cas ou, j’ai des piaules de libre à la maison car des boutanches, y’en a quelques-unes à vider !!! "
Ben mon vieux !!! Je peux te dire que ce soir, les voisins au Dave ont pas roupillé des masses…
Le Jmorlacrette s’est révélé, outre le fait non négligeable d’être pas regardant à la dépense, un fin descendeur de bouteille, à la grande satisfaction de ce maître en la matière (ben ouais, dans ce domaine là aussi…) qu’est le Gatouillable.
Note que le Maurice est pas à la traîne non plus. Tu le verrais à l’accélération dans e ’bout droit du Clan Campbell…, et au taquet dans le grand gauche du 51…, y talonne son frangin sans sortir de la traj’ !
Par contre, un qui va moins bien, c’est l’Ziva ; l’a même pas fait un tour de circuit le gamin…, et au bout de trois verres, il a encore raté le freinage et s’est étalé sur la table du salon en renversant au passage une boutanche de bourbon (heureusement en fin de course…) sur le tapis en poil de zébu (zépussoif…) ramené d’un lointain voyage en Orient, et payé au prix fort, par Dave !
Ce dernier, à la vue de son précieux bien transformé en serpillière, est monté en régime contre le Maladroit mais, constatant la tronche dépitée du môme, laquelle semble maintenant issue des amours malheureux d’une carpe et d’un macaque, il ne peut contenir un sourire qui se transforme vite, alcool aidant, en fou rire communicatif avec les frangins…
" C’est pas d’ma faute, gémit le djeun’s en bégayant, j’allais prendre les freins quand j’ai vu la bouteille traverser la piste, j’ai pas pu éviter la collision… "
" Mouais…, vraiment pas d’santé les gosses d’aujourd’hui ! décrète Maurice en faisant une moue dubitative, Dave ?, on l’met au lit et on attaque les choses sérieuses ? J’ai comme une p’tite soif, moi…, pas toi, René ? "
Superpapy répond par l’affirmative, la bouche pleine de morceaux de cacahouettes qu’il tente d’éradiquer en se gargarisant à grands coups de whisky…
" Tu vois, dit-il à Dave dès qu’il est en mesure d’articuler, avec la moto, le meilleur ami de l’homme, c’est l’breuvage d’Ecosse, savent vivre ces gens-là !….
Crébonsang !, c’pays y s’trouve pas loin d’l’île de Man, si j’me trompe pas trop ????????
Ben moi, c’est décidé : l’an prochain j’va aller tous les torcher au T.T. !!!!!!!!!, et après on fête ça dans un rade du coin… "
" T’es sérieux René, ou tu commences à être chaud ??? demande Maurice, inquiet des frasques devenant coutumières du frêrot, pasque s’tirer la bourre sur un circuit, passe encore, mais c’te course là, c’est un truc de barges, même les pilotes de GP y viennent plus arsouiller tellement faut êt’dedans pour pas risquer d’finir entre quatre planches… "
" Ouais, rétorque le Respectable en se marrant, mais faut r’connait’ que les pilotes d’aujourd’hui y savent tourner la poignée que quand y z’ont une piste dégagée avec des bacs à sable (en entendant le mot " sable ", l’Ziva lève un œil… et retombe vite fait dans sa léthargie en se mettant à ronfler comme une vieille anglaise), y faut pas d’pluie, y faut une moto avec des réglages adaptés à la couleur du slip, et si jamais y’en a un qui s’met vraiment à visser, les aut’ y disent tout d’suite que c’est la faute au team qu’est pas capable de leur filer un brêlon à la hauteur de leur soi-disant talent…
J’va t’donner un exemple avec l’jeunot qu’à l’numéro 46 : parait qu’on lui a r’filé une bécane qu’avançait pas du tout y’a un an… Ben…, à ton avis ? C’est la brèle ou les gars qu’étaient d’sus qui z’étaient à l’arrêt ???
D’ailleurs, si tu r’gardes bien, l’aut’ Espingouin qui lui servait de coéquipier, et qu’était chez eux depuis plus longtemps qu’le jeune Italien dont j’crois m’souv’nir que j’connaissais son père – un marrant à l’époque ! -, il a fait quoaaa l’torréador ????
Et l’aut’ naze qu’a récupéré la moto du champion d’l’an dernier, tu sais ? çui qu’à une tête d’abruti avec ses gros sourcils, y’a pas trouvé la marche avant…
T’as aussi l’numéro 15… Alors là, c’t’animal là il est fortiche car pour éviter de se battre avec l’adversaire, y paraît qu’y s’bat contre lui-même…
T’as qu’l’aut’ Rital, Max je crois, qu’essaye d’faire front, et pis aussi le p’tit avec l’ numéro 65 : mais comme y roule sur une italienne, l’est pas arrivé non plus…
J’te le dis comme j’le pense, tous des lopettes les jeunes…, alors moi, j’va leur montrer et faire un truc dans une course comme on en avait dans l’temps, à l’époque ou les pilotes y z’en avaient une paire comme ça et tournaient la poignée sans s’poser d’questions "
Commence à être chaud de chez chaud, Pépère…
Dave observe sans rien dire mais semble vivement intéressé par les propos du Gatouillable, il réfléchit un long moment puis s’adresse à René :
" Tu veux VRAIMENT courir le T.T. de l’île de Man ??? ", dit-il avec une lueur particulière dans le regard…
" Mais non, mais non, y rigole, tente d’intervenir Maurice, tu vois pas qu’il est déjà plein comme une huître. "
"YES !!!, crie René, et j’va gagner la course uniquement pour prouver que quand on veut réellement êt’ devant, ben, on la ramène pas et on visse !!! "
"Ma foi ! rétorque Dave, vu ce que tu es capable de faire un guidon en main, je ne suis pas trop étonné par tes propos et, si tu veux, je te propose de mettre le projet sur pied. Avec la renommée du site, ça ne va pas être bien difficile de dégoter des partenaires pour courir l’épreuve dans des conditions décentes ! "
Dans l’état d’euphorie installée au sein du groupe, seul Maurice semble garder un peu de lucidité. Il connaît la renommée du T.T., et même René, avec tout son talent, risque de jouer à la roulette russe en participant à cette course ou travaille sans filet…
Seulement, il est comme ça l’Ancêtre : à l’opposé du prudent Maurice, celui-ci ne vit que par le fait de défis lui donnant l’impression d’avoir trouvé la fontaine de jouvence et visiblement… ça marche !
" René ? Tu veux qu’je te dise ? lance le frangin, t’es complètement bourré et tu t’rends plus bien compte des conneries qu’tu débites ! "
" Des quooooi ?, pourquoi tu parles de b… ?, plaisante le Respectable en articulant de plus en plus difficilement, moi j’te cause d’leur montrer à tous qu’un Gedeufoistrentans y s’laisse pas impressionner par une bande de boutonneux qui sont pas capab’ de garder les deux roues en ligne en tournant l’truc comme ça… ! "
Ce faisant, il mime une rotation du poignée et… VLAN !!! Son sens de l’équilibre ayant maintenant un sacré problème au niveau de la synchro d’carbu, Superpapy s’étale de tout son long et s’en va rejoindre Ziva en ajoutant un cylindre supplémentaire à l’anglaise !!!
" Dave, c’est pas raisonnable c’que t’as fait-là, dit Maurice en s’adressant à leur hôte, tu sais bien qu’une course comme le T.T., ça s’gagne jamais du premier coup…, et René, si on l’pousse comme tu viens d’le faire, y va attaquer bille en tête et on risque d’aller l’ramasser à la p’tite cuillère !!! "
" T’inquiète pas Maurice, je fais confiance à ton frangin, il arsouille comme un jeune avec l’expérience d’un Respectable…
A mon avis, il n’a pas fini de nous étonner…
Allez ! T’en fais pas et viens boire un coup, y fait soif ici… "
Je vais faire appel à tes souvenirs, dans les années 50, y’avait un mono culbuté de 500 cc chez BSA, lequel était mis à toutes les sauces, faisant le bonheur des pistards, crossmen, trialistes et autres routards.
Ce moulin a façonné tout un pan de l’histoire motocycliste anglaise et la fascination qu’il a suscitée à son époque fut à l’origine de la passion de nombreux motards qui ne juraient ensuite que par cette mécanique…
Fallait d’abord savoir kicker selon un mode bien particulier : une manette au guidon permettait de faire varier le point d’avance à l’allumage, pas de gaz (surtout pas…), on passait la compression (énorme et peu de démultiplication au kick) et ensuite, un bon coup de jarret pour mettre en marche cette cathédrale (la taille du cylindre et de sa culasse… !)
Un son grave, très grave, comme venu d’outre-tombe, sortait alors du mégaphone, lequel crachait ses décibels en déferlante, il était presque obligatoire, quand on était face à une version racing de se boucher les oreilles…
Et les vibrations… Un vrai tremblement de terre qui faisait bouger la bécane sur sa latérale et se barrer la vis la mieux serrée !
Le rapport avec le Gatouillable et ses comparses…? Ben imagine que tu as ce moulin dans la boîte crânienne et que tu joues de la poignée de gaz, c’est exactement avec cette douloureuse impression qu’il ont tenté tous les quatre d’émerger ce matin là après la soirée précédente !
C’est Maurice qui, le premier, semble retrouver un semblant de fonction opérationnelle, l’œil est glauque, la bouche pâteuse et le mollet flagellant.
Son premier réflexe est de jeter un regard vers son frangin, lequel, assis en travers du plumard, ressemble à une vache dans un pré… avec la même expression au visage…
" René ?… ", dit-il doucement en direction du bovidé improvisé.
" Moooooais !, répond Pépère, assez mollement…
" Rassure-moi, t’as changé d’avis ???????, tu vas pas participer au T.T. ??????????… "
" Qu’est-ce que tu radotes ? parvient à articuler le Respectable. Toi, t’as pas encore cuvé, j’t’ai d’jà causé qu’était pas question que j’fasse d’la cours, t’en as d’ces idées !!! "
" Pourtant, hier au soir… "
L’Ancien regarde son frère avec l’air de ne pas comprendre, se demandant avec une certaine inquiétude si Maurice a pas fait un pas supplémentaire dans la pyramide ascensionnelle de la " Respectabilité "… Visiblement René ne se souvient pas de ses frasques de la veille !
Arrive alors Dave, pas vraiment opérationnel lui non plus, lequel s’empresse de venir saluer son idole.
" Ben mon vieux, constate t’il, pour un futur gagnant du T.T., t’as une drôle de mine… "
L’René, au réveil (surtout en sortant d’un tel état…), faut pas l’bassiner d’trop près.
" Z’avez bientôt fini d’m’emmerder avec vos histoires de Tourist Trophy ! vous avez fumé ou quoi ? "
" Pourtant, rétorque Dave, hier au soir, t’étais partant…, et même que tu nous a expliqué que les jeunes d’aujourd’hui c’était des lopettes de pas oser s lancer là-dedans… "
René réalise alors qu’emporté par l’euphorie de la soirée, il avait certainement trop parlé.
" Ouais…bon, j’étais bourré, tout simplement !
T’imagines quand même pas qu’je vais, à mon âge, m’engager à c’truc de dingue et y laisser ma peau. J’tiens pas trop à décevoir les frangines en attente sur mon calepin… "
" Si, René : j’y crois !… Et même que vu ta façon d’essorer la poignée, je suis certain qu’y en a qui ont du mouron à se faire !
J’peux mettre sur pied toute l’organisation et obtenir le meilleur matériel possible pour que ça se réalise le mieux possible… "
" T’es pas un peu timbré, toi par hasard ??? si ça t’tente vraiment, j’veux bien t’former pour qu’t’essayes d’faire illusion si l’idée te tente d’aller manger la terre des Rosbifs, mais l’gars mézigue, l’a aut’chose à faire qu’à visiter les hostos du coin… "
Dave semble déçu :
" Je ne suis pas un pilote, alors non merci ! Par contre toi…, mais bon, n’en parlons plus ! pour l’instant… "
Maurice pousse un grand OUUUUUF de soulagement tandis qu’au rez-de-chaussée se fait entendre un SPLAAAAAAAAAMMMMMM !!! retentissant.
" C’est quoi ça ????? ", s’exclame les frangins en sursautant…
Dave prend un air faussement détaché " ça !, ça doit être l’Ziva qui se réveille… "
Effectivement, c’est le gamin qui tente d‘émerger. L’animal dormait tellement bien que les autres l’ont laissé roupiller dans le canapé. Faut dire aussi que porter quelqu’un, quand t’as plus les idées claires, c’est pas évident !
Le môme a bien tenté de brancher son radar en se levant mais ce dernier, pas encore totalement initialisé, n’a pas détecté le tapis au sol fonçant droit sur lui. La table de salon, sans doute copine avec ce traître de tapis, s’est aussitôt précipitée pour faire barrage, le combat a été inégal et la table déclarée vainqueur par KO…
Les autres se sont précipités pour constater que Ziva risque d’avoir quelques difficultés à enfiler son casque aujourd’hui, rapport à l’énorme bosse au front consécutive à la collision !
La table, simplement renversée, semble se marrer devant la tronche ahurie du gosse, lequel visiblement n’a rien compris au film…
" T’as encore raté un freinage, môme ? demande Maurice, va t’falloir un A.B.S. si ça continue comme ça… "
Le môme en question est de mauvaise humeur. " Vous foutez pas d’moi les fossiles, feriez mieux d’vous r’garder dans une glace, si on vous dépose dans c’t’état là au bord d’un champ, pas d’danger qu’les oiseaux rappliquent…, mais avec des tronches pareilles, vous servirez pas à grand chose car c’est les graines qui vont foutre l’camp !!! "
Une douche froide et quelques bols de café serré plus tard, les voilà, sinon opérationnels, du moins à peu près présentables…

Episode 26 :

Nico CESCOVITCH…

DRIIIIIIIIIIIIINNNNNNNZZZZZ !!!!!
" Ha zut !, j’l’avais oublié celui-là…, dit Dave en se grattant la tête, c’est Nico CESCOVITCH, le fils d’un ponte de l’industrie du tabac impliqué dans le sponsoring moto.
Il a monté une boîte de recherche et développement dont le but est de mettre au point un deux temps qui ne fument pas.
Nico (c’est son père qui lui a donné ce prénom, déformation professionnelle…) doit me faire essayer son proto pour que j’en glisse quelques mots sur le site, tu tombes à point René !"
Dave va ouvrir à un gars encore jeune, clope au bec et un casque portant le numéro 46 à la main, ce dernier, à la vue du Respectable, s’avance avec un large sourire.
" René Gedeufoitrentans ? Content de te rencontrer ! J’ai suivi tes exploits par le biais d’un pote journaliste qui m’a parlé de toi…
Tu sais que dans l’petit monde des GP on commence à causer du Superpapy ?.
Paraît qu’t’as torché l’père SARRON lors d’un stage de pilotage ??? "
" N’exagérons rien, rétorque René, Christian a simplement été gêné dans les derniers tours… "
" N’empêche qu’le père a parlé de te faire une proposition pour la saison prochaine quand la nouvelle lui est parvenue. Il compte prendre contact avec toi sous peu…
Au fait, tu peux me signer mon paquet de cigarettes ??? "
René s’exécute en déclarant qu’il n’était pas question pour lui de participer à une quelconque course, à son âge, on ne fait plus carrière…
Tous les cinq s’installent autour de la table de salon, laquelle a retrouvé sa position initiale et Dave invite Nico à parler de son projet :
" Tout jeune, j’ai baigné dans l’ambiance de la course et je suis resté un passionné de deux temps. Seulement voilà, avec les nouvelles normes anti-pollution, cette merveilleuse mécanique est en passe de disparaître… J’ai donc créé une boîte qui tente de mettre au point un proto pour la route qui ne fume pas – en parlant d’ça, si vous voulez une clope, servez vous ! – histoire de relancer ce type de moteur avant qu’on ne parle de lui à l’imparfait.
C’est un six cylindres en V de 750cc à injection avec un système de recyclage des gaz inédit par le biais d’un catalyseur un peu spécial. Pour l’instant cette mécanique développe 190 CV à 12000 tours pour un couple de 8,5 m/kg à 7000…, autant dire que ça remue pas mal…
Dans l’état actuel, le moulin passe la norme EURO 2 sans aucun problème !
J’ai aussi tenté d’innover avec la partie cycle, restée relativement traditionnelle au niveau du cadre par le biais de platines supportant la mécanique, mais c’est l’ensemble réservoir/coque d’un seul tenant, ainsi que le carénage qui sort quelque peu de l’ordinaire : ils sont fabriqués à base de feuilles de tabac (servez-vous !…) dont une des propriété est l’absorption des chocs qui fait que le matériau est quasiment indestructible et sa résistance le rend peu sensible à l’abrasion.
Un brevet a été déposé et je peux te dire que les bridés sont passés du jeune au vert quand ils ont eu vent de l’histoire !
Un dernier mot, avec les jantes et disques en carbone, l’ensemble ne pèse que 145 kilos avec le plein ( c’t’un p’tit réservoir de 15 L mais on travaille pour faire baisser la conso en deçà de celle d’un quatre temps…) "
René est maintenant totalement réveillé et a hâte de voir la bête… et de l’essayer !
Ils se rendent tous à l’extérieur ou Dave leur présente son " bébé " avec fierté ; elle est minuscule comme une meule de GP, d’une finesse et d’une compacité incroyable. Le travail pour caser les six échappements catalysés tient du génie avec deux éléments sous la selle, deux passant à droite et les deux autres à gauche. Vu de l’arrière, l’ensemble est à couper le souffle !
Le matériau du réservoir ressemble à un classique poly et la moto est peinte dans un bleu électrique rappelant une certaine MotoGP.
Nico file un coup de démarreur donnant vie à une étrange sonorité qui étonne Ziva mais fait verser une larme au Respectable.
" On dirait une HONDA 6, en plus civilisée… ", dit-il en tournant lui-même la poignée pour faire monter le moteur dans les tours.
" J’ai demandé aux ingénieurs de soigner ce point ! lui explique Nico avec un sourire, bien entendu, c’est toi qui monte le premier dessus, c’est un honneur pour moi ! "
René file se changer et revient vêtu de son cuir. Il grimpe sur l’engin avec la précipitation d’un gosse à qui on vient de filer un jouet…
Les autres le regardent décoller sur un filet de gaz puis disparaître au coin de la rue, il revient une demi-heure après, la banane à travers la visière entrouverte.
" Vache ! Elle pousse plus que la bécane à SARRON !!!, et moins brutale…
C’est régulier jusqu’à 6000 environ, mais ça pulse déjà fort, hein !, puis, au-d’sus, faut t’accrocher aux branches car ce truc devient comme fou, t’as l’impression qu’ça va jamais s’arrêter de monter dans les tours !!!!
Et le bruit !!!!!!!!! : RHAAAAAAAAA !!!!!!!, t’as plus envie d’couper tellement ça t’prend aux tripes une mélodie pareille…
La partie cycle ? parfaite : un vélo avec la rigidité et la précision d’la mienne !!!
J’EN VEUX UNE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! "
Dave est aux anges devant l’enthousiasme de Pépère, il ajoute :
" En plus, si tu tombes avec, tu la retrouves quasiment intacte avec la structure inédite… "
René, en entendant ça, jette un regard en direction de Ziva.
" Met ton casque, petit !
Tu vois l’gauche au bout d’la rue ? Tu grimpes sur la moto et tu fais comme d’habitude… "
Les autres se marrent tandis que Dave, étonné, laisse l’Ancien donner cette directive.
Le Ziva enfile son casque en grimaçant un peu, rapport à la bosse au front, et grimpe à son tour sur la meule pour s’élancer sur la roue arrière.
La moto est partie comme une balle, le feu stop s’est allumé et… la brèle s’est couchée au sol dans un superbe travers !!!
Ils se sont tous précipités. Dave a redressé la moto, Maurice a relevé Ziva dont le cuir n’est plus à ça près, et René s’est penché sur la bécane.
" Hé ben c’est vrai ! Elle a rien du tout la meule…
Bravo Ziva !, t’es un bon… "

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Episode 27 :

Petite virée, pour souffler un pneu…

Ces derniers temps le gars René a beaucoup donné entre les coups de mains au môme ROSSO, les essais, les séances photos et divers trucs découlant de sa récente notoriété !
Pour tout dire, il en a un peu ras l’intégral. Aujourd’hui, avec la complicité de son Maurice de frère, c’est stand-by pour Superpapy qui a décidé d’une virée tranquillos, sans arsouille, histoire de se détendre un peu comme le Respectable qui va à la pêche pour se sortir de son quotidien glauque d’avec Mémère qui, si elle fut une bonne épouse en des temps tellement reculés qu’on se demande si c’est pas la pensée qui a enjolivé la chose, est maintenant une vieille aigrie à bigoudis n’ayant plus que son fidèle compagnon en défouloir de cette rancœur initialisée par l’entremise de ce foutu sablier qui la nargue dans un bras de fer inégal…
C’est la raison Number One du célibat des deux frangins, pas d’attache susceptible de jouer le miroir dans lequel on contemple le temps qui passe…
Bref, les V6 vont pas surchauffer de la journée, ce, pour le plus grand plaisir de Maurice qui n’aime pas trop les arsouilles sur la route !
Les deux Gatouillables font traîner ce moment où on enfile l’équipement, un œil sur les motos pour l’instant immobiles, en savourant l’instant présent.
Les 1300 sont maintenant à l’extérieur et chauffent tranquillement sur la latérale. Le temps est sec et frais, parfait pour prendre la route par le chemin des écoliers…
Quand deux personnes se connaissent parfaitement, à fortiori jumeaux, et partagent la même passion, c’est le beau fixe affiché au baromètre du bonheur. Les Respectables s’observent avec complicité pendant que les motos se dérouillent les bielles sur les premiers kilomètres.
René ouvre la marche à un rythme inhabituel de lenteur en rapport à celui imprimé en temps ordinaire, Maurice le suivant comme son ombre. Ils enroulent le nez au vent, sans but précis si ce n’est celui de sentir cette liberté les envahir, bercés au feulement régulier des six cylindres tournant à bas régimes.
Là-haut, très loin dans le ciel, les oiseaux semblent vouloir les accompagner, comme pour leur indiquer une direction connue d’eux seuls et uniquement accessible à ceux qui ont le courage de briser les chaînes qui les relient à ce quotidien monotone et uniforme de la vie de tous les jours…
Ils sont heureux ; d’être ensemble d’abord, de profiter de l’instant présent sans devoir rendre aucun compte à quiconque…, heureux de vivre, tout simplement !
Sur les bas-côtés de la chaussée, l’herbe humide bordant les arbres de la forêt toute proche qui a laissé tomber au sol sa parure de la belle saison, laisse échapper mille odeurs subtiles leur rappelant des souvenirs d’enfance. Epoque insouciante où ils batifolaient tous deux dans les bois en inventant des histoires destinées à créer un univers rien qu’à eux.
Les moulins sont maintenant en température et, mine de rien, la moyenne n’a rien de ridicule même si les courbes sont absorbées sur un filet de gaz en enroulant. Avec des moulbifs cubant autant, c’est la moindre des choses. Mais aucune brusquerie dans les gestes ne troubler la quiétude un peu magique du moment, de celle qui te fait croire que le temps s’est arrêté, et les deux motos semblent glisser sans aucune contrainte sur un imaginaire tapis déroulé à l’infini sur l’asphalte noir du réseau routier…
Soudain, à l’entrée d’une agglomération, la brusquerie du monde réel les surprend par l’entremise d’une dizaine de bécanes arrêtées à un feu. René et Maurice sont bien obligés de cohabiter quelques instants avec cette horde faisant involontairement irruption dans "leur" univers, des djeun’s sur des sportives high-tech avec des cuirs aux couleurs des pilotes en vue du moment.
Ces derniers saluent les Respectables tout en jetant un œil circonspect sur les Kawasuki. Les Sport GT, même affublées de telles mécaniques, n’ont pas l’aura quelque peu sulfureuse drainée par une replica et ne sont donc pas dignes de la caste instaurée par cette new generation pour laquelle le paraître est LA condition sine qua non de reconnaissance. De même, à travers les visières, l’âge des frangins est affiché comme sur un écran géant, encore une fois un élément incompatible d’appartenance à ce monde définitivement sectaire ou la passion semble avoir cédé le pas face à une vulgarisation de la moto traitée au même titre que n’importe quel objet susceptible de servir de symbole à une jeunesse de plus en plus lobotomisée.
Les Respectables se regardent en soupirant, manquait plus que ça alors que la quiétude les entourait quelques instants auparavant…
VRAOUUUUUUM !!!, VRAOUUUUUUM !!!, toujours le même cinéma avec des gugusses comme ça, sauf que nous avons droit à une petit variante pour le groupe présent : une fois le feu passé au vert, ils laissent filer les Gatouillables pour mieux enquiller le gauche à la sortie du bled en ayant au préalable doublé les V6 le nez dans la bulle…
Les freinages sont légers et la prise du point de corde bien approximative, mais peu importe pour ces " pilotes des jours sans pluie ", l’important pour eux n’est pas d’étudier le mode d’emploi du passage en courbe (trop fastidieux… et dangereux pour l’image vis à vis de l’autre dans le cas ou on ne possède pas le talent nécessaire pour ça !) mais d’avoir un truc bourré d’accessoires sensé rivaliser avec une meule de GP… au coin du bar !
Maurice se porte au niveau de René, mais le la lueur dans le regard de ce dernier lui comprendre que Pépère est pas content ; Superpapy en rempile deux et visse en grand !
Là-bas, au loin, la meute n’amuse pas le terrain… en ligne droite, mais le V6 est préparé, à chaque changement de rapport, une brève fumée bleutée s’échappe du pneu arrière tandis que la bête crache son impressionnante cavalerie dans une accélération démoniaque pour une brèle de route !!!
Au loin, un droite au large rayon se précise et René a déjà fondu sur le groupe, ces derniers prennent les freins alors que l’ancien lui, ne coupe pas en les doublant un à un par l’extérieur.
La surprise est totale ; l’un d’eux touche même la roue arrière du comparse devant lui, risquant de les mettre au tas tous les deux !
Au point de corde, René, plein angle, lâche la main gauche, qu’il passe entre le réservoir et le bras droit, pour les saluer au passage tandis que la Kawasuki reste imperturbable sur sa traj’…
Le rythme des d’jeun’s a subitement chuté et Maurice en profite pour prendre la roue du frangin, tout à l’extérieur lui aussi. Motos encore sur l’angle, les deux Respectables font hurler les moulbifs à la limite de la zone rouge en déposant littéralement les pseudo pilotes incapables de répliquer !
Celle de Maurice a reçu les mêmes pièces que René, les replicas ne suivent pas et doivent se contenter, après s’être fait proprement enrhumer en courbe, de voir s’éloigner les Anciens qui se fendent bien la poire de ce petit clin d’œil face à la certitude d’une toute puissance sans fondement.
Une aire de repos se trouve quelques mètres plus loin, René fait signe à son frère de s’arrêter. Ils retirent leur casque en se marrant et en se tapant dans la main. Bientôt le groupe apparaît et stoppe, la queue entre les pattes mais intrigué, derrière les frangins.
Sont pas fiers les gamins ! Ils s’avancent en directions des Gatouillables. L’un d’eux imite alors la carpe gobant une mouche à la surface de l’eau en s’écriant :
" René Gedeufoitrentans !!! on aurait dû s’en douter…
Bon, c’est sûr , on pouvait pas lutter…
Et même Maurice y met du gaz, on a rien vu ! ", avoue t’il, visiblement impressionné…
Les autres font " HOOOOOO !!! ", car il est vrai que la René Story a fait le tour de tout le milieu, la presse et les campagnes de pub ont bien aidé à ça !
Les d’jeun’s sortent qui, un carnet et qui, une feuille ou un paquet de cigarettes pour faire signer Superpapy, d’un seul coup, la barrière des génération est effacée au profit d’un profond respect…
" Voyez-vous les jeunes, vot’ problème c’est qui faut arrêter de vous r’garder l’nombril et faire comme nous les anciens, vous concentrer sur la poignée d’gaz !
C’est pas vos tenues d’clowns qui vont vous aider à savoir ouvrir autrement qu’en ligne droite et, au lieu de dépenser des fortunes dans ces trucs là, payez-vous des stages de pilotage : vous serez ainsi plus crédibles et éviterez ce genre de petite mésaventure…Pigé la jeunesse ?… "
Faut reconnaître qu’il a pas tord Pépère et la petite troupe repart quelque peu désorientée…
Les deux Respectables, eux, reprennent la route, le nez au vent, à une allure sénatoriale…

Episode 28 :

Une course… spéciale !

Nous sommes en 1963, René GEDEUFOITRENTANS mène le championnat 500 au guidon de sa V4 TERROT à compresseur depuis la mi-saison. Son adversaire principal, Phil READ, sur la MV 4 est relégué à 20 points du leader. Le troisième, Jarno SAARINEN, sur une YAMAHA 2 temps (les japonais avaient décidé d’employer une mécanique différente) colle au numéro deux avec trois points d’écart. Le quatrième, Grazziano ROSSI, sur HONDA V6 est en embuscade, ainsi que son fils, Valentino, lequel apprend la catégorie (DUCATI mono turbo). Le roi AGO est un peu lâché suite déboires sentimentaux (MV lui aussi). Sete GIBERNAU, sur DERBI (un 5 en ligne) tente de faire illusion mais se bat contre lui-même (pour l’instant, il n’a jamais réussi à se faire le freinage…). Kenny ROBERTS Junior, sur PEUGEOT (un bi face à la route alimenté au jus de betterave…), est totalement inconstant cette saison depuis qu’il s’est aperçu que le but est d’essayer de doubler les autres (quelqu’un lui avait expliqué que le premier qui rentrait au stand avait gagné…).
Voilà un petit résumé de cette saison, millésime 63, et déjà cinq courses se sont déroulées. Nous sommes en Juin, il fait beau et c’est le Grand Prix de France sur le prestigieux circuit des Essarts, près de ROUEN.
René a fait la pole en 3 minutes tout rond sur le tracé normand de 6,3 kilomètres. Sa TERROT marche du feu de dieu ! Faut dire que les ingénieurs, suite à une soirée très arrosée dans l’atelier (on fêtait le Beaujolais nouveau…), ont malencontreusement renversé une bouteille du précieux breuvage dans un jerrican d’essence resté ouvert, lequel a été transféré dans le réservoir à René…
L’ensemble a fait gagner vingt chevaux à la meule ! Un brevet a aussitôt été déposé par la marque…
Le deuxième temps est pour le fils ROSSI, dont la DUCATI semble marcher de mieux en mieux et surtout… le gosse apprend vite !
SAARINEN prend la dernière marche du trio avec une YAMAHA diablement efficace !
Suivent ensuite READ, ROSSI père, GIBERNAU et GROROBERT (surnommé ainsi par l’ensemble du Continental Circus depuis qu’il s’affiche avec une blonde à forte poitrine…)
Ils sont tous sur la grille, près à traverser la piste pour monter sur la meule comme il est de mise pour prendre le départ que donne le commissaire de course à l’aide d’un cor de chasse.
René est un peu nerveux car READ semble avoir passé son temps à la mise au point plutôt qu’au chrono et regarde le leader avec un rictus qui ne présage rien de bon pour la suite…
TSOIN ! TSOINNNNNNN ! C’est parti !!!
Valentino a bousculé René au moment ou celui-ci grimpait en selle et dégotté un balai pour dégager la sciure déposée intentionnellement devant la TERROT (Pépère n’avait rien vu et heureusement que la solidarité fonctionnait en ces temps-là, un coup de READ certainement…)
René remercie chaleureusement Valentino du geste mais dans l’histoire, ils partent bon derniers car les autres n’ont pas attendu et… READ est en tête !!!
Les pneus sont froids, mais le Respectable s’est littéralement jeté dans le grand gauche en descente, imité par le fils ROSSI, déjà un peu enivré par les effluves lâchées par les deux échappements du V4…
Avant le droite en épingle du bas du circuit, le duo a déjà doublé et laissé sur place GROROBERT et GIBERNAU, occupés à discuter de leur façon de gérer cette course, visière ouverte !
SAARINEN est autrement plus coriace et vend chèrement sa peau dans le droit puis le gauche suivant (vicelard celui-là car il se resserre en sortie) dans la remontée vers la longue ligne droite précédée par un virage (droite aussi) à angle droit. C’est là que parlent les chevaux de la TERROT, toujours suivie de près par la DUCATI du fils ROSSI, complètement bourré par les rejets de la moto à René…
Dans la ligne droite, Valentino est obligé de s’arrêter, ne sachant plus laquelle des trois TERROT il doit suivre, il dépose sa moto sur le bas-côté et, s’allongeant sous les arbres, se met à… ronfler comme sa DUCATI !
AGO est maintenant en ligne de mire de René mais le bougre enroule sévère de chez sévère !
On arrive au bout de cette ligne droite et bientôt un droite serré se présente pour attaquer la ligne des tribunes…
AGO soudain, coupe son élan, une fan vient de crier son nom en soulevant son bustier et le fringant rital, retombant dans ses vieux travers, a déjà sauté de sa machine pour culbuter la belle dans le bosquet d’arbres voisin !
René en remet un coup car SAARINEN est en embuscade, mais il a déjà Grazziano en ligne de mire, dont la HONDA semble en proie à des problèmes, elle fume bizarre…
Ils abordent maintenant la descente avec ce grand droite qui se prend sans couper quand soudain le V6 à ROSSI décide de vidanger sur la piste alors que René se portait à sa hauteur, l’ancien était plein angle et la TERROT a décroché brutalement de l’avant, puis de l’arrière sous l’effet du visqueux liquide…
Ca va vite…, très vite même ! René, sur le dos glisse en direction du rail de sécurité…
Quarante…, trente…, vingt…, dix mètres et… PAF !!! Pépère s’éclate contre le rail !!!!
Plus de son ni lumière…
" René ? René !!??? " La voix vient de loin, sous forme d’un écho…
René a mal à la tête, certainement le contact avec le rail. Il bouge un bras, puis l’autre, rien de cassé semble t’il. Les jambes aussi ont l’air de fonctionner normalement. Il pousse un OUF de soulagement car généralement ce genre de chute ne pardonne pas !
Prudemment, il tente alors d’ouvrir un œil, puis l’autre…
Dehors, le soleil brille à travers la fenêtre, il est dans sa chambre, allongé en travers de son lit et c’est Maurice qui est penché près de lui.
" Ha !, quand-même !!! Dis donc, il est quinze heures et va falloir penser à émerger…
T’as fait l’tour de l’horloge !…
Faudrait voir à moins picoler l’soir avec CESCOVITCH, qui, soit dit en passant, cause pas beaucoup mais bois comme un trou et fume comme un diesel, l’animal…
J’ai été obligé d’aérer tellement l’odeur s’est imprégnée.
T’as vu l’état d’ton lit ??? tu rêvais qu’tu faisais la course ou quoi ???… "
D’un seul coup René vient de réaliser :
" Tu sais Maurice ? C’est con les rêves ! " dit-il en se levant péniblement pour gagner la salle de bain, histoire de se rafraîchir les idées…

Episode 29 :

René ? J’ai une proposition à te faire…

René est fébrile ce matin, c’est aujourd’hui qu’il doit l’essayer…
Il passe deux plombes dans la salle de bain à se préparer après un footing plus long que d’habitude ; pas commun chez lui et Maurice le regarde un peu étonné :
" Hé, cool !!! On dirait un collégien qui s’en va à son premier rendez-vous… ", fait remarquer ce dernier.
" Ben, faut m’comprendre, avec une meule d’ce calibre, faut êt’ à la hauteur…, alors j’me met en condition. Normal, non ? ", répond Pépère.
L’idée, c’est de Grigou lors d’une discussion avec Dave ayant pour sujet les qualités assez exceptionnelles du Respectable. Ils ont tout de suite conclu que seul René pouvait être à la hauteur d’une telle monture.
Son concepteur, ami de Grigou, en est fier comme on peut l’être d’une telle réalisation, mais faut avouer que là, trop c’est trop. Déjà, en la voyant, on comprend qu’il vaut mieux se méfier, qu’une telle meule ne va pas se laisser apprivoiser par le premier venu. Ses lignes, agressives, sont tendues à l’extrême sans aucun compromis, tu piges rapidos au premier coup d’œil le caractère en acier trempé qui émane du sujet car elle ne triche pas, ça lui est impossible.
Elle est magnifique et rejoint un peu, dans l’esprit du moins, le coup au cœur que nous a laissé la 916 lorsque le voile a été levé, ceux qui ont eu l’honneur de porter un regard sur cette beauté en sont restés abasourdis.
Ben oui, c’est une latine, avec ce côté un peu excessif et sauvage mais si terriblement attirant que, même sans bouger, elle éclipse de son aura toutes celles ayant l’audace de se porter à son niveau !
Seulement, le revers de la médaille, c’est que quand on cultive autant de superlatifs, le mieux devient souvent l’ennemi du bien, mais peut-on en vouloir à son père concepteur d’avoir accouché d’une telle merveille ?
Lui, ne pouvait que transmettre à son " bébé " la passion toute ritale coulant dans ses veines depuis le jour de sa naissance, mais, au jour d’aujourd’hui, pas un n’a été en mesure d’être à la hauteur de la mériter, ne serait-ce que pour un court galop d’essai ; la belle se rebiffe alors dès les premiers instants, te faisant comprendre qu’une deuxième tentative est inutile.
Que faire alors ? Etait-elle destinée à n’être qu’un inabordable sujet de contemplation sans autre issue que le plaisir de la rétine ?…
Tu conviendras avec moi qu’il s’agirait là d’un sacré flop, que son concepteur lui ait interdit les voies du succès par excès de perfection, un comble !
Je dois te dire que c’est bien ce qu’il ruminait, voyant les prétendants se succéder avec toujours l’échec pour résultat, existait-il seulement un pilote dans ce bas monde susceptible de dompter une telle monture ?
A monture exceptionnelle, personnage exceptionnel, voilà l’idée qui a germé dans l’esprit de Grigou…
Naturellement, qui d’autre que René l’extra-terrestre pour tenter de relever le défi ?
Bien entendu, son age ne plaide pas en sa faveur, mais avec ce diable de bonhomme est-ce réellement ce qui importe le plus ? Il a toujours prouvé qu’à l’impossible nul n’est tenu et toujours gagné là ou les autres se sont ramassés lamentablement. Restait à le convaincre : c’est Dave qui s’est chargé du projet, avec l’aide de Maurice.
Au début, Superpapy a rigolé franchement de la proposition saugrenue qui lui était faite. Il a fallu toute la finesse d’esprit des deux complices pour l’amener à tenter l’aventure en le touchant sur un domaine qui le faisait toujours démarrer au quart de tour, c’est à dire sa confiance inébranlable en ses propres capacités…
" Bon, on insiste pas…, avait alors déclaré Maurice avec un air faussement détaché, on ne t’en voudra pas de ne pas tenter l’expérience sur ce coup-là car, même pour toi, c’est un défi qui ne peut se gagner… "
Voilà exactement le genre de truc à dire pour le remonter, le René…
" Puisque vous l’prenez comme ça, j’va vous prouver qu’y a rien en c’bas monde qu’est capable d’me faire reculer. Ta jouvencelle, elle va subir l’coup d’gaz du René et elle va plier… J’en ai maté bien d’autres !!! "
Tout de suite le Respectable se mord intérieurement les lèvres. Sa réplique est sortie très vite comme d’habitude, l’obligeant à maintenant assumer ses paroles mais, sur ce coup-ci, l’ancien est un peu dans le doute car il sait, le projet lui ayant été longuement exposé, qu’il allait jouer sur un autre registre et travailler sans filet avec le risque d’une ramasse douloureuse.
Mais bon, quand on a végété des années en vivant sur ses acquis pour passer ensuite, à soixante balais, du tromblon au V6 dernier cri pour lequel une sacrée remise en question a été nécessaire, faut déjà assurer. Mais quand en plus on se paye le luxe de taxer SARRON lors d’un stage de pilotage, on n’est vraiment plus dans la norme.
René tente de se rassurer en pensant qu’il ne s’agit là que d’un exploit supplémentaire à réaliser, que, jusqu’ici, il n’a jamais échoué, et aussi que relever un tel défi, il est le seul digne de le faire !
Conscient aussi de son âge bien présent qu’il tente de gommer mais peut le rappeler à l’ordre a tout instant…
Bref, c’est la confusion la plus totale dans la boîte à pensarde du Fossile.
Il sort Brigitte, sa surpuissante KAWASUKI, avec une certaine fébrilité. Maurice le regarde sans un mot, sachant combien son frère a besoin de se préparer face à la tache qui l’attend…
Les deux V6 chauffent tranquillement sur les latérales tandis que les frangins enfilent les fringues et se casquent. René, en enfilant le sien, a une lueur de détermination particulière dans le regard, il prend sur lui pour être sûr de gagner la partie.
Pour te donner un ordre d’idée sur la hauteur de la marche à gravir, fait un parallèle avec ROSSI l’an dernier. Il avait tout gagné sur LA moto parfaite mise au point par lui-même, et il a lâché tout ça pour prendre le guidon d’une moto réputée ratée avec laquelle le risque le plus important était de ternir son image à jamais. La suite, on la connaît.
Là, c’est l’inverse. René va à la rencontre de quelque chose réputé inaccessible, sur lequel les plus téméraires se sont cassés les dents et dont la réputation sulfureuse suffit a en repousser la grande majorité qui, secrètement, vendraient leur âme au diable pour avoir le dixième du talent leur permettant de la chevaucher ne serait-ce qu’un instant.
Pépère, dans le milieu, a maintenant une réputation à tenir, la résultante d’un échec lui serait grandement préjudiciable…
Il lui FAUT remporter la partie !
Sur la route, malgré son impressionnante cavalerie, la 1300 est maniée avec toute la hargne dont est capable le Respectable, et la bête se tait pour filer droit, laissant seulement des traces de gomme au sol !
Maurice, qui l’accompagne comme à son habitude, a bien du mal à suivre son frère à un tel rythme, il doit rendre la main et le laisser prendre le large. Il le rattrapera sur le lieu du rendez-vous.
Lorsqu’il arrive devant le coquet pavillon de banlieue, lequel possède un immense garage accolé, Maurice constate que Dave et Grigou sont présents et rigolent en compagnie de René, les doigts posés sur les ergots des repose-pieds de Brigitte, Pépère a encore dû leur faire une arrivée à sa manière…
Serrage de paluches, échange de quelques banalités et DRIIIIINNNZZZZ !!!! Des pas se font entendre et la porte s’ouvre, découvrant un homme à l’allure élancée et à l’attitude déterminée. Celui-ci doit bien approcher les soixante berges au vu de l’expression des traits de son visage, ce que ne laisse absolument pas paraître son aspect physique, visiblement entretenu par la pratique assidue du sport. Un regard perçant et glacé finit de caractérisé l’habitant des lieux dans le clan des gens habitués à ne pas se laisser dicter une quelconque ligne de conduite, voilà le genre de personnage qui plait particulièrement au Gatouillable !
Dave fait les présentations, " Mario TAVULLIA, dont je vous ai tant parlé. Mario, je te présente René et son frère Maurice "
Re-serrage de pognes, Mario s’attarde sur le Respectable, comme pour le jauger. Il marque une moue, pensif, puis relève la tête visiblement satisfait. Mais on sent en lui une certaine inquiétude…
Il les fait entrer dans le salon et leur propose un verre. L’intérieur est aménagé avec goût, des tas de pièces en alliage ayant trait avec la moto ornent la pièce mais tout est rangé avec soins et rien ne traîne, maniaque le maître des lieux !
La conversation dérive rapidement sur les activités de Mario. Il est à la tête d’une petite entreprise dont le but consiste à fabriquer des pièces de cadres, supports de tableaux de bords et autres platines de repose-pieds destinés à équiper les motos des teams de GP et SBK demandeurs de ce type de produits. Visiblement, l’homme travaille bien à en juger par ses signes extérieurs de richesse…
Il les amène ensuite dans l’atelier attenant, ou travaillent à plein temps trois employés. TAVULLIA s’approche d’un gars qui vient de finir une pièce d’alu à la machine outil.
" Voici une entretoise destinée à faire varier la hauteur du bras oscillant de la M1 du team TECH 3, réalisée sur instructions de PONCHARAL, je dois l’envoyer au Japon pour avoir l’aval des ingénieurs nippons. Comme quoi, malgré ce qu’on croit, tout ne se fait pas là-bas ", explique t’il avec un sourire.
Tous, après la petite visite, retournent dans l’habitation pour enfin aborder LE sujet de la venue de Superpapy. Mario explique qu’elle est sa fierté, avec une lueur brillante dans le regard, mais qu’elle a hérité du fichu caractère sans concession de son concepteur. Son problème ? Des montées en régimes pratiquement incontrôlables par le commun des mortels qui désarçonnent sans préavis même les mieux préparés…
Pourtant, les qualités ne manquent pas, outre une esthétique à couper le souffle, elle est capable d’être une partenaire hors normes mais, à l’unique condition que le pilote soit capable de lui imposer sa loi, et aussi… d’en être digne !
Mario désespère rêve depuis longtemps de dénicher " l’oiseau rare " au charisme et au talent à la hauteur de sa " merveille ". René peut-être…
Un escalier se trouve à l’extrémité de la salle et des pas se font entendre.
" Attention, elle arrive… ", prévient le Rital
Te décrire l’apparition est au delà de mes forces… Sache seulement qu’elle n’a pas atteint la trentaine, grande et élancée, des longs cheveux bruns tombant sur sa chute de reins qu’on devine parfaite. Sa démarche lui donne l’impression de flotter tant le pas est souple et les gestes légers. Mais surtout, deux yeux noirs comme la nuit la plus profonde, avec une flamme ardente semblant te transpercer si tu oses, inconscient !, la soutenir du regard…
" Ma fille Céline ! présente avec empressement celui qui semble avoir engendré cette vision du paradis à l’odeur de souffre, Céline ? voici René… "
La splendide créature ne parle pas et observe Pépère avec une insolente et impudique façon. Les quatre présents se sont écartés doucement, sous l’impulsion de Mario, lequel constate avec soulagement que l’age de René ne la rebute pas…
Au fait, au cas ou ça t’aurait effleuré l’esprit, me fait pas l’coup d’la Céline et du René…
 1 : la Québécoise, même si la voix est talentueuse, est moche et limitée du bulbe.
 2 : le René en question est Gâteux, pas Gatouillable, et ça fait une sacrée différence…
" Le fameux René…, lance enfin la magnifique créature, j’ai beaucoup entendu parler de toi : suis-moi ! Il faut que nous causions de pas mal de choses… "
Le René en question, comme hypnotisé, se laisse driver vers l’étage sans pouvoir articuler le moindre mot.
La balle est dans son camp désormais, va falloir assurer… et drôlement !
Une atmosphère feutrée règne dans la chambre de la demoiselle. Cela est dû à la présence d’une boiserie omniprésente qui atténue quelque peu la froide rigueur instaurée par un rangement quasi-militaire et l’absence de toute fioriture caractérisant la présence féminine dans l’antre.
On sent tout de suite que ce lieu est dédié à quelqu’un qui va droit à l’essentiel, le superflu n’y a pas sa place et la pièce se compose simplement d’un lit (deux places…), d’une table de nuit et d’une commode, point barre !
Céline, s’installe sur le lit avec une attitude toute féline en invitant René à en faire de même d’un geste autoritaire, Pépère n’aime pas trop qu’on lui dicte sa conduite mais, intrigué par la suite, il obtempère.
On entendrait une mouche voler tant le silence instaurée par la donzelle devient pesant, elle est position assise, les jambes repliés vers le menton et enserrées par ses bras. De temps en temps, d’une façon assez impudique, elle les écarte machinalement en effleurant son léger bustier largement entrouvert, permettant ainsi la découverte des Ballons d’Alsace que le battement régulier de son cœur semble animer d’un va et vient particulièrement sensuel. A part ça, elle reste immobile en fixant le Respectable d’un regard brûlant. On dirait un fauve face à sa proie qui guète le moment propice pour passer à l’offensive en savourant l’instant présent.
Elle est d’une beauté presque irréelle et oser porter les yeux sur cette splendeur peut sembler un sacrilège pour un profane comme toi… René est d’une autre trempe, il ne veut pas ouvrir les hostilités, mais l’apparente suffisance de Madame commence à le gonfler grave de chez grave !
Il adopte la même attitude en la détaillant avec audace, son regard malicieux s’attardant sur les parties " secrètes " d’une Céline qui, ayant pourtant capté le manège, le laisse agir avec désinvolture…
Elle esquisse alors un sourire en continuant de fixer Superpapy :
" Bon, ça y’est ? commence t’elle de sa voix suave, tu peux laisser tomber ta garde , c’est inutile… "
René, surpris, se lève alors sans un mot et fait mine de partir.
" Attend ! reprend Céline en marquant une hésitation, comme si elle cherchait ses phrases, mon père est très gentil, mais en ce qui me concerne, c’est un idiot…
J’avoue que je n’y met pas beaucoup du mien, mais c’est que ce mode de vie me convient tout à fait, pas de compte à rendre, je fais ce que je veux quand je veux sans personne pour interférer ce besoin d’être libre.
Daddy se désespère de ce " comportement immature " comme il dit, lui voudrait que je me stabilise avant de me passer le flambeau de l’entreprise.
Ta présence aujourd’hui ne fait qu’ajouter une suite à la longue succession résultante de ses infructueuses tentatives de me caser.
Le procédé te choque ? C’est sa façon d’agir et il ne s’est jamais embarrassé de l’opinion de quiconque pour prendre ses décisions.
Evidement, quand la presse a causé de tes exploits, ça a tout de suite fait tilt et il s’est renseigné sur toi auprès de Grigou et Dave qu’il connaît bien.
Mis à part la différence d’âge, c’est vrai qu’il y a pas mal de similitudes entre nous, et surtout, tu vis la moto comme moi. Il pense que quelqu’un comme toi peut arriver à me civiliser.
Je n’aime pas qu’on prenne de décision à ma place, tout comme je suppose que tu es du genre à détester ce type de manipulation, c’est pour ça que je voudrai comprendre pourquoi tu as accepté de venir… "
" Bah…, simple goût du défi sans doute, et aussi la curiosité…, répond René. J’ai trouvé l’idée idiote au départ, mais j’avais devant moi trois manipulateurs de première qui ont su trouver les arguments chocs pour me décider. Il est vrai aussi que les années passent et qu’il va falloir que je songe à penser autrement que d’me contenter de cette vie d’patachon, il y a un moment pour tout dans l’existence, alors pourquoi pas essayer ? "
Pendant ce temps, en bas dans la rue, un V6 est en train de tourner au ralenti sur sa latérale. Bien entendu, le sujet de conversation a tourné autour de l’éternel sujet du deux roues, et plus particulièrement sur les exploits du Respectable.
C’est Mario qui, vu la ressemblance de Maurice avec son phénomène de frangin, a demandé au jumeau si lui aussi était capable de faire des " trucs " au guidon d’une bécane, ce jour là, le Gatouillable number two est en forme. Il explique que la recherche de la traj’ n’est pas trop son trip, même s’il participe à des stages sur circuit. Non, son truc à lui serait plutôt de " jouer " avec la moto, mais il n’aime pas se donner en spectacle et se réserve ce petit plaisir pour lui tout seul, dans des coins désertiques autant que possible.
Cette attitude va aussi dans le sens que, servant de zone rouge envers son bouillant René de frère, il se garde bien d’agir ainsi en public…
Suffit de dire un truc comme ça et tout de suite les autres demandent à voir…
Réticent au début, Maurice finit par céder et leur sert un véritable festival de stunt en plaçant sa 1300 dans toutes les positions : weelhing avec et sans les mains, stoppies d’outre-tombe, demi-tour en glisse… ainsi que des variantes bien décalées pour un gars dont la Respectabilité et l’attitude calme laisse les autres sur le cul !
Ce va et vient motorisé finit par agacer quelques riverains grincheux et, bien entendu, un Pin-Pon se fait rapidement entendre ; la tronche des disciples de la maison Poupoule à la vue de ce gars dont l’age le prédisposerait mieux à emmener ses petits enfants au square et qui joue avec sa bécane comme un d’jeun’s … !!!
Sont incapables de dire et faire quoi que ce soit, les représentants de forces… Ils se joignent au trio et finissent par encourager Maurice à continuer…, sous l’œil médusé des grincheux à leurs fenêtres, lesquels doivent se pincer pour constater qu’ils ne rêvent pas !
Pendant ce temps, ça chôme pas non plus à l’étage : la belle s’est offerte à René…
Elle a bien tenté de prendre l’initiative mais c’est Pépère qui mène les débats. Il commence par chauffer sa monture par la technique dite de " la chatte sur un doigt brûlant ", mise au point en Italie, laquelle permet une parfaite montée en température pour passer à la phase suivante : " le petit train dans la montagne ", qui est absolument nécessaire pour ne pas risquer un serrage en abordant le point d’orgue, c’est à dire l’obligatoire " descente du mont Fuji " qui nécessite beaucoup d’application pour pas verser dans le bac à sable. Ensuite, faut revenir à un régime de croisière en douceur, cette transition est assurée par la fameuse " traversée du canal de Suez ", un peu désuète je te l’accorde, mais parfaite dans ce cas précis.
La Céline, jamais on lui a fait ça ! Elle subit sans pouvoir reprendre les commandes, ce qui la fait écumer de rage…, mais aussi elle voue désormais une admiration sans bornes envers cet incroyable personnage décidément sans limites…
Dehors, Maurice termine son show sous les applaudissements enthousiastes d’un public acquit à sa cause, …à part les grincheux signalés plus hauts !
Quelques minutes plus tard, se sont une Céline et un René radieux qui les rejoignent, la main dans la main, pour le plus grand plaisir de Mario !
Bon, on va mettre les choses au point tout de suite : non, le Respectable va pas s’ranger aussi facilement…
Sûr qu’elle est choucarde la Céline et que dans le genre tu peux chercher longtemps avant d’en dénicher une deuxième comme ça (désolé pour toi, mais, si ça peut te consoler, t’as pas le talent pour ça…), seulement l’gars René, sitôt passé l’euphorie du moment, redescend sur la terre ferme en se disant que, finalement, l’est un peu jeune pour une vie à deux…
Idem pour la môme. Mais pour elle, c’est plus compréhensible au vu de son âge et du tempérament de feu hérité de son père (dont la femme est partie depuis lulure…) qui la pousse à poursuivre un mode de vie sans attache.
Il en est ainsi de ces personnages au mental très fort : aversion des faibles, difficile de trouver son égal et, si par hasard l’oiseau rare se présente, il s’en suit un rapport de force immédiat préjudiciable à l’entente… Ce qui les oblige à vivre un peu en marge des autres, non par suffisance, mais il leur est simplement impossible de faire autrement.
Ils vont se revoir, c’est certain…, sans engagement vis à vis de l’autre.
Ceci étant posé, poursuivons maintenant la suite de cette palpitante série consacrée à l’incroyable Gatouillable et son non moins surprenant frangin, lequel commence à se débrider au fil des épisodes…

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Episode 30 :

René essaye… et Maurice emballe !

Ce matin là (ha !, t’as remarqué que ça commence toujours comme ça ?…), l’histoire débute par un coup de bigo de Grigou :
" René ? c’est Grig’ !, je viens d’avoir Jean-Luc MARS, le boss d’Harley France, au fil, la maison mère le charge de développer des modèles spécifiques pour les motards européens et il se trouve que dans son staff technique, y’a trois p’tits malins qu’ont dérivé un roadster de la V-Road…
Faut l’avis d’un connaisseur pour valider le projet et il est hors de question de mêler la presse à ça avant d’être sûr du coup : image de marque oblige.
Y’a personne, au sein de la marque, qui a le talent pour juger en live les capacités du proto (sont trop américanisés pour avoir les aptitudes nécessaires…) et le risque de fuite avec les gens du milieu est trop risqué pour faire appel à une quelconque compétence s’y rattachant.
Jean-Luc, c’t’un pote…, et il m’a demandé si, par hasard, j’aurai pas la personne adéquate au sein de mes relations : pas besoin de t’en dire d’avantage… "
" Mouais…, Harley… J’vois pas très bien c’que j’viendrais faire dans l’univers des gros barbus qui carburent à la bière, mon trip, c’est les bracelets sur l’angle, pas la parade aux troquets des bars… ", rétorque René avec sa moue habituelle du gars pas convaincu.
" Justement ! C’est cette image là qu’ils veulent casser en proposant un truc apte à satisfaire le motard de chez nous. Tu te doutes bien qu’ils prennent un risque en faisant ça mais ils ont la volonté d’ouvrir la marque au style européen avec des machines plus en osmose avec notre façon de voir la moto : je ne vois que toi pour les aider et je te le demande en ami… "
" Bon…, puisque tu le prends comme ça, on va aller les voir. Fixe un rencard pour le début d’après-midi et passe me prendre vers treize heures, mais j’suis pas très sûr d’être l’gars qui faut pour ton pote… "
René expose ensuite le projet à Maurice qui l’interroge du regard : celui écoute son frangin sérieusement, comme à son habitude, mais à l’évocation du nom " Harley ", le voilà parti dans un fou rire inextinguible :
" Quoooooi ?????????, toi, le grand René associé à Harley-Fergusson ????????????????????, OUARF !, OUARF !, OUARF !!!, j’me doutais pas qu’avec l’âge tu passerais à l’agriculture…, OUARF !, OUARF !, excuse-moi , c’est trop drôle… "
" Ouais ben…, fais l’malin toi, l’père la morale qui fait l’clown avec sa moto pendant qu’j’lime la pouliche…
Ha !, l’est moins fier l’frangin qui gatouille sur la route pour justifier ses propos digne d’un délégué d’la sécurité routière, quand on lui rappelle ses exploits…
Alors ouais, j’vais les aider. Toute façon, un René sur une Harley c’est pas plus bizarre qu’un Maurice en roue arrière sur un V6 !
Excuse-moi ; c’est toi qu’a commencé…, et pour ta punition, tu m’accompagnes… "
L’a pas tort le Respectable, t’aurais imaginé le gars Maurice faisant du stunt, toi ?…
Grigou se pointe vers à l’heure dite, ponctuel comme à son habitude. Ils ne perdent pas de temps et les frangins font rapidement chauffer les 1300 pour emprunter l’autoroute les menant vers l’antre de la bécane américaine.
Sur place, des bâtiments ultramodernes ornés du célèbre blason à l’effigie de la firme ricaine. À la vue de l’aigle, Maurice ne peut s’empêcher de rire de nouveau et manque de percuter René qui lui lance un regard noir…
C’est le big-boss qui les accueille en personne et Grigou fait les présentations.
" Jean-Luc, je te présente le fameux René, dont toute la presse a causé…, René ?, voici Jean-Luc MARS, le responsable de l’importation française. "
Serrage de paluches en bonne et due forme, puis Grig’ présente… Maurice, lequel ne peut s’empêcher de se marrer une fois de plus en le saluant…
" Qu’est-ce qui ce passe ? " s’étonne Jean-Luc, stupéfait de la réaction de l’Ancêtre…
Le Maurice en question ne peut répondre car il s’étrangle plié en quatre sur le bitume !
C’est René, un peu gêné, qui répond. " Faut pas faire attention, l’est comme ça depuis qu’il sait qu’j’viens voir si j’peux vous aider… J’avoue qu’j’ai rien d’un biker et qu’j’imaginais même pas un jour grimper sur une brèle de chez l’oncle Sam… "
" Haaa !!!, je comprend mieux, voilà l’image qui nous colle à la peau depuis toujours !
L’usine aimerait que ça change et mes gars et moi avons légèrement retouché une V-ROAD, histoire de la rendre plus à même de se fondre dans le paysage motard européen. Suivez moi, je vais vous montrer… " dit le boss avec un air malicieux…
Ils traversent ensemble divers bâtiments ou les ouvriers s’affairent qui, aux pièces détachées (un truc monstre à gérer quand on livre une moto avec un catalogue d’accessoires gros comme un bottin téléphonique…), qui, à la mise en caisse des machines, pour s’arrêter devant une porte à ouverture codée. Jean-luc tapote rapidement quelques chiffres, une led passe du rouge au vert suivie d’un déclic les invitant à pousser la lourde. Ils pénètrent alors dans la pièce réservée au R&D (recherche et développement) de la filiale française, toute blanche, aseptisée comme une salle d’hôpital et éclairée à la lueur unique des tubes néons installés en batterie au plafond, immaculé lui aussi (aucune fenêtre n’existe dans cette espèce de " bunker ").
Trois personnes en blouse blanche, la trentaine environ, bossent sur des planches à dessin, plus un sur une mécanique truffée de capteurs, laquelle est fixée à hauteur d’homme sur une table élévatrice.
Une bâche recouvre une moto à peu près au centre de la pièce : Jean-Luc s’en approche, puis la retire…
Un magnifique roadster gris métal leur apparaît alors, fin et élancé, il n’a plus de la V-ROAD que la partie mécanique, certainement le cadre (et encore, pour ce dernier, y’a eu du travail de fait, c’est évident) et le réservoir. Le magnifique tableau de bord qui orne le custom est judicieusement toujours présent. Par contre, pour tout le reste : rien à voir avec le modèle originel et on penserait presque à une moto échappée de la production italienne !
Sa finition est parfaite, rien qui cloche ni le moindre fil qui dépasse…
On sent que des idées ont été reprises aux autres constructeurs, un peu de Mostro pour le phare et le train avant, la ligne d’une Guzzi Griso, la selle ressemblant étrangement à celle d’une Fazer 1000 et un magnifique dosseret arrière d’ou sortent deux volumineux silencieux dans le plus pur style Ducati !
Mais l’ensemble est cohérent dans sa fluidité de ligne, une bien belle moto en vérité…
La transmission secondaire se fait à l’aide d’une… chaîne !!!
Jean-Luc attend les réactions, un peu inquiet…
" Mouais…, commence l’Ancien après un instant de réflexion, faut avouer qu’elle est plutôt réussie au niveau d’la tronche, j’préfère les trucs plus sportifs, mais là, j’avoue qu’ça donne envie d’grimper d’sus et d’voir c’que ça peut donner en live… "
Maurice rigole plus du tout. " Bon sang, c’qu’elle est belle !!! ", lâche t’il très sérieusement.
Grigou reste sans voix : " Espèce de cachottier, finit-il par articuler, tu avais bien préparé ton coup… " dit-il avec un regard admiratif envers son ami.
Jean-Luc semble visiblement rassuré des premières réactions, il commente :
" On est bien entendu parti de la V-ROAD pour le cadre, la mécanique, le tableau de bord et le réservoir. La géométrie a été largement revue pour sa nouvelle définition et on s’est inspiré de la Mostro pour ça, la fourche inversée et l’amortisseur ont été spécialement fabriqués par Ölhins selon nos critères. Le freinage est signé Brembo, de l’éprouvé que l’on retrouve sur beaucoup de machines. Pour le moteur, par contre, un énorme travail en profondeur a été effectué, la cylindrée grimpe à 1300 cc par augmentation de l’alésage (pour lui permettre de prendre plus de tours), l’injection est inchangée mais réinitialisée pour s’accorder aux nouvelles spécificités mécaniques. Les arbres à cames ont des degrés d’ouverture plus importants et la boîte se contente de quatre rapports.
Vous avez bien sûr constaté la transmission par chaîne ? Une obligation vu la puissance, mais surtout l’énorme couple développés. De plus, pour une moto destinée au marché européen, c’est plus dans l’état d’esprit.
Le bras arrière est constitué de tubes mécano-soudés, plus légers et moins onéreux, pour nous, à produire.
Voilà dans les grandes lignes la définition du projet, lequel roule parfaitement en développant la bagatelle de cent trente chevaux à cinq mille tours pour un couple maxi de quatorze mètres / kilos à quatre mille tours. Ce dernier en développe déjà onze à deux mille…
Par contre, même si le régime de puissance maxi n’est pas très élevé, son allonge se poursuit sans faiblir jusqu’à sept mille sans perdre plus de dix pour cent de sa cavalerie… "
Jean-Luc donne alors quelques ordres rapides et aussitôt deux employés attrapent la bête pour la sortir vers l’extérieur.
" On va procéder à deux, trois trucs avant de vous la confier, René. Grig’ ? Tu connais la maison ? Fais donc faire le tour du propriétaire à nos amis pendant ce temps. "
Grigou s’exécute et tous les trois s’en vont à la rencontre des employés sur les aires de montage. Ces derniers, avertis de la venue du célèbre Superpapy, lâchent quelques instants leur besogne pour venir serrer la paluche à la vedette du moment. René n’aime pas trop ce genre de vedettariat, mais il est bien obligé d’en prendre son parti (c’est partout comme ça…). Il se plie d’assez bonne grâce à la demande et va même signer quelques autographes sur les blouses de travail, avec une préférence pour le personnel féminin sur lequel il accorde une attention particulière.
Au fait, en parlant de ça, sache que les filles occupent un bon tiers de l’effectif et que certaines mériteraient d’avoir autre chose que des boulons à serrer entre les mains. C’est en tout cas ce qu’a l’air de penser Maurice, lequel s’attarde particulièrement au stand de contrôle des roues (les motos sont sorties de caisse et contrôlées avant de partir en direction des diverses concessions dans les boîtes d’origines), plus particulièrement en s’intéressant à la personne chargée de cette mission…
Elle est blonde, le teint mat et les yeux noisette. La trentaine tout au plus. Assez grande aussi et plutôt bien faite de sa petite personne (arrête de baver, c’est pas pour toi…).
La môme ne semble pas farouche, en tout cas elle se laisse approcher par un Maurice qui ressemble assez dans l’immédiat au loup du célèbre dessin animé !
" Dites-moi, jeune fille que je rêve, commence t’il, comment faites-vous pour dégager un tel charme avec ce geste si anodin consistant à serrer les boulons ?
Excusez ma brusquerie de vous aborder ainsi, mais ça me laisse pantois…
Je me présente : Maurice, le frère du célèbre animal que vous voyez là-bas.
Serait-il indiscret de vous demander votre prénom ? "
La fille en question semble amusée (toujours les faire rire pour les aborder, retiens bien ça ).
" Vous perdez pas d’temps, vous ! rigole la demoiselle, tant mieux, j’aime les hommes mûrs et décidés. Je me prénomme Sophie, je vis seule, j’ai trente trois ans et roule sur un Sportster 1200.
Je précise ça tout de suite pour éviter les paroles inutiles.
Mon service se termine dans une heure, si ça vous dit de vous traîner derrière un bicylindre… "
" Pourquoi pas ? tu sais ? on peut se dire " tu " maintenant que nous sommes intimes, avant ma 1300, j’avais une YAPAPA VIRAGRO. Hé bien, ça me rappellera le bruit de mon gros bi qui m’a fidèlement drivé pendant des années.
J’dois t’dire que j’suis un sentimental à ma manière, et voilà bien le genre de proposition que je ne puis refuser. A tout à l’heure, charmante Sophie ! "
Maurice rejoint alors le petit groupe qui n’a rien perdu du manège…
C’est René qui attaque : " Maurice…, à ton age…, est-ce bien raisonnable ? ", dit-il avec un air faussement réprobateur.
" C’est comme les trains, y’en a toujours un pour cacher l’autre, enchaîne Grigou en se marrant, décidément chez les Gedeufoitrentans, y’a du tempérament… "
Jean-Luc refait soudain son apparition :
" René ? la moto vous attend : elle chauffe à l’extérieur.
Vous roulez tant que vous voulez, mais faites attention, c’est un exemplaire unique…
Ha oui, aussi, évitez de trop traîner en ville car on ne sait jamais qui risque de vous aborder, le projet étant encore secret… "
René enfile son casque et ses gants pour se diriger vers la Harley qui poume-poume sur sa latérale dans une sonorité feutrée mais grave. Il fait le tour du proprio, teste les commandes, la détaille encore un instant puis grimpe en selle. Les mécanos lui expliquent deux, trois détails avant de partir, il leur fait "OK " de la main, passe la première dont la boîte fait entendre un " Klong " typiquement Harley, puis décolle doucement pour disparaître au coin de la rue.
Jean-luc se ronge les ongles d’anxiété…
Quelques minutes plus tard, René est de retour. Le boss se précipite vers lui, Pépère lui glisse un truc à l’oreille à travers le casque et aussitôt, sur ordre du patron, deux mécanos se penchent sur la fourche, puis sur l’amortisseur arrière, guidés par le Respectable.
L’ancien semble satisfait et repart de nouveau.
Cette fois, il ne reparaît que trois quarts d’heure plus tard, visiblement content de son essai, béquille la moto face au groupe qui l’attend avec impatience, coupe le contact et retire son casque.
Avant de prendre la parole, René observe quelques instants la Harley, comme cherchant ses mots, puis se retourne vers Jean-Luc et dit :
" Je suis bluffé : elle fonctionne drôlement bien cette moto…
Le moteur est fantastique : plein partout avec une allonge terrible. Y m’fait penser à mon 1300 question patate à l’accélération, j’peux pas dire mieux…
La boîte quatre surprend au début, et la course du sélecteur est assez longue, mais on s’y fait. Néanmoins, c’t’un point à revoir quand-même.
Elle est lourde mais bien équilibrée : on la balance avec franchise et elle se place d’un bloc sur la traj’, mais faut pas hésiter sinon elle t’embarque.
Les suspensions sont géniales dans le sens ou elles absorbent toutes les irrégularités, mais avec une qualité d’amortissement bluffante, du tout bon !
La position de conduite me semble bonne avec une triangulation comme j’aime : tout sur l’avant, avec un petit cintre entre les mains et les jambes pas trop pliées qui enserrent un réservoir très fin. Encore une fois, c’est bien.
La garde au sol, par contre, est franchement limite : faudra revoir ça très vite car y’a moyen d’aller fort avec une moto comme ça, malgré son poids.
Bref, bien joué Jean-Luc, vous pouvez la montrer à la presse après avoir corrigé ces quelques points. En tout cas, c’est mon avis… "
L’importateur est aux anges des déclarations de René. Il le remercie chaleureusement d’avoir apporté sa pierre à l’édifice qui risque de marquer un tournant dans l’histoire de la marque américaine… grâce à la France !
Jean-Luc les invite alors à venir prendre un verre à son bureau, situé à l’étage, quand un VADABROUM !, VADABROUM ! se fait entendre ; un Sportster noir est là, à quelques mètres, chevauché par une créature à l’allure féminine tout de noir vêtue elle aussi, casque compris, qui semble attendre en regardant dans leur direction…
Seule une longue chevelure blonde apporte une touche de couleur à l’ensemble, lequel dégage un érotisme torride (le fameux mythe de la fille sur sa moto…).
Maurice enfile rapidement son casque, serre la louche en s’excusant de devoir partir si rapidement, et s’en va rejoindre sa moto, puis la fille en Harley. Le duo disparaît très vite sous l’œil amusé des trois autres, lesquels se regardent en souriant, puis montent à l’étage pour trinquer à la santé de notre passion commune…
Tu sais qu’le Maurice est pas rentré de la nuit ? Ben maintenant t’es au courant…
Je suis sûr que tu te demandais si l’Ancien allait tenir la distance comme le fait son célèbre frangin ou alors revenir rapidement la queue entre les pattes (et je t’interdis de répondre qu’elle est TOUJOURS entre les pattes…). Faut pas oublier qu’étant jumeau avec Pépère, les gènes familiaux sont bien présents.
C’est donc un Gatouillable exténué, certes, mais visiblement content de lui qui regagne le bercail au petit matin. Ses traits portent les stigmates d’un dur labeur accompli à travers un sourire béat et ce regard un peu vague de celui qui n’est totalement revenu à la réalité de la vie.
René l’attend, curieux et amusé à la fois ; lui, ça baigne, comme d’hab’. Il observe Maurice sans dire un mot, comme cherchant à l’analyser, lequel se dandine comme un gosse qui vient de réussir (j’ai pas dis : tiré…) un coup. Au bout d’un moment, Superpapy prend la parole :
" C’est seulement maintenant qu’tu rentres, vieux chnoc ? Tu t’verrais dans une glace, on dirait qu’t’as pris dix ans d’plus…
Vas-y, raconte ! "
" Bon Dieu, René ! C’t’un volcan la Sophie, elle m’a pas laissé une minute de répit et j’peux t’dire qu’elle possède un sacré répertoire…
M’a tout fait et j’ai même pas pu prendre la moindre initiative.
On est à peine arrivé à son appart’ qu’elle passait déjà à l’offensive en me roulant l’patin du siècle tout en vérifiant si l’Pollux était opérationnel ! Moi, tu m’connais, faut pas m’bousculer, mais là, j’étais inspiré et l’animal commençait à r’dresser la tête.
La môme a vérifié la marchandise à la manière du percepteur épluchant ta feuille d’impôt, poussant ses investigations jusqu'à goûter pour être sûre de la date de validité de l’étendard qu’était maintenant au zénith ; une prévoyante dénotant un savoir faire qui m’a un peu foutu les jetons quand à la suite de évènements…
Mais j’me suis pas déboulonné, elle m’a entraîné dans la salle de bain, s’est désapée – tu sais qu’elles sont choucardes à c’t’âge là ? Rien à j’ter et prêtes à l’emploi – et j’en ai fait autant en m’efforçant de maîtriser cette petite appréhension d’être à la hauteur d’une gamine qu’en a visiblement vu d’autres.
On s’est glissé sous la douche et j’ai commencé une reconnaissance du terrain par la face nord, tranquillos, pour pas ouvrir l’calorstat trop vite, elle a répondu très vite en commençant à onduler, a levé la jambe qu’elle a serré contre ma cuisse puis, d’un mouvement souple a rejeté la tête en arrière, ce qui m’a permis une descente en vue de l’exploration du mont Vénus.
Là, elle a passé la s’conde en empoignant l’manche avec vivacité – mais en douceur quand même, hein – pour qu’on entame la marche cosaque, d’abord au pas, histoire de régler la cadence, puis en p’tite foulée pour pas s’endormir sur un faux rythme.
Là, j’te cause du hors-d’œuvre, car sitôt sortis de la cabine de douche et séchés partiellement, elle m’a agrippé avec autorité pour me plaquer au paddock, est venue s’empaler au mat d’cocagne en r’dressant le torse à la verticale, un peu à la manière d’un cobra face au joueur de flûte. Là, Sophie a commencé à onduler comme l’animal dont j’te cause, lentement, très lentement, en m’rappelant à l’ordre dès qu’j’tentais d’mettre un peu d’gaz…
Ben, j’va t’dire : avec cette méthode, on peut jouer les prolongations sans risquer le hors-jeu !
On a besogné un bon quart d’heure comme ça, à la langoureuse, avec juste deux, trois accélérations à son initiative pour vérifier la montée en température.
Ensuite, sans prévenir, elle s’est laissé tomber sur ma pomme en vissant la poignée, t’aurais vu l’accélération !!! pire qu’la V6 !!!!!
J’ai failli êt’ désarçonné tellement elle a mis gaz, obligé de viser au loin pour pas risquer l’bac à sable, et j’sentais bien qu’elle me guettait au tournant…
J’ai serré les dents, surtout pas lui donner l’impression d’avoir remporté la partie aussi facilement !
C’est elle qu’a relâché les boisseaux et on a fait une pause, histoire de ménager la mécanique. À son regard, j’ai compris qu’j’avais gagné la première partie…
Ensuite, on a r’pris les affaires d’une façon classique, après vérification réciproque du matériel (ce qui permet une transition en douceur)
Les choses sérieuses ont débuté par l’assaut de la face sud au piolet : elle connaît la technique par cœur, ce qui m’a obligé à penser à autre chose pour pas vidanger trop vite.
Heureusement qu’on est passé rapidement à la culbute de l’empereur, j’ai ainsi pu revenir à un rythme plus en phase de calmer le voyant d’chauffe qui commençait à clignoter.
Toujours elle qui réglait la cadence, m’a pas laissé une seule fois driver !
Voyant qu’je suivais toujours, elle a poursuivi par la traversée du tunnel, mais façon T.G.V. et j’me suis vite retrouvé au taquet. Là, le décrochage était inévitable mais, heureusement pour moi, c’est elle qu’a déraillé en premier…, mais on s’est r’trouvé dos à dos avec la balle au centre !
Comblée, sans aucun doute, mais vexée la minette…
Après une pause pour refroidir, on a r’piqué au plat d’résistance trois fois d’suite, puis on s’est fini à la douche, pour le dessert. J’pensais pas pouvoir tenir autant mais, visiblement, dans c’domaine là aussi, c’est l’expérience qui prime.
On a prévu d’se revoir souvent la Sophie et moi, histoire de peaufiner la technique… "
René regarde son frère, un peu étonné :
" T’as VRAIMENT fait tout ça ?", l’interroge t’il, quelque peu sceptique…
" Ouais ! Plus deux ou trois trucs sans importance, lui rétorque Maurice avec l’air du gars qui fait mine de jouer les étonnés face à une telle remarque, mais j’ai pas grand mérite vu la qualité d’la cavalière… "
Il se regardent un instant avec complicité puis éclatent de rire en se tapant dans les pognes.
" Au fait, reprend René, j’ai r’çu un appel de Grigou : y’m’demande si j’veux l’accompagner à Jerez car la presse est conviée à essayer la meule du p’tit gars qu’a l’numéro 46…
Christian SARRON, au courant d’l’affaire, s’est débrouillé pour appeler l’Japon et leur demander l’autorisation qu’je participe aussi, y z’ont mijoté ça à deux car ils veulent savoir c’qu’un gars comme moi ferait sur une bécane d’usine…
Les jaunes, d’abord réticents, se sont laissé persuader puis séduire par l’idée, c’est même eux qui ont insisté pour qu’ils réussissent à m’décider…, et j’ai dit oui ! "
" Heiiiiiiin ???, on t’a proposé d’essayer la moto d’usine de Rossi ????????????? : c’est pas possible un truc comme ça !!!!!!!!!!!!!!!!!!. Et ON part quand ???… "
" ON part demain, car bien sûr, t’es d’la partie… "


Episode 31 :

" Docteur " René…

Jerez de la Frontera : l’Espagne…, l’esprit latin…, les filles…, et quand en plus on a la possibilité de grimper sur la championne du monde en catégorie reine pour effectuer quelques tours sur un circuit prestigieux, t’avoueras qu’y a pire comme trip…
Pour l’instant les deux frangins et l’Grigou traversent la France, confortablement installés dans le jumbo jet les drivant vers le pays des castagnettes et du batifolage sans préliminaires.
Un bonheur ne venant jamais seul, ils ont quitté la capitale sous la grisaille mais le commandant de bord leur a assuré un franc soleil à l’arrivée, ainsi qu’une température printanière.
Y’a l’Maurice qui semble déconnecté dans l’immédiat : L’Ancien accuse encore le coup de l’avant veille et ronfle comme un V8 CHEVROLET mal réglé. D’ailleurs, Pépère a passé la journée d’hier dans son fauteuil à contempler les mouches volant au plafond (rigole pas trop : la Sophie c’est pas du mou d’veau et j’suis sûr que toi, t’aurais coupé au bout de deux tours alors que le Respectable a effectué la course en intégralité…).
René et Grigou discutent de l’essai prévu ; ce dernier est excité comme un gosse qui va déballer ses cadeaux de noël à l’idée de grimper sur la 46 !
Quand le télex est arrivé à la rédaction du journal, tous les essayeurs ont alors guetté du coin de l’œil le Big Chef en attente de sa décision quand à l’heureux veinard qui serait envoyé sur cette mission. Grigou est jeune dans la boîte, mais aussi le nouveau responsable des essais donc, c’est sans réelle surprise qu’il a été désigné pour donner son avis sur la moto du Doctor.
René, comme à son habitude, prend la chose plutôt avec désinvolture, et ses préoccupations sont tournées vers les détails d’intendance du genre : y’aura t’il du vin et des filles en nombre suffisant car voilà le genre de truc apte à le mettre en appétit ?
Néanmoins, le challenge d’effectuer quelques tours sur la Yam d’usine ne le laisse pas totalement indifférent et tous deux abordent le sujet en détaillant les caractéristiques de la bête : cent quarante cinq kilos pour près de deux cent cinquante chevaux, voilà des chiffres qui annoncent la couleur…, ainsi que le fait qu’il s’agit d’un proto qu’il est interdit de mettre par terre, mais aussi le système de vitesse inversé avec lequel il est facile de se gourer de rapport (je te laisse imaginer ce que ça peut donner si on en rentre une par erreur sur l’angle avec une telle cavalerie…). Bref, outre l’excitation de grimper sur une meule d’exception, voilà des arguments aptes à refroidir les plus téméraires…
Pour le Respectable, ça ne semble pas trop l’intimider, mais le Grigou, à mesure que l’avion se rapproche de son point de destination, il est de plus en plus mal à l’aise…
René tente de le rassurer en lui désignant l’hôtesse qui passe à leur niveau. Cette dernière, belle plante élancée aux critères la plaçant dans la catégorie " brune-incendiaire-qu’a-pas-froid-aux-z’yeux-pour-pas-dire-autre-part ", depuis un moment passe et repasse devant le journaleux avec insistance.
" Bon, fait remarquer Pépère, c’est pas l’tout d’parler bécane, mais y’a une belette en approche qui ne sait visiblement pas comment faire pour te placer un freinage. Rend la main et laisse la v’nir, j’suis sûr qu’elle et toi avez des trucs à vous dire…, voir à faire si tu t’débrouilles comme y faut… "
Le Grigou semble embarrassé :
" Ouais, elle est pas mal en effet, mais je dois avouer que pour faire connaissance avec les filles, j’ai pas ton don d’improvisation… "
René prend un air faussement dégagé.
" Ha bin, si y’a qu’ça : j’va t’arranger les choses tout d’suite…
Mademoiseeeeelle ?, venez par ici. J’ai une requête à vous soumettre… "
La fille s’avance rapidement, un peu surprise, et le Respectable lui glisse alors deux, trois mots à l’oreille, elle semble d’abord offusquée, puis rapidement un sourire éclaire son merveilleux visage, ensuite la voilà qui attrape un Grigou stupéfait par la main pour l’emmener vers l’arrière de l’appareil, sous le regard complice de René…
C’est l’instant que choisit Maurice pour sortir de bras de Morphée.
" Mmmmm ! fait le Gatouillable en s’étirant, bon sang ! quel rêve !!!. La Sophie et moi on était dans l’désert sur un tapis volant qu’avait une poignée de d’gaz qu’j’tournais pendant qu’j’l’enfilais à la langoureuse… "
" Ouais ben…, réveille-toi, pour l’instant, ton tapis volant c’est un 747, on va pas dans l’désert mais en Espagne, et ta Sophie elle est pas là…
De plus, t’as pas arrêté d’ronfler pendant qu’on causait l’Grigou et moi… ", lui répond René d’un air amusé.
Maurice active alors sa boîte à pensarde.
" Ha oui !, c’est vrai…, dit-il en soupirant, mais au fait, en parlant de not’journaleux, il est où ??? "
René lui explique le coup de l’hôtesse, l’Ancien ouvre d’abord des yeux ronds puis se met franchement à rire :
" Et tu lui as vraiment raconté qu’t’étais toubib ? ", demande t’il en s’étranglant.
" Ben, l’principal, c’est l’résultat… ", rétorque Superpapy, l’air pas mécontent de lui.
Que je t’explique car je sens que là, tu pédales dans la semoule. René a expliqué à Marie (c’est son petit nom, mais je ne t’ai rien dit…) qu’il appartenait au corps médical et accompagnait son patient à un centre unique au monde basé en Espagne axé sur ce cas bien particulier. Son malade, Grigou en l’occurrence, souffre en effet d’une maladie très rare nommée Erectus Gigantissime, dont les symptômes sont un développement surdimensionné de l’appareil génital en cas de proximité féminine insistante. Là, l’hôtesse pouvait pas savoir, mais l’intérêt qu’elle a suscité en passant et repassant devant lui a déclenché une crise pouvant provoquer une explosion du service trois pièces si on agit pas rapidement…
Un seul remède connu à ce jour : la fellation…
Bien entendu le docteur René a été gêné de demander une telle chose à Marie, néanmoins indirectement responsable de la crise, mais bon, après tout elle est là pour veiller au bien-être des voyageurs et, de plus, c’est purement médical, alors…
Une demi-heure plus tard, voilà le Grigou qui refait son apparition, visiblement satisfait, accompagné de la belle qui s’adresse directement au " toubib " :
" C’est fait docteur, mais la crise était moins importante que prévue…
Vous n’êtes pas atteint de la même pathologie j’espère ? sinon, maintenant que je sais comment administrer le traitement… "
Le " docteur " réfléchit un instant et dit :
" Maintenant que vous l’dites, on sait jamais avec une telle maladie…
Et puisque vous insistez, mais par précaution alors, pour pas risquer une épidémie… "
Pépère se lève alors pour suivre la demoiselle en " salle de traitement "
" Madame, s’exclame Maurice, gardez donc une autre dose du médicament car, voyageant à côté du malade, j’me sens pas trop bien d’un seul coup ! "
Disant ça, il se masse l’entrejambe en prenant un air inquiet…
Bon, je te laisse imaginer qu’avec une telle ambiance, le voyage ne parut pas bien long à nos trois énergumènes…
A l’arrivée, une voiture avec chauffeur les attend pour les driver façon V.I.P. à l’hôtel avec piscine qui leur est réservé (l’essai est prévu le lendemain très tôt dans la matinée et la firme aux trois diapasons a décidé de soigner la presse, quartier libre aujourd’hui et, pour les intéressés, une visite guidée des entreprises ayant trait avec la moto en bordure du circuit).
Malheureusement, Valentino, qui doit être présent, ne sera là que deux heures au moment où les journalistes prendront la piste, star-system oblige…
Grigou a donc décidé de la jouer farniente et piscine au frais de la princesse. Barbotage et étude de la faune féminine au programme !
Je ne vais pas te raconter ce qui c’est encore passé, car tu vas finir par penser que ça dérive grave et qu’à la base on doit causer moto, mais le truc de l’avion, par rapport aux stratagèmes et ses résultantes à l’hôtel, c’est que dalle à côté, par exemple…, mais non ! Je ne te dis rien et on va zapper direct sur le circuit Catalan pour causer bécane !


Episode 32 :

Sur la M1 à ROSSI… !

Jerez : la piste mythique, lieu du déroulement du deuxième GP de la saison 04 qui a vu la victoire de celui qui se bat contre lui-même, j’ai nommé Sete (quatre plus trois) Gibernau. Il est fort car, en plus de se battre personnellement, il a aussi battu les autres ce jour là…, même Valentino qui a terminé quatrième (en ayant quand même signé la pole en 1’40'818…)
Y’a du monde à l’entrée du circuit, forcément, c’est la presse européenne dans son intégralité qui est conviée à cet essai hors norme et faut croire que des canards sur la moto, y’en a un paquet vu le nombre de véhicules ayant envahi les parkings (et après on s’étonne de la déforestation mais, quand je pense que notre passion est censée représenter une goutte d’eau dans le tentaculaire monde de la presse, j’imagine la conversion en arbres d’un seul tirage de l’ensemble des baveux présents ici et j’avoue que ça me fout un peu les boules, pas toi ? C’est vrai qu’à part lire mes conneries, tu ne penses pas à grand chose !)
Grigou serre quelques louches à l’entrée en matant la faune féminine présente (la médication du docteur René semble lui avoir été bénéfique de ce côté là), imité par le duo Gatouillable qui n’est pas en reste en ce domaine, et tous trois, dûment munis des précieux sésames réservés aux invités, pénètrent dans ce paradis des sports mécaniques ou les attendent les attachés de presse de la firme aux trois diapasons dont le staff technique est déjà à pied d’œuvre sur les motos.
Un appel en anglais invite tous les participants à se rendre en salle de presse pour la présentation du team et le déroulement des séances d’essais. Sont présents : Davide Brivio, le team manager, Jérémy Burgess, le responsable technique et ami de Vale, Bernard Ancio, le mécano attitré, quelques hauts responsables japonais et …Valentino en personne !!!
Blablabla…, on cause du team, de la moto, du pilote, bien sûr du titre, mais rien d’inédit et tous attendent les directives pour la suite, ce pour quoi ils sont présents : essayer la 46 !
Un ordre est déterminé, suivant l’importance du pays et du journal. Chaque pilote va effectuer cinq tours sur une R1 préparée, pour la mise en jambe, puis cinq sur la M1, pas un de plus ni un de moins…
Grigou passe en milieu de peloton et René… bon dernier, car il est l’invité de dernière minute (faut voir la tronche étonnée et pas trop rassurée des jaunes à la vue de ce vieux bonhomme en cuir qui va chevaucher leur championne du monde en titre, un fleuron technologique au prix inestimable, et la mine à la fois surprise et amusée des journalistes essayeurs présents)
Valentino, présent et toujours avide de ce qui sort de l’ordinaire, se fend la poire de la présence du Respectable tout en répondant patiemment aux nombreuses questions posées par le parterre invité pour lequel a été organisé une conférence de presse organisée par son manager, pendant que la valse commence sur la piste.
Au bout d’un moment, ni tenant plus, le World Champ plaque l’assemblée à la surprise générale pour se diriger vers un René plus occupé à regarder les filles qu’à s’occuper de la raison de sa présence ici.
" Ma qué, commence le pilote italien en s’adressant à Pépère, zé vous connais pas, vous. Vous êtes trop vieux pour oune journaliste, ma zé cru comprendre qué la France envoyait oune phénomène âgé qu’est capable dé faire claquer oune chrono avec n’importe quelle moto.
Zé souis pressé dé voir ça et surtout la tête des nippons… ", ajoute t’il en se fendant la poire.
Grigou, parlant couramment l’italien, se fait l’interprète de René et explique à Valentino les exploits du Respectable après les présentations.
Maurice, lui, s’est éclipsé, attiré par quelques sirènes traînant dans les parages…
Pendant ce temps, sur la piste et dans les stands, un étrange ballet se déroule, orchestré entre les sorties et les rentrées des machines sous les ordres des commissaires de piste. Pour l’instant les M1 sont encore dans les box dont les portes sont closes, mais les moteurs commencent à émettrent leurs vocalises.
Vient le tour de Grigou, appelé par un attaché de presse (Valentino est reparti vaquer à ses occupations) : c’est en tremblant un peu qu’il se dirige vers les mécanos qui lui tendent la R1 qui lui est destinée.
Deux, trois recommandations, un ou deux réglages pour ajuster la position et c’est parti sous l’autorisation du commissaire de piste; la piste est un peu encombrée mais le trafic permet de s’infiltrer sans trop de problème.
Grigou part prudemment. Ce n’est pas un pilote, loin de là, et le fait de se retrouver ainsi au milieu de confrères rompus à la piste n’est pas pour le rassurer. Néanmoins, au fil des tours la R1 sonne de plus en plus clairement, mais cinq passage, c’est court pour se mettre dans le bain et il conclut sa dernière boucle en 2’35, épuisé par la concentration nécessaire pour étudier la piste et sans trop savoir que penser de son niveau après avoir constaté une nette différence en sa défaveur entre lui et certains essayeurs.
" Pas trop mal, dit René à son retour, mais tu t’mets la pression tout seul en r’gardant les autres, c’est pas sur eux que tu dois t’concentrer, mais sur toi seul et la piste.
C’est pas une course et t’en as rien à faire de péter une pendule, faut simplement que tu penses à t’relâcher pour piloter proprement et là, tu vas gagner facile quelques secondes car, question pilotage, t’es pas plus mal que les autres ! "
" Ouais…, répond Grigou, gagner quelques secondes…, j’veux bien mais les cinq prochains tours, c’est sur la M1…
Tu l’entends ce monstre dans l’box ? Et t’as vu à la télé la façon dont elle accélère ? Cinq tours, c’est court pour apprendre une telle piste, Carole, à côté, c’t’un tourniquet et j’ai la trouille dans les grandes courbes… "
" T’en fait pas comme ça, ça va aller… ", tente de le rassurer René en souriant.
Maurice, pendant ce temps, est toujours aux abonnés absents…
Arrivent bientôt la fin de la série et le tour du Respectable de prendre la piste. Les curieux se pressent sur le bord de piste - en attente de la curiosité car dans cet univers les nouvelles circulent très vite… - tandis qu’un mécano tend une machine bleue à René. Pépère s’installe, fait la moue puis demande quelques modifications des commandes, de la fourche et de l’amortisseur, il lève alors le pouce, donne un coup de démarreur et attend les ordres pour s’élancer.
Go !, fait le commissaire de piste avec son drapeau tandis que peu à peu la piste se vide avec la rentrée des derniers essayeurs. René part lentement et boucle son premier tour en 2’20, sous l’œil amusé des curieux, lesquels se grattent la tête au second passage effectué en 2’10, puis commencent à se poser des questions sur ce vieux qui vient de terminer le troisième en 2’ tout rond…
Valentino, quelque part en retrait, observe le spectacle sans en perdre une miette…
Le quatrième tour voit la pendule afficher un bon 1’59 qui restera le temps affiché au cinquième, DIX NEUF SECONDES DE DIFFERENCE AVEC ROSSI, lequel était sur sa moto d’usine et en pneus qualif’ !!!
Là, les spécialistes présents se frottent les yeux et se pincent en se demandant s’ils ne sont pas en train de rêver ; les meilleurs, et pas des manches, ont tourné en 2’15…
La vedette n’est soudain plus Valentino mais un René rentrant au stand, tranquille comme quelqu’un qui vient d’acheter son pain chez l‘épicier du coin !
Vale se tord en deux devant les tronches par terre qu’affichent les jaunes en secouant les chronos. Au japon le leitmotiv, c’est la normalité, et là ils viennent de rencontrer E.T. …
Burgess lui-même, lequel en a pourtant vu d’autres, se gratte lui aussi la tête, songeur…
Le champion du monde vient alors féliciter René, lequel descend tout juste de sa moto :
" Toi alors !, dit-il en le tutoyant (par respect sans doute…), on peut dire qué tou sais aller vite sur oune moto… ", le complimente t’il, hilare, en lui tapant sur l’épaule.
" Ben…, merci mon p’tit gars, répond René très simplement, mais toi, t’es pas mal aussi dans ton genre d’après c’que j’ai vu à la téloche… ", ceci dit en zyeutant la croupe d’une demoiselle, pas très loin, qui semble lui faire le coup du " viens voir par ici " en ondulant de la partie basse de sa très charmante petite personne.
Changera pas l’Ancien, il vient encore de se faire remarquer en médusant l’assemblée par son immense talent à tourner la poignée, et le voilà encore en chasse à la demoiselle !!!
Bien entendu, comme son frère, il s’éclipse bientôt en bonne compagnie, plantant là les plumitifs qui se demandent ce qu’ils vont pouvoir bien écrire de tout ça.
Pour un peu, on en oublierait presque les M1 qui viennent de sortir des stands !
C’est Grigou, à peine remit de ses émotions, qui doit se charger de répondre aux questions dont il est bombardé au sujet du Vieux…
Une demi-heure plus tard, voilà Maurice qui refait une apparition auprès de son pote journaleux, la mine quelque peu défaite.
" Vache !, quel tempérament les filles du coin… !, dit-il simplement en s’adressant à Grigou, et René, il est où ?, il a roulé ? "
" Ben…, ton frère a fait comme d’habitude, il est v’nu, il a vu, et il les foutu su’l’cul . Tiens, en parlant d’postérieur : à ton avis, il fait quoi… ? ", répond Grigou d’un air mi-amusé, mi-blasé…
" C’t’un grand gosse… ", résume Maurice en soupirant !
Pendant ce temps sur la piste, les quatre M1 dépêchées par le japon sont aux mains des journaleux, et je peux te dire que là, c’est plus la même musique que précédemment. Si malgré le fait que tu sois une tanche complète au niveau pilotage , tu as eu un jour l’honneur (je parle pour toi, pas pour la machine bien évidemment …) de poser ton ignoble postérieur sur cette superbe moto qu’est la R1, tu conviendras que c’est pas du mou de veau et qu’enquiller REELLEMENT avec cette brèle n’est pas à la portée du premier venu, et bien, à côté de la M1, la R1 pourrait presque être comparée à l’ex-Viragro de Maurice…, je te laisse imaginer…
Bref, les baveux n’en mènent pas large. Bien sûr, ils font illusion dans la ligne droite en poussant un peu le monstre de deux cent cinquante chevaux, lequel hurle en déboulant comme une fusée, mais au freinage et dans les courbes, font moins les fiers les écrivaillons…
Faut quand même imaginer que ce truc ne pèse QUE cent quarante cinq kilos, soit le poids d’une 125, mais dont la moindre rotation du poignet droit propulse dans la quatrième dimension en laissant de larges virgules sur l’asphalte. Un truc à faire peur tellement elle cabre et accélère en collant au fond des orbites les yeux de l’imprudent un poil téméraire, leurré par l’apparente docilité du quatre cylindres à bas régimes.
C’est Rossi qui se marre en voyant la tête des journaleux rentrant au stand après les cinq tours du manège infernal. On peut lire dans leur regard, soit de la crainte, soit du respect ou de l’incompréhension, voir un peu de tout ça mélangé, avec, par dessus tout, le bonheur d’avoir roulé sur la moto de vitesse la plus efficace au monde.
Par contre, pour les chronos, la plupart ont roulé moins vite avec la M1 qu’avec la R1. N’est pas Valentino qui veut !
Grigou, voyant la tronche de ses confrères au retour, est de plus en plus fébrile, commençant même à trembler furieusement à mesure que l’instant fatidique approche. Maurice tente de la rassurer par tous les moyens, mais le plumitif a les canes qui flanchent…
C’est à cet instant que réapparaît un René radieux, pas trop éprouvé par l’effort qu’il vient de fournir auprès de la superbe créature qui s’éloigne maintenant en le couvant du regard.
" Nom de Dieu…, blasphème le Respectable en rejoignant ses deux compères, elles ont l’sang chaud dans c’pays, c’est sans doute à cause du soleil dont les rayons boostent la libido…
Moi, en été, j’ai d’l’énergie à r’vendre et j’suis capab’ de tringler pendant deux plombes, alors, dans un endroit où il fait toujours beau… Pas feignante la môme…, et même que c’est elle qu’a drivé pendant tout l’trajet, à tel point qu’j’en ai l’mat d’cocagne en marmelade…
Mais Dieu, qu’c’était bon ! ", soupire cet être de félicité…
Voyant la mine de Grigou, il reprend : " Hé bien mon vieux, qu’est-ce que t’as ? on dirait qu’tu vas avaler ton bulletin d’naissance… "
Le Grigou en question a bien du mal à s’exprimer, et c’est Maurice qui explique à son frère le pourquoi.
" Ha ? C’est seulement ça…, soupire Pépère en hochant la tête, t’en fais donc pas comme ça. C’est qu’une bécane qu’a deux roues, un cadre, un moteur et une paire de bracelets, comme n’importe quelle autre bécane…
Bon, c’est vrai qu’elle semble accélérer un poil plus fort, mais dans c’cas, on tourne moins la poignée, c’est aussi simple que ça !
Et pis dis donc, t’es l’responsable des essais d’ton canard y’m’semble, non ? Alors tu vas t’reprendre et rouler comme tu l’fais d’habitude, c’est à dire en t’concentrant sur tes impressions pour sortir un papier à la hauteur. "
René, en disant ça, profite pour lui coller une claque dans le dos en réconfort. C’est à ce moment que choisit l’attaché de presse pour dire à Grigou en s’approchant :
" Monsieur Ze Kick, c’est à vous… "
" Gloups ! " fait le journaleux en suivant le gars en chemise bleue, imité par le duo.
La moto est sur sa béquille de stand, les couvertures chauffantes sur les pneus. Deux ingénieurs terminent de collecter les infos du dernier roulage à l’aide de terminaux embarqués reliés à la machine, pendant que les mécanos peaufinent une ultime vérification. La M1 est dans la configuration course du dernier GP disputé à Valence, et même si les deux pistes sont différentes (Valence étant un véritable tourniquet), les conditions atmosphériques sont assez similaires. Un jaune parlant anglais, vient alors expliquer le mode d’emploi à Grigou tandis que dernier grimpe tel un automate sur la championne du monde. Les mécanos actionnent alors le démarreur technique plaqué contre la roue arrière, ce qui pour effet de déclencher le tonnerre tellement le vacarme émanent du mégaphone devient assourdissant par le biais des quelques coups de gaz donnés pour la faire monter en température (quoiqu’elle a pas eu trop le temps de refroidir). La machine est ensuite débéquillée tandis que Grigou prend ses marques aux commandes, concentré au possible. Le commissaire de piste lui donne alors l’autorisation de sortir de la voie des stands, ce que le journaleux fait avec une extrême prudence.
Les premiers tours sont abordés avec méfiance, mais dans le cinquième et dernier, Grigou vient de réaliser un bon 2’25, dix secondes de mieux qu’avec la R1 !
C’est tout fier, mais complètement épuisé, qu’il rentre au stand et tend la moto aux mécanos pour enlever très vite son casque et s’adresser à René, lequel attend son ami avec le japonais resté à ses côtés (lequel doit noter les impressions du plumitif).
" INCROYABLE ! balbutie Grigou, elle est plus douce à bas régimes que la R1, et bien plus précise et légère aussi; on se sent tout de suite chez soi avec une position pas trop extrême. Par contre, dès que l’on atteint les mi-régimes, ça commence à drôlement défiler et les bras s’allongent. On insiste et elle se met à pousser de plus en plus fort en prenant ses tours férocement sans couper. J’ai jamais vu un truc aussi sauvage et on a toutes les peines du monde à garder la roue avant au sol !
Le freinage est aussi impressionnant : un doigt en bout de ligne droite, et on a l’impression de rentrer dans un mur tellement c’est puissant. Et pourtant, j’ai pas osé tirer à fond sur le levier de peur de passer par dessus…
Les vitesses inversées et le shifter surprennent un peu au début, mais on s’y fait rapidement.
Oui !, quelle machine !!!, et j’avoue que cinq tours c’est bien peu, même si j’ai les bras et jambes en marmelade. "
Le japonais lui pose alors quelques questions et notes sur un carnet les réponses avec l’air impassible d’un… japonais, mais on sent une certaine lueur de fierté au fond de ses yeux sombre !
Quelques journaleux plus tard, voici venu le tour du Respectable de faire connaissance avec la M1…
Là, les curieux se pressent au vu de la démonstration précédente, et même Rossi en personne vient poster à côté de l’Ancien pour lui donner quelques conseils, aidé par un traducteur. René, comme à son habitude, est parfaitement détendu ; juché sur la moto, il réclame une umbrella girl car, dit-il, le soleil tape fort à travers son casque…
Rossi, aussitôt la traduction faite, éclate de rire en tapant amicalement Pépère dans le dos.
Soudain, le commissaire de piste agite son drapeau et René s’élance !
On sent le Respectable prudent, il secoue la moto de gauche à droite pour en prendre la mesure et semble tester différentes positions tandis qu’il sort de la voie des stands sur un léger filet de gaz. Soudain, la M1 hurle en bondissant en avant, René commence déjà à visser !
Le premier tour est bouclé en 2’ tout rond. Déjà l’assemblée se tait tandis que la moto bleue donne de la voix en crachant son impressionnante cavalerie dans la ligne droite. L’Ancien a le nez dans la bulle et au deuxième tour, le chrono descend en 1’57…, puis 1’55 au suivant ; Valentino, du bord de la piste, encourage René à en remettre sous l’œil inquiet des japonais !
Le quatrième, Pépère est en 1’51 et termine son cinquième et dernier tour en 1’50 !!!
Dans la voie des stands c’est du délire et déjà tout le parterre présent se presse pour recueillir les impressions de l’extra-terrestre, Rossi en tête…
Dix secondes… René a tourné à dix secondes de Valentino lors du dernier GP disputé ici, alors que ce dernier chassait la pôle en pneus qualif’ !!!
Superpapy, qui vient de rentrer, stoppe la moto près des mécanos. À peine descendu, Valentino se jette dans ses bras comme si l’Ancien venait de gagner une course. Burgess, un peu en retrait, n’arrête pas de secouer la tête et se frotter les yeux en compulsant le temps affiché. Les japonais en blouse, tout en s’empressant de brancher les ordinateurs pour les acquisitions de données, regardent René du coin de l’œil d’un air effaré, tandis que les journaleux se pressent autour du Respectable pour le bombarder de questions. Jamais on vu un truc pareil dans le monde des GP, un peu comme si toi, tu te mettais à passer tes six rapports sur la roue arrière alors que t’es même pas fichu de passer la troisième les roues au sol…
René s’adresse alors à Grigou qui s’est difficilement frayé un chemin pour rejoindre l’Ancien, tandis que Maurice, prudemment, est resté en retrait :
" Ouais, t’avais raison, explique t’il calmement à son ami, comme si de rien n’était, elle est facile cette brèle. J’avoue qu’elle pousse un peu plus que ma V6 et marche mieux que celle à Sarron. Dis, avec tes relations, tu pourrais essayer de m’en avoir une comme ça, pour qu’je puisse aller m’amuser à Carole avec… ?
Non, j’plaisante, ce truc n’est pas pour moi car j’arrive pas à l’exploiter du fait d’une position qui ne me convient pas…
J’suis certain que si on m’la laisse pour la faire régler comme j’ai l’habitude, j’descend les temps d’au moins cinq secondes !
Au fait, tu peux pas dire à tes collègues d’me lâcher la grappe pour qu’on aille au bar s’en jeter une bonne ? Moi, un coup d’radada et quelques tours en piste, ça m’donne soif…
Pendant qu’on y est, invite Valentino et l’jaune qu’a l’air constipé là-bas, c’est ma tournée ! "
Il sont sortis du circuit, ainsi que Burgess qui s’est joint au groupe, pour prendre la direction du premier rade à proximité, ce qui n’est pas difficile à trouver car dans ce pays, les rades c’est comme les belles filles, y’a que ça autour de toi…
C’est Grigou qui fait la traduction tandis que Jérémy présente le Constipé :
" Yapu Kavissé San, Responsable technique pour la partie mécanique et pilote d’essai. Son double rôle, unique dans un team de compétition, donne l’avantage de valider en live ses dernières trouvailles, ce qu’un ordinateur ne sera jamais capable de faire. Ne vous fiez pas à son age (71 ans), car il fut pilote de chasse pendant la guerre du Pacifique et compte parmi les as de la flotte avec quarante avions ennemis descendus, ce qui donne une idée des réflexes dont il disposait alors, et qu’il a cultivé par le biais de la course moto de retour dans la vie civile. Il a été trente fois champion du Japon dans toutes les catégories et très vite engagé par Yamaha qui l’a couvé en l’empêchant de courir hors du Japon, le jugeant plus utile au pays du soleil levant car il est aussi un ingénieur hors pair à l’origine de pas mal de trouvailles qui ont fait de la marque ce qu’elle est aujourd’hui.
Il s’est alors dévoué à déployer ses nombreux talents au sein de la firme, refusant même les promotions internes pour conserver le privilège de concevoir et tester lui-même le fruit de son travail.
C’est incroyable ce qu’il est capable de trouver pour répondre à la demande de Valentino et on a vu le résultat cette saison.
De même qu’une fois en piste, c’est difficile d’imaginer que c’est un gars qu’on verrait plutôt en retraite, qui tourne la poignée de cette façon, un peu comme vous René…
Kavissé San m’a demandé de vous convaincre de nous faire l’honneur de votre présence lors d’une séance d’essai en privé, pour valider certaines de ses idées, certes, mais je le soupçonne aussi de vouloir se mesurer à vous sur la piste…
J’avoue, d’après ce que je viens de voir, que l’idée n’est pas pour me déplaire, si ça vous dit, la semaine prochaine nous sommes au Mans, chez vous en France…Bien entendu, vous acceptez ? "
Ils sont tous installés dans un petit rade espinguoin jusque dans ces moindres détails. Y’a le patron, un peu bedonnant et moustachu qui essuie négligemment ses verres, une sono qui crache de la musique latine dans une ambiance tamisée par le peu de lumière régnant dans l’établissement, les clients habituels avec cette nonchalance des gens vivants au soleil leur donnant une impression de sérénité face à la vie que nous n’aurons jamais, nous les franchouillards de la partie nord, misérables fourmis qui courront sans cesse sans trop savoir pourquoi, uniquement pour faire comme les autres, histoire de pas paraître idiots…Y’a aussi la serveuse, grande, brune, très brune avec un regard de braise, trente ans environ, la peau mate dans une robe longue ambrée assortie à son teint, bref, THE first nana…
Un qui n’est pas indifférent à l’employée du bar, c’est Grigou. Il jongle alternativement entre la traduction et les regards balancés en loucedé à la superbe créature, laquelle semble amusée et, semble t’il… pas farouche pour un poil !
Valentino observe la scène un moment sans rien dire, puis glisse à l’oreille du journaleux :
" Ma !, tou as vu comme la demoiselle té regarde ? Vas-y et montre loui qué dans notre ounivers dé la moto, y’a pas qué la poignée qu’on sait tourner…, jé m’occupe do faire lé tradoucteur pour toi ! "
Tu ferais quoi, toi, si le World Champ’ te sortait un truc comme ça ???
Le Grigou gonfle le torse, se racle la gorge après avoir sifflé son verre de whisky d’un trait, puis se dirige franchement vers la demoiselle qui, avec son air de " viens voir par ici tu verras mon … " ne le quitte pas des yeux…
C’est lui qui lance l’offensive :
" Oui je sais, ça fait un quart d’heure que tu poireautes, mais ton prince charmant ici présent devait d’abord terminer la traduction d’un entretien très important, mais ceci ne te concerne pas et nous allons passer au sujet qui nous préoccupe, passe devant et montre moi le chemin de ta chambre pour savoir enfin qui je suis…", lui dit-il en lui posant une main sur la croupe, à laquelle elle répond en se collant contre son entrejambe puis l’entraînant vers la partie closed du bar…
" Ben mon vieux, fait remarquer René qui a suivi la scène, l’est vraiment bien l’gamin… "
Le jaune, en réponse, lève le pouce en l’air en approuvant de la tête avec un regard soudain complice le déconstipant quelque peu !
Burgess soupire puis se met à rire en lançant une œillade à Valentino, tordu sur sa chaise, tandis que Maurice fait remarquer :
" Faut dire qu’il nous a beaucoup observé… ", sur un ton suffisant…
C’est René qui percute soudain :
" Hé dis donc, le bridé ? j’rêve ou t’as pigé c’que j’viens d’dire ??? "
Kavissé San répond alors :
" Je parle couramment les principales langues usuelles, honorable tourneur de poignée, mais personne ne me l’a demandé jusqu’à présent dans cet entretien, non ?…
Alors ? pour le roulage, tu acceptes ??? "
René jette alors un œil vers Burgess et comprend le stratagème. Celui-ci, en jouant ce petit jeu avec l’accord du jap’, permettait à ce dernier de bien observer l’Ancien qui, piqué au vif en réalisant, ne pourrait qu’accepter la proposition, ne serait-ce que par défi…
Le regard qu’il lance à Jérémy est lourd de conséquence tandis qu’il articule :
" J’aime pas trop qu’on s’foute de ma tronche Mooooonsieur le manager, mais bon, c’était pas la peine d’en venir là puisque j’ai décidé d’accepter, histoire de pouvoir encore monter sur cette brèle que j’ai pas eu l’temps d’bien apprivoiser, pis aussi pour montrer à Bol de Riz comment qu’on fait pour visser dans l’bon sens… "
Cette fois, c’est tournée générale et hilarité totale dans le petit groupe ; hé oui, même à ce niveau de la compétition, l’esprit motard est aussi présent…
Un qui semble voler aussi en haute altitude, c’est l’Grigou. Les parois de séparation du bar sont fines et un étrange concerto en rut majeur se fait entendre, rythmé par les hurlements ibériques de la donzelle et ponctués de grincements pieutesques…
Le patron, ainsi que les clients présents, sembles impassibles : coutume locale ?
C’est René qui commente :
" Alors là, il est parti à la cosaque et j’sens bien qu’il va passer au p’tit train dans la montagne car le rythme est plus saccadé. Et puis, ça permet de r’froidir la mécanique car je pressens que cette fille là, c’est d’la bombe et l’Grigou y m’semble encore bien tendre pour la mettre à g’nou… ", dit-il en fin connaisseur…
L’alcool commence alors à faire ses effets et Burgess, dans un français très correct lâche alors à René :
" Je vais vous faire une confidence : les filles d’ici, c’est d’la braise !
Pour cette raison, quand on passé de Honda à Yamaha, on en a embauché une quinzaine, sachant que Gibernau peut pas résister. Dès l’arrivée sur un circuit, elles ont pour mission de traîner près du staff de l’espingouin pour lui jouer le chant des sirènes.
Comme ce grand gosse répond toujours présent dans ce cas précis, et qu’il peut pas être au four et au moulin en même temps, il en néglige d’autant la mise au point de sa RCV et c’est certainement pour ça qu’il avoue se battre contre lui-même…
J’avoue aussi que lorsque que Valentino a quitté Honda, il leur a laissé une machine parfaitement déréglée avec laquelle il a fait illusion grâce à son talent, histoire de se ménager une petite marge le temps de s’occuper de la Yam ; les rouges n’ont toujours rien pigé et ont limogé le pauvre Barros qui n’a toujours rien compris au film ! "
C’est à cet instant que resurgit un Grigou marqué par l’effort mais visiblement satisfait (la môme est toujours dans la piaule…) :
" Une coriace !, dit-il, mais bon, j’en suis venu à bout…
Par contre, ce genre d’effort, moi, ça m’donne soif : tournée générale !!! "
Dans la semaine suivant le retour, la notoriété du Respectable est encore montée d’un cran : rapport aux papelards de journaleux qui, une fois encore, ont axé l’événement sur les exploits de ce vieux bonhomme, illustre inconnu qu’on laisse grimper sur la championne du monde en titre de la catégorie reine (déjà, rien que ça c’est de l’inédit…) et qui se permet le luxe, en toute décontraction, de faire un temps à dix secondes de Rossi sur seulement cinq tours de piste avec une machine dont les réglages ne sont pas optimums (dans le cas d’un essai presse, les mécaniques sont limitées en régime et adoucies en suspensions)
Autant dire, vu qu’il s’agissait d’une invitation concernant l’ensemble de la presse européenne, que René est maintenant connu hors de l’hexagone, et c’est sans doute pour cette raison que, tel un artiste de renom, son phone n’arrête pas de chauffer avec des propositions d’emploi, interviews, partenariat pubs (encore…, mais les filles des agences sont généralement choucardes…), voire des… demandes en mariage !
Après le Mans, c’était déjà l’heure de pointe, mais maintenant, c’est quasiment les bouchons de départ en vacances chez l’opérateur téléphonique pour prendre la route en direction du Gatouillable…
Bien entendu, les potes se pointent aussi, histoire de soulager René de quelques rendez-vous, de préférence si la demandeuse mérite l’attention (un questionnaire sophistiqué a été élaboré dans ce sens) …
Grigou vient faire le plein sur son carnet de rendez-vous tous les matins, le Dave se charge du Net en compagnie de Maurice (avec un partage équitable des rencards, bien entendu dans le but désintéressé de rendre service), le Mario, aidé du Cescovitch, se relaient au bigo (technique idem), et y’a même le Ziva qui joue les groupies devant le home des Respectables avec la technique dite du " chien malheureux ". Il compte capter l’attention des demoiselles recalées à l’examen de passage en pleurant sur sa pauvre moto dont le carénage porte les stigmates de ses nombreuses sorties de route (une technique de d’jeun’s demandant beaucoup de mise au point pour un résultat disons… mitigé…)
Le René lui, ce côté popularité, il s’en tamponne un peu le coquillard comme de sa première bécane et passe le plus clair de son temps à perfectionner sa technique en tringlant la Céline !
Le jour J est pour demain. Le Team officiel, a déjà investi le circuit manceau et Valentino roule aujourd’hui pour valider certains trucs, mais il ne sera présent que ce jour car son calendrier est chargé. Colin Ewards, lui, est retenu ailleurs. Le team TECH 3 de Poncharal, accompagné de ses pilotes, est aussi de la partie pour cette unique journée.
Le lendemain, il ne restera que le team d’usine pour du testing de solutions inédites ne pouvant être réalisé par les pilotes (les solutions sont proposées après essai en live par les essayeurs ; une technique qui permet aux pilotes ne pas se disperser), et René sera présent !
On se retrouve donc une nouvelle fois aux portes du circuit Sarthois, mais ce coup-ci, plus de R1 ni de Kawasuki V6 sur la piste, simplement une meule bleue (enfin, aujourd’hui elle est noire car non peinte) portant le numéro 46, et autour de laquelle grouille une ribambelle de pères la jaunisse en blouse blanche portant le sigle YRT (YAMAHA RACING TEAM), dont notre désormais bridé préféré, incontournable pilier de l’équipe et, paraît-il, apte à donner des leçons de pilotage à notre Gatouillable en plus de jouer de sa boîte à idées pour que la M1 soit toujours au top, j’ai nommé, le très Respectable Yapu Kavissé San …
C’est d’ailleurs lui qui accueille Superpapy, accompagné de ses deux acolytes habituels (Maurice et Grigou), visiblement heureux de la venue de l’Ancien, mais avec aussi un semblant de rictus carnassier aux coins des lèvres.
" Bienvenue à toi, honorable René San, fait le Constipé en s’inclinant à la mode de chez eux (nous, c’est le plantage des choux…), j’espère que tu es en forme… ?, et bienvenue à vous aussi, mes honorables amis ! "
" Salut à toi, Bol de Riz !, répond René en lui donnant l’accolade, t’en fait pas pour moi, j’tiens une forme olympienne…
Et toi ?, t’as fini d’cuver d’puis la dernière fois ?, faut dire qu’le whisky, questions montées en régime, c’est autre chose que ton saké qu’est aussi bridé qu’ta tronche… "
Yapu San fait mine de ne pas piger et sourit sans répondre, mais son regard en dit long pour la suite…
" Je dois vous demander de m’excuser, dit-il finalement en s’inclinant de nouveau, car il me aller enfiler mon équipement, je vous rejoins très vite "
Burgess, à son tour, délaisse les deux M1 béquillées en bordure de la voie des stands, lesquelles portent déjà les couvertures chauffantes et sont l’objet de l’attention de tout le staff présent.
" Bonjour messieurs, nous allons éviter de perdre du temps car nous avons pas mal de trucs à tester. Les motos sont dans la configuration définie hier par Valentino car le temps est identique – une chance pour nous – avec un nouveau type de pneu arrière élaboré par Michelin qui a permit de gagner en stabilité sur l’angle à la remise des gaz, un point faible de la M1 par rapport à la RCV. Je vois que vous êtes déjà en cuir, René : parfait, vous allez effectuer deux tours en compagnie de monsieur Kavissé San, lequel est en train de s’équiper.
Pendant ce temps, on va faire chauffer les motos "
Jérémy s’adresse alors aux mécanos, lesquels ramènent les démarreurs thermiques, les deux surpuissantes machines s’éveillent alors dans un bruit assourdissant, rythmé à grands coups de rotation des poignées de gaz…
Sort alors du box le Bridé, lequel s’avance rapidement vers le groupe. Il porte un cuir immaculé (non, non, c’est pas un gros mot…) sur lequel est arboré le drapeau japonais. Sur son front, un bandeau à la même effigie est présent. Son visage est fermé, encore plus inexpressif que d’habitude, si ce n’est une bizarre lueur perceptible aux travers de ses yeux noirs qui percent les deux fentes lui servant de paupières !
Yapu San grimpe sur une des M1 en s’adressant aux mécanos dans son dialecte incompréhensible, tandis que Burgess fait signe à René d’en faire de même sur la deuxième.
Les moulins crachent leurs décibels depuis maintenant quelques minutes et sont en température, on enlève les béquilles et les deux pilotes s’élancent sur la piste sur ordre du commissaire de piste.
Je te rappelle le temps de la pôle du dernier GP : Gibernau en 1‘33'425. Rossi, hier, a tourné en 1’33 pile, améliorant le chrono de quatre dixièmes sans chercher à forcer son talent car il n’était présent que pour valider quelques modifications faites à sa demande. Les autres pilotes suivaient en retrait de deux dixièmes.
Le Jaune passe devant, René dans sa roue. Ils effectuent un premier tour prudent en prenant leur marque

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Episode 33 :

Quelques jours de vacances… !

Quand t’es fatigué, tu fais quoi, toi ? Bon, t’es peut être pas le bon exemple. Feignant comme je te connais, tu dois te vautrer dans ton canapé une bière à la main pendant que bobonne s’occupe de l’entretien ménager, je me trompe… ?
Non, quand on est fatigué, on part en vacances, et quand on est motard, on part en moto…
Tu vas me demander ou je veux en venir, Elvire ?, ben ouais, t’as gagné ! René a décidé de se mettre au vert en changeant de pâturage, bref, de partir quelques jours au soleil en compagnie de Maurice, mais aussi de Ziva qui vient d’acheter une nouvelle bécane (on va y revenir…), direction le sud et la douceur de vivre en ce début du printemps, loin du tumulte de la capitale et de son horrible banlieue semblable à une fourmilière (m’en fout, moi j’habite en Normaaaaandie…).
Non c’est vrai, entre les essais, les pubs, les invitations à gauche et à droite (voir au centre…), et toutes ces mondanités, le Respectable a bien droit à quelques jours de vacances, tu ne crois pas ?.
Le charme du sud…, avec la vie qui ralentit au fur et à mesure que l’on se rapproche de la côte, le doux chant des cigales (bon là, je l’accorde, c’est encore trop tôt dans la saison…), le plaisir de tailler la route sans arsouille, en Respectable, et de profiter du jour qui vient sans se presser et sans contrainte aucune. La bonne table aussi, car dans le sud, on sait apprécier la bonne chair et le vin religieusement extirpé de la vigne à flan de coteau imprégné de la force du soleil qu’on ne trouve qu’en ces contrées !
Les filles aussi…, quoi ? Qu’est ce que tu dis ? Pas du repos les filles ??? Tu me déçois beaucoup…
Mais mon vieux, les filles, c’est l’élixir de jouvence ! Surtout quand je te vois, je me dis que t’as pas franchement abusé et que c’est marqué sur ta tronche, je t’explique… :
Il n’y a pas très longtemps, un savant aréopage de têtes pensantes s’est penché sur le problème de la sexualité. Hé bien il en ressort, mon cher Hector, que la pratique de l’activité sexuelle est in-dis-pen-sa-ble au bien-être de l’individu, et tu peux en abuser autant que tu veux, ça ne s’use jamais et c’est tout bénéf’ au niveau circulation sanguine, tonification cardiaque et santé mentale…
Regarde René : à soixante et quelques berges, il a encore tout du fringant jeune homme, alors que toi, c’est tout le contraire…
Bon, je te l’accorde, avec ton physique de nabot, t’as pas été gâté par la nature, mais un conseil : sort toi les doigts du cul, rentre ton ventre et, avec un peu (beaucoup…) de chance, toi aussi tu peux en faire autant…. Me remercie pas, chuis comme ça !
Bref, René part dans le sud quelques jours, bien décidé à en profiter un max avec son frangin et l’Ziva qu’est tout content d’étrenner ainsi sa nouvelle monture (soit patient ! On va y reviendre…).
Le bled est situé au sud de la Provence, et se nomme Maisidon Légazs. C’est un petit bourg de cent cinquante âmes perdu au milieu de la garrigue, avec juste son petit hôtel / café / épicerie / poste et boulangerie, comme dans tout village provençal qui se respecte, tenu par un couple d’ex-parisiens lassés de la vie citadine, motards de surcroît, ce qui un atout dans le cas présent.
Tout ça est venu un beau matin par un René levé du mauvais pied. La tronche fermée, le geste saccadé et d’humeur plutôt massacrante :
" Maurice ?, dis ce dernier sur un ton peu affable, tu annules mes rendez-vous… J’en ai ras l’intégral d’aller faire le pingouin chez les mickeys du milieu et faut que j’me casse loin d’tout ça au moins pendant quelques temps !
Tu prépares les valoches le temps que j’contacte un pote dans l’sud. Y tient l’hôtel du village et j’va l’appeler pour qu’y nous réserve deux chambres… "
DRIIIIIINZZZ !!!! C’est Ziva…
Maurice le fait entrer.
" Qui t’amène, l’ môme ? " demande l’Ancien.
" J’viens vous montrer ma nouvelle moto !!!! " déclare le gamin avec enthousiasme.
René, au mot " moto ", se redresse du fauteuil ou il était négligemment installé :
" Une nouvelle bécane ? Allez, on va voir ça !!! "
Les trois sortent rapidement de l’habitation devant laquelle est stationnée une magnifique… 600 Transalp !
Bon, je t’arrête tout de suite, toi qui te marres déjà : c’est un excellent trail qui est un peu le couteau suisse de la moto avec sa partie cycle passe-partout et son V-twin de 55 chevaux, qui, si ces derniers sont plus proches du percheron que du pur-sang, n’en constitue pas moins une mécanique laborieuse et endurante. Au lieu de critiquer, essaye et on en reparle… à moins que t’as peur de paraître ridicule au yeux de ton voisin alors que t’exploites même pas à dix pour cent les possibilités de ta sportive que t’es obligé d’avoir pour te sentir quelqu’un ???
Oui, je sais, ça calme mais c’est tellement vrai ce que je dis, n’est ce pas ?
Bref, Ziva est tout fier de montrer sa dernière acquisition :
" Ben…, j’ai beaucoup cogité c’que tu as depuis longtemps essayé de me faire comprendre : le genou par terre plein angle, c’est pas pour moi. Partant de là, je suis allé chez Rosso qui a voulu me refourgué la Viragro à Maurice, mais faut quand même pas pousser, j’en suis pas encore là – pardon Maurice -, et j’me vois mal sur ce truc d’un autre temps. Rosso m’a alors montré la Transalp d’occase qui traîne depuis un moment dans l’fond du magasin. J’l’avais déjà vu mais j’avoue qu’j’y avais jamais pensé, c’est vrai qu’on pense pas à une bécane comme ça…
Pourtant, qu’est-ce que je fais au guidon d’ma bécane, sinon me faire peur en permanence car je sais maintenant que quoi que je fasse, jamais je ne me ferai plaisir aux bracelets d’une sportive. Faut être réaliste et reconnaître ce qui est !
Je dois dire que ça a alors fait tilt. Tout l’monde se fout de moi sur ma sportive et tout l’monde se fout d’la Transalp donc, j’ai décidé qu’elle serait mienne et j’ai négocié une reprise, pour laquelle j’ai laissé pas mal de plumes rapport à l’état des plastiques, mais ch’suis content et c’est vrai qu’elle me va bien cette brèle. J’avoue que ça faisait longtemps que je n’avais pas apprécier de rouler en étant aussi détendu à moto, c’est comme une libération et dorénavant, jamais plus je n’essaierai de me prouver ce que je ne suis pas ! "
René et Maurice sont sciés :
" Comme quoi on peut être jeune et pas trop con, déclare le Respectable, le tout c’est d’être honnête avec soi-même. C’est vrai que cette brèle te ressemble, et comme les autres elle a deux roues, un guidon et un moulin pour te faire plaisir. Bien joué mon gars ! Allez, vient, on va arroser ça à la maison ! "
Ils s’installent tous les trois dans le salon, Maurice faisant un peu la tronche rapport à la Viragro (toi…, tu te tais !) pour retrouver très vite sa bonne humeur sitôt son verre à la main,
Et ça se met à causer… moto (bravo ! t’as trouvé…). René annonce alors à Ziva son intention de se mettre au vert, ce dernier, enthousiaste à l’idée, insiste pour être de la partie…
" Moi, j’ai rien contre, lui répond l’Ancien, mais faudrait pas qu’tu nous r’tardes en te t’flanquant pas terre à chaque virage car y’a mille bornes pour aller là-bas et au train ou tu tâtes du bitume, faut qu’on parte tout d’suite pour être sûr d’arriver l’année prochaine… "
" Avec la Transalp, c’est pas pareil, se défend Ziva, j’ai déjà fait deux cent kilomètres avec sans me sortir une seule fois. Cette moto est vraiment faite pour moi et à son guidon, j’ai plus envie de tenter des trucs que j’sais pas faire car on sent qu’elle a pas été conçue pour ça et on l’aborde pas de cette façon. Avec elle, j’enroule et je roule propre, mais sans me traîner pour autant, et je te jure que je ne vais pas te retarder. Aller René, accepte… "
" Bon Ok, Ok, t’es d’la partie ! "
" Et les filles ?, demande Maurice, on les embarque ? "
" Non mais ça va pas ?, répond le Respectable, tu vas les mettre ou les bagages si on s’embarrasse avec les sacs de sable ???
J’va t’dire un truc, on s’servira sur place si on a envie de se dégourdir la troisième patte ! "
René s’empare alors de son portable et compose un numéro :
" Fred ?, Gédeufoitrentan !, oui René, c’est ça. La forme ?…
Dis donc mon ami, hein ?, quoi ? Ho ! Et puis laisse tomber c’que t’as lu sur moi, j’te raconterai…. J’voulais te d’mander, t’as toujours ton rade à Maisidon Légazs ? oui ? et bien si t’as trois chambres à dispo, je passe te dire un p’tit bonjour disons… demain dans la soirée !
On restera une huitaine de jours, histoire de visiter l’coin, ça marche ? parfait, à demain alors ! "
Se tournant alors vers les deux autres :
" Bon, on va j’ter un coup d’œil sur les Kawasuki et préparer les affaires. Ziva, tu te pointes demain matin huit heures pétantes frais et dispo avec tes affaires bien arrimées, faudrait pas en perdre la moitié en roulant. Aller, on a du taf pour la journée ! "
Le réveil à sonné à six heures, ce qui laisse deux plombes pour la mise en condition du départ : solide petit déj’, footing pour René (Maurice, c’est pas trop son trip…), une bonne douche et dernières vérification en attendant l’arrivée du Ziva nouveau sur son fier destrier.
On dit que les d’jeun’s sont jamais à l’heure et qu’on peut pas leur faire confiance ? Ben là t’as tout faux car le môme se pointe à moins le quart sur son rutilant bicylindre dont la selle arrière est équipée d’un sac à dos qu’il a fixé à l’aide de sandows.
Petite séance de serrage de patounes, un dernier café pour la route, et les deux Respectables sortent les Kawasuki du garage après s’être équipés.
" Franchement Maurice, dis René en esquissant une moue de dégoût, ta bécane elle ressemble plus à rien maintenant. Quand j’la vois comme ça, ça m’fait l’même effet qu’si Britney Spears se foutait à poil devant moi avec un furoncle à l’arrière train !
T’en penses quoi, toi Ziva ? "
Le môme aime bien Maurice et ne veut pas être désagréable, néanmoins il hoche la tête en se ralliant à l’avis de René…
Que j’t’explique : hier, en début d’après-midi, le Respectable frangin s’est pointé chez Rosso et a fait poser sur la splendide V6 un ensemble de bagagerie, certes assorti à la couleur de la machine, mais pas vraiment en rapport avec la superbe ligne taillée à la serpe de la sport GT !
Pour te donner une idée, imagine une ZX12R avec un top case, et t’auras une petite idée du résultat obtenu…
Maurice, il fait dans le pratique et, comme il est peu réceptif à l’aspect esthétique de sa machine (n’oublions pas son ex-Viragro…), faut reconnaître que de côté-là, il pas tout à fait tort quand on voit le temps passé à charger la bécane avant un périple…, ceci dit pour prendre un peu sa défense car je l’aime bien le frère de l’autre !
René lui, a décidé de voyager léger en se contentant d’un tout petit sac avec juste l’indispensable pour pas se retrouver à poil, au moins sans charmante compagnie…
Par chance, le ciel est bleu azur avec les zoiseaux qui piaillent dans le ciel et défèquent joyeusement sur la brèle astiquée du môme que ce dernier a la malencontreuse idée de garer juste sous le fil d’une installation EDF, séance chiffon en maugréant et franche rigolade des frangins !
Aller, en route ! C’est l’Ancien qui ouvre la marche, suivi par Maurice, lui-même avec Ziva dans sa roue, en respectant les limitations de vitesse sur ordre du Respectable, lequel a décidé de la jouer façon cool en prenant le temps d’admirer le paysage. Il a d’ailleurs tracé l’itinéraire lui-même en évitant autant que possible le réseau principal.
Bon, si je te dis que ça n’a pas duré deux cents bornes, je t’étonne ?
Une fois n’est pas coutume, c’est Ziva, trouvant l’allure un peu sénatoriale, qu’a commencé en plaçant un superbe intérieur à Maurice dans un petit gauche assez vicelard ; le Vieux, furax, a tenté de répliquer mais cette foutue bagagerie à quelque peu modifié le centre de gravité de la moto et cette dernière se la joue façon bourrée auvergnate à chaque remise des gaz un peu optimiste dès qu’il relève sa machine.
Tu sais qu’il roule propre le gamin ? ben je te le dis : pas une sortie de piste, le buste penché en avant et la jambe sortie dans le pur style supermot’… . Et c’est efficace en plus !
C’est ça la magie du trail : une machine tellement facile et intuitive qu’elle finit par te persuader que tu es bon… . Si, je t’assure, essaye et même toi tu sera capable de faire illusion !
René, lequel observe sans participer car il navigue maintenant dans une autre dimension, décide alors de calmer les ardeurs avant que ça se termine au tas, car la V6 du frangin commence à mordre de façon assez peu catholique les bas-côtés au fur et à mesure que les esprits s’échauffent…
La première pause ravitaillement est l’occasion d’une explication entre les deux générations.
C’est Maurice qui commence : " Ziva, t’as bouffé du lion ou quoi ? Tu t’es pas vautré et t’as presque roulé aussi bien que moi ! "
" Presque ?, j’te signale qu’avec ta Gold Wing améliorée, quand j’t’ai doublé – très proprement d’ailleurs – t’as jamais réussi à m’repasser… "
" Ben j’ai pas voulu augmenter la cadence pour pas te mettre en difficulté, car t’es encore tendre pour improviser sur ce type de route… "
" Ouais, j’suis p’têt tendre, mais toi t’es tout sec. La preuve, quand moi j’me fond en soignant ma trajectoire avec souplesse dans la courbe, tu t’mets à louvoyer sur toute la largeur par excès de rigidité d’tes articulations et aussi certainement par le fait de réflexes commençant à accuser un certain nombre de bornes ! "
" Tu l’entends c’gamin, mon René ? J’avais déjà dépassé le million de kilomètres en bécane alors qu’il était encore dans les balloches à son père, et v’la ti pas que comme il vient tout juste de comprendre qu’une moto possède une poignée de gaz et des freins, y veut m’donner des leçons…, à moi… ! "
René les observe en se marrant, puis déclare :
" Bon, j’vous ai laissé vous amuser un poil, les rigolos, mais va falloir vous calmer si vous voulez arriver intacts pour en profiter sur place. Si c’est pas l’cas, c’est moi qui vais vous r’mettre en ligne !
Ceci dit, chapeau Ziva, j’t’ai observé dans mes rétros et tu roules proprement maintenant !
Comme quoi, fallait simplement que tu prennes conscience de tes affinités en terme de pilotage, et c’est vrai que le trail te va bien. Bon d’accord, c’est qu’Maurice que t’as doublé, lequel avec ses valoches est aussi ridicule en roulant que sa moto à l’arrêt, mais c’est un début et va falloir que tu peaufines ça en portant ton regard plus loin dès qu’tu plonges à la corde, sinon c’est bonnard ! "
Maurice fait la tronche :
" René ! t’es vache avec moi, mais r’connais qu’au moins j’ai pu emporter plus de matos que toi sans m’emm…der avec un sac ? "
" T’avais pas b’soin d’prendre dix pulls, deux paires de bottes, ta collection complète des œuvres d’Alexandre Dumas, sans compter tes CD de Tino Rossi… !
On part pour se détendre en visitant une choucarde région, et toi tu déménages la maison !!! "
" On sait jamais, se défend le Respectable, si y s’met à flotter comme pache qui visse, c’est toi qu’aura l’air fin à tourner en rond dans ta piaule en nous faisant partager ta mauvaise humeur, tandis qu’moi, j’s’rai confortablement installé sur mon plumard, un bouquin à la main en écoutant ma musique préférée… "
Ziva s’en mêle :
" Z’avez bientôt fini les Anciens ? J’dis ça car les moulins vont commencer à r’froidir et on a encore pas mal de route devant nous… "
Les deux Respectables sont stoppés net par la réflexion du môme. Ils se regardent quelques instants en se défiant les yeux dans les yeux, puis esquissent un soupçon de sourire, virant rapidement à un rire contagieux qui gagne Ziva. Les trois se tapent dans les mains et dans le dos, puis grimpent sur leur monture respective pour reprendre la route.


Episode 34 :

Gaffe, René ! T’as un supermot’ dans l’rétro… !

Le ton est donné et la semaine qui arrive promet d’être tout sauf… monotone !
Les kilomètres suivants se passent dans un calme olympien. René devant, avec un œil sur les deux énergumènes dans ses rétros, Maurice, un poil vexé malgré tout, en seconde position , et Ziva… tout heureux du point qu’il vient de marquer face à son ami et frère de l’idole du moment !
Les bornes défilent tranquilles aux compteurs des machines par le biais des régions traversées sous un soleil toujours sans nuages et par une température clémente, ce qui a de quoi réjouir n’importe quel motard car là, on touche le summum d’une des facettes de notre passion, la communion avec les éléments que l’on peut ainsi partager quand on taille la route ensemble, entre amis qui se comprennent, unis par la moto…
Même Maurice a oublié l’incident et se laisse bercer par l’atmosphère ambiante, celle qui fait que personne n’a envie d’accélérer le rythme au prix de risquer de briser la magie de l’instant présent et que seuls les ravitaillements obligatoires ponctuent de momentanés retours à la réalité.
On dit qu’actuellement le roulage moyen hexagonal se situe aux alentours des six mille kilomètres, ce qui me rend triste et perplexe à la fois. C’est passer à côté de tout ce qui fait le plaisir et la raison d’être de la moto, je veux parler du fait d’aligner de la borne. A une époque pas si lointaine, il n’était pas rare de voir des motards en herbe traverser la France en cyclo, d’autres avec de " vulgaires " huitaine de litre. Ceux là étaient animés d’une flamme dans le regard et la valeur de leur passion ne se mesurait pas en centimètres cubes. Cette génération a certes pris de la bouteille avec les années, mais cette lueur est toujours présente dans leurs yeux et c’est ça que je j’aimerai retrouver dans le regard d’une relève, il est vrai quelque peu lobotomisée par la médiatisation galopante d’un monde qui joue le paradoxe d’étendre son univers à la planète entière par le biais du Net, par exemple, mais qui, effet pervers, force les gens à se replier sur eux-mêmes en les contentant d’un écran…
Comment s’étonner alors que les bécanes roulent plus… Evidemment elles coûtent plus chères (et encore, c’est un faux débat), mais le virtuel détourne le jeune de la réalité en zappant de son esprit qu’une moto est aussi faite pour rouler, et pas seulement à servir d’objet de parade à épater la galerie !
Ouf ! Excuse-moi mais, de temps en temps, ça fait du bien…, et m…de à ceux qui ne comprennent pas. Moi je roule pour le plaisir de la moto, car j’aime ça et c’est un truc qui fait partie intégrante de mon être, et… c’est pas prêt de se terminer !
Comment ? ha oui, nos trois lascars ? Ils sont maintenant au pied de l’Auvergne et la route commence à tournicoter sévère dès qu’on s’éloigne des axes principaux.
C’est un réel plaisir que d’enrouler les courbes sans forcer en soignant les traj’s dans un style coulé, sans brusquerie aucune, pour ressortir sur le gras du couple avec un rapport de trop, ce que permettent les deux surpuissantes V6, mais aussi cette diablesse de Transalp qui trouve maintenant des routes à sa mesure, pour le plus grand plaisir de Ziva qui met à profit les conseils de René et roule de plus en plus propre en calquant le Respectable qui le guète dans ses rétros. Maurice, entre les deux, commence petit à petit à piger comment contrecarrer les effets du poids de la bagagerie, et son pilotage gagne en efficacité au fur et à mesure des virolos avalés.
Un peu avant Clermont-Ferrand, les voyants de réserve s’allument avec une étrange similitude et il est temps de ravitailler, voir de souffler un peu après une longue période non-stop. Ça tombe bien car ils viennent de rentrer dans un petit village typique avec sa place centrale surplombée par sa traditionnelle église, son café et… une pompe à essence. Le signal de l’arrêt est donné par René à la demande des deux autres et, sitôt les pleins effectués, rien de tel qu’un petit bonjour au tenancier du bar, histoire de régénérer un poil les organismes en prenant contact avec la faune locale.
Pas grand monde à l’intérieur, si ce n’est un vieux bonhomme tranquillement affairé derrière son comptoir à astiquer ses verres un chiffon à la main. Le gars lève un œil distrait à la vue du trio qui s’installe à une table, grommelle un bonjour entre ses dents, puis se replonge à son ouvrage le temps que sa clientèle soit correctement attablée, tout en les observant. L’endroit est propre, pas rutilant mais bien tenu. Seul point détonnant dans le contexte des lieux : des posters un peu partout représentants des pilotes de supermot’ en action…
Le patron des lieux daigne maintenant se déplacer pour s’enquérir du désir de ses clients. Dans cette région, avant de lier le moindre contact avec des étrangers, on prend le temps de les jauger et on détermine ainsi l’attitude à adopter en fonction de l’individu que l’on a en face de soi.
Le trio ne doit pas déplaire au maître des lieux, il s’avance avec un large sourire et demande :
" Des motards de passage ! La route a été bonne ? Vous venez de quel endroit et pour aller où…? "
René fait les présentations et explique le périple. Le gars lit visiblement la presse moto car il s’empresse de lui serrer la louche :
" Ha mais…, on cause de vous souvent ici ! Mon bar est le lieu de ralliement d’un groupe de motards du cru, lesquels viennent passer des soirées complètes ici après des arsouilles monstrueuses dans la montagne, et refont le monde au gré des freinages d’untel sur l’autre, des sorties de piste – pardon, je voulais dire de route – et des dernières trouvailles mécaniques permettant d’avoir la brèle la plus efficace pour être devant.
C’est pas vraiment des jeunes, à part deux ou trois, mais c’est des vrais passionnés. Les plus anciens comptent plus de vingt passages au service des urgences de l’hôpital de Clermont, c’est vous dire…
Leur truc, c’est le supermotard à base de machines d’enduros ultra préparées et y sont pas nombreux ceux qu’arrivent à les suivre sur les routes d’ici. Même vous, monsieur Gédeufoitrentan, sauf vot’ respect, avec la machine que avez, z’avez du taf pour jouer avec eux…
Vous prenez quoi ? C’est moi qui offre : si, si, ça m’fait plaisir car c’est pas tous les jours qu’une personne comme vous vient ici ! "
René le remercie, passe commande et déclare en rigolant :
" Vous savez, je n’tiens nullement à croiser la poignée d’gaz avec quiconque car j’ai pas mal donné ces derniers temps et j’aspire à rouler cool dans l’immédiat ! "
Le tenancier, Marcel pour les intimes, ramène alors les consommations et vient s’installer à leur table pour tailler le bout de gras. Visiblement, bien que ne roulant pas à moto (pas le temps ni l’envie), il en connaît un rayon et aime ça à tel point qu’il demande des détails sur l’épisode du Mans avec Sarron (un p’tit gars du coin…) et l’essai récent de la M1 à Rossi en Espagne. René se prête de bonne grâce au jeu en s’amusant de la mine enthousiaste de ce gars décidément bien sympathique !
Soudain, un vacarme assourdissant se fait entendre à l’extérieur. Ça sonne grave et sourd, et y’a écho…
" Quand on parle du loup…, v’là mes p’tits gars qui r’viennent d’arsouille ! ", dit-il en rigolant d’avance de la surprise causée par la présence de René…
Ils sont cinq : combinaisons de cuir, sliders rapés, bottes et intégrals de cross. Entre trente et quarante ans, taillés comme des bûcherons forts en voix car à peine à l’intérieur et le casque posé, ils sont déjà en train de se refaire en détail chaque épisode de la virée, laquelle n’a visiblement pas engendré la monotonie… Bref, en voilà qui ne risquent pas de passer inaperçus !
C’est Marcel qui les ramène sur terre :
" Messieurs ! J’ai l’honneur de vous présenter René Gédeufoitrentan, son frère et leur ami Ziva… "
Un silence total suit l’annonce, mais tout de suite les cinq se précipitent, visiblement contents mais un peu impressionnés.
C’est le plus âgé qui fait les présentations :
" René, c’est un honneur pour moi et mes potes ! Quel dommage que toute la bande ne soit pas là…
Je suis Raoul Adonf, motard depuis que j’ai l’âge de tenir sur un deux roues, ancien pilote d’enduro reconverti dans le supermotard, et je roule sur un bitza à base de gromono Folan en provenance du side-cross : un truc crachant quatre vingt cinq bourrins pour cent vingt kilos avec le plein. J’dois dire que j’adore la mécanique et qu’avec mes lascars ici présents, vaut mieux avoir un truc qui envoie !
Voici Paul Ution, un mec grave qui fume comme un pompier, mais roule sévère de chez sévère en laissant des traces de gomme au sol partout ou il passe. Il roule en Husaberg 600.
Eric Hoché, sa spécialité est de viser les talus et s’en servir comme appui pour mettre les gaz à fond, et ça marche, mais faut faire gaffe à pas lui r’couper la trajectoire. Lui roule en KTM 660.
Jean Voidugaz, KTM 450, un ancien trialiste qui s’est découvert un talent certain à tordre la poignée…
Et le jeunot d’la bande, Edgar Révoujepasse : à peine vingt ans mais culotté comme pas deux pour tenter les intérieurs. Lui, c’est une 450 Yam. "
René, de nouveau, répond aux nombreuses questions qui fusent de part et d’autres puis, ostensiblement, la discussion dérive sur le supermot’. Un parallèle avec la vitesse est établi, ainsi qu’une comparaison des styles de pilotage. Evidement, à un moment donné, y’en a un qui fini par demander si une grosse V6 " comme celles dehors " bien maniée, serait capable de tenir tête à une brèle d’enduro affûtée pour le bitume, sur des routes à virages, et la conversation dérive sur un long débat des possibilités et défauts de chacune des machines…
Personne, pour l’instant, n’a encore franchement lancé les hostilités :
• René a pas trop envie de tordre la poignée, estimant avoir eu son compte dernièrement…
• Maurice s’en fout un pneu…
• Ziva sait très bien que sa Transalp ne peut rivaliser…
• Paul Ution fait des ronds de fumée avec sa clope…
• Eric Hoché se contente de participer au débat d’une façon laconique en astiquant ses bottes couvertes de la boue des talus…
• Jean Voidugaz, l’ancien trialiste, tente simplement de démontrer que seule la finesse du pilotage permet d’aller vite avec n’importe quelle brèle…
• Edgar Révoujepasse, le jeunot de la bande, ronge son frein car il est encore trop vert au sein de son groupe pour s’imposer…
Visiblement, c’est de Raoul Adonf que la mise à feu viendra, et comme dans toutes les discussions motardesques, dès que la mèche est allumée, l’explosion intervient très rapidement…
" Ouais, dit ce dernier en s’adressant à René, un missile caréné comme le tien est certainement imbattable dans le roulant – surtout avec un mec comme toi aux bracelets – n’empêche que je reste persuadé que sur mon terrain d’chasse, tu verras pas l’jour…, et je brûle d’envie de te proposer une vérification en live pour en avoir le cœur net… "
" Sans doute, sans doute, mon cher Raoul, répond Pépère en souriant, mais je suis un peu fatigué d’aller chercher la limite – surtout depuis la M1 – et j’ai pas trop envie de remettre ça dans l’immédiat ! "
" A moins, reprend insidieusement l’Auvergnat, que tu doutes des talents dans un contexte qui n’est pas le tien…
Je comprend très bien que tu ne sois pas à l’aise hors d’un circuit : ici, y’a pas d’bacs à sable ni aucune sécurité comme sur un circuit. De plus, faut êt’ capable d’improviser tout en tournant la poignée, et pour ça y’en faut une paire que n’ont pas les pilotes de piste, lesquels savent aller vite que quand ils sont sûrs de c’qui z’ont devant eux…, t’es pas d’accord ?… "
D’un seul coup, on entendrait une mouche voler. Tous les regards se tournent alors vers le Respectable en attendant une réaction de ce dernier. Tu rajoutes une musique de film style Sergio Leone, et t’as une petite idée de l’ambiance présente. Tous sont suspendus aux lèvres de René qui prend son temps pour répondre à cette attaque directe :
" Bon ben…, déclare finalement Superpapy en soufflant, t’as gagné !
Tu nous laisses le temps de finir nos verres, vérifier les bécanes, et on est à ta disposition…
Mais t’as intérêt à savoir visser autant que t’causes car tu vas constater qu’la V6, c’est pas du mou d’veau ! "
Ziva sent une décharge électrique lui parcourir la colonne " vertépédales ". Ces gars là n’ont pas l’air d’être des rigolos et va falloir se montrer à la hauteur pour ne pas décevoir René…
Maurice soupire :
" Aller, c’est r’parti comme d’habitude…
Marcel ? J’peux vous confier ma bagagerie ? La Kawasuki n’aime pas trop le poids haut perché… "
Tous se retrouvent ensuite à l’extérieur en s’observant du coin de l’œil tandis que notre trio s’affaire autour des machines. René en profite pour s’intéresser au proto Folan de Raoul, lequel porte les stigmates d’un pilotage " tout sur l’angle " avec des repose-pieds copieusement râpés et des pneus dont les flans attestent de la façon dont son pilote ouvre à la remise des gaz. Il hoche la tête en souriant, pas vraiment impressionné, sa propre machine montrant les mêmes symptômes d’utilisation…
Raoul s’adresse alors à lui :
" On va commencer par chauffer les pneus en effectuant le tour du village, puis on se retrouve là-bas, sur la p’tite route que tu aperçois. Elle fait vingt bornes et c’est tout droit, enfin…, façon d’parler car ça tournicote presque sans arrêt. Faut quand même faire gaffe à cause des ravins, vu qu’les parapets sont pas bien hauts…
Si t’es OK, on y va ! "
" Vas y , on t’marque…, du moins au début… "
VRAAAAAOUUUUUM !!!, font les gromonos. Les V6, eux, sifflent discrètement, et la Transalp…, on l’entend même pas !
La petite troupe se marque ainsi le temps de se regrouper au bord de la fameuse route à virage. Comme il n’y a pas grand monde qui circule ici, il est décidé un départ en ligne avec Marcel pour donner le start.
Les machines sont maintenant alignés devant le tenancier du bar qui lève le bras, une serviette à la main..., la tension monte et les régimes moteurs augmentent. Soudain, il l’abaisse et… c’est parti !!!
René réussit un super départ grâce à la surpuissante mécanique de la Kawasuki, mais Raoul n’est pas en reste avec son Folan et lui suce rapidement la roue pour lui placer un inter de folie dans le droit qui arrive très vite. Le mono, bourré de couple, est phénoménal à la reprise, freine très fort et se balance sans effort alors que Pépère est obligé de (déjà…) composer avec une V6 lourde et délicate à la remise des gaz vue la cavalerie, laquelle demande pas mal d’improvisation dans des conditions sinueuses, sans compter l’absence de reconnaissance de la piste improvisée. Voilà qui place d’entrée la problématique de Superpapy : va falloir être fin et ne pas faire d’erreur pour éviter de se faire distancer, tout en tentant de mettre la pression à ce foutu Raoul en escomptant une bourde de ce dernier. S’il ne réussit pas, le mono restera devant car il n’y a pas assez d’espace pour tirer avantage des chevaux du V6, et s’il y parvient, il lui faudra alors fermer toutes les portes sous peine de se faire redoubler par ce monstre d’agilité…
Maurice lui, est parti trois, avec Ution, Hoché et Voidugaz en embuscade. Il entend le grondement des monos à l’aspi et se met à balayer la route pour prendre la corde très tard, mais Hoché plonge à l’intérieur pour lui couper la traj’ en profitant du talus pour remettre gaz alors que la V6 est encore sur les freins…, et les deux motos se touchent !
L’espace d’un instant, les suivants se disent qu’ils vont assister à la gamelle du siècle, mais l’ancien ne se laisse pas faire et, d’un coup de gaz viril, block-pass à son tour l’arroseur/arrosé surpris par la promptitude du Gatouillable. Ce dernier devra dire merci au talus d’avoir empêcher la KTM de goûter au bitume, mais dans l’histoire il a calé et se retrouve bon dernier…, derrière Edgar, qui a complètement raté son départ, et tente de doubler Ziva qui profite de la douceur de son twin pour le contenir assez facilement car l’autre est plutôt brouillon.
Eric, le couteau entre les dents, les double très vite pour se faire Paul et Jean dans la foulée, il se retrouve rapidement au derche de… René, dont le combat avec Raoul ralentit la vitesse de passage en courbe et a été passé par son frangin qui semble avoir bouffé du lion…
Cinq virages plus tard, les positions sont donc les suivantes : Raoul avec Maurice à une encablure, René tout près, Eric puis Paul et Jean. Ziva est toujours dans la course, pas très loin devant Edgar qui n’arrive pas à le passer.
Eric double alors René à la régulière dans un grand gauche mais celui-ci, piqué au vif, remet alors la sauce et profite du bout droit suivant pour le repasser avec autorité et en fait de même sur le frangin qui ne peut réagir à l’attaque ; le voilà de nouveau à la chasse de Raoul qui a pris le large devant !
Il est vrai que le folan avec ses quatre vingt cinq bourrins placés très bas dans les tours est avantagé sur ce type de terrain, surtout manié par un gars qui n’est pas un manche et connaît sa route par cœur, mais René a décidé de se réveiller…
Le Respectable visse et la V6 bondit en avant. Instantanément il recolle à Raoul le nez dans la bulle et au prix de freinages de fêlé où la moto se met complètement en travers !
L’autre a entendu l’Ancien revenir et en remet, mais Pépère s’accroche ; à ce rythme, les deux laissent rapidement les autres s’expliquer entre eux en, se retrouvant loin, très loin devant la meute impuissante à suivre cette cadence infernale…
Raoul retarde ses freinages mais René lui suce toujours la roue. Plusieurs fois les motos se retrouvent en cata et ne doivent de rester sur la route qu’à la dextérité de leurs pilotes boostés par l’enjeu. Heureusement que la visibilité permet d’anticiper les chicanes mobiles se trouvant sur leur passage… et celles se présentant en face quand ils attaquent de front une courbe vicelarde !
Dans l’immédiat, c’est un parfait match nul au niveau efficacité avec un Folan qui profite de sa plus grande agilité pour plonger très tard à la corde et virer en pivotant dans les épingles, ce que ne peut faire la V6 qui elle, se rattrape en sortie de courbe grâce à sa plus grande douceur dans les bas régimes et sa pêche plus importante qui la catapulte d’un virage à l’autre, en bénéficiant bien entendu du coup de gaz magique de Superpapy ( faut l’emmener un truc comme ça sur de la départementale tourmentée…).
Un boulevard sépare maintenant les deux pilotes de tête du reste du groupe malgré le fait que le combat pour la première place est maintenant à la limite du raisonnable, ce qui devrait les ralentir car ils se gênent sans arrêt en se recoupant les traj’s au gré des défauts et qualités de motos aux antipodes l’une de l’autre. Raoul est toujours devant mais René le pousse de plus en plus et sa place n’est pas la meilleure car il n’a pas le droit à l’erreur !
Jamais la Kawasuki n’a été pilotée de cette façon. Pépère est obligé de combler l’inertie supérieure de sa machine par des glisses d’anthologie qui laissent de larges traces noires au sol et de la poussière de plaquettes sur les étriers des freins dont les disques carbones sont portés en rouge en permanence, mais il n’y a qu’à ce prix qu’il peut rivaliser avec ce diable de Folan doté quand même d’une puissance respectable en plus de son agilité diabolique…
Alors qu’il commence à douter de la possibilité de doubler Raoul – celui-ci ne commettant toujours aucune erreur – la providence sourit soudain à René par l’entremise d’un grand-père gatouillant en BX diesel devant eux. Ce Vénérable est quasiment à la limite de ses possibilités en poussant son quatre roues à quarante kilomètres/heure sur cette dangereuse petite route, alors que les deux motos déboulent à toc. Raoul essaye alors de déboîter rapidement mais une autre voiture arrive en face, l’obligeant à se rabattre. René avait anticipé la manœuvre et, profitant des deux cent mustangs de sa monture, il a passé sans couper en créant la peur de sa vie au vieux bonhomme et à l’importun osant emprunter la piste en sens inverse !
C’était vraiment limite car, si l’autre en face n’avait pas pilé, Pépère aurait sûrement rejoint ses ancêtres au pays des nuages…
Raoul est furax et s’accroche comme un morbac après avoir doublé le citroëniste en l’incendiant au passage, mais le Respectable, maintenant en tête, ne lâcha plus sa place en fermant toutes les portes sur les derniers kilomètres de la spéciale improvisée, dont l’arrivée a été matérialisée par le panneau d’entrée d’un petit bourg. Encore une fois Superpapy a remporté la victoire, mais c’est passé juste…
Les deux pilotes stoppent les machines surchauffées sur le parking situé à l’entrée du bled, se regardent quelques instants sans rien dire, puis se jettent dans les bras l’un de l’autre pour se congratuler mutuellement :
" Félicitation René !,dis Raoul sincère, jamais personne ne m’avais donné autant de fil à retordre sur mon terrain d’entraînement !
Bon, tu as bénéficié des circonstances mais j’avoue avoir été ensuite incapable de te repasser, c’est la course mais…, chapeau bas ! "
" T’es pas mal aussi dans ton genre et moi aussi j’t’avoue qu’si l’vieux avec sa poubelle c’était pas pointé sur la traj’, jamais j’aurai pu t’doubler… "
Pas d’excuses bidons, simplement la reconnaissance de deux véritables passionnés qui ne se la racontent pas car ils connaissent à juste titre la valeur réelle de l’un et l’autre…
En parlant d’autre, ou plutôt des autres…Je me doute que tu brûles d’impatience de savoir ou ils en sont ?
Ben, arrive alors… Maurice, esseulé en troisième position, puis… Ziva !!!
Calme toi, je t’explique ! :
On avait laissé l’ancien en mauvaise posture avec Hoché au train, ben…, encore une fois le destin a joué en faveur du Gatouillable. Edgar avait fini par doublé Ziva et fondait sur le duo composé de Paul Ution et Jean Voidugaz, qui eux-mêmes étaient revenus sur Eric bouchonné par Maurice. Arrive alors un gauche vicelard après un bout droit, Révoujepasse tente alors THE freinage mais se loupe et va percuter les trois pilotes devant lui en réussissant un magnifique strike…
Résultat des courses, les quatre vont visiter le bitume – heureusement sans gravité – tandis que Maurice, un peu en avant, a réussi à éviter la collision et profiter de l’aubaine pour conserver fermement la troisième place. Ziva, quand à lui, s’est faufilé en slalomant parmi l’enchevêtrement des motos au sol et a filé le train à Pépère sans pouvoir combler l’espace les séparant, et termine quatrième !
A l’arrivée de son frère, René va à sa rencontre et, sitôt que celui-ci est descendu de sa machine, va le féliciter mais lui demande aussi :
" Hé dis-donc vieux croûton ?, comment qu’t’as fait pour réussir à m’passer tout à l’heure ? j’ai rien vu v’nir… "
" Ben c’est simple, répond Maurice avec l’air du gars qu’est ailleurs, J’ai eu la soudain la vision de Sophie et j’ai pensé qu’j’avais pas l’droit d’la décevoir. J’ai alors décidé de visser sans m’poser d’questions, voilà, c’est tout ! "
" Ben…, si ta belle amazone te fait cet effet là, frangin, moi j’ai intérêt à m’entraîner si j’veux continuer à rester leader… ", plaisante René en lui lançant une œillade.
Ziva se pointe alors, un peu étonné mais tout fier de sa quatrième place :
" Victoire par KO !, dit-il, les autres vont pas tarder, mais ils vont être un peu chiffons… "
Effectivement le quatuor arrive bientôt avec les stigmates de la gamelle collective et, à peine descendus, ils se jettent sur Edgar en l’incendiant copieusement…
" C’est quoi ce bordel ? ", demande alors Raoul, lequel se marre en pigeant le scénario.
" C’est cette andouille d’Edgar qu’a recommencé comme l’autre jour !!! ", explique alors Hoché, furibard…
" Bon !, aller on arrête et on se calme, dit Raoul d’un ton sans appel, je vous invite chez Marcel pour une tournée générale à la santé de René, le grand vainqueur du jour !
En route et…, calmement cette fois !
L’équipe se tourne alors vers le Respectable, l’applaudissant avec respect pour son exploit d’avoir maté un supermot’ sur son terrain de jeu avec son enclume à deux roues !
Bon ben…, arrivés au bar, c’est pas de la limonade qui les attendait et il était hors de question de reprendre la route dans ces conditions. Résultat des courses, Marcel leur a improvisé un campement de fortune pour la nuit après avoir avisé Fred que les invités allaient avoir un léger retard sur les conseils de René, lequel était dans un tel état qu’il ne pouvait que bafouiller au téléphone et n’avait été capable de donner le numéro de leur hôte qu’après un effort surhumain dans un fugace instant de lucidité !
Maurice, quand à lui, s’était retrouvé hors-jeu très rapidement par le biais du mariage peu orthodoxe du vin de pays avec la liqueur d’Ecosse et, dormant sur le comptoir du bar en émettant la douce mélodie d’un V douze tournant au ralenti – prouesse appréciée par les mélomanes de la symphonie mécanique - l’équipe s’était trouvé dans l’obligation de le coucher à l’étage, sur les conseils du maître des lieux.
Ziva, sans doute motivé par ses récents exploits, était bizarrement le seul à être encore relativement valide au sein du groupe qui ne parvenait pas à le faire capituler. Marcel dut même lui confisquer ses clés pour l’empêcher de démontrer à l’assemblée les capacités de la Transalp à burner !


Episode 35 :

Le comte SATOVITCH, roi de l’éprouvette…

Inutile de te préciser que le réveil fut… plutôt douloureux, et le départ assez tardif le lendemain matin. Néanmoins, Raoul et les siens furent présents pour leur souhaiter une bonne route, et nos trois lascars – pas très frais - reprirent la route vers le sud à une allure très modérée…
En début d’après midi, ils venaient de dépasser le massif central mais le point de destination final se trouvait encore à bonne distance et il était hors de question de continuer à ce rythme académique s’ils voulaient arriver avant la nuit à l’hôtel. Maintenant quelque peu dégrisés, les frangins et le minot entreprirent de dérouiller les bielles de leur brèle respective sur instruction d’un René dont le style n’avait pas sa superbe habituelle, mais qui imprima une vitesse de croisière plus en rapport avec ce que l’on attend d’une moto.
Mais, comme tu vas le constater plus loin, la route n’a décidément rien d’un long fleuve tranquille…
Quelques bornes au compteur plus loin, les premiers contreforts de la chaîne alpine commencèrent à se dessiner, mais il était temps de s’arrêter pour ravitailler à cette station se présentant à l’entrée du village ou ils venaient de pénétrer. Ils s’arrêtèrent, firent les pleins et se garèrent quelques minutes à proximité pour se dégourdir les articulations. Soudain, un bruit de deux temps se fit entendre, suffisamment rare pour qu’aussitôt ils dressent l’oreille…
Une sportive fit son apparition et s’arrêta à la pompe, une machine proche d’une R1, avec quelque chose de la Bimocati, propulsée sans aucun doute par un moteur sans soupapes et chevauchée par un grand gaillard faisant ressembler son étrange monture à un pocket-bike.
Le motard en question, sitôt descendu de sa machine, enleva son casque, toussa fortement puis, méprisant le panonceau d’interdiction de fumer, sortit une clope du paquet qu’il venait de sortir avidement de son blouson, et l’alluma : Nico Cescovitch !!!
Les Respectables et le môme se pincent, ils viennent de traverser une bonne partie de la France pour tomber sur ce brave Nico, lui aussi très loin de son domicile…
" Nico ? s’étonna René, qu’est-ce que tu fabriques par ici ??? "
La montagne fumante se retourne alors, aussi surprise :
" Hein ???, René, Maurice et Ziva ?????? Pas possible, je rêve… "
L’Ancien reprend :
" Nous, on a décidé de se mettre au vert quelques jours dans un p’tit coin provençal et on tire plein sud, mais toi… ? "
" J’vous avais pas parler d’mon cousin il me semble ? Vous vous doutez bien que mon nom a une origine en provenance des pays de l’Est, plus précisément de Russie. Il se trouve que ma famille fait partie d’une noblesse déchue, émigrée en France, mais ayant su garder et faire fructifier une partie non négligeable de l’immense fortune qui était la nôtre à l’époque, à l’exemple de mon père dans l’industrie du tabac. Son frère, Igor, avait épousé une comtesse assez excentrique avant de s’établir dans l’hexagone et de former un véritable empire dans le domaine des lubrifiants. Il a eu un fils, lequel porta le nom de sa mère selon une vieille tradition russe. Il hérita en plus du côté un peu désaxé de cette dernière.
C’est chez lui que j’habite pour quelques jours, et, si vous le voulez, je vous invite à visiter le château de mon cousin, le Comte Vladimir Satovitch, un passionné de mécanique, chimiste accompli et artiste peintre à ses moments perdus. Le trip vous branche ? "
René est un peu embêté, l’intermède de la veille a déjà fait perdre une journée, et aujourd’hui ils ne sont pas en avance non plus. Les trois se concertent puis, devant l’insistance de Nico, finissent par accepter.
Bientôt, à la queue leu-leu derrière le révolutionnaire deux-temps qui ne fume pas – à la différence de son concepteur -, le trio se trouve rapidement sur une petite route sinueuse en montée menant à une espèce de château fort dont l’entrée porte l’inscription suivante : Gatouléum Compagnie – château Dugaz.
Ils pénètrent dans l’enceinte de l’imposante construction et Nico leur fait signe de s’arrêter sur un petit parking goudronné et matérialisé au sol, à proximité d’un bâtiment ultra moderne contrastant furieusement avec l’ancestrale demeure, c’est surprenant, pour ne pas dire incongru en un tel lieu !
Une autre moto se trouve garé sur ledit parking. Enfin, une certaine définition de la moto sortie de l’esprit d’un designer un lendemain de fête. C’est gros, difforme même, avec ce réservoir large comme le string d’un sumo dont elle a l’allure, c’est marqué X11 dessus, et ça a été produit par le premier constructeur mondial, lequel nous pourtant habitué à des réalisations bien plus esthétiques… Et je ne te parlerai même pas des écopes de l’imposant radiateur. Vu de face, comme attrape moustiques, on a rarement fait mieux. Néanmoins, il faut reconnaître que, comme toutes les Honda, cette machine était évidente à la conduite, efficace et pas dénuée d’un certain caractère. Seulement les qualités dynamiques ne font pas tout et les jaunes se sont bien plantés sur ce coup-là…
" Ma moto précédente, explique Nico, elle sert maintenant de laboratoire roulant permettant de valider les expériences de mon cousin, lequel, à la tête de sa boîte de recherche pour l’industrie chimique, vient de mettre au point un carburant miracle risquant de mettre à mal le monde pétrolier. Quand on parle du loup, le voilà justement ! "
Un gars d’une bonne quarantaine, en blouse blanche, vient en effet de sortir du bâtiment et s’avance à leur rencontre. Nico s’allume une clope puis fait les présentations :
" Messieurs, voici le comte Vladimir Satovitch, mon cousin et maître des lieux. Comme nous tous, en plus de ses activités, c’est un passionné de moto et je pense que vous allez vous apprécier mutuellement. Vladimir, je te présente le fameux René Gédeufoitrentans, dont je t’ai si souvent causé, son frère Maurice, et le jeune Ziva. "
Tu t’attends à voir le comte s’incliner et parler avec l’accent Russe ? Raté !
" Bienvenue dans ma demeure mes amis, et enchanté de faire votre connaissance, dit Satovitch avec un large sourire, vous tombez bien : je viens d’apporter une nouvelle modification à ma formule de carburant, et je pense qu’il va me falloir quelqu’un sachant tourner suffisamment la poignée pour juger de son effet sur la X11, car les chevaux vont débarquer en pagaille… "
Vladimir leur explique alors que ses recherches, à la demande de l’industrie pharmaceutique, l’ont poussé à plancher sur le retardement du vieillissement. Il a cogité longuement le problème avec l’aide de son équipe de chercheurs, puis un jour Satovitch s’est souvenu que dans son pays d’origine, la gatouillerie arrive beaucoup plus tard que par chez nous. Il a cogité sur le pourquoi de ce phénomène et en a déduit que la différence notable entre les russes et nous est cette consommation qu’ils font en verveine et camomille. Poussant ses recherches dans ce sens, il s’est alors aperçu qu’avec un mélange des deux plantes, non seulement le cobaye vieillissait moins vite, mais gagnait en tonus…
Vladimir est un passionné de mécanique mais aussi un original. Pour lui, un moteur réagit exactement comme un être humain. Il a alors mélangé sa substance à un carburant du commerce, et l’a testé sur une mécanique. Instantanément, cette dernière a vu sa puissance augmenter proportionnellement à une baisse d’usure des pièces en mouvement !!!
Pourquoi s’arrêter là ? Satovitch ne pouvant fabriquer du pétrole, il s’est alors concentré à produire un carburant à base de colza, cultivé sur ses terres. Le résultat final est, de son propre aveu, supérieur à toutes ses espérances : non seulement le moulbif qui carbure à sa mixture gagne en puissance, mais il s’use moins vite et pollue presque pas !!!
Là, il vient de peaufiner encore sa formule et quelqu’un comme René est la personne toute indiquée pour tester " en live " la résultante de tout ça.
Pépère, s’il ne crache pas sur un coup de moto, trouve que ses vacances sont décidément moins tranquilles qu’il le voulait et fait un peu la moue à l’idée de faire encore une fois du testing. Mais, d’un autre côté, il est curieux de vérifier ce truc par lui-même…
Satovitch lui demande alors d’effectuer un premier essai avec un carburant classique. Pépère s’exécute et revient quelques minutes plus tard l’air pas très convaincu :
" C’est moche ce truc, commence t’il, mais quand t’es d’sus tu l’vois pas. Elle est grosse cette bécane, et même si elle est équilibrée, c’t’une enclume à emmener quand on visse un poil. Le moulin ? Mouais…, mais c’est loin d’valoir ma Kawasuki ! "
Pas convaincu l’Ancien…
Vladimir vide le réservoir et remplace le carburant par sa mixture. À la mise en route, le bruit est tout de suite plus grave et le moteur semble avoir moins d’inertie au coup de gaz. René grimpe de nouveau en selle et repart pour un nouvel essai. Là, il semble prendre son temps et revient une bonne demi-heure plus tard. Cette fois, en descendant de l’imposante machine, il semble quelque peu impressionné :
" Vache !, c’est vrai qu’ça marche ce truc… On la r’connaît plus tellement elle pousse partout. Y’a des ch’vaux en bas, au milieu, en haut…, et si t’insistes, elle cabre même sur le troisième rapport. T’imagines ? cabrer un éléphant comme ça ???
C’est pas ma V6, bien sûr, mais ça marche drôlement bien ! "
Satovitch semble ravi du résultat et insiste pour les inviter à prendre un coup à l’intérieur, ce que refuse René car ils sont attendus en Provence. Néanmoins, il promet une halte au retour à la demande des deux cousins.
Maurice, quand à lui, a insisté auprès du chercheur pour que ce dernier lui verse l’équivalent d’un litre de ce carburant dans une bouteille qu’il range très vite dans son top case.
" Qu’est-ce que tu vas faire de ça ? ", lui demande alors son frangin.
" T’inquiète, répond Maurice avec un petit sourire, j’ai ma p’tite idée… "

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Episode 36 :

Maurice, en panne…

Ils reprennent alors la route du sud.
Le trio a décidé de mettre du gaz car, avec tout ça, y sont pas en avance et z’ont encore pas mal de bornes avant d’atteindre le but du voyage !
René imprime un rythme soutenu, suivi comme son ombre par Maurice et par le Ziva qui est de plus en plus à l’aise avec son trail, la preuve ? Il s’est pas sorti une seule fois depuis le début du périple, alors qu’avec son hypersport, le môme en serait à au moins cinq carénages…
René repense à la rencontre de ce curieux cousin. Un doux dingue aussi déjanté que le Cescovitch. La visite a été brève, mais le courant est bien passé avec cet autre passionné, lequel possède une superbe collection de motos anciennes entraperçues au moment du départ.
Ils n’ont pas eu l’occase de s’étendre sur le sujet mais c’est partie remise au retour, car le Respectable, malgré le fait qu’il joue maintenant avec le top de la technologie, reste un nostalgique du glorieux temps passé. De plus, il lui a semblé que les deux cousins cultivaient une certaine rivalité entre eux et, avec de tels phénomènes, doit y avoir moyen de s’amuser en les provoquant pour la cause…
Dans l’immédiat, ils amusent pas le terrain et les traj’ sont tendues car faut atteindre Maisidon Lesgazs avant la nuit !
Soudain, au détour d’une courbe, René n’entend plus la V6 du frangin à l’aspi. Il jette un œil dans ses rétros : nobody…
" Merde !, pense t’il tout de suite, y’en a un qui s’est bourré ! "
Pépère se débrouille alors pour trouver un endroit permettant un demi-tour – THE problème avec les trucs modernes à bracelets – et tourne la poignée, inquiet, à la recherche des deux autres en redoutant le pire vue le côté peu sécurisant de ce type de route tournicotante dont les bas murets ne sauraient empêcher un plongeon en contrebas vu le relief important du secteur…
A sa grande satisfaction, il retombe bien vite sur Maurice et Ziva, entiers, dont les deux motos sont béquillées sur le mince espace de dégagement en bordure de la route. Un seul problème, les deux sont penchés, perplexes, sur le bas moteur de la Kawasuki et commencent à démonter un flan de carénage…
L’ancien descend rapidement de sa bécane et les interroge du regard.
" Ben…, commence Maurice un peu perdu, je te suivais comme d’habitude et tout allait bien. Puis, d’un seul coup le moulbif a commencé à tousser. J’ai rentré un rapport pour remettre la sauce, mais elle a calé et j’ai juste eu le temps de me jeter sur le terre-plein pour éviter que Ziva me rentre dedans… "
" C’est passé juste… ", souffle le gosse.
Les trois se regardent perplexes. La V6 est quasi neuve, elle sort de révision et un haut de gamme Japonouille comme ça ne tombe JAMAIS en panne…, quézaco ???
On aurait affaire à une bécane des bouffeurs de pâtes, on comprendrait… Ces mecs là nous pondent des trucs sublimes, passion oblige, mais le revers de la médaille c’est qu’ils sont tellement enthousiastes qu’ils en oublient souvent la rigueur sur les chaînes de production, et c’est le client qui trinque. Pas de ça chez les bols de riz. Eux sont tristes comme toi au lit avec ta daronne et tes quinze ans de vie commune, mais ils sont rigoureux et tatillons comme le gynéco de ta femme, que cette dernière fréquente de plus en plus ces derniers temps (c’est lui qui m’en a parlé…). Résultat des courses : une bridée n’a certes pas le charme latin, mais tu peux compter sur elle pour t’emmener loin sans soucis.
Sauf que là, la splendide V6 est bel et bien en panne…
" C’est certainement le carburateur… " lance Ziva du bout des lèvres.
Te marres pas, t’as été d’jeun’s toi aussi…
" Mais non grosse nouille, répond René, c’est un V6 à injection, pas une 103 Pijo… Va falloir que tu penses à prendre des cours de mécanique car, même si tu commences à comprendre le fonctionnement d’la poignée d’gaz, pour être un vrai de vrai faut êt’ capable de piger c’qui s’passe sous l’flan d’carénage quand tu tournes le truc à droite du guidon…
Ha !!!, les jeunes…, z’avez encore du boulot avant d’être en mesure d’jouer avec nous… "
Tronche du môme !
N’empêche que Pépère est perplexe et Maurice aussi…
Bon, procédons avec méthode. Y’a du jus car elle tousse et ça pète dans l’échappement, y’a du coco dans l’réservoir vu qu’ils ont fait l’plein y’a moins d’deux cent bornes et que toute façon, faudrait être le dernier des manches pour tomber en panne sèche avec la jauge, les voyants et le décompte kilométrique au tableau de bord …
Ben…, y’a pu qu’à commencer un démontage en bonne et due forme de la bête !
Au fait, t’as déjà démonté le réservoir et viré le carénage d’un sport GT moderne sur un bord de route ? Non… ? Ben tu connais rien au charme de la moto contemporaine. Y’a des vis partout et elle ont l’humour de t’échapper des mains pour se planquer parmi la caillasse au sol, les plastiques sont imbriqués les uns dans les autres avec des caches qui servent à rien si ce n’est à te faire chier un max, et, une fois le tout enlevé (si t’y arrives…), c’est tellement compact dans le compartiment moteur que t’y passes à peine les doigts. Et t’es à l’extérieur, avec le strict minimum en outillage…
Pour eux, une chance, il ne pleut pas…
Enfin, à première vue, tout à l’air correct et les quelques connexions visibles sont bien en fonction. René démonte une bougie (encore un truc marrant vue la profondeur des culasses actuelles…) et la met à la masse, effectivement, y’a une belle étincelle, et donc c’est pas ça.
L’essence gicle du réservoir : pas ça non plus…
C’est quand même pas une panne d’injection ? Pas possible, ça tousse à l’intérieur, et un truc comme ça, ça marche ou ça ne marche pas…
Les frangins sont vraiment perplexes…, ce fleuron de la technologie moderne est un monstre d’efficacité doté de ce qui se fait de mieux au niveau technique. La vitrine du savoir faire d’un grand constructeur ! A une époque pas si éloignée de ça, tout était simple et à la portée de n’importe quel pékin pour peu que ce dernier daigne faire un petit effort. Maintenant, avec ce genre de brèle on envoie les mécanos des concessions en stage. D’abord leur expliquer que malgré les acquis, ils ne sont que des nazes face au nec plus ultra dont ils auront l’insigne honneur d’effectuer la maintenance, ensuite, que si ils veulent que leur boss mérite la confiance de l’importateur, donc du constructeur, va falloir se montrer des élèves dociles, appliqués et réservés, en ne divulguant surtout pas à la clientèle que, finalement les anciennes bécanes marchaient pas si mal que ça sans cette ribambelle de gadgets, ces artifices commerciaux qui ne servent qu’à gonfler le prix des bécanes et celui de la main-d’œuvre passée en atelier… Tant que le client est content comme ça, pourquoi faire autrement ? Il paye cash pour qu’on lui vende du rêve, drogué par le marketing qui le pousse quelquefois à oublier qu’une moto sert aussi à rouler, alors on lui sert à la louche une technologie bien inutile à l’utilisation courante, mais si valorisante d’après la pub et les essais presse.
Bref, la Kawasuki est toujours en carafe !
René décide de s’attaquer au boîtier du filtre à air, au cas où ? Que dalle !
Ziva soumet alors une proposition :
" Et si ça venait des conduits d’admission d’air forcé ?
J’ai entendu dire qu’il arrivait que des trucs soient avalés et obstruent l’arrivée… "
René et Maurice se regardent : pas si con que ça le gamin, faut essayer !
Mais d’abord, faut tomber le tête de fourche et y’a du boulot. Le Respectable en chef sait qu’il s’agit d’un plan galère sans la revue technique mais, s’ils ne tentent rien, c’est une autre galère qui les attend à poireauter après l’assistance, perdus au milieu de nulle part…
Après une heure de jurons en tout genre, le tête de fourche est enfin déposé et les manchons d’admission à portée de main. René se penche sur les deux morceaux de plastique, les déboîte, regarde à l’intérieur puis plonge la main dans l’un d’eux. Soudain, il vire au rouge et, se retournant vers son frangin, se met à hurler :
" Mauuuriiiiiiiiiiiiiiiice !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!, espèce de gland !!!!!!! "
" Qooooaaa ? " fait timidement l’intéressé…
René agite une queue de renard au nez d’un Maurice qui vient de piger.
" Tu peux m’expliquer ce que fait ce truc à l’intérieur ? " continue l’Ancien, furibard.
" Ha ? T’as r’trouvé ma queue d’renard ? J’avais cru l’avoir paumée sur la route. J’dois t’avouer que j’l’avais récupéré d’ma Viragro pour la remettre à un rétroviseur de ma Kawasuki alors que j’la sortais juste de chez Rosso. Quand ch’suis arrivé à la maison, j’l’avais plus… "
Visiblement, par un effet aérodynamique, l’emblème à poils de Maurice a été aspiré par la boîte à air située à l’avant de la moto, ce qui est déjà bizarre, mais il est resté un sacré bout de temps dans l’un des manchons sans perturber le moins du monde le rendement de la machine.
C’est ensuite, quand il a émigré vers la jonction du boîtier par effet d’aspiration que la belle mécanique s’est tout de suite asphyxiée. Tu avoueras que ce n’est pas banal…
Bon, reste plus qu’à remonter l’ensemble, ce qui fait une nouvelle heure de perdue avec l’incontournable vis manquante planquée au sol…
Contact : VRAOUUUUUM !!!! , fait le V6 !
Cette fois, y’a plus intérêt à traîner et faut mettre gaz pour tenter de rattraper une partie du temps perdu…


Episode 37 :

Le " TOURIST TROPHY ", un endroit très comme il faut…

Maisidon Lesgazs, enfin !
C’est un charmant petit village provençal niché au creux d’un vallon où l’on accède par de la départementale tournicotante. Un véritable paradis pour l’amateur de pilotage, et aussi un havre de paix pour le touriste de passage, lequel a tout de suite l’impression de se replonger cinquante ans en arrière, voir plus, tant on a l’impression qu’ici le temps s’est arrêté à la lecture des Lettres de mon Moulin. D’ailleurs, on s’attend à voir surgir Marcel Pagnol des petites ruelles sombres et étroites, venant nous souhaiter le bienvenue. Celui-ci est certainement planqué dans l’incontournable café du village niché au pied de la place centrale dans laquelle est implantée une fontaine dont le doux chuchotement de l’eau qui s’y déverse semble chanter le retour de la belle saison.
Le café du village ? Parlons-en justement. Il se nomme le " Tourist Trophy ", un nom surprenant pour un bar-hôtel-restaurant dans cette région. René ne peut esquisser un sourire en lisant l’enseigne posant fièrement à l’entrée de l’établissement. Sur les murs blancs on peut voir une peinture très réaliste représentant le regretté Mick Hailwood en pleine attaque sur sa Ducati…
Maurice jette un œil de connivence vers son frère. Sans même avoir fait sa connaissance, il sait maintenant quel genre de personnage se trouve à la tête de ce – déjà - sympathique lieu de villégiature !
Ziva, trop jeune pour comprendre l’émotion produite par ce symbole d’un autre temps ayant marqué toute une génération, ne réagit pas et se contente de suivre les Respectables à l’intérieur du bar.
Un gars d’un certain âge (sans précision pour ne froisser personne…) est affairé derrière son comptoir à comptabiliser sa recette de la journée. Il est grand, très grand même, baraqué, mince de taille comme quelqu’un qui s’entretient quotidiennement et avec le teint halé d’un gars vivant au soleil dont seules quelques rides au visage, et aussi quelques cheveux gris, donnent une certaine idée de son kilométrage réel (si ta femme te quitte après avoir lu ça, t’étonne pas…, gros fainéant !)
L’endroit est désert vu l’heure tardive. A la vue des arrivants, le maître des lieux arrête alors la tâche qui l’occupe et un large sourire illumine alors son visage. Il s’avance alors vers René et se jette dans ses bras pour une franche accolade.
" Renéééééé ! quelle joie de te revoir !!!
J’allais fermer et je n’y croyais plus. Vous vous êtes perdus ou quoi ? "
" Non, répond l’Ancien en lançant un regard noir vers son frangin, simplement un p’tit problème moteur consécutif à l’excentricité d’un monsieur que je ne nommerai pas, mais je t’expliquerai plus tard…
Fred ? Je te présente mon frère Maurice, et le jeune Ziva qui nous accompagne. "
Serrage de paluche et grimace du môme devant la poigne de cette montagne de muscles.
" Bienvenue en Provence, mes amis ! Venez, je vais vous montrer vos chambres, vous allez vous débarrasser de vos affaires et nous allons passer à table. Ma femme Isabelle nous a préparé un de ces gigots à l’ail dont vous allez me dire des nouvelles… Je me doute qu’après une telle route vous devez être affamés !"
Sympathique l’hôte !
Les chambres sont à l’image du bas de l’hôtel : des murs blanchis à la chaux, de la poutre incrustée et des meubles en bois massif simples mais de bon goût. Aucune exubérance, pas de tape à l’œil, simplement de l’authentique dans la plus pure tradition provençale.
Fred les laisse s’installer et se rafraîchir en les attendant en bas. La chose est vite faite. Bientôt les voilà tous les quatre réunis autour d’une grande table dont les couverts dressés n’attendent plus que la venue d’une préparation dont le doux fumet s’échappe de la cuisine attenante. Le tenancier a auparavant fermé la porte et tiré les volets de son établissement pour ensuite servir le traditionnel Pastis d’entrée en matière, histoire de les mettre à l’aise. Puis, il s’est levé en s’excusant et est allé rejoindre sa femme en cuisine.
Quelques minutes plus tard, le voilà de retour portant un plateau constituant l’entrée à base d’œufs, de pâté du cru et de légumes largement aromatisés.
Jusque là, rien d’anormal. Arrive alors Isabelle portant le vin et le pain…
Te décrire la fille qui vient d’entrer en détails, mon vieux, ça risquerait de te mettre le palpitant en zone rouge et la béquille au garde à vous !
Sache simplement qu’Isabelle est vingt ans plus jeune que lui, blonde comme les blés, très grande et fine de taille, proportionnée de façon presque indécente pour la gente féminine ordinaire, une peau de pêche aussi halée que celle de son mari, et deux yeux verts dont l’intensité font que tu ne peux que détourner le regard… ou rougir !
Tu vas me dire, encore une créature de rêve… Je te répond ceci : la saga René ne souffre pas la médiocrité et, à personnages exceptionnels, filles en relation…
Je te sens un peu perplexe… Tu peux toi aussi en faire autant. Faut simplement que t’arrêtes de t’empiffrer comme un goret, que tu délaisses tes charentaises et ton fauteuil douillet pour un survêtement et une paire de tennis, que tu cesses d’admirer les autres en piste sous le faux prétexte que t’en es pas capable pour essayer de les égaler en t’en donnant les moyens. Si tu réussis pas, t’auras au moins le mérite d’avoir tenté une fois un truc dans ta vie, et si ça marche, toutes les portes te sont ensuite ouvertes. Dans la vie on a rien sans rien, alors cesse de rêver et de te lamenter sur ton triste sort et… lance-toi !
Fred fait les présentations. René lance une œillade à son ami, Maurice en oublie quelques instants sa Sophie, et Ziva bredouille un rapide bonjour en bredouillant comme un ado.
Ensuite, l’estomac reprend ses droits et le repas (excellent le gigot…) est avalé avec un entrain faisant plaisir au couple
Ensuite, vient le temps de la discussion auprès d’un café fort nécessaire pour faire passer la consistance de tout ça et, à la demande de René, Fred explique un peu son histoire. Il s’est installé ici voici une vingtaine d’années, à la demande de sa femme rencontrée sur leur lieu de travail. Une boîte spécialisée dans la bureautique en plein cœur de Paris. L’ami de René était alors un célibataire endurci qui, aidé par un physique avantageux, volait de fille en fille jusqu’au moment ou il est tombé raide dingue de la petite jeunette nouvellement embauchée par son patron. Ce dernier n’a pas été indifférent au charme ravageur d’Isabelle et, rapidement une dualité s’est instaurée entre les deux hommes, Fred a gagné la partie et perdu son emploi. Ils se sont mariés et ont tout plaqués pour venir reprendre ce commerce dans ce petit village d’où la belle est originaire.
Pas d’enfant, simplement un partage entre le travail, la vie du village et… la moto.
Car Fred est un fou de bécane qui a tâté de la piste au niveau national dans sa jeunesse sans grand succès. Si on veut réussir dans ce milieu, faut choisir entre la rigueur d’un entraînement sans faille et courir les filles, et l’ami Frédo est un jouisseur par essence.
Là, avec Isabelle, le piège s’est refermé sur lui, mais c’est un prisonnier volontaire !
Il roule en Bimocati dernier cri et possède encore un coup de gaz à te faire pleurer…
Sa femme, passionnée elle aussi, en est restée au stade du " sac de sable ", offrant sa merveilleuse croupe à la vue de l’infortuné qui a osé se frotter au bolide rouge, juchée derrière son ex-pilote de mari.
Tout dernièrement, poussé par Fred, elle a décidé de franchir le pas et pousser la porte de la moto-école. Seulement, même si elle a repassé le code haut la main, elle éprouve quelques difficultés avec la pratique, au grand désespoir de son cher et tendre…
Fred, sitôt sa femme retournée en cuisine, fait une confidence à René :
" Puisque tu es présent, j’ai un service à te demander si tu es d’accord. Le moniteur de ma femme est… une monitrice ! Et plutôt choucarde la môme…
Seulement voilà, depuis que j’ai été inscrire Isa dans sa boîte, elle fait une fixette sur ma pomme !
Moi, ch’suis rangé des voitures et j’ai peur que ça aille trop loin ; comme je sais que t’as jamais été l’dernier en matière de belle fille en mal de réconfort, si tu pouvais la distraire et la détourner de mézigue, tu me rendrais un sacré service, vieux !
Puis aussi donner quelques cours à Isabelle car moi, j’suis pas trop pédagogue et comme j’ai suivi ton parcours par la presse, j’ai idée qu’t’es le gars qui faut pour ça "
" Bon, répond René, t’es un ami et j’voudrais pas que tu perdes une femme comme la tienne : c’est d’accord "


Episode 38 :

La monitrice donne des cours particuliers…

Après une bonne nuit réparatrice, le trio est à pied d’œuvre pour attaquer plein gaz cette journée placée sous le signe du doux soleil de la Provence.
Je peux te dire que personne n’a traîné pour descendre à la cuisine. Le plaisir de revoir la magnifique Isabelle n’est certainement pas pour rien dans cet empressement…
Fred, qui a pu se libérer pour une partie de la journée, s’est chargé d’établir un planning pas trop chargé, histoire de commencer le séjour en douceur. Va y avoir du roulage dans les abords immédiats, peut-être la visite d’un ou deux bouclards moto du cru, et aussi un passage à la moto-école du genre " heuuuuuu…, on passait dans l’secteur et… "
Pénétrant dans la cuisine, les trois ont un mouvement d’arrêt ! Isa est encore plus belle au naturel que la veille au soir ! Elle porte une nuisette légèrement vaporeuse dont les transparences jouent avec les contre-jours pour laisser apparaître le galbe de ses formes généreuses… Son teint de pêche est déjà rayonnant malgré le fait qu’elle sort tout juste du lit conjugal de ce sacré veinard de Frédo !
Il n’y a pourtant aucune provocation dans sa tenue vestimentaire ni dans son attitude, mais tout son être respire une telle sensualité que les Respectables, ainsi que Ziva, restent scotchés un bon moment sans pouvoir faire un pas, comme paralysés par quelque phénomène mystérieux.
Fred, sans doute habitué par l’effet produit sur le gent masculine par sa femme, semble s’amuser de la situation. Sûr de lui, il n’éprouve aucune jalousie à ce fait et paraît même en tirer une certaine fierté !
Le solide petit déjeuné est rapidement expédié par un trio songeant à la même chose : rester deux plombes en telle compagnie risquerait de leur donner de mauvaises pensées…
Bientôt les quatre motos donnent de la voix en chauffant sur les latérales pendant que leur pilote s’équipe. Fred, tout en enfilant son casque, ne peut s’empêcher de lâcher en jetant un regard sur la V6 de Maurice :
" Qu’est-ce qu’elle est moche avec ses valises… Sont fous ou quoi chez Kawasuki d’affubler une telle splendeur avec des horreurs pareilles ?
C’est comme si un couturier osait faire défiler Claudia Chouxfleur avec le costume à Raffarin, j’ose même pas imaginer le résultat…
Franchement, Maurice, si tu veux me faire plaisir, démonte tout ça et planque le tout là-bas, près de l’atelier, ça m’fait mal au bide de voir ça ! "
L’Ancien, vexé, s’exécute de mauvaise grâce sous le regard amusé de son frangin et du môme.
Comment ? La queue d’renard ? Ha oui…, j’t’ai pas raconté. Elle se trouve maintenant fixée à l’arrière du casque du Respectable, ce dernier prétextant qu’il s’agit d’un fétiche qui l’a toujours accompagné et que, ainsi attachée à l’arrière de son heaume, elle lui donne une attitude un peu rebelle ou l’impression d’être une espèce de chevalier des temps modernes ayant pour mission de voler au secours des filles en détresse… On se justifie comme on peut…
Ziva semble avoir changé, il contrôle chaque organe de sa moto avec un sérieux impressionnant, pose un doigt sous les repose-pieds pour constater d’un air satisfait que ces derniers tâtent maintenant régulièrement le bitume, puis jette un œil sur les flans des pneus entièrement utilisés. René observe le manège et lui lance une œillade de connivence, le gamin a franchi une étape depuis le départ, c’est certain. Il lui reste cependant maintenant à conserver les acquis sans se laisser griser par le chant de la sirène que lui murmure sa moto qui, si elle peut être la meilleure des maîtresses, n’en reste pas moins la pire des garces prête à profiter du moindre faux pas pour lui rappeler qu’au bout du compte, elle partage mais ne donne pas…, sauf à quelques êtres d’exception…, même quand on est une simple Transalp !
Rigole pas, toi qui est confortablement installé à lire ces quelques lignes, ça s’applique à toi aussi… Bien sûr, ton modeste niveau ne te permet pas la prétention de jouer dans la cour des grands, t’en es bien conscient n’est-ce pas ? Mais sache que, quelle que soit l’expérience et la dextérité du gars qui vient de t’enrhumer si facilement au détour d’une courbe, lui aussi n’est pas arrivé et ne peut se permettre de le penser. A moto, on apprend sans cesse et faut rester humble. L’erreur est de dire " maintenant, j’y suis… ", c’est la meilleure façon de se retrouver par terre…
Tu connais les abords de Manosque, dans les Alpes de Haute Provence ? Ben ils sont pas si loins que ça, peut-être une centaine de bornes de route tournicotantes à souhait. Le paysage devient montagnard et pas besoin de rouler à deux cent pour prendre un panard pas possible dans un décor de rêve. Aussi bien pour l’amateur de terre que d’asphalte, c’est un véritable paradis du deux roues et nombreux sont les pilotes de renom à être issus du coin, à commencer par un certain JMB, autre surdoué qui, après deux titres de champion du monde de motocross, est allé défier puis mater les ricains à domicile, pour ensuite se tourner vers la piste alors qu’il était au sommet de son art. Il n’a pas eu la même réussite en vitesse, mais a quand même décrocher une pôle en catégorie reine. Ce mec là, à l’instar d’un Rossi, on est pas prêt d’en revoir un deuxième avant lulure…
Les quatre motos enroulent avec plaisir en prenant de l’angle. Fred suçant la roue d’un René qui ne force pas, le doublant juste pour indiquer la bonne direction. Derrière, ça s’arsouille gentiment entre Maurice et Ziva, lequel tente d’attraper le ponpon situé à l’arrière du casque du Vieux.
Fred prétexte alors un arrêt pour subtiliser la V6 à René en lui proposant l’essai de sa Bimocati. Force est de constater que la belle Italienne a bien progressé depuis la présérie essayée par Grigou au Mans. Ce dernier a pondu un papier vantant ironiquement les qualités d’une moto mal née en mettant en avance les défauts de la prometteuse machine comme étant une volonté de la marque d’imposer un nouveau style. Ces derniers, sensibles à l’impact de la presse écrite sur le public, ont revu leur copie en sommant le bureau d’étude de ne plus se louper cette fois sous peine de leur infliger la construction d’un custom… Y’a pas pire pour un staff technique spécialisé dans la sportive que ce genre de menace, et la réponse est au delà des espérances : ça pousse, ça vire, c’est un rail et ça freine d’enfer. Plus rien à voir avec celle du départ ! Accessoirement, ils ont aussi revu à la baisse le budget pub alloué au journal du scribouillard coupable d’avoir osé ridiculiser ainsi la plus prestigieuse marque ritale. Quand on est italien, on peut se permettre de se louper sous l’impulsion de la passion, mais on accepte pas facilement qu’un étranger le fasse remarquer… Sont entier ces gens là, et c’est pour ça qu’on les aime… ou pas !
Petit passage à Manosque, chez Bayle Moto, le frère de l’autre. Le Kid de Manosque n’est pas présent, dommage, mais René est quand même sollicité pour signer quelques autographes auprès de la clientèle.
Après avoir passé un moment au bouclard, tous les quatre reprennent la route pour s’arrêter bientôt devant une autre forme de commerce, spécialisée dans l’apprentissage à l’examen donnant le feu vert à la pratique moto, c’est marqué Moto école Cath, et ça ne fait que le deux roues…
Sont alignées devant l’officine une bonne dizaine d’incontournables CB 500 et cinq 125 NSR. Ce matin est consacré au code car un examen se déroule dans l’après midi, ce qui fait que les machines sont en stand-by pour l’instant. En fait, ils se sont organisés ainsi suite au passage des trente cinq heures. Une matinée par semaine les moniteurs ont relâche, celle-ci coïncidant avec le passage du code vers le milieu de journée, les élèves peuvent donc finir de se préparer une matinée entière en bossant sur les diapos. Le principe marche si bien que rares sont les échecs à cette partie théorique incontournable. De même, les cours dispensés le sont par d’ex-pilotes reconvertis à cette pratique. Le top pour être un peu plus affûté que la moyenne au moment de se lancer seul avec le précieux sésame en poche !
Cath est affairée au bureau à la gestion de son administratif pendant que les élèves présents bossent à déjouer les pièges des diapos dans la pièce voisine. Sans égaler Isabelle, c’est une superbe brune d’allure sportive, au corps élancé. La trentaine épanouie, pas très grande mais superbement proportionnée, elle possède deux magnifiques obus ne demandant qu’à se faire dorloter, et un dosseret de selle profilé digne d’une création de Tamburini, bref, une first nana à l’instar des déclarations de Fred !
Pour ne rien gâter à l’histoire, surtout dans le cadre de notre passion commune, sache que la belle précitée participe aussi au championnat de France féminin de vitesse avec un certain succès. Voilà, je pense, un argument pour achever de te convaincre que la fille en question mérite notre attention…
Cath suspend son travail et lève un œil sur les arrivants. Son visage s’illumine aussitôt à la vue de Fred, mais, apercevant René dont les photos inondent la presse spécialisée, elle change de cible en le dévorant d’un regard provocateur proche d’une invitation, alors qu’aucune parole n’a encore été échangée. Cette fille semble posséder un sacré caractère et ne s’embarrasse visiblement pas d’un quelconque protocole, voilà qui promet pour la suite…
Fred fait les présentations : serrage de paluches et échanges de banalités par politesse. Pas un instant la belle n’a quitté Superpapy du regard. Celui-ci, pas dupe, lance les hostilités.
" Ma chère Cath, commence ce dernier, je vais me permettre de te tutoyer car je sens que nos rapports vont rapidement évoluer…, je suis de passage et mon temps est compté ; si ça te dis, tu enfiles le cuir que je vois là-bas, et on va visiter l’arrière pays… "
" Je n’ai rien contre, répond l’interpellée sans le lâcher du regard, d’ailleurs, j’ai deux passions dans la vie : la moto et les hommes. Tu joues dans les deux catégories mais je te préviens, je n’aime pas décevoir ni être déçue… C’est toi qui décides ! "
" Ok, ça me convient ! Mais si tu me trouves à la hauteur, j’aurai une faveur à te demander que tu devras m’accorder… "
" Vendu ! Je n’ai pas ma bécane donc on prend la tienne, mais c’est moi qui drive… "
Les autres sont estomaqués par la brusquerie des propos et en restent bouche bée…
Pendant ce temps, Cath donne des ordres pour se faire remplacer et, d’une façon impudique, tombe le jean et la chemise, dévoilant une plastique parfaite mise en valeur par de la lingerie fine en dentelle noire, pour enfiler un cuir marqué de son prénom au dos dont les sliders sont copieusement râpés. Elle relève sa longue chevelure sombre pour la relier avec un ruban, enfile une paire de bottes, va chercher son casque et ses gants, puis demande les clés à René, lequel la regarde, quelque peu amusé.
Bientôt, la voilà au guidon de la V6, Pépère derrière, et c’est parti sur la roue arrière au son du moulin prenant ses tours !
" M…de alors ! fait Fred dubitatif, j’rêve ou quoi ?… "
" C’est quoi cette fille ??? ", demande Maurice en se grattant le tête…
" J’reprendrai bien des cours du soir… ", s’esclaffe Ziva, le premier à récupérer ses esprits.
Fred se secoue, esquisse un sourire, puis déclare :
" Ouais, j’avais oublié de vous prévenir…, quoique là… Mais en attendant, venez, j’vous paye un verre au troquet du coin ! "
René, lui, est solidement accroché à la barre de maintien de la Kawasuki. Cath fait pas semblant. La machine hurle dans les tours et angle comme une meule de GP. On sent que la fille maîtrise son sujet et l’Ancien doit anticiper pour se faire désarçonner…
Bientôt, la V6 ralentit brutalement et stoppe devant une petite habitation. Le Respectable doit alors faire usage de toutes ses forces pour ne pas passer par dessus la bécane !
" Voilà, c’est chez moi, dit Cath en enlevant son casque d’un geste rapide, suis-moi, j’ai hâte de te connaître un peu mieux… "
Intérieur simple mais de bon goût, pas de superflu, à l’image de son habitante. Simplement quelques coupes glanées en course éparpillées dans le salon, ainsi que des photos aux murs de la Belle en action.
Elle se dirige vers le bar après avoir invité René à se mettre à l’aise puis à s’installer dans le canapé, lui sert un verre d’un très bon huit ans d’âge, et s’excuse en s’éclipsant quelques minutes dans la salle de bain. Lorsqu’elle revient, elle est en tenue d’Eve…
Bon sang la sensualité qu’elle dégage !
René s’efforce de ne rien laisser paraître, mais il sait que là, il va être dans l’obligation de se surpasser une fois de plus…
Sans un mot, elle lui prend la main pour l’aider à se lever et l’embrasse fougueusement. Lui, se laisse faire en attendant la suite…
Elle l’entraîne alors dans sa chambre et arrache sa chemise. Pépère tente alors l’initiative de la basculer vers le lit, mais elle se rebiffe d’un geste doux mais sans équivoque, bien décidée à mener les débats.
Elle finit de le désaper, se jette à son cou et, au prix d’une savante rotation, les voilà bientôt enlacés au creux d’un lit gémissant au gré de l’ardeur déployée par deux être s’affrontant dans un combat devant les mener à la cime d’un nirvana qu’ils tentent de faire atteindre à l’autre sans ménager leurs efforts…
Cath continue de driver, René suit sans lâcher prise ; la douceur succède sans préavis à une fureur bestiale, et aucun ne cède. Pépère essaye plusieurs fois de reprendre l’avantage, mais la fille, rodée à ce genre d’exercice, ne se laisse pas faire en enchaînant les positions !
L’ancien commence à lâcher prise, et il lui faut requérir à toute son expérience pour ne pas rendre la main. Il parvient à prendre l’ascendant en employant la technique dite du " bateau face à la houle de travers ", méthode consistant à placer la partenaire en position latérale, ce qui repose les articulations, et ralentir la cadence en exagérant les mouvements, ce qui a pour effet de calmer le rythme cardiaque.
Cath, emportée par l’élan, n’a pas vu le coup venir. Pépère regagne ainsi de l’entrain pour attaquer la dernière ligne droite d’un sprint lui donnant l’assurance de la victoire…
La superbe créature se détache alors, exténuée. Elle semble furieuse d’avoir perdu la partie, mais comblée par la prouesse de René, lequel n’est passé pas loin de la mise hors course ! Curieux mariage des sentiments…
" C’est bon…, parvient-elle à articuler après avoir légèrement récupéré, tu as gagné, René ! Reste avec moi, jamais, dans mes rêves les plus fous je n’aurais imaginé rencontrer quelqu’un comme toi. Je te le dis en te regardant droit dans les yeux, fais de moi ce que tu veux… "
L’ancien se contente de la regarder longuement, esquisse un sourire, puis déclare :
" Non, ne te fais aucune illusion. Je ne suis du genre à poser mes amarres, et je suis sûr que tu saisis parfaitement les sens de mes propos. Toi et moi, on est semblable. Seuls les extrêmes sont fait pour vivre ensemble et jamais ça ne pourrait marcher. On vient de passer un bon moment, alors terminons sur cette bonne note et ne gâchons pas la partition…
Seulement, maintenant, tu as une promesse à tenir… Je te demande de laisser mon ami Fred en paix car tu n’a rien à espérer de lui. Il est rangé et file le parfait bonheur avec Isabelle, alors laisse les en profiter… "
A son tour, elle le fixe un moment, puis baisse la tête en semblant s’interroger. Se redressant, Cath se met alors à rire et répond :
" Tu as sans doute raison, je rend les armes. Tu peux compter sur moi.
Seulement, toi, si un jour tu changes d’avis, sache que je t’attendrai… "
Quelques temps après, alors que dans le troquet un trio est affairé à refaire le monde autour du verre de l’amitié, le feulement d’une moto bien connue se fait entendre. Les trois sortent rapidement et vont à la rencontre du couple descendant de la machine.
Cath lève alors les yeux vers Fred, et déclare simplement :
" Pardonne-moi, j’ai été idiote… "
Celui-ci est interloqué et ne réagit pas. Cath se tourne ensuite vers René, les deux s’observent sans un mot. Puis, elle tourne vivement la tête et regagne son établissement rapidement.
Est-ce un courant d’air qui a provoqué cette larme perlant sur son beau visage ?
Les trois se tournent alors vers René, l’interrogeant du regard. Celui-ci éclate alors d’un rire franc :
" Ha ben…, vous en faites une tête !!! Bon, c’est pas tout ça mais la journée vient juste de commencer… On roule ? "
Et ils sont remontés sur les bécanes. René sifflotant sous son casque, Fred le regardant comme s’il avait affaire à un extra-terrestre, Ziva se secouant la tête en marmonnant des " merde alors… ! ". Seul Maurice esquisse un étrange sourire…

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Episode 39 :

La potion magique de Maurice…

De la viroleuse à souhait… Les quatre s’en donnent à cœur joie en faisant racler les cale-pattes, se passant tour à tour pour le plaisir de se redoubler encore.
Décidément, les Alpes de Haute Provence sont un véritable paradis pour la moto. Je te l’ai déjà dit ? Mais c’est tellement vrai… Vas-y faire un tour et tu comprendras !
Soudain, au détour d’une courbe, deux motos bleues apparaissent, stationnées sur le bas-côté. Les pilotes sont casqués, vêtus en bleu eux aussi, et ils sont en travers de la route en faisant de grands signes. En panne ? Pas vraiment…
René, en tête, se range sur le côté, imité par les autres. Un des deux gus s’avance, la mine sévère. Il rectifie sa position en se redressant le plus possible, porte la main de bas en haut en touchant son casque, et dit :
" Geeeeeeendarmeriiiiiiiie Naaaaaaaaationallllllllllllle ! Veuillez couper les moteurs et présenter les pièces affairaaaaaaaantes à la coooooooonduiiiiiiite de vos véhicuuuuuuuules !!! "
Son collègue s’avance, la tronche aussi joyeuse que l’autre :
" Dites-moi messieurs, à entendre vos moteurs hurler de la sorte, vous ne rouliez pas à la vitesse réglementaire, je me trompe ??????? "
Gloups ! font les quatre sans répondre tout en sortant les papiers demandés.
Les pandores prennent les fafs, font le tour des bécanes d’un air soupçonneux en fixant les proprios, puis s’éloignent pour consulter les permis, cartes grises et attestations d’assurance…
" Merde !, dis René en loucedé aux autres, j’crois qu’on est bon avec nos plaques non conformes et moi d’avantage avec le pot du kit d’la V6…
J’vas t’dire Maurice, t’aurais laissé ta bagagerie, ils se seraient certainement fendus la poire devant c’truc ridicule et ils nous auraient laissé r’partir après nous avoir vanné de t’accompagner, mais là, j’ai un doute… "
Le Maurice en question lance un regard amusé vers son frère et répond :
" Ouais, p’têt, mais moi au moins y vont pas m’aligner comme ils vont l’faire dans deux minutes avec toi. Fais gaffe ! y s’raient capables de t’le démonter ton fameux pot… "
Brusquement, les deux représentants de l’ordre (appelés aussi : nouveaux collecteurs d’impôts…) poussent un cri :
" Renééééééé Géééééééééééédeufoitrentaaaaaaaans ?????????????????, pas possible !!!!! "
La trogne de circonstance vient de laisser la place à la mine réjouie de deux fans allant à la rencontre de leur idole.
" Ben…, c’est que Marcel et moi on est des vrais motards et on lit Moto-Canard et Moto-Vérue à la caserne quand on est pas d’service. On sait tout de vous et pas plus tard qu’y a longtemps, on parlait de vous avec not’ adjudant qu’est un vrai pilote de vitesse vu qu’y fait dans les trois au championnat régional de la Gendarmerie. Bon, c’est un p’tit championnat, mais ça roule fort. La preuve ? Depuis la dernière course, l’adjudant arrive à poser un g’nou par terre, c’est pour dire !
Nous, avec Marcel, on roule en Viragro dans l’civil.
Vous pouvez nos signez nos carnet de contraventions ? Pour not’ collection, rassurez-vous, on va pas vous verbaliser. L’aut’ jour, on a arrêté Sete Gibernau qu’était en vacances dans l’coin. J’ai encadré sa dédicace au d’sus d’mon lit. Marcel il a rien eu car il lui dit qu’il était un fan de Rossi, paraît qui sont pas copains ces deux là. Alors Marcel y s’est fâché et il l’a gratté pour stationnement interdit alors que c’était nous qui l’avions arrêté. C’est un malin l’Marcel, comme ça, lui aussi il a eu l’autographe, hein c’est vrai Marcel ? "
" Ouais, Roger ! La tête qu’il a fait l’Espingouin…, on a rigolé toute la soirée avec ça ! "
" Alors, reprend Roger, vous nous les signez ? Y va êt’ vert l’adjudant quand y va savoir qu’on vous a rencontré…
Si vous avez l’temps, passez à la caserne, on boira un verre et vous montrera nos bécanes… "
" Bon, répond René en rigolant, puisse que c’est d’mandé si gentiment, j’va vous les signer et on essaiera d’passer un jour si on a l’temps… "
" En plus, enchaîne Maurice, on aime bien les gens qui roulent en Viragro ! "
Ziva doit faire un effort surhumain pour garder son sérieux…
" Allez, on va vous laisser car on doit finir de remplir les carnets avant de rentrer à la brigade. Merci encore et bonne route.
Ha ! Au fait, faites gaffe à l’entrée suivante, y’a les deux folles de la caserne – ben ouais, même chez nous…- qui font un contrôle radar. Ils se sont disputés hier au soir pour une histoire de porte-jarretelles, alors, pour se réconcilier, ils jouent à piéger les usagers de la route. C’est leur jeu favori…
Ceux-là, y vous rateront pas et y z’aiment pas les motards en plus, y’a pas que des gens bien comme nous dans notre noble corporation ! "
Le quatuor remonte en selle et décarre rapidement avec Fred en tête, lequel bifurque en prenant la première à droite. Très vite, il donne le signal d’une halte, coupe son moulin et s’adresse aux autres.
" Vous je sais pas, mais moi, bizarrement, j’ai plus trop envie de tourner la poignée car les prochains risquent d’être moins sympas que ces deux là, et mon permis commence à être juste au niveau points. On rentre ? "
" C’est p’têt un signe…, fait René, songeur, allez, on t’suit ! "
Rien de tel que ce genre de rencontre pour casser une arsouille ; le rythme du retour est d’un coup beaucoup plus paisible…
Y’a pas grand monde au bar…, en fait, pas même l’ombre d’un client. A l’épicerie, par contre, Isabelle est affairée à servir quelques clients. Fred propose alors de se détendre autour d’une bonne bouteille, laquelle fait rapidement place à une seconde. Ça cause bécane puis, l’euphorie commençant à s’installer, la conversation dévie sur des sujets…, disons…, enfin, tu m’as compris…
Maurice commence à être chaud. A la troisième boutanche, il est à point…
" Mouais…, c’est vrai qu’t’assures, frangin, mais moi, j’te parie une combine de cuir qu’la fille qu’Isabelle est en train d’servir, ben, dans dix minutes j’la monte, et dans une heure elle peut plus s’passer d’moi… "
" Pari tenu ! " s’écrit Fred.
Maurice se lève en vacillant un peu, grimpe dans sa piaule et redescend quelques minutes plus tard en donnant l’impression d’avoir sérieusement récupéré. L’ancien se dirige alors vers l’épicerie où la superbe moitié de Fred discute avec sa cliente, une rouquine bien en chair d’une bonne trentaine d’années. La promptitude avec laquelle il fait irruption surprend les deux femmes qui interrompent leur conversation. Maurice glisse alors un mot à l’oreille de la cliente, celle-ci le regarde, quelque peu surprise. Pépère lui murmure encore quelque chose et se colle contre elle. Elle fait " ho ! " et se met à le suivre sous l’air médusé d’Isabelle. Ils traversent le bar, passent devant le trio qui ne les quitte pas des yeux, et montent à l’étage.
Quelques instants plus tard, un cri d’effroi se fait entendre, puis la voix de Maurice.
" Mais non, t’inquiète pas, ça va aller. Te crispe pas surtout et laisse moi faire, c’est moi qui drive ! "
T’as déjà entendu un bruit de meuble qu’on déplace ? Alors imagine un truc comme ça en continu. Tu rajoutes les vocalises de la dame qui monte bientôt en régime comme un deux et demi quatre cylindres, tu brasses le tout et t’obtiens un concert dont l’intensité rythmique ferait passer un groupe de hard rock pour des joueurs de menuet !
Et ça dure exactement quarante minutes…
Tu verrais la tronche à la fois hébétée et radieuse de la rouquine quand elle descend à quatre pattes l’escalier, en parlant toute seule.
" Un dieu ! C’est un dieu… Jamais on m’a fait ça… Un dieu, j’vous dis… "
Elle quitte l’établissement en titubant, l’air hagard et la mine défaite !
Maurice, descendant à leur rencontre, semble à présent avoir totalement récupéré, à l’inverse des trois autres néanmoins encore assez lucides pour apprécier la performance.
" Alors là, Maurice, chapeau, dit Fred, j’sais pas comment t’as fait, mais chapeau. Tu l’as bien gagné ton cuir. En plus, c’est la Germaine que t’as grimpée, une pas facile d’après les gars d’ici… "
" Chacun a ses p’tits secrets… ", répond Maurice en souriant, l’air suffisant.
Isabelle fait irruption, les regarde, secoue la tête en soupirant, puis regagne son épicerie sans dire un mot…
Dix minutes plus tard, alors qu’ils étaient attablés en s’efforçant de tirer les vers du nez du frangin à René, une fille d’environ vingt cinq ans, grande, brune et généreusement servie par la nature fait son apparition…
" J’voudrais voir M’sieur Maurice… " dit cette dernière sans préambule.
Pépère se lève, sort une fiole de sa poche, avale une gorgée de son contenu et attrape la demoiselle par le bras. Celle-ci le suit docilement tandis qu’ils montent à l’étage…
" Hé ! C’est quoi ce plan ?, demande Fred interloqué, V’la la Junon maintenant ! Celle-là, c’est la nympho du village. J’comprend pas très bien c’qui s’passe, mais là, Maurice y va tomber sur un bec ! "
Trente minutes chrono en main, la Junon en question redescend totalement épuisée et déclare en tentant de reprendre son souffle :
" Un extra-terrestre…, pas humain ce gars-là…, un gourdin comme ça c’est pas possible… "
Et elle sort, le regard vague.
Pendant ce temps, une autre fille s’est présentée, puis une autre encore. Maurice ne quitte plus son " cabinet " et les trois compères, qui ont totalement récupéré, jouent les secrétaires en installant les " patientes " dans la salle d’attente improvisée tout en servant des consommations ( faut garder le sens du commerce) . Même Isabelle se pique au jeu et va rejoindre le trio de temps en temps pour aller aux nouvelles, entre deux clients à l’épicerie.
Mais bientôt, c’est le maire du village qui fait son apparition. Faut dire que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans tout le canton.
Monsieur Maurice consulte toujours, depuis quatre plombes maintenant…
Même la presse du coin est présente; dans un patelin où il ne se passe jamais rien, le moindre sujet sortant quelque peu de l’ordinaire les fait rappliquer illico.
Cinq heures…
Soudain, alors qu’une fille sort de nouveau en titubant, Pépère fait son apparition en haut de l’escalier et réclame le silence.
" Mesdames, les consultations sont terminées ! "
Un " Hooooo !!! " de déception lancé en commun par la gent féminine se fait entendre. Les hommes présents, au comble de la curiosité, attendent visiblement une explication…
" Faut qu’j’arrête, dit le Phénomène en s’adressant à René, j’ai plus de potion… "
René se met alors à tousser violemment en recrachant le contenu du verre qu’il venait juste d’ingurgiter, il vient juste de piger… :
" Non…, t’as pas fait ça, Maurice ??? Me dis pas que c’est ça ???? "
Maurice s’esclaffe, tandis que les autres le regardent toujours sans comprendre :
" Ben…, j’me suis dis (tu sais que j’ai des notions d’chimie) que le carburant miracle du comte Satovitch, de part sa composition, devait posséder de sacrées qualités aphrodisiaques. Alors, j’ai testé en loucedé (tu t’souviens qu’j’y ai demandé un litre). Le résultat s’est pas fait attendre, mais en plus, elle a triplé de volume alors que j’avais pris que quelques gouttes ! "
René le regarde comme s’il avait affaire à un fou :
" Mais…, y’a d’l’essence là-dedans !!!! "
Maurice sourit :
" Tirée d’une base végétale, et puis ça donne un petit goût. Mais je pensais pas arriver à tel résultat. A côté de ça, le Viagra, c’est un vrai placebo "
Les journaleux présents commencent à piger et se rapprochent maintenant de l’ancien comme des vautours… J’ai dans l’idée que dans quelques temps, Vladimir Satovitch va entendre le téléphone sonner…
Tu sais qu’ils ont frisé l’émeute à l’auberge ? , fallait s’en douter…
C’est décidément une constante chez les Gédeufoitrentans : quand c’est pas l’un, c’est l’autre qui rameute les foules !
En attendant que la vérité éclate par voix de presse, le bar et le resto ont tourné comme jamais, faisant atteindre à Fred son chiffre d’affaire du mois en une seule journée !
Bien entendu, quand Pépère qui ne peut évidement plus fournir autant sans sa dope explique la raison exacte de ses prouesses, les dames sont déçues. Le mythe de l’étalon vient d’en prendre un coup… Mais les maris jaloux, eux, ressortent vivement intéressés de la visite au bar après avoir causé avec Maurice…
René et Ziva, pour leur part, se sont improvisés barmen pour filer un coup de main au tenancier et à sa charmante (bon sang, tu la verrais…, quelle croupe ! Mais là, on s’égare…) épouse, lesquels carburaient à la limite de zone rouge !
Heureusement, le lendemain dés la parution des baveux, la situation est revenue à la normale, au grand soulagement de tous. Tant pis pour le côté financier, mais ça devenait ingérable…
Maintenant, y’en a un autre, dans son château, qui va pas être déçu du voyage !


Episode 40 :

tu connais la course de lenteur ? Non ? Alors viens voir par ici…


Avec tout ça, la bécane a été un peu mise de côté, tu ne trouves pas ? Et pas causer moto dans les z’aventures du Gatouillable, c’est un peu comme un repas sans la boutanche qui va avec, manque l’essentiel...
Justement, elle revient sur le devant de la scène par le biais de… Cath !
La volcanique monitrice vient de se pointer au " Tourist Trophy " au guidon de sa moto qu’elle stationne devant l’établissement, puis rentre rapidement à l’intérieur en cherchant visiblement quelqu’un du regard…
Avant toute chose, je dois te préciser que la belle vaut le coup d’œil aujourd’hui. Elle a revêtu un cuir intégral très saillant dont la coupe du blouson met en valeur sa taille fine et ses deux énormes ballons d’Alsace, tu ajoutes, en mâtant l’hémisphère sud, un arrière train au profilage parfait, tu saupoudres le tout d’une flamboyante chevelure couleur de feu harmonieusement relevée en chignon soulignant ses traits fins et son regard de … , et t’obtiens une very good nana du genre de celles qui t’accompagnent… dans tes rêves !
Comment ? Sa bécane ? Excuse-moi, on s’égare… Cath roule sur un Gex mille de chez Sucekiki. Le dernier modèle peint dans un rose fluo du plus bel effet, avec un dosseret monoplace et une ligne en titane de chez Chichiwara, laquelle, contrairement à ce que son nom indique, est made in de chez nous en provenance d’une petite entreprise implantée à Sapou Sauderche, en région parisienne.
Donc, après avoir retiré son casque, elle balaye la salle d’un regard de braise et s’arrête en croisant celui de Superpapy, affairé à tenir compagnie à Fred au comptoir. Sans préambule, elle s’avance vers l’Ancien, se plante devant cézigue et lui roule la pelle du siècle. Pépère, surpris, ne perd néanmoins pas les pédales et réagit rapidement en répondant à la fougueuse créature d’une menteuse énergique au fond des labiales, tout en lui malaxant la partie sud de sa main experte. Cath se raidit aussitôt de plaisir…
" Bon, qu’est-ce qui t’amènes, belle plante ? ", demande René avec un air amusé, dès qu’il est en mesure de parler.
Vlan ! Dans les dents… Cath ne s’attendait pas à une attaque de ce type. Pincée, elle se mord nerveusement la lèvre inférieure et semble chercher ses mots quelques instants. Puis, elle lance en prenant un air détaché :
" Je passais dans l’coin, alors, comme y’avait de la lumière, j’ai pensé à m’arrêter pour dire un p’tit bonjour à Isa. Ça te va comme réponse ? "
" Vendu ! répond René en s’esclaffant, j’accepte, même si j’en crois pas un mot… "
Fred, quand à lui, est un peu nerveux de la venue de la troublante demoiselle dans son rade. Mais la belle tient sa promesse et ne lui adresse même pas le moindre regard, le saluant tout juste machinalement.
Jetant un œil vers l’extérieur en direction de la brèle stationnée sur sa latérale, le Respectable reprend :
" Pas un truc de lopette ta meule…, mais, sans vouloir le moins du monde paraître désobligeant, t’arrives à l’emmener à un rythme décent hors d’un circuit… ? "
" Je te vois venir, répond Cath en souriant, t’inquiète pas pour moi. J’ai l’habitude de driver les trucs caractériels (elle le fixe droit dans les yeux en disant ça), mais tu ne m’auras pas à ce petit jeu là car je sais pertinemment qu’on ne peut pas rivaliser avec ton coup de gaz. Par contre, comme je te sens joueur aujourd’hui, et si tu acceptes de relever le défi, je te propose un truc de ma composition qui risque de t’amuser. Le jeu consiste à parcourir le tour du pâté de maison le moins vite possible et celui qui arrive en dernier a gagné. Tout sur-place est éliminatoire, ainsi que le calage bien entendu. Tu en dis quoi ? "
" Ma foi…, soupire René, comme on dit, qui peut le plus, peut le moins. C’est pas banal, mais bon, j’veux bien essayer… Fred ? Enfile ton casque, je sens qu’on va s’amuser…
Maurice, mon vieux, voilà un truc dans tes cordes vu qu’tu roulais encore en Viragro y’a pas si longtemps d’ça…
Ziva, tâche de t’appliquer en me faisant honneur, ton engin semble tout indiqué pour ce genre de trip !
Aller, assez causé…, en selle !!! "
" Bon, et bien je vais tenir le bar…, soupire Isabelle tristement, vivement que je l’ai en poche ce foutu permis ! "
C’est néanmoins elle qui donne le start…
René, habitué à tourner la poignée, se rate et part en tête, suivi de Maurice dont la V6 grogne son mécontentement d’un furieux bruit de distribution. Cath est trois, tout juste devant Ziva dont le V-twin six soupapes a tiré partie de sa parfaite régularité à bas régimes pour enterrer les trois monstres devant lui.
Tu verrais la tête des autochtones devant la scène qui se déroule sous leurs yeux. Au lieu de se taper la bourre le nez dans le guidon, les quatre s’observent en évoluant à dix à l’heure !
Un qui n’est pas à la fête, c’est le père René. Dix mètres d’avance avec un ralenti réglé plutôt haut, rapport à la prépa moteur. Lui vient alors l’idée de slalomer en prenant toute la largeur de la route… Maurice, surpris par la manœuvre, donne alors un léger coup de gaz involontaire et passe en tête sans pouvoir réagir. Cath tente la même chose sur Ziva, mais la Sucekiki manque d’équilibre à basse vitesse. La Transalp garde fermement la tête de la course en… queue de peloton.
Au terme de la première ligne droite, c’est donc le môme qui mène devant la mono. René est un peu détaché et Maurice ferme la marche.
Le droite qui se présente est l’objet d’une passe d’arme entre les deux frangins. Maurice tente un demi-tour, mais le rayon de braquage de la 1300 est trop important pour le permettre. Malgré cela, la Kawasuki a perdu son avance sur celle de René qui manque de caler dans l’histoire, le voilà au coude à coude avec son frère !
Les deux s’observent quelques instants, puis prennent chacun un bord opposé de la route pour se recouper ensuite les trajectoires. Dans ce petit jeu, Superpapy prend l’ascendant en regardant son jumeau passer de nouveau devant lui sans pouvoir donner la réplique.
Bientôt c’est Cath qui ne peut éviter de rejoindre René. Le manque d’inertie allié à l’extrême légèreté du Gex l’empêche de garder le ralenti, la voilà deux !
Les positions restent ainsi pendant deux lignes droites, quand, à l’abord de la dernière courbe, Maurice cale ! C’est l’élimination pour l’Ancien qui redémarre rageusement en faisant fumer sa gomme arrière !
Ziva, quand à lui, continue à évoluer au poum-poum régulier de son bi sans trop craindre de rattraper René. Il lui suffit de mettre son guidon en butée pour réussir un demi-tour parfait si besoin est, ce que ne peuvent faire les brèles avec bracelets devant lui.
Plus que cinquante mètres avant l’arrivée et Cath tente le tout pour le tout en s’aidant de son frein arrière. La manœuvre est délicate car son moulin tente de caler par deux fois. René est obligé d’employer la même méthode pour ne pas la rattraper mais le double piston Brembo est plutôt du genre brutal, Pépère cale à son tour !
C’est donc Cath qui franchit la ligne d’arrivée en tête, ce qui la place seconde derrière un Ziva pas mécontent de sa première victoire en course !!!
Tous quatre se rangent alors devant le rade, garent les bécanes et enlèvent les casques.
" C’est vraiment con comme truc ! ", lance alors Maurice, finalement amusé après sa déception suite à l’abandon.
" Faut r’connaître que là, Cath nous a bien piégé… ", rétorque Fred.
" Moi et brèle, on vous a mis minables sur ce coup-là, merci Mam’selle ! ", fanfaronne Ziva en caressant les flans de sa Transalp.
" Hé oui les garçons ! C’est pas l’tout de savoir tourner une poignée... Bravo à toi Ziva, t’as été parfait ! Quand à toi, mon cher René, vu que je termine devant toi, tu me dois un gage… ", lance Cath au Respectable tout en le fixant d’un regard ravageur…
" Là, j’dois avouer qu’tu m’as bien possédé, soupire Pépère en rigolant, vas-y, propose et dispose ! "
" Pas tout de suite… ", répond-elle, l’air mutin…
La petite troupe regagne alors le bar.
Le môme décide de fêter sa victoire en offrant une tournée générale, ça lui coûte pas grand-chose car le lieu est plutôt désert en ce moment, mais c’est l’intention qui compte !
Ils restent ainsi un long moment à se vanner autour du verre de l’amitié, puis Cath se plante alors devant René :
" Montre moi ta piaule ", lui demande t’elle soudain.
Le Vénérable fait mine de ne pas piger…
" Tu me dois un gage, n’oublie pas ! " reprend-elle sans se laisser abuser.
Sans un mot, il se lève de son tabouret et lui désigne l’escalier en face.
" Première porte à gauche… " dit-il en souriant.
Les autres se regardent du coin de l’œil tandis que le couple monte à l’étage. Sitôt seuls dans la chambre, Cath déclare en défiant René du regard :
" Tu m’as vaincu la dernière fois et tu me dois une revanche… "
Se faisant, la Rouquine tombe la combine, elle ne porte rien en dessous !
Je vais te dire que dans le combat qui les oppose rapidement, les préliminaires furent brefs, juste un tour de reconnaissance et Gazzzzz !!!
Cath commence par une langoureuse tyrolienne, histoire de lancer la première offensive. Elle opère de façon calme et méthodique, histoire de jauger l’adversaire, puis plante un coup de troisième à la sortie de la parabolique. Oup’s ! fait René qui se ressaisit très vite en lui plaçant un desserrage de culasse d’une main de maître. La belle s’en trouve désarçonnée, mais, experte en la matière, elle effectue un retourné impeccable qui lui redonne un avantage certain à l’abord du second tour… Pépère, un poil ennuyé par la manœuvre, entreprend alors une escalade des dômes face nord et, arrivé au sommet, se met à titiller les extrémités. Cette démarche à pour but de leurrer sa proie tandis qu’il se place pour un Pilon Auvergnat que la môme n’a pas vu venir. L’accélération qui s’en suit est phénoménale et Cath part rapidement dans les tours en touchant plusieurs fois la zone rouge ; furieuse de ce coup en fourbe, elle se redresse pour reprendre le contrôle de la situation en imprimant son propre rythme. René, cette fois, se trouve poussé dans ses limites et doit essorer pour tenter de garder l’aspi. Mais son adversaire, pas décidée à se laisser faire, ne cède pas un poil de terrain et ne coupe pas en bout de ligne droite… L’indicateur de température du Gatouillable commence à grimper vers les dernières graduations et il se dit que là, va peut être mieux falloir jeter l’éponge. Cath, sentant alors que la victoire commence à se dessiner, relâche un poil son effort ; grossière erreur car René, en vieux briscard, profite de l’occasion pour soulager sa mécanique. Malheureusement, la belle a trop d’avance pour refaire le terrain à la régulière. Jouant alors son va-tout, genre ça passe ou ça casse, Pépère serre les dents et lui place alors le balancé latéral tel qu’il est stipulé au dixième chapitre, paragraphe cinq du Kawasutra, laquelle, je n’ai pas besoin de te le rappeler, est considérée à juste raison comme la bible du Respectable (il faut, pour l’obtenir, un certain degré de pratique et une reconnaissance des élus, seuls juges à délivrer le précieux savoir).
Waaaaaaaaaaaaahouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!, fait alors Cath en s’abandonnant totalement : elle n’a pas encore réalisé qu’à cet instant précis, elle vient encore de perdre la partie !
Lorsqu’ils redescendent au bar, bien longtemps après, René affiche une mine triomphale. Bien entendu marqué par l’effort, il rayonne en savourant sa victoire…
Quand à Cath, celle-ci ne sait qu’elle attitude adopter. Elle salue rapidement l’assemblée, lance à René un regard ou se mêle colère et admiration (elle reste ainsi un bon moment à l’observer sans dire un mot), puis lui demande de la suivre à l’extérieur.
Tout en s’approchant de sa bécane, elle baisse les yeux en déclarant tout bas :
" Cette fois encore, tu t’es joué de moi… Je ne sais que dire et penser, jamais un mâle n’était parvenu à me faire plier comme tu l’a fait…
J’ai envie de rester avec toi, mais je te déteste d’arriver ainsi à me dominer !
Je…, je ne sais plus quoi penser en fait.
J’ai besoin de rester seule…
Au revoir…, peut-être ! "
Elle enfile alors son casque rageusement, grimpe sur sa brèle, et décarre comme une furie en faisant hurler le quatre cylindre pourtant froid !
René lui, retourne au bar tranquillement, les mains dans les poches en sifflotant " We are the Champions… ", puis offre à son tour une tournée générale à la santé de l’inconsciente qui pensait ainsi le déraciner. Y’a eu une alerte, certes, mais les racines sont bien ancrées au sol par le poids de l’expérience !


Episode 41 :

Le team GAGA, engagé en Mondial Superbike… !

Ce matin là n’est pas un jour comme les autres : un énorme semi-remorque vient de se garer devant le " Tourist Trophy "…
Le truc est neuf, bardé de sponsors, avec une peinture représentant un pilote en action, plein angle sur sa brèle carénée et l’inscription suivante dessous : Team GAGA – Mondial SBK !
Si tu suis les courses, tu n’es pas sans ignorer qu’il s’agit du fameux team Bordelais créé par l’ancien pilote Max IMUM-GATEUX, lequel fut une pointure des GP il y a un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître (merci Charles !), puis a fait fortune ensuite dans le domaine du préservatif.
Pour la petite histoire, le gars Max n’a pas vraiment décroché du milieu, même si ses activités de fabriquant de casques à chibre, comme il se définit lui-même, l’ont éloigné des circuits pendant plus de trente ans. Un pilote reste un pilote, et il revient toujours à l’univers qui l’a glorifié un jour.
Donc Max, maintenant à la tête d’une fortune conséquente (son activité est en constante croissance…), a décidé de monter sa propre écurie et de s’attaquer au mondial Superbike en y mettant les moyens. Un accord avec BIMOCATI pour les machines, des locaux flambants neufs avec de l’outillage dernier cri, une équipe technique à la hauteur, et un fabuleux pilote qui tente un come-back en la personne d’Alain TERIEUR , lequel fut multiple champion de France de vitesse sur route sur TERROT dans les années cinquante.
Max croit dur comme fer qu’Alain n’a pas eu sa chance à l’époque au niveau international, et que, malgré son âge respectable, il est encore assez vert pour dominer la génération actuelle. T’en penses ce que tu veux, mais lui a les moyens financiers pour mettre en œuvre son affirmation !
La fédé a bien entendu tiqué à sa demande, mais le chéquier sorti a rapidement convaincu les responsables de laisser sa chance au roi du latex…
Nous sommes lundi, et le mondial SBK débute ce week-end en AUSTRALIE. Personne n’a vu tourner Alain en essai cet hiver car ils ont travaillé loin des médias on ne sait où, préservant ainsi le suspense, mais aussi le scepticisme du milieu face à l’annonce de l’engagement de ce team pas comme les autres !
La porte du bar-restaurant s’ouvre : c’est Dave JMORLACRETTE qui vient de pénétrer dans l’établissement suivi du toujours fringant IMUM-GATEUX, lequel est particulièrement bien conservé pour un septuagénaire.
Fred, au parfum de l’actualité du sport moto, lève de grands yeux étonnés à l’entrée des deux personnages dans son rade :
" Le team GAGA ?????????, parvient-il à articuler au comble de la stupeur, je rêve ou quoi ?…
" Bonjour monsieur, dit Dave en souriant, nous venons de la part de Grigou THE KICK pour rencontrer René. Il nous a averti de sa présence dans votre établissement et on a absolument besoin de son aide "
René se trouve à l’étage en compagnie de Maurice et Ziva. La soirée d’hier ayant été une fois encore particulièrement arrosée, ils n’ont pas encore fait surface… Mais faut dire qu’il est huit plombes du mat’ !
" Renéééééééé ???????? ", fait Fred du bas de l’escalier.
" Mouaiiiiiis…., qu’est-ce tu veux ??? ", grogne le Respectable après quelques instants.
" Y’a du monde pour toi qui vient de loin… ", répond le tenancier.
" On peut pas m’lâcher un pneu, non ? J’peux même plus cuver peinard sans qu’on vienne me les briser !!! T’as vu l’heure ???? "
Superpapy a sa voix des mauvais jours. René, faut jamais le bousculer dans ces cas-là !
" C’est ton pote Dave, avec une petite surprise… Ils tiennent VRAIMENT à te voir… "
" Bon…, tu les fais poireauter cinq minutes, le temps que je retrouve un poil de mon aspect humain, et je descend… ", soupire Pépère, un peu radouci.
L’Ancien semble avoir pris dix ans de plus quand il se présente au bar de l’hôtel, il salue son pote, lequel lui présente Max.
" Avant tout les gars, vous aller m’excuser : faut qu’j’émerge, souffle René en se massant le haut du front. Fred ?, tu m’fais un KAWA de compét’ qui monte assez dans les tours pour m’faire passer ta tisane d’hier au soir ? Bon sang, j’ai l’impression d’avoir l’mégaphone d’un vieux mono anglais dans les étiquettes… "
Une étrange métamorphose se produit pendant que le Vénérable ingurgite son breuvage. Les traits de son visage se lissent, la brume disparaît de son regard, et bientôt le voilà comme à son habitude. C’est surprenant pour qui n’est pas habitué à côtoyer le Phénomène, mais René est décidément un être à part !
Les autres attendent sans dire un mot que Pépère finisse son rituel. Celui-ci, une fois le café expédié, marque un temps d’arrêt, s’étire, les regarde un à un, puis se décide enfin à parler :
" C’est bon, j’vous écoute ! ", fait-il d’une voix éclaircie.
Max semble vraiment embarrassé. Aujourd’hui ils doivent convoyer le semi-remorque jusqu’à l’aéroport international de Nice pour y décharger les caisses qui vont être transportées par charter en direction du circuit de Philip Island, seulement, y’a un hic… Alain TERIEUR, le pilote attitré, est out !
Le responsable du team explique les difficultés par lesquelles il est passé pour monter son aventure. D’abord trouver des arguments pour se faire admettre auprès de la fédé avec un projet aussi farfelu, décidé un constructeur à lui confier les machines, remettre à flot son pilote fétiche qui, malgré un talent intact, accuse quand même un certain kilométrage (mais c’est le but de son implication…), trouver des locaux, de l’outillage et la main d’œuvre pour le bon fonctionnement de l’équipe (pas facile de convaincre les ténors du milieu, lesquels tiennent à préserver une image qui risque d’être mise à mal en cas de flop). Mais sa fortune et son enthousiasme ont fait sauter les barrières des plus réticents. Faut dire aussi que son entreprise est réputée, de part son activité particulière, pour son banc d’essai composé d’une multitude de créatures de rêve dont le Max se sert sans vergogne aux fins de promotion de sa boîte, laquelle est en passe de chiper le leadership du marché au number one dont je ne te ferai pas l’affront de te citer le nom…
Bref, tout se passait bien, Alain avait retrouvé une seconde jeunesse au guidon d’une moto parfaitement au point avec des temps rapidement au top, grâce notamment au talent du chef mécanicien de l’équipe, Albert Poncharal, l’oncle du célèbre team manager de Tech 3.
C’est certain, le team allait surprendre les sceptiques à l’ouverture du championnat…
Seulement voilà, Alain TERIEUR est à l’hosto depuis deux jours suite à un tour de rein. Celui-ci est employé par Max comme pilote essayeur à temps partiel des prototypes qui sortent du bureau d’étude de son entreprise et, chevauchant une fougueuse demoiselle chaussé d’une capote aphrodisiaque inédite, il s’est sorti après une brusque accélération…
Il s’est avéré ensuite que le dosage du dit préservatif était quelque peu excessif !!!
Alain H.S., alors que la saison débute ce week-end, et c’est le drame pour l’équipe. Un seul pilote et pas de remplaçant sur le marché ! Il n’est bien entendu pas question d’engager un pigiste de la génération actuelle car le but du patron est de démontrer que le poids des années n’a pas prise face au talent…
Déclarer forfait ? Impossible car l’organisateur et les sponsors vont exiger un dédommagement trop important qui risque de compromettre la suite de la saison !
C’est là qu’est intervenu Dave. Le génial informaticien et fondateur du Repaire des Respectables est un ami de Max, lequel finance aussi une bonne partie du site (ce qui n’est pas négligeable…). JMORLACRETTE, à part tapoter sur son clavier et gatouiller avec son poumonesque roadster SUCEKIKI (mais à son âge, c’est plus raisonnable…), s’adonne aussi aux plaisirs charnels et, par voie de conséquence, fréquente régulièrement le bureau d’étude de son pote et mécène. C’est lui qui a parlé de René à Max ; si un seul gars au monde est capable de remplacer au pied levé Alain, c’est lui et personne d’autre. Reste maintenant à le persuader de participer à l’aventure, et là, Dave a sa petite idée…
Pour l’instant, Pépère est pas convaincu.
" C’est pas possible, commence l’Ancien, j’prend quelques jours de vacances histoire de décrocher un poil, et v’là qu’on m’relance sur mon lieu de villégiature : vous pouvez pas m’lâcher de temps en temps ???
Toute façon, là on cause d’un championnat du monde, pas d’essayer une bécane. J’ai beau être capable de tourner une poignée, faut p’têt pas m’surestimer non plus…
En plus, partir comme ça, j’aime pas, et en AUSTRALIE pour couronner l’tout ! Va falloir trouver autre chose…
Et puis, franchement, j’la trouve un peu foireuse cette idée de défier des pros en activité sur leur propre terrain quand on est déjà trop mûr pour la catégorie vétérans !
" Là René, t’exagères, proteste Dave, quand on voit ce que t’es capable de faire avec SARRON d’abord, et y’a pas longtemps sur la M1 à ROSSI, t’es en totale contradiction avec tes paroles. Franchement, ce projet, j’y crois dur comme fer ! Il n’est évidemment pas question de songer au titre ! Faut quand même être réaliste, mais un ou deux coups d’éclats, pourquoi pas ? "
" René, tu permets que je te tutoie et te nomme par ton prénom, enchaîne Max, c’est le rêve de ma vie que je tente de réaliser. J’ai trimé pendant des années pour arriver ou je suis après avoir arrêté la compétition sans jamais avoir été titré, même si j’ai fait une belle carrière. A mon âge, je ne peux qu’être de l’autre côté de la barrière et c’est pour ça que j’ai décidé de relancer Alain. Je suis sûr qu’il a encore des trucs à montrer, que je pourrais vivre à travers lui. Une sorte de come-back par son intermédiaire en sorte. En plus, si j’ai raison, quel pied de nez à toute la jeune génération… j’me marre d’avance !
Si c’est l’fric qui t’intéresse, pas d’problème, j’assume, tu demandes et je signe…
Et puis c’est juste le temps qu’Alain soit réparé. "
René secoue toujours la tête :
" Même si j’accepte, t’as vu le niveau cette année ? On peut peut-être faire illusion sur un tour ou deux, sans doute. Mais franchement, à notre âge tenir toute la course (deux manches j’te signale…), on a plus la condition pour ça. De plus, ta bécane, j’la connais même pas…
Moi j’dis que c’est un truc à se ramasser grave de chez grave ! "
" Et bien laisse-moi en prendre le risque et accepte ! Si tu as raison, c’est moi qui plonge, pas toi car les gens verront bien que tu auras fait le maximum. Ca, j’le pense après avoir étudié ton parcours, et je crois avoir cerné quel genre de gars tu es dans ce domaine bien précis.
Le public comprendra lui aussi. Mais je reste persuadé que ça peut le faire ! "
A ce moment, Maurice et Ziva font leur apparition. Après un récapitulatif de l’histoire, les avis sont partagés. Le frangin juge René capable de surprendre, même au guidon d’une brèle inconnue, et Ziva, quand à lui, se montre aussi sceptique que le principal intéressé. Bref, on n’a pas avancé d’un poil et Pépère se montre toujours aussi réticent.
Soudain, Dave décide de lancer son va-tout…
Sans un mot, il se lève, sort du bar et fonce directement vers l’une des portes du semi-remorque pour l’ouvrir d’un geste théâtral…
T’as déjà vu les girls du Crazy Horse Saloon ? Ben, imagine un peu une bonne vingtaine de ces magnifiques créatures se radinant vers toi ; c’est exactement ce qui vient de passer !
Elles sont un peu plus vêtues, mais si peu dans leur fine combinaison transparente à l’effigie du fabriquant de capotes, elle viennent de pénétrer dans le rade à Fred telle une vague déferlante dont la beauté d’ensemble les laisse scotchés sur place…
" Les Umbrella Girls du team GAGA !!!! " lance Dave avec un clin d’oeil envers René, lequel vient de manquer de s’étouffer…
" Là, c’est pas loyal, dit ce dernier sitôt qu’il a un peu récupéré, j’accepte, mais c’est juste pour rendre service. Et Maurice vient aussi ! "
Max pousse un cri de joie, relayé par Dave et… par l‘ensemble des filles dont l’enthousiasme fait peut-être partie du boulot, mais avec un professionnalisme qui laisserait facilement croire que tu es le centre du monde. Et bordel ce qu’elles sont craquantes…
Isabelle, attirée par le bruit, semble elle aussi abasourdie par la vision qui s’offre à elle. Mais celle-ci soutient largement la comparaison sans avoir besoin d‘un quelconque artifice pour cela. Fred, d’ailleurs, malgré la présence de ces superbes filles dans son établissement, jette un regard rassurant envers sa femme, même si cette dernière n’a jamais douté de ses atouts bien réels.

Episode 42 :

Présentation de l’équipe puis, pas de temps à perdre… En route vers l’Australie !

Pendant deux plombes, la partie restau du Tourist Trophy jouit d’une ambiance bien particulière. Fred, sur la demande de Max, a décidé de les retenir à table avant le départ, quelques clients curieux de la présence de cet énorme camion devant l’établissement se sont pointés, et le téléphone arabe a très rapidement fait son œuvre en faisant radiner tout le village…
Faut dire que les filles, pendant que les fourneaux se mettent en branle, ont joué un numéro savamment orchestré du genre " regarde comme je suis bien foutue… " au son de la sono que le tenancier a branché de bonne grâce sur la demande d’un Dave assez fier de son résultat. Le show est bien huilé, le public, qui ne sait plus à quel sein se vouer, bave comme une meute de chiens attendant la pitance, et surtout, René semble totalement partant pour l’aventure !
Ensuite arrive le moment de grailler ; Fred et Isa ont bossé comme jamais, car pas mal de locaux voulant être de la partie (ben voyons…), le restau affiche complet… Heureusement, quelques-uns leur ont filé un coup de main ; improviser quarante cinq couverts en un temps record, à deux, c’est un peu comme si on avait demandé à un mec comme toi de vidanger tout seul sa bécane…
C’est l’occasion de faire connaissance avec le team composé de trois mécanos. Papy, lequel s’occupe de la partie mécanique, Jean-Yves pour la partie cycle et Ovomaltine, l’arpette d’origine helvétique marchant sur les traces de ses glorieux aînés en commençant à manier la clé de douze avec dextérité. La responsabilité informatique, incontournable à présent, est confiée à Juju, un jeune diplômé branché computer. Albert Poncharal, le responsable de l’équipe, un vrai puit de science toujours alerte du haut de ses soixante dix printemps, est le pilier du staff technique et un formidable chef d’orchestre motivant ses troupes avec un enthousiasme d’adolescent.
C’est lui qui explique à René, après les présentations, le choix des machines : BIMOCATI a décidé de faire son entrée en mondial SBK par la petite porte en confiant deux machines, ainsi que l’assistance directe de l’usine, au team GAGA. L’entreprise italienne, qui vient tout juste de commercialiser un 500 roadster grand public, avait en gestation une hypersport trois cylindres depuis quatre ans. Sous l’impulsion de son bouillant PDG, Joan-Paolo DAUTRICOURI, cent exemplaires sont récemment sortis des chaînes pour être vendus via le net et ainsi permettre à la marque de participer au championnat. Un seul pilote, pas de tête d’affiche ni d’ambition particulière, voilà le plan pour mettre au point la moto en vue d’une implication en force l’année suivante. Les essais hivernaux, loin des caméras, ont servi à dégrossir le travail. Alain TERIEUR, le pilote attitré, est un fin metteur au point en plus de ses qualités de pilote toujours intactes, ce qui a permis à la moto de tourner rapidement dans la même seconde que les temps de référence des autres teams engagés sur le circuit de JEREZ, il y a une quinzaine de jours. Ce circuit, loué en secret à l’aide d’un chèque conséquent, possède en effet la particularité de posséder toutes les caractéristiques techniques qu’on risque de rencontrer sur les autres pistes du mondial. Une moto qui va vite à JEREZ, va vite partout…
Le trois cylindres en ligne à injection possède la particularité d’avoir sa mécanique installée dans le sens de la route, ce qui réduit grandement sa largeur et permet une machine particulièrement étroite, gage d’une bonne pénétration dans l’air. Outre le fait qu’un trois pattes est plus coupleux qu’un quatre, ce type d’architecture autorise une puissance moindre pour une vitesse égale, ce qui toujours bon pour la fiabilité. Evidement, ce moulin oblige un empattement conséquent, problème contourné par l’absence de cadre, remplacé par une coque autoporteuse. Ca rentre au chausse-pied, mais le résultat est équivalent aux valeurs de la nouvelle GSXR, la référence du moment. Sur le papier, comme en essai, le projet semble tenir la route. Reste à valider tout ça en course…
C’est Albert qui est chargé de faire remonter les infos à l’usine pour faire évoluer la moto car aucun technicien de la firme n’est présent sur décision du Boss de l’usine, l’implication de la marque n’étant pas officielle…
Le remplacement provisoire d’Alain par René a dû nécessiter l’aval de Joan-Paolo. C’est Grigou qui s’est chargé de le convaincre, lequel a demandé à Dave, impliqué dans l’aventure, de faire de même avec le Respectable.
Voilà, t’es au parfum à présent !
L’heure du départ approche. Fred va garder les KAWASUKI chez lui et ZIVA restera quelques jours son invité. Le problème des visas et de l’engagement de René a été anticipé par la fédération. Reste plus qu’à grimper dans le camion pour atteindre l’aéroport. Là, les caisses contenant le matériel seront déchargées et acheminées directement sur le circuit par avion cargo, tandis que le personnel empruntera un vol régulier. L’envol est prévu à vingt heures.
C’est alors que se déroule une scène qui va avoir son importance pour la suite des évènements un peu plus tard, Maurice vient de se mettre un peu à l’écart, muni de son téléphone portable…
Il compose un numéro, attend quelques instants, puis se met à causer dans l’appareil :
" Le comte Satovitch ?, c’est Maurice… "
Il s’éloigne d’avantage et passe dix minutes à discutailler ferme. Puis il raccroche, visiblement satisfait de lui…
René a suivi le manège en fronçant les sourcils, mais sans dire un mot.
L’Ancien rejoint ensuite le groupe et s’adresse à l’ensemble :
" Vous allez m’excuser, mais j’ai un truc urgent à faire… Partez sans moi, je vous rejoindrai à l’aéroport pour le départ. Il y aura certainement un endroit ou garer ma bécane jusqu’à notre retour. "
Ce faisant, il monte s’équiper, redescend en cuir avec un sac et son casque à la main, puis sort pour se rendre au hangar ou dorment les motos. Quelques minutes plus tard, la V6, munie de ses valises, se trouve devant l’hôtel restaurant en train de chauffer sur sa latérale.
René décide alors de rejoindre son frangin :
" Maurice, me dit pas que… ", commence t’il en s’adressant au père la Gatouille.
" Ben si… ", répond l’autre en se marrant tout en enfourchant sa brèle.
La KAWASUKI s’éloigne ensuite rapidement…
René rejoint les autres en se grattant la tête.
" Changera jamais celui-là ! ", se dit-il pour lui-même.
L’heure avançant, s’agit de perdre de temps, tout le monde embarque pour prendre place dans la partie salon du monstre de la route, et c’est parti pour l’aventure…
Ce truc roulant, c’est un véritable palace. Je te laisse imaginer que toute l’équipe tient à l’aise à l’intérieur, confortablement installés dans les immenses canapés en alcantara. C’est beau quand on a les moyens ! Et pour la bonne cause en plus, LA course…
Bon, pas question d’embarquer un tel engin pour l’Australie ; celui-ci restera parqué, sous bonne garde, dans un coin de l’aéroport. Mais pour l’instant, la liaison Maisidon-Lesgaz / Nice n’a rien d’un chemin de croix, le bar, la vidéo et… les filles !!!
Si je te dis que le père René est resté les bras croisés en pareille compagnie, tu vas me croire ?
Ben…, pour une fois, l’Ancien est plus préoccupé par ce qui l’attend, que pour se lier d’intimité avec au moins une de ces charmantes créatures, du moins dans l’immédiat…
Non, dans l’instant, René cause technique avec Albert, Max et Dave, leur prouvant par là même, qu’il est décidé à faire son boulot correctement. Il doute toujours du résultat, Philip Island n’ayant rien à voir avec Le Mans ou Jerez, en plus qu’il s’agit ici d’une épreuve de championnat du monde, mais la détermination dont il fait preuve par la voix et le regard, semble les rassurer sur le fait que Superpapy va rouler en donnant le meilleur de lui-même !
Trois heures plus tard, le truck fait son entrée dans l’enceinte de l’aéroport international.
Mazette, quel endroit… c’est gigantesque, une vraie ville consacrée au transport aérien !
Après dix bonnes minutes à déambuler à travers le dédale d’artères bordées de bâtiments en tout genre, le camion stoppe enfin à proximité d’un immense hangar. Max se lève, va voir le chauffeur, puis revient à l’intérieur en s’adressant à son équipe :
" Un bus vient nous chercher pour nous mener au hall d’embarquement. Le chauffeur va surveiller le chargement du matériel et voyager dans l’avion cargo. Normalement, nous devrions arriver simultanément. "
En effet, quelques minutes plus tard, un transport en commun à l’effigie de l’aéroport s’arrête à proximité du camion.
Ils descendent tous (les filles d’abord, histoire d’avoir une vue plein sud…), et c’est alors que le rugissement d’un six cylindres se fait entendre. Une superbe Sport-GT, équipée avec mauvais goût d’un ensemble valises + top case, sur laquelle se trouve juché un gars en cuir dont la particularité est de porter une ridicule queue de renard à l’arrière de son casque, vient de faire son apparition : je suis sûr que t’as deviné qu’il s’agit de Maurice (tu vois quand tu veux…) !
Le personnage en question descend de sa monture, enlève son casque pour le poser sur sa selle, s’étire longuement (rigole pas, ça t’arrivera un jour…), puis va chercher un sac dans son top case. Il le sort avec une extrême prudence, en sort une espèce de fiole qu’il glisse dans une de ses poches, referme le sac et le tapote avec satisfaction en le gardant à la main…
René le regarde faire, les bras croisés, puis s’adresse à son frangin :
" Maurice…, tu vas pas recommencer j’espère ??? "
L’autre lui lance un clin d’œil et répond :
" Fait moi confiance, tu me diras merci plus tard… "
La V6, sur instruction de Max à la demande du Respectable, restera à proximité du camion. Mais Pépère insiste d’une façon quasi impérative pour que son précieux sac soit du voyage, et surtout, de faire attention aux chocs éventuels !
Puis vient le moment de monter dans le bus, d’aller jusqu’au hall d’embarquement, de passer par la case " vérification de la paperasserie ", pour enfin emprunter un escalier roulant au bout duquel attend un véhicule chargé de les conduire à la porte de l’énorme Jumbo Jet dont les mécanos s’affairent au dernières vérifications. Là, ils sont pris en charge par de charmantes hôtesses de l’air (ben ouais, c’est jamais des boudins…) qui les installent en classe " affaires ".
Y’a déjà pas mal de monde d’installé, du couple de retraités se payant le voyage de leur vie, en passant par le PDG de la société Trucmuche, et de richissimes rentiers décidés à aller se dorer la pilule au bord de l’océan indien.
Dans le cas présent, Max a insisté pour que son équipe et lui-même soient regroupés.
Pour ton info, l’Australie, ce n’est pas la porte à côté. J’ai pas calculé la distance (toute façon, t’iras JAMAIS là-bas, t’as déjà du mal à faire cent bornes d’une traite au guidon de ta brèle…), mais sache que le vol va durer vingt cinq heures, et qu’il vont d’abord se rendre à Paris (ben, ouais…), puis direction SINGAPOUR (en INDE, inculte…), là, ils refont le plein pour atteindre cette fois MELBOURNE, …Ouf !!!


Episode 43 :


Tu connais l’expression " s’envoyer en l’air "… ?

Vingt cinq heures de zinc, c’est long…
Au fait, si un jour t’envisages de partir loin, ben…, invite Maurice… Bouge pas, je t’explique :
L’énergumène précité a toujours sa fiole dans la poche, et je ne te ferai pas l’affront de te dire le contenu de cette dernière…
NICE / PARIS, c’est vite fait, mais l’étape suivante…
Au bout de quatre heures, et après quelques verres servis par le personnel, lequel est aux petits soins (tu parles, vu le prix des billets…), Maurice commence à s’emm…der ferme :
Dois-je te rappeler la présence des girls à Max… ?
Bon…, t’as deviné. L’Ancien sort le flacon, avale discrètement une goutte du contenu, hèle une fille se trouvant à proximité de sa personne et lui glisse quelques mots à l’oreille…
Celle-ci, une superbe plante brune d’à peine vingt ans, fait " Hôooo !!! " en rougissant, pendant que Maurice se lève et l’entraîne vers le fond de l’appareil !
René, en pleine discussion avec le trio composé de Max, Albert et Dave, jette néanmoins un regard vers son frangin en fronçant les sourcils, non sans esquisser un léger sourire…
C’est silencieux un avion moderne, et des cris proviennent rapidement du fond de l’appareil. Alertées, les hôtesses vont voir de quoi il s’agit pour revenir rapidement rouge comme des pivoines !
Les voyageurs, inquiets, commencent à poser des questions, auxquelles elles répondent avec embarras. Puis, le couple refait son apparition ; Maurice, satisfait, qui regagne son siège en sifflotant, et la fille essoufflée, laquelle s’empresse malgré tout de renseigner ses copines quand à son absence…
Très rapidement, une autre Girl se lève, va trouver Pépère, et c’est reparti pour un tour !
S’ensuit une valse incessante suivant le même processus.
Pendant ce temps, René s’efforce de maintenir la conversation auprès de ses compagnons, lesquels commencent à s’interroger sérieusement sur le manège du frangin…
Superpapy veut tout savoir, les forces en présence, les temps réalisés cet hiver, le comportement de la BIMOCATI avec les impressions d’Alain, et les interventions effectuées sur la machine.
Max et Albert s’efforcent, entre deux regards inquiets vers la queue de l’appareil, de répondre avec le plus de précision possible à la demande du pilote de l’équipe. Le team en forme, cet hiver, c’est celui de Francis BATA, le patron d’ALSTAR-SUZUKI dont les pilotes (Troy CORSER et Yukio KAGAYAMA) n’arrêtent plus d’affoler les chronos. Le Team DUCATI n’est pas loin derrière, Régis LACONI a soif de revanche, bien décidé à coiffer cette année la couronne mondiale après ses bourdes de la saison dernière. Seul son coéquipier, James TOSELAND, champion en titre, semble marquer le pas. Norik ABE, transfuge du MotoGP sur YAMAHA, sera à suivre également, sans oublier Chris VERMEULEN et Carl MUGGERIDGE, du team TEN-KATE sur HONDA. Chris WALKER, sur KAWASAKI, ainsi que Fonsi NIETO, sur HONDA, ne feront certainement pas de la figuration. Sans oublier les FOGGY PETRONAS et bien d’autres encore…
Jamais le mondial SBK n’a atteint un tel niveau au cours de son histoire !
Les chances de placer la BIMOCATI au milieu d’un tel plateau semblent de plus en plus minces à René, malgré l’enthousiasme de l’équipe. Enfin, on verra sur place…
Maurice, quand à lui, c’est pas ce genre de truc qu’il a en tête. Les vingt filles du team y passent, puis c’est maintenant les hôtesses qui se mettent de la partie ! Seulement, pour ces dernières, elles sont au boulot. S’en suit une discussion serrée avec le commandant de bord, lequel, d’abord réticent, finit par céder sous la menace d’une grève collective !!!
Le pilotage automatique étant branché, le voilà qui se dérange personnellement pour demander des comptes au trublion de service…
Maurice lui explique alors le secret de sa potion, laquelle a été perfectionnée depuis (une simple goutte suffit pour satisfaire trois demoiselles). Tout le monde a bien entendu prêté une oreille attentive à la discussion, et bien sûr, chacun veut essayer la formule, le commandant d’abord, son co-pilote ensuite, Max, dont la curiosité est à son comble, Dave, lequel a repairé une choucarde petite hôtesse depuis sa montée dans l’avion (faut jamais rater une occase si elle se présente, histoire d’éviter de mourir idiot et frustré…), les mécanos idem, et même le couple de petits vieux qui retrouve ainsi une seconde jeunesse…
C’est plus un vol long courrier, mais un vrai hôtel de passe improvisé !
Les seuls à garder leur sang-froid, sont René et Albert. Il est vrai que l’énormité de la tâche qui les attend demande beaucoup de concentration, si on veut espérer un minimum de résultat…
Pour résumer, voilà comment raccourcir un vol interminable à la sauce Maurice (j’ai ses coordonnées si t’as besoin…) !
L’approche sur SINGAPOUR ramène tout le monde à la raison (provisoirement…), mais la seconde mi-temps est donnée dès l’envolée vers MELBOURNE ; incroyable ce que cette mixture est capable de transformer un individu, alors qu’à la base, elle a pas été conçue pour ça…
La traversée de l’océan indien n’a jamais semblé si courte aux habitués de ce type de vol, mais la descente sur la ville australienne est l’occasion pour le commandant de bord, revenu à ses fonctions, de s’adresser à l’ensemble du personnel, passagers compris, afin de leur demander le total silence sur le déroulement de ce vol si singulier, il risque sa place sur ce coup-là !
L’atterrissage s’effectue sans aucun incident, sous un soleil de plomb. Welcome l’Australie !
Pendant l’approche, pressé par la quasi-totalité du personnel présent, Maurice a dû se munir d’un petit calepin, histoire d’enregistrer des commandes avec promesse de les honorer le plus rapidement possible.
" Moi qui m’ennuyais avec cette foutue retraite, j’crois qu’j’ai trouvé un nouveau job ! " lance t’il à la cantonade.


Episode 44 :


PHILIP ISLAND… !

Après tout ça, le transport depuis l’aéroport jusqu’aux portes du circuit n’est qu’une simple formalité dont j’ai pas besoin de te conter le déroulement !
Philip Island : un des plus beaux tracés au monde, en bordure de l’océan. Un des plus difficile aussi, alternant courbes rapides et épingles délicates. D’une longueur de quatre mille quatre cent quarante cinq mètres, le tracé australien présente un certain dénivelé demandant une paire grosse comme les miennes (et alors ?…, t’es jaloux ???) si on veut s’y imposer. Une autre particularité de ce circuit est ses variations climatiques importantes ; sa proximité de l’océan fait que le temps change très vite, avec un vent quasi-permanent qui ramène du sable sur la piste. Les mouettes, présentes en nombre conséquent, ajoutent aussi leur part non négligeable de problèmes possibles. Bref, un tracé à la hauteur des plus affûtés, mais certainement un des plus risqué du championnat, y’a mieux pour débuter sur une moto inconnue…
On se fait un tour de piste ? Allez, suis le guide : la ligne droite fait huit cent trente cinq mètres. Le départ a lieu au milieu de cette dernière pour plonger très vite dans un droite assez prononcé qui se resserre en sortie. A peine le temps de souffler, et tu vires dans un grand gauche au rayon assez régulier (en deuxième). Tu passes la trois rapidement pour plonger en quatre dans un gauche très large. Ensuite, gros freinage pour aborder un droite en épingle (première). Petite accélération, et nouvelle épingle à gauche à la sortie de laquelle tu visses à fond pour un très léger gauche, puis droite, lesquels s’abordent presque sans couper, en six. La courbe suivante, un autre gauche, est assez hard au niveau trajectoire. Large elle aussi, elle conditionne une épingle à droite assez vicelarde sur laquelle s’enchaîne un gauche en deux. Petit bout droit, puis un autre gauche en trois, pour enfin revenir vers la ligne droite.
La pole de l’an passé est détenue par Régis LACONI en 1’33’42.
Aujourd’hui, mercredi, le temps est au beau fixe. Il en sera de même pour la fin de semaine d’après les responsables météo. Mais sait-on jamais là-bas ?
Une séance d’essai libre d’une heure est prévue demain, en milieu d’après-midi. Elle va permettre une remise en jambe et dégrossir le travail (c’est l’ouverture de la saison, faut pas oublier…, et comme c’est moi l’écrivaillon de service, j’en ai décidé ainsi !). Vendredi, une séance le matin et une l’après midi. Samedi matin, le chrono parle pour déterminer l’ordre de départ de pour la superpole, les pilotes partent un à un pour leur place sur la grille.
Dimanche, warm up en matinée, puis la première manche (derrière les supersports), puis la seconde une heure trente plus tard. Voilà, t’as le programme (qu’est-ce qu’on dit au monsieur ?)
Le matériel vient d’arriver au box. Papy, Jean-Yves et Ovomaltine, sous la houlette d’Albert, se mettent rapidement au boulot pour le déchargement et l’agencement de l’impressionnant pack constitué des motos, des pièces et de l’outillage. On sent que le team est rodé à cet exercice, et la technique d’organisation bien huilée.
Pendant ce temps, Max enjoint les autres à le suivre, pour l’installation à l’hôtel qui borde le circuit. Tu verrais la tronche du personnel en voyant débarquer les girls du marchand de capote…
René est détendu, concentré sur la tache qui l’attend, certes, mais il affiche un calme olympien de bon augure pour la suite des événements. Il jette simplement quelques regards étonnés devant l’étalage de luxe présent dès l’entrée dans le hall.
Maurice, quand à lui, semble accuser le coup de ses frasques en altitude, il baille à s’en décrocher la mâchoire, et suit la troupe avec l’entrain d’un escargot au galop !
Quand à Dave et Max, on les sent habitués à la fréquentation de ce type d’endroit. Ils ne prêtent aucune attention au décor somptueux.
Excuse-moi, j’oubliais de préciser, l’établissement qui les accueille est un cinq étoiles avec une immense piscine chauffée bordée de cocotiers au pied de laquelle se prélassent une multitudes de jolie filles en petite tenue (j’y peux rien ! C’est TOUJOURS comme ça dans les palaces…). Cette vue te parvient dès l’entrée d’un hall immense, constitué de marbre blanc, par l’entremise d’une gigantesque baie vitrée. On accède à l’étage à l’aide d’une demi-douzaine d’ascenseurs drivés par des grooms à toque rouge. Bien évidemment, il y a un immense comptoir, avec l’incontournable gars en costard blanc, nœud pap’ et chauve comme il se doit. Sur le côté : le bar et le restaurant. C’est comment ? Tu commences à m’emmerder, t’as qu’à aller voir toi-même !
La soirée est consacrée au farniente en vue de se remettre du décalage horaire, histoire d’aborder la journée de demain en pleine forme. Installation dans les chambres (les frangins ensemble), une douche, un bon roupillon, et un repas du soir pas trop copieux. La soirée se termine très tôt, tout juste le temps de lier connaissance avec les responsables des teams, certains pilotes (dont un Régis LACONI, mort de rire de serrer la louche à un concurrent pouvant être son grand-père…). Les attitudes, face au team GAGA, sont mi-interrogatives/mi-moqueuses, faut dire que le pari de Max est VRAIMENT osé…
Seules les girls, un peu plus vêtues qu’à l’ordinaire (sur ordre du boss, pour ne pas en faire trop dès l’arrivée…) semblent mettre tout le monde d’accord, même comme ça, elles en jettent, ces demoiselles triées sur le volet par un patron connaisseur !
Entre-temps, Albert et les mécanos ont rejoint l’équipe à table. Une digestion rapide au pied de la piscine, et tout le monde regagne les chambres pour une nuit de récupération.
Jeudi, très tôt en matinée :
Toute l’équipe, sauf les girls, est réunie dans le box pour une réunion de travail. C’est l’occasion pour René de faire connaissance avec la BIMOCATI, et de procéder aux premiers réglages pour la position. Pépère est grand et la machine particulièrement compacte ; ce n’est pas simple de l’accorder au pilote. Mais finalement, grâce au talent de Jean-Yves, un compromis est rapidement trouvé.
Ensuite, on procède au démontage d’une des deux machines, pour expliquer à Superpapy ses particularités techniques, le comportement découlant de ça, et les possibilités en terme de mise au point. La brèle ressemble un peu à la DUCATI, en plus compacte et sans treillis tubulaire (pour cause…). L’originalité vient des trois échappements séparés, deux à gauche et un à droite. Rien sous la selle, laquelle soutient le radiateur de refroidissement. Une fois le carénage posé, on ne distingue absolument pas la disposition si particulière du trois cylindres. Une bien belle machine en réalité !
Pour comprendre un circuit, rien de tel que dans étudier son tracé sur papier. Max, ancien pilote, se charge de potasser ce chapitre avec le Respectable, lequel étudie chaque détail. Puis, c’est la rediffusion en vidéo du GP de l’an passé, avec décortication minutieuse de chaque courbe en étudiant les trajectoires des meilleurs. Après s’être enfilé ce gros morceau, rien de tel qu’un tour de circuit à pied, histoire de se dérouler les articulations et visualiser en live la piste.
Quand ils en terminent, la matinée tire à sa fin. C’est l’heure du déjeuner à l’hôtel (on mange léger…). Puis, après une heure passée à décompresser au bord de l’eau, c’est le retour vers le box et le début véritable de l’aventure. Les mécanos commencent à sortir les motos des stands, les premiers grondements mécaniques se font entendre, et les pilotes enfilent les cuirs en attente du feu vert de la direction de course, dans moins d’une demi-heure !


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Episode 45 :

Les premiers tours de roues sont difficiles, par contre…

La tension est palpable, ce n’est qu’un premier roulage, mais tout le monde semble tendu en guettant l’horloge en bord de piste.
Soudain, les haut-parleurs se mettent à grésiller, et une voix balance quelques mots en anglais. Là, les mécanos s’agitent, passent les couverture chauffantes, et effectuent les dernières vérifications.
Cette fois, c’est la bonne. Une sirène se fait entendre, les commissaires de pistes agitent les drapeaux tandis que le pace car fait son retour, les pilotes commencent à sortir des stands, les moteurs chauffent, et quelques machines commencent à prendre la piste…
René vient lui aussi de s’élancer… Un simple tour pour prendre la température, en un peu plus de deux minutes. Il regagne le stand et s’adresse aussitôt à Albert :
" Elle tourne pas cette meule ! Et dès que je prends les freins, elle se relève… J’ai même pas pu faire un second tour, trop dangereux car y’en a qui avoinent déjà, et la piste est pas facile à enregistrer. J’ai l’impression qu’elle trop haute de l’avant. Par contre, le moulbif a l’air pas si mal que ça, même si j’trouve qu’il prend pas assez d’tours à mon goût… "
Papy regarde Juju. Le jeune informaticien branche alors son computer sur la moto, tapote rapidement son clavier, puis retire la fiche. Pendant ce temps, Jean-Yves, aidé d’Ovomaltine, vient de baisser les tubes dans les tés de fourche. Max se tourne vers Albert, celui-ci lève le pouce, et la moto ressort des stands.
Cette fois, René effectue trois tours d’affilée, dont le dernier en 1’58. De retour auprès de son équipe, il hoche la tête :
" C’est un poil mieux, elle tourne désormais. Le problème, c’est que maintenant ça drible au freinage. Je commence à comprendre la piste, mais je peux pas accélérer car elle guidonne. Vu la façon dont les autres y roulent, j’suis sûr que j’me prend déjà dix s’condes dans la tronche ! "
Nouvelle séance de réglage, et nouvelle tentative : quatre tours et… 1’55 !
Pendant ce temps, CORSER et LACONI, les plus rapides, sont déjà en 1’43. Faut dire qu’ils ont effectué des essais hivernaux ici même, et qu’ils connaissent parfaitement la piste…
Heureusement, la météo est clémente, et le vent nul, c’est déjà ça !
On tente une sortie avec la deuxième machine sans grand résultat, les chronos ne descendent pas et l’équipe commence à avoir le moral dans les chaussettes…
Régis vient de faire claquer un magnifique 1’40, alors qu’ils ne tournent que depuis trente minutes, puis c’est TOSELAND de passer en 1’38, puis VERMEULEN enfonce le clou avec un beau 1’37’5 : les temps ne bougeront plus de la séance, et tous se tiennent en moins de trois secondes… sauf le team GAGA qui piétine en 1’50 !!!
Fin de la première séance d’essai…
René est furibard en rentrant au stand :
" J’ai beau me dépouiller ! Ou elle tourne et elle drible, ou elle va mieux à l’accélération mais tourne plus…
Franchement, si ça continue comme ça, on peut remballer le matos et aller à la pêche, c’est impossible d’aller plus vite avec ce truc ! "
Max et Albert s’interrogent. D’ou vient le problème ? Du pilote ? De la moto ? Des deux ?…
Maurice tente de calmer son frangin, pendant que Dave s’en mêle en prenant la défense du Respectable.
" René est capable d’être aussi rapide que les meilleurs du plateau, il l’a prouvé sur la M1 à ROSSI. C’est clair qu’il y a un truc qui ne marche pas sur la moto, mais faut trouver quoi… "
" Admettons, dit Max, mais jamais on s’était retrouvé aussi loin des chronos de référence. On va étudier la télémétrie en détail, et tout reprendre à zéro. Un chance que tout le plateau dispose des mêmes pneus, au moins, à ce niveau-là, on est à égalité ! "
Bref, y’a du taf en perspective…
Le dîner est prévu à vingt heures, ça laisse trois plombes pour tenter de trouver un solution… en statique dans le stand !
D’après René, le problème semble provenir de l’arrière, et il regarde l’amorto en hochant la tête :
" Marche pas ce truc, grommelle l’Ancien assez énervé, j’pensais au début qu’j’allais pas êt’ capable de jouer avec ces gars-là, mais finalement, y vont pas si vite que ça…
Non, le blèm’, c’est qu’ça r’bondit et ça guidonne sans arrêt quand on arrive à m’faire une brèle qui tourne, comme si l’ressort arrière gatouillait comme celui d’une Viragro. Et quand j’prend l’autre, celle-là elle bouge plus, mais elle refuse de virer…
Moi, j’ai beau faire c’que j’peux, j’y suis pour rien, y z’ont pas l’air d’êt’ doué chez BIMOCATI…j’me souviens quand l’Grigou, il en a essayé une au Mans, ben…, c’était déjà pas fameux ! "
Juju, après analyse des relevés informatiques, confirme les dires du Respectable, rien n’est cohérent entre l’arrière et l’avant, mais faut trouver pourquoi…
Albert baisse la tête en se tenant le menton. Il semble en proie à une profonde réflexion. Le chef mécano, au bout d’un certain temps dans cette position, lève les yeux vers Papy et Jean-Yves, puis déclare :
" C’est vrai qu’elle n’a jamais été réglée comme ça, René charge beaucoup plus l’avant que Alain…
A mon avis, faudrait reculer le moulin pour mettre plus de poids sur l’arrière et faire travailler d’avantage l’amorto en charge. On peut aussi jouer sur l’empattement en le rallongeant avec le réglage de l’axe de bras oscillant et, tant qu’on y est, faire plonger un poil plus l’avant tout en relevant les bracelets, z’en pensez quoi ? "
Papy et Jean-Yves se concertent. Pourquoi pas après tout ? Max se range aussi à l’avis d’Albert car il sait pertinemment que celui-ci maîtrise suffisamment son sujet pour ne pas trop se perdre dans une direction aléatoire.
De toute façon, quand on ferme la marche à douze secondes des meilleurs, on se doit de tout tenter pour redresser la barre…
Les mécanos se mettent aussitôt à l’œuvre sur les deux machines, laissant toutefois l’une d’entre-elles dans une configuration plus soft, histoire de pouvoir comparer l’évolution des réglages. Seul point positif dans l’immédiat, le moulin semble à la hauteur de la concurrence avec une vitesse de pointe équivalente, et des accélérations terribles en sortie de courbe.
A vingt heures précise, le boulot achevé, le team ferme la porte du stand pour regagner le restau de l’hôtel avec une certaine appréhension. Il va y avoir des commentaires qui vont fuser de la part des autres équipes, sans compter les scribouillards qui risquent de poser des tas de questions embarrassantes au sujet des perfs de René, l’intrus de service, mais aussi de cette BIMOCATI attendue au tournant…
L’arrivée du team dans la salle provoque un silence dans l’assemblée : les girls sans doute…
Pas un ne pipe mot. Faut dire que les filles sont en tenue… plutôt légère, une directive de Max pour détourner l’attention de l’épineux sujet préoccupant l’équipe…
Le repas se passe dans le calme le plus total. Les managers et pilotes discutant du déroulement de la séance avec quelques regards en loucedé vers les girls du magna de la capote, lesquelles profitent de l’occase pour bien allumer la salle en adoptant des positions… assez subjectives !
Bizarrement, les journaleux restent assez discrets, au grand soulagement de Maurice, craignant une réaction de son fougueux frangin avec inquiétude, René ayant déclaré " faire bouffer son assiette au premier locdu qui oserait le brancher… ", ce à quoi Max lui a demandé de rester calme, par respect pour la marque…
C’est Garry MC COY qui a lancé l’offensive au dessert :
" Bon, on en est qu’au premier roulage, mais je suis content de constater que la PETRONAS est bien plus efficace que la BIMOCATI. Faut avouer que quand on est contraint de faire rouler le troisième âge pour aligner une moto sur la grille, y’a pas de miracle à attendre… "
Boum…, silence total !
L’ensemble du team GAGA se tourne alors avec anxiété vers René. Pépère se met à trembler, le nez dans son assiette…
Comment va t’il réagir ???
Il reste ainsi un long moment sans réagir, puis, très lentement se lève et se tourne vers l’australien. Il se contente de regarder MC COY droit dans les yeux quelques instants, pour enfin répondre avec un petit sourire :
" J’va t’dire, mon p’tit gars (tu permets ? j’pourrais être ton père…), à mon âge, on prend son temps…
La course, c’est seulement dimanche, et j’me rode pour l’instant. Toi, t’es d’ici, tu connais la piste et ta moto. Faut être un pneu indulgent, on fonctionne comme un moteur diesel qui a besoin d’un temps d’chauffe pour bien marcher, mais on va faire le maximum pour te montrer le dosseret d’selle dès la première manche… "
Visiblement satisfait de sa réplique, l’Ancien regagne ensuite sa chaise. Max et les autres poussent un grand " OUF ! " de soulagement en constatant que, finalement, René semble avoir écouter les recommandations du chef du team.
Mais Garry poursuit :
" Oui mais un moteur diesel, ça n’a jamais été un moulin de course… ", ajoute-il malicieusement en lançant un clin d’œil au Respectable.
René se retourne une nouvelle fois près de lui :
" Ben si tu veux, on va jouer à un p’tit jeu, histoire que tu m’comprennes. T’es d’accord avec moi pour affirmer que quand on sait grimper sur une bécane, on sait grimper les frangines… ? "
Max et les autres se regardent avec connivence ; pas bête, Pépère…
MC COY répond, quelque peu surpris :
" Heuuu…, oui sans doute, mais tu veux en venir où ??? "
René poursuit, un petit sourire :
" A ceci : regarde bien les filles ici présentes… Tu en choisis une, j’en fais de même, on grimpe dans les piaules, on met gaz, puis on en prend une autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’un de nous finisse dans l’bac à sable. Le perdant paye un coup à l’autre, ça marche ? "
Maurice est obligé de se planquer sous la table pour ne pas exploser !
" Ma fois, répond Garry, à part le fait que je trouve le jeu dangereux pour ta santé, je veux bien essayer ! "
" Je parie sur René !, lance Régis LACONI, aussitôt imité par FORET, CHAMBON et CHARPENTIER, vas-y René ! Montre lui au bouffeur de kangourou ce qu’un frenchie est capable de faire… "
Pépère se penche en douce vers son frangin :
" File-moi ta fiole miracle ", souffle t’il à l’oreille de Maurice, tout en se levant.
" Fais gaffe ! Une goutte seulement… ", recommande celui-ci en s’exécutant.
Seules les filles sont un peu hésitantes en regardant MC COY.
" Patron, il est petit, moche et avec des grandes oreilles, on dirait un chimpanzé… ", protestent-elles en direction du boss.
" Mesdemoiselles, il en va de notre honneur, c’est un ordre et je double vos gages… ", répond Max d’un ton impératif.
C’est pas de gaieté de cœur, mais elles obtempèrent finalement. Ça s’appelle du professionnalisme, et c’était un des critères de sélection à l’entrée dans la boîte !
Les deux concurrents choisissent chacun une fille, et quelques temps plus tard, les premiers cris parviennent de l’étage…
Les pronostics vont bon train, les paris aussi. Même le personnel, d’abord circonspect d’une telle scène dans un hôtel cinq étoiles, s’y met en crachant au bassinet !
C’est MC COY qui descend le premier, un peu marqué sous le coup de l’effort. Il choisit une deuxième fille, et remonte rapidement, croisant au passage un René frais comme un gardon, lequel sifflote en se dirigeant tranquillement pour changer de monture…
Bientôt, les deux premières filles redescendent à leur tour, l’une d’entre-elles est visiblement éprouvée !
Au bout de quatre descentes, Garry semble sur les rotules.
" J’abandonne… " dit-il en baissant la tête…
Pendant ce temps, les cris à l’étage se poursuivent ; à chaque redescente du Respectable, force est de constater qu’il reste aussi fringuant qu’au départ, à l’inverse des filles…
René persiste ainsi encore cinq fois, histoire de bien enfoncer le clou (façon de parler…). Puis, il décide d’arrêter les frais, et déclare :
" C’est pas tout ça, mais moi, l’effort ça me donne soif : Garry ? sert-moi un verre… "
L’assemblée, ébahie par la performance de l’ancien, fait une véritable ovation à Pépère, tandis que MC COY se lève et se dirige vers lui en le regardant comme s’il avait affaire à un fantôme :
" Pas possible…, un extra-terrestre…, jamais vu un truc comme ça… ", bafouille t’il en venant néanmoins serrer la main du vainqueur. En sportif accompli, il reconnaît ainsi la valeur de son adversaire.
" Aller, tu f’ras mieux la prochaine fois…, lui déclare René en se moquant gentiment de lui, paye moi mon verre plutôt, t’es mon pote désormais ! "
Il semble que Superpapy vienne de marquer un premier point…
Tu veux que je dise comment c’est terminée la soirée ? Ben ouais, dans la piscine… Mais je te raconte pas la suite car on est surtout là pour causer moto !
Demain matin, les choses sérieuses vont reprendre…


Episode 46 (j’aime bien ce numéro !) :

René commence à tutoyer le chrono…

On avait causé de la météo changeante… Et bien ce matin, la température a sérieusement chuté et la piste est humide, suite à une ondée en pleine nuit. Le vent souffle toujours, mais moins fort qu’hier. Voilà qui va aider les pilotes dans les bouts droits. Seulement, les conséquences du changement météorologique sont énormes en terme de réglage quand on cherche la limite avec des moulbifs de 200 bourrins…
Bizarrement, le team GAGA a le sourire. C’est assez étonnant au vu des difficultés de la veille, mais René a su insufflé à l’équipe une partie de son extraordinaire dynamisme au cours de la soirée, et c’est gonflé à bloc qu’ils ont ouvert la porte du stand !
La grosse inconnue reste bien entendu le comportement de la moto, profondément modifié après la première séance de roulage. Mais aujourd’hui, le tracé australien est totalement différent, ce qui relance la donne pour tout le plateau…
Superpapy s’équipe tranquillement, sans aucune appréhension visible, mais en a t’il une seulement ? En vieux briscard du deux roues, même si l’expérience de la piste reste limitée (mais on sait ce qu’il vaut…), il a quand même eu le temps d’étudier ses adversaires et sait qu’en terme de vélocité, il soutien la comparaison. Faut simplement que le matériel lui permette de s’exprimer comme il sait si bien le faire…
Maurice semble confiant dans les chances du frangin de redresser la barre. Au cours de la soirée, il a eu une longue discussion avec Juju, ce dernier lui confiant avoir reçu un nouveau logiciel de simulation en piste. Ce truc permet, après avoir entré les données du circuit, et les derniers relevés télémétriques de la machine, de décortiquer au mètre près chaque mouvement de la moto puis, en simulant un tour parfait, d’établir une comparaison et de trouver des solutions en terme de réglage adaptés au pilote. Seulement, le logiciel est tout neuf, et sa fiabilité aléatoire…, sauf que Juju est confiant dans la qualité du produit et, sans en parler au big-chef, lequel est réticent à ce type de technologie, il a promis de passer une partie de la nuit à tester son dernier jouet… pour la bonne cause ! Et justement, en entrant dans le box, il lève discrètement le pouce en l’air en direction du Père la Gatouille…
Max, quand à lui, est plutôt nerveux. Ce projet, c’est l’aboutissement d’un rêve qui, pour l’instant, semble quand même mal parti… Mais il tente de masquer son angoisse en s’efforçant de plaisanter de tout et de rien, pour pas casser la bonne ambiance installée.
L’heure de prendre la piste approche rapidement, le véhicule de la direction de course vient de terminer le tour de reconnaissance, et les commissaires de piste commencent à s’exciter !
La pression monte lentement tandis que les mécanos sortent les motos des stands et que commence la symphonie pour mégaphone des moulins qui s’éveillent.
Le vent a beau souffler, la piste reste humide, va falloir être prudent lors des premiers tours…
L’ordre de commencer la séance est soudain donné par les haut-parleurs et les commissaires de piste agitent les drapeaux. Les mécanos effectuent les derniers contrôles, enlèvent les couvertures chauffantes et font maintenant monter les moulins en température.
René est le premier à s’élancer sur sa BIMOCATI, très vite imité par le team DUCATI CORSE. Pas mal semblent attendrent pour juger du bord de piste les conditions de roulage en laissant à la concurrence le soin de tester le bitume.
Régis et James doublent rapidement René, lequel effectue un premier tour très prudemment sans prendre le moindre risque. Deux minutes pour les hommes en rouge, vingt secondes de plus pour le Respectable. Un deuxième tour voit les pilotes DUCATI passer en 1’50, et René dans un prometteur 1’55.
On est loin des temps d’hier car la piste est sale et devenue mono trajectoire, sans compter la température au sol plutôt fraîche, s’écarter de la bonne trace, c’est risquer d’aller goûter le gravier, ce qui n’est pas le but en début de séance…
Au fil des passages, les temps descendent sous la minute quarante cinq et les autres pilotes sont maintenant en piste. La bonne nouvelle c’est que Pépère semble dans le bon rythme, mais on sent que tout le monde se cherche et s’observe.
Pendant ce temps, la température ambiante commence à monter tout doucement tandis que le vent poursuit son ouvrage en continuant de sécher le bitume. L’adhérence commence à venir au fil des tours sur la bonne traj’, et les chronos s’améliorent : 1’41 pour CORSER et LACONI, 1’42 pour KAGAYAMA qui vient de chuter sans gravité, et entre 1’43 et 1’45 pour le reste du plateau. VERMEULEN aussi tâte du bitume dans le grand droit au fond du circuit, moto détruite mais le pilote n’a rien. Puis vient le tour d’HAGA, de MC COY et de WALKER d’en faire autant, décidément, fait pas bon s’écarter de la traj’…
Et René dans tout ça ? Ben…, il reste en 1’50, comme hier, et y va de sa petite chute lui aussi !
La moto n’a pas grand-chose mais le retour au stand s’impose, l’occasion d’un premier débriefing.
" C’est un poil mieux qu’hier, explique l’Ancien, mais y’a encore du taf avant qu’cette brèle aille ou j’veux. En plus, la piste est glissante et j’ai pas pu éviter un tout droit dans l’gauche là-bas au fond. On va essayer avec l’autre machine, comme les réglages sont plus poussés, ça peut qu’aller mieux et j’commence à bien connaître le tracé maintenant… "
La piste est presque sèche à présent, mais le sable ramené par le vent oblige à garder l’unique trajectoire ou l’adhérence est maintenant équivalente à celle de la veille. C’est VERMEULEN qui vient de s’emparer de la pole provisoire, en 1’37 tout rond, tandis que Régis vient à son tour de tomber. René passe régulièrement en 1’45. C’est beaucoup mieux, mais on est loin des meilleurs quand même…
Il effectue maintenant un retour au stand tous les deux tours pour tenter de modifier les réglages mais ne parvient pas à améliorer son temps. Les autres non plus d’ailleurs, sauf … CORSER, lequel vient de claquer un beau 1’36’5 et reprend la pole !
La séance se termine ainsi, René est dix-huitième, à huit secondes de Troy quand même…
Là, Juju jette son va-tout : puisqu’on piétine autant, on ne risque rien à laisser faire l’ordinateur…
Max, un peu désemparé, se tourne alors vers Albert, Papy et Jean-Yves. Pourquoi pas après tout ? Dave et Maurice poussent aussi dans ce sens.
La séance de l’après-midi voit la météo revenir franchement au beau fixe, avec une température presque estivale et un vent quasi-nul. De plus, la piste semble nettoyée à présent, les temps vont tomber !
Cette fois, c’est une BIMOCATI profondément remaniée qui s’élance sur le tracé du bord de mer et… cette fois, ça marche… ! René, au bout de trois tours, vient de cracher un inattendu 1’37, tandis que CORSER et LACONI (encore eux…) viennent de descendre sous la barre des 1’36…
TOSELAND s’en mêle un moment en chatouillant la pôle provisoire, mais va au tas, moto détruite et douleur au bras, pour lui, la séance est terminée !
Il reste cinq minutes de roulage avant que le drapeau à damier ne s’agite. C’est maintenant Régis qui a repris la tête en 1’34’2, suivi à deux dixièmes par… ouais, toujours CORSER. KAGAYAMA est trois, cinq dixièmes derrière son coéquipier. Puis vient VERMEULEN et… René !!! Pépère, tout en glisse, a tourné en 1’35’3…
Personne n’améliorera plus.
Fin de la troisième séance d’essai. Si je te dis que dans le stand du team GAGA, c’est l’euphorie, tu me crois ?
Par contre, les autres équipes, sceptiques et amusées au début, commencent à se poser des questions sur ce drôle de petit vieux sorti de nulle part…
La rentrée au stand s’est faite sous un tonnerre d’applaudissement. Tout le monde veut ovationner le Respectable, Max le premier. Mais Pépère ne semble pas satisfait…
" Faut pas s’emballer, dit-il en enlevant son casque, y’a des progrès, c’est évident, mais j’le répète : faut pas s’emballer… "
Max et Dave ont l’impression de recevoir une douche froide face à l’attitude affichée par le pilote du team :
" Hein ? Tu veux rire ? T’as le cinquième temps provisoire !!! Franchement, tu me fais un résultat comme ça en course, je me rase la tête et je te file ma limousine… ", s’exclame le boss.
" Ta bagnole, j’m’en fout ! Que tu t’rases le crâne, ça, j’veux l’voir… Mais faut d’abord continuer sur la lancée, et c’est pas joué d’avance. Aujourd’hui, même si la brèle s’met enfin à filer droit, on a eu du bol car la piste était sale et y’avait qu’une trace. Moi, sur la route, j’ai l’habitude de rouler très vite dans cette condition, donc j’ai pas d’mérite (NDR : si c’est lui qui le dit…). Demain, si l’temps persiste au beau, les temps vont sérieusement tomber et ça va plus être la même musique. J’pense être capable de faire un truc, mais y’a des bons qui savent tourner la poignée devant. De plus, j’crois qu’la bécane elle est encore jeune en accélération, surtout face à la SUZUK’. J’ai r’marqué aussi qu’la KAWA du môme WALKER arrachait pas mal aussi. Quand à LACONI, si y s’retrouve pas par terre à rouler comme il le fait, y va êt’ dur à suivre… "
" René …, dit Maurice en hochant le tête, tu gatouilles ou quoi ? T’étais en glisse partout, tellement à l’aise qu’on aurait dit qu’tu t’baladais, et j’t’assure que sur les derniers tours, tout l’monde était devant les écrans à t’regarder faire… J’sais pas si tu t’rends compte, mais t’étais quasiment au fond du peloton, et j’avoue qu’on commençait à plus y croire, et puis d’un coup, quand l’môme a touché les bons réglages et qu’t’as r’commencé à tourner, j’ai r’trouvé l’frangin qu’je connaissais, celui qui est capable de tout…
Alors, j’t’en prie ! T’arrêtes de causer comme ça, et demain, tu r’mets l’couvert.
Au fait… J’ai parié avec Jean-Yves qu’tu montes sur le podium, alors m’oblige pas à ouvrir le porte-feuille et donne-moi raison ! "
Superpapy regarde son frangin du coin de l’œil, puis déclare à ce dernier :
" J’vais faire mon possible pour faire un truc, mais la brèle et moi on est un peu novice sur c’coup-là ! "
En tout cas, ce n’est pas tout à fait l’avis de la foule qui se presse à la porte du stand, celle-là même composée des sceptiques de la première heure…
Le soir, pendant le repas, René est au milieu de toutes les conversations, et la question qui revient le plus souvent est la suivante : comment un gars sorti de nulle part, ayant la soixantaine de surcroît, pilotant de plus une machine sortant tout juste des computers, fait-il pour aligner de tels chronos ???
Y’en a un qui se marre franchement des tronches éberluées, c’est l’père LACONI. Et il en rajoute le bougre :
" Moi, ça m’étonne pas… Un mec qui est capable de mettre à g’nou les filles comme on vu hier au soir, français de plus, j’dis qu’il a pas fini de nous surprendre…
Franchement, quand j’vois la façon dont y roule, j’vais l’garder en ligne de mire car à mon avis, c’est ce type-là qui risque de me donner le plus de fil à r’tordre, même si y’a aussi Troy et KAGAYAMA avec leurs avions d’chasse ! "
Il a lancé ça à la cantonade, et en anglais pour être certain que tout le monde comprenne…
Les journalistes, présents dans la salle, se sont aussi rapprochés de la table du team GAGA et tentent d’obtenir, avec une certaine insistance, les déclarations de l’Ancien qui est affairé à engloutir un ragoût de kangourou tout en dégustant le vin du pays, sans se soucier le moins du monde d’être l’objet de toutes les conversations.
" Bon, les baveux…, leur a déclaré Pépère, vous allez m’lâcher la grappe. J’aime pas être dérangé quand j’suis à table avec des amis. En plus j’ai faim et j’me régale… J’voudrais pas êt’ désobligeant en balançant l’plat en pleine poire à celui qui aura l’audace de m’empêcher de finir mon assiette, mais si vous continuez à m’casser les burnes comme ça, j’garanti pas le résultat ! "
Evidemment, il a dit ça en français, ce que n’a pas pigé ce journaleux italien un peu plus entreprenant que les autres… René s’est levé lentement, a ramassé le plat encore garni se trouvant au centre de la table, et, d’un geste superbe, a renversé le contenu de ce dernier sur la tête de l’infortuné personnage ahuri par la manœuvre !
" Et un rital à la sauce australienne, un !, s’exclame le Respectable en s’esclaffant, y’a d’autres amateurs ??? "
Fou rire général… sauf de l’infortuné scribouillard qui quitte la salle, mi-furibard, mi-vexé, tandis que René reçoit une salve d’applaudissement. Faut dire aussi que ce gratte-papier est un casse burettes de première selon l’ensemble du Circus, passant son temps à harceler pilotes et managers de course en course, tout en pondant des articles dont le chauvinisme extrême agace même ses compatriotes. C’est pas un mauvais bougre, mais, comme tous les ritals, il fait pas dans la demi-mesure en s’appuyant sur la liberté de la presse. Le geste de René est un peu le leur…


Episode 47 :

Les qualifs…

Mine de rien, Pépère est en train de faire son trou favorablement au sein de la petite communauté du mondial SBK. Il n’est là que pour une pige, donc pas dangereux au championnat, un mec comme lui, ça met une sacrée ambiance et c’est un bonus au niveau médiatique. Et vu la concurrence avec le MotoGP, c’est pas négligeable de voir débarquer un type pareil. Tous l’ont bien pigé, s’accordant à le considérer comme l’un d’entre eux désormais. Pépère continue son ascension !
Et puis, dans le team GAGA, il y a… les filles !!!
Max, en habitué d’un milieu ou il faut s’exhiber pour vendre, est parfaitement rodé à l’exercice qui consiste à chauffer l’assemblée par l’entremise de ses " employées ". Contre toute attente, et surtout, en désaccord total avec la promesse faite au départ de ne pas transformer le paddock en salon du X, le voilà qui ordonne à ses troupes d’entamer le show habituel.
Cinq minutes, chrono en main ! C’est le temps qu’il faut à ces professionnelles du " Popaul-lève-toi " pour mettre le feu à l’ensemble de la salle qui, bientôt, a oublié complètement le circuit et la moto !
Même le personnel de l’hôtel tient à participer à la distribution de capotes dont les flans de carénage sont à l’effigie du team GAGA : ça, c’est d’la pub…
Le lendemain matin, comme il était pressenti, c’est le beau fixe qui règne sur le circuit. La foule se presse déjà dans les tribunes pour la première série qualificative du week-end. Je te rappelle qu’elle va déterminer l’ordre de passage pour la superpole de l’après-midi. C’est pas vraiment important, mais psychologiquement, ça permet de marquer les adversaires. Le meilleur temps de la série matinale s’élancera en dernier pour tenter d’enfoncer le clou, en ayant eu le temps d’observer ses adversaires qui auront défilé un à un devant lui. Le principe c’est : un tour de lancement, et un tour chrono. Faut pas se louper…
Dans les stands, c’est l’effervescence. On vérifie tout dans les moindres détails, pas question de louper son entrée en scène pour une bricole !
Juju passe son temps à vérifier les paramètres de télémétrie des deux machines réglées de façon identique, tandis que Papy vérifie les moteurs, Jean-Yves les partie cycles, tous deux aidé par Ovomaltine, le tout orchestré par Albert, ouuuf !
Le travail est simplifié par le fait que la température de piste est exactement la même que la veille : pas besoin de toucher les réglages.
Une personne se présente soudain à l’entrée du box : Philippe MONNERET , pour EUROSPORT. Ce dernier, débarqué tôt dans la matinée, veut une interview du phénomène dont tout le paddock parle depuis ce matin. Maurice et Dave, conscients que l’ancien a besoin de se concentrer, et que, dans ces moments-là personne ne peut l’aborder sans se faire bouler immédiatement, se chargent d’expliquer à l’ex-pilote reconverti au journalisme que l’instant n’est pas approprié pour ça. C’est Max qui se charge de présenter son team à la chaîne sportive, conseillant néanmoins au " hamster " de garder un œil sur Pépère…
Le pace car en termine avec son tour de reconnaissance, tandis que le public monte doucement en température et le paddock en pression : plus que quelques minutes avant de se lâcher " pour de bon "
La tension est maintenant à son point culminant, les machines à l’extérieur, les pilotes en cuir et les commissaires à leur place.
Soudain, une sirène se met à hurler, les mécanos retirent les couvertures chauffantes et réveillent les moteurs à renfort de grands coups de gaz. Les pilotes commencent à sortir des stands pour grimper sur les machines. La séance chronométrée vient de débuter !!!
René est le premier à s’élancer. Il est calme et détendu, mais parfaitement concentré. Par contre, dans le stand, les cœurs battent la chamade. De combien vont descendre les temps et, surtout, comment va se comporter le BIMOCATI ? Chacun retient son souffle…
La météo est au beau fixe, mais la piste encore fraîche. Les chronos risquent de stagner au début ; c’est, du moins, l’avis de Max qui espère secrètement que l’écart n’ira pas en défaveur de son pilote. Seul Maurice semble confiant dans le déroulement des évènements. Faut dire aussi que le bougre est actuellement focalisé sur une des girls du team. Elle se prénomme Sophie (ben, ouais…), et c’est une magnifique brune aux yeux verts d’un mètre quatre vingt, avec une poitrine d’enfer et un arrière train semblant sortir tout droit de la planche à dessin du génial Massimo TAMBURRINI, bref, il est un peu ailleurs…
Ha ! au fait…, pendant que tu es là, faut que je t’annonce l’arrivée sur le circuit de deux journaleux que je me dois de te présenter : l’un est français, d’origine russe, travaillant à la rubrique " sport " du même canard que Grigou, ne jure que par KAWA, et se nomme Gregor BLANCONOVITCH. Pour la petite histoire, c’est aussi un cousin aux deux personnages que tu connais. Dans le milieu, il est surnommé le " diesel ", rapport à ses ronflements gargantuesques consécutifs à un goût immodéré pour le breuvage d’Ecosse que ne manque jamais d’apporter le deuxième quidam dont je vais te causer à présent. Lui, il bosse pour Racing Bike, un canard écossais spécialisé dans la vitesse. Comme Gregor, son ami, il parcourt le monde en suivant les SBK et les GP, et fait aussi des piges sur les concentres internationales. Tous deux arrivent d’ailleurs de la Principauté du Belvédère, lieu de la réunion annuelle du plus important rassemblement au monde de motards, mais ça, j’ai pas besoin de te le préciser, c’est connu dans le milieu… Le nom du journaleux ? John Band’ O Taquet, alias JBT (tu prononces : jibiti), un écossais à l’image de la boisson de son pays… Celui-là possède une expérience de la course hors du commun, il roule exclusivement en DUCATI (car ça rime avec Whisky…), et possède un coup de gaz à faire blêmir les plus arsouilleurs. Paradoxalement, il n’a jamais participé à la moindre compétition, préférant réserver son talent à faire hurler de peur les inconscientes qui osent partager la partie arrière de sa selle…
Donc, ces deux personnages sont présents ici même. Pourquoi je t’en parle ? On verra ça plus tard… Pour l’instant, place à l’action !
Dans l’immédiat, personne n’a amélioré et les chronos se tiennent aux alentours des 1’35. Ç’est la particularité du circuit australien avec une piste soumise aux aléas de l’océan, elle n’est jamais identique à la veille.
En ce début de séance, on a l’impression que tout le monde s’observe, cherchant à peaufiner les derniers réglages et laissant à l’adversaire le soin de lancer l’offensive.
Superpapy, pour sa part, se contente d’aligner les tours en 1’35/1’36, tout en passant différents pneus. A chaque retour au stand, il compulse les écrans pour vérifier la position de chacun, mais peste sans cesse contre un léger manque d’accélération à la sortie des courbes serrées, ainsi qu’un déficit de quelques kilomètres/heure au bout de longue ligne droite. Finalement, si la BIMOCATI se révèle maintenant saine en partie cycle, voir excellente en terme de maniabilité et précision au point de corde, le moulin, après avoir fait illusion au début, montre maintenant son manque flagrant de développement… Ha ! C’est pas simple tout ça…
Juju et Papy vont ce qu’ils peuvent pour tenter de combler le déficit, mais rien n’y fait ! Les SUZ et les DUCAT restent une seconde devant la BIMOCATI, sans oublier la HONDA de VERMEULEN (lequel semble passer beaucoup de temps dans son stand…). Seules les YAM et les KAWA semblent un peu en retrait, ainsi que les PETRONAS dont on attendait mieux, surtout avec un Steve MARTIN particulièrement à l’aise sur son tracé.
Le premier à se lâcher, c’est Régis : 1’34’5 à la trentième minute. Aussitôt, Troy lui donne la réplique en tournant dans le même dixième, suivant de KAGAYAMA qui, deux tours plus tard descend en 1’34’4.
On sent nettement que personne ne sortira le chrono du siècle. Quinze minutes plus tard, rien n’a évolué…
René, quand à lui, tient le sixième rang en 1’35 pile sans réussir à faire mieux , ABE est passé devant en 1’34’9.
C’est bizarre quand même… Personne ne semble en mesure de claquer une pendule en pneus course. Faudra voir dans l’après-midi avec la superpole en gommes qualif’…
Il reste maintenant cinq minutes avant la fin de séance, et Régis vient de reprendre son bien en claquant un 1’34’1, soit un dixième de mieux que la veille. C’est tout naturellement le duo du team ALSTARE qui reste en embuscade mais, KAGAYAMA est passé devant CORSER, lequel devance un VERMEULEN un peu en retrait, suivi par ABE et… René. Pépère tient son rang à la sixième place, mais surtout, il vient de descendre pour la première fois d’un dixième sous la barre des 1’35 ! Dommage qu’ABE ait amélioré son temps aussi…Fin de la séance qualificative…
Je te laisse passer la pub, et on va directement rejoindre la superpole en milieu d’après-midi.
Le temps est plus frais qu’en matinée, la cause au vent qui s’est levé et a ramené du sable sur la piste. Ça ne va pas être une partie de plaisir, surtout qu’ils ne font que deux tours…
Les pilotes, comme je te l’ai expliqué (si t’as suivi jusqu’ici…), effectuent un tour de lancement puis un tour chrono en pneus de qualification, en partant un à un dans l’ordre inverse de leur place en matinée. De cette façon, le suspense dure jusqu’à la fin de séance en faisant logiquement monter la pression avec les meilleurs passant en dernier. Le temps réalisé déterminera la place sur la grille pour les courses du lendemain.
Dés le début, tout le paddock se presse contre les murets, pilotes en cuir compris. Chacun observe les temps qui tombent progressivement, en commentant l’état de la piste, et en y ajoutant toute la mauvaise foi possible pour tenter d’impressionner la concurrence. Le plus fort, à ce petit jeu, c’est Régis LACONI. Celui-ci, à l’inverse des autres, est en jean et tee-shirt, et il se marre en racontant partout qu’ils (les pilotes) ont intérêt a savourer pleinement l’instant qui vient car, quand viendra le tour d’une certaine moto rouge portant le numéro cinquante cinq, y’en a pas mal qui risquent de pleurer…
Dans le team GAGA, on effectue les derniers préparatifs en adaptant la moto à la nouvelle configuration pneumatique, s’agit de pas se louper, surtout que René n’a jamais essayé les pneus de qualification ! Max fait les cent pas en mâchouillant un crayon, nerveusement. Albert planche sur la télémétrie en compagnie de Juju puis, en concertation avec Papy et Jean-Yves, modifient quelques réglages. René, à l’encontre des autres pilotes, est installé confortablement dans un fauteuil en sirotant… une bière ! Pour lui, comme il n’y a que deux tours à effectuer, pas besoin d’en faire un fromage. On fera le mieux possible le moment venu, c’est aussi simple que ça…
Et Maurice, vas-tu me demander… ?
En fait, on ne sait pas trop ou est passé le père La Gatouille, mais la dernière fois qu’on l’a vu, c’était pour le voir disparaître derrière les stands… Une fille manque aussi à l’appel…
A mi-séance, les temps ont commencé à se resserrer. Les ténors de la catégorie prennent les choses en main et, après avoir sérieusement fait tomber les secondes, ils se battent maintenant à coup de dixièmes !
Les HAGA, MC COY, MARTIN, GIMBERT et compagnie sont tous sous la minute trente quatre. Puis vient le tour de MUGGERIDGE de claquer un superbe 1’33’6, imité par PITT qui, sur sa YAM, fait un joli 1’33’4. TOSELAND le colle en 1’33’45 et WALKER, lui, se loupe et se retrouve au 11ème rang provisoire.
Vient ensuite le détenteur du sixième temps de la matinée, j’ai nommé… René !
Pépère s’élance doucement mais, à l’abord du cinquième virage, on, le voit secouer la tête sur les écrans. Ce geste n’a pas échappé à l’ensemble du team, et tous retiennent leur souffle…
L’Ancien revient maintenant vers la ligne droite, et passe devant les cellules de chronométrage : la BIMOCATI change de sonorité, et la pendule tourne !
Au premier partiel, René est dans le wagon. Pas plus rapide que les autres, mais pas moins non plus. Il améliore dans la seconde partie en grappillant deux dixièmes à la référence de la séance. On sent qu’il se donne, agressif au possible, et son trois cylindres file droit !
Du bord du muret, Régis, maintenant en cuir, encourage son adversaire en poussant de grands cris, même si René ne peut bien sûr, ni l’entendre, ni le voir. Ce LACONI, c’est quelque chose quand même, avec une générosité débordante et une passion intacte malgré les années consacrées à la piste. Tous sont conscients de l’exploit qu’est en train de réaliser ce bonhomme de soixante berges, mais lui seul se permet d’exprimer son enthousiasme ainsi, sans se soucier des autres…
Dernier partiel, René est en avance de deux dixièmes sur la pole provisoire, et il semble accélérer encore…
Dernier virage, Pépère arrive vite, trop vite selon l’ensemble du paddock pendu aux écrans…
On le voit prendre les freins très tard puis, d’un coup, élargir de la bonne traj’ pour sortir dans le bac à gravier !!!
Tombera, tombera pas ! Un murmure parcourt l’assemblée tandis que tous gardent les yeux rivés sur les écrans…
René jardine quelques instants, mais il ne coupe pas ! Au prix d’une gerbe phénoménale de graviers projeté par sa roue arrière, Pépère arrive à reprendre la piste et fonce, nez dans le guidon, vers la ligne d’arrivée !
C’est sous un tonnerre d’applaudissement qu’il passe devant la cellule de chronométrage en 1’33’7, douzième temps provisoire. Son tout droit vient de lui faire perdre le bénéfice d’une bonne place, mais l’exploit n’est pas passé inaperçu…
Fou furieux qu’il est l’Superpapy en rentrant dans son box :
" C’est pas possible, des pneus d’mer… comme ça !!! Ca colle, mais ça t’pousse au derche comme un colombin… Dans l’dernier virage, j’ai essayé d’la placer au point d’corde, et c’t’andouille de bécane, elle a filé tout droit. Heureusement, dans l’gravier, c’est comme quand on roule sur nos routes pourries par la D.D.E. au printemps ! J’ai fait pareil et elle a repris la piste. Mais merde ! C’est con d’louper une bonne place à cause de ça !!! "
Personne n’ose dire quoi que ce soit, et vaut mieux le laisser se calmer dans ces cas-là…
Pendant ce temps, sur la piste, la chasse à la pole continue. ABE vient de faire 1’33’2, VERMEULEN, le couteau entre les dents, claque quand à lui 1’32’7. KAGAYAMA, pour sa part, enfonce le clou en 1’32’5. Vient alors le tour de CORSER de s’élancer. L’australien donne tout ce qu’il a, et, avec une attaque incroyable, il passe sous la cellule en 1’31 tout rond !!!
Dans le paddock, tout le monde est sous tension et les regards se tournent vers le DUCATI CORSE, et en particulier vers Régis qui vient de quitter les stands. Le français va vite, très vite. Mais, visiblement, ce qu’il gagne en entrée de courbe est aussitôt perdu à la sortie ou la DUCATI semble scotchée. Mais Régis est bien décidé à ne pas baisser les bras, et il attaque de plus belle et passe sous la cellule en… 1’31’05. La superpole est pour Troy CORSER, mais bon sang, quel spectacle !!!
Et demain, ce sont les courses… René s’élancera finalement en quatorzième position. C’est pas idéal, mais bon, ça aurait pu être pire…
Dans le stand du team GAGA, l’ambiance est mitigée. La moto, pourtant légèrement en retrait par rapport à la concurrence, va bien, ce qui récompense l’équipe de l’énorme travail effectué pour l’amener à un tel niveau. Mais surtout, le pilote de remplacement, joker improbable à priori, est très vite lui aussi ! Franchement, qui aurait misé un centime sur les chances du Respectable de rouler avec une telle vélocité au sein de ce que je te rappelle être une épreuve de championnat du monde ? Maintenant, partant de la quatrième ligne, va falloir jouer des coudes pour se frayer un passage au milieu d’un pack de furieux qui ne vont rien lâcher, alors qu’une deuxième ligne lui tendait les bras… Mais ça, c’est les aléas de la course, et faut composer avec !
Reste plus qu’à mettre au point une stratégie pour demain…
Pendant ce temps, c’est les interviews au micro des invités de la première ligne avec CORSER, puis LACONI, KAGAYAMA, et VERMEULEN en outsider de luxe. Deux SUZUKI, une DUCATI et une HONDA. Chacun y va de son petit commentaire pour tenter d’impressionner l’autre, mais tous tiennent à saluer la performance de ce vieux bonhomme qui, sans ce tout droit, serait peut-être avec eux à répondre aux journalistes.
Max a rassemblé ses troupes. La porte du box est fermée et les journalistes priés de s’adresser à la concurrence. Le team est en huis clos pour la préparation des courses, et ce soir, tout le monde au lit de bonne heure. La distraction aura lieu après l’épreuve, suivant les résultats obtenus…
Pour résumer, René peut aller aussi vite que les meilleurs, mais au prix d’une prise de risque plus importante, chose démontrée avec les pneus de qualif’. Là, tout le monde va partir en gomme de course, ce qui nivellera les temps et diminuera l’écart de niveau des machines. On peut donc raisonnablement espérer une place dans les dix. Difficile de faire mieux en partant de la quatorzième position, car le temps de se frayer un passage pour remonter, les autres, devant, auront eu le champ libre pour s’échapper et se mettre à l’abri. Si la BIMOCATI avait montré plus de vélocité, tout aurait alors été possible, mais là, va falloir composer avec une bagarre en paquet, ce qui fait inévitablement perdre un temps que la machine ne permettra pas de rattraper. Voilà pour la théorie, étalée à froid sur le papier.
Autre chose maintenant : physiquement, René va t’il être en mesure de garder le même rythme pendant les deux manches ? Ils n’ont pu faire aucune simulation sur la durée complète d’une manche, et c’est un point important sur lequel il va falloir compter…
Les conditions atmosphériques vont aussi avoir un rôle déterminant à jouer : si c’est sec, le rythme va être très élevé, ce qui sera d’autant plus handicapant pour remonter. S’il pleut, alors là, on peut espérer voir Pépère faire un truc. Les longues années passées sur la route dans des conditions délicates, conjuguées à un incroyable talent à tourner la poignée, voilà qui risque de donner un cocktail à même de surprendre. C’est en tout cas le constat qui ressort des premières journées passées sur le circuit australien.
Juju s’est renseigné par le biais du net, le vent d’ouest ramène les nuages du large, et il est prévu quelques gouttes de pluie dans le courant de la journée du lendemain.
Soudain, OVOMALTINE, le p’tit suisse, l’arpette de l’équipe, demande la parole :
" J’ai une idée : la moto manque d’accélération ? Hé bien, on a qu’à utiliser la mixture à Maurice pour la booster un poil ! "
Tous regardent le môme quelques instants, puis Albert répond en hochant la tête :
" Effectivement, on pourrait… Mais t’as pensé au contrôle de la moto après la manche ? Si on fait un truc comme ça, on court droit à la disqualification… "
" Pas si personne n’est en mesure de déceler le procédé… ", réplique aussi vite le gamin avec un petit sourire.
Du coup, c’est Max qui intervient :
" Vas-y, explique toi ! on t’écoute… "
" Voilà : ils contrôlent la moto et le carburant, n’est-ce pas ? "
" Oui, et alors ? "
" Le produit est volatile et ne laisse aucune trace… "
" Sauf mélangé à l’essence ! "
" Hé bien, y’a qu’à l’injecter ailleurs… "
Papy s’en mêle, soudain intéressé :
" Continue… "
" J’avais pensé à disposer un système amovible à base d’une seringue planquée sur René ! On fixe une durite reliée sur les cornet d’admission du système d’injection à l’aide d’une colle rapide, y’aura qu’à tirer d’sus pour le balancer dans l’tour de salutation du public, et basta ! Ni vu, ni connu… "
Le staff se regarde un long moment sans rien dire, puis les visages s’illuminent : et pourquoi pas après tout… ?
Juju enchaîne en s’enflammant :
" On peut perfectionner le truc en le pressurisant à l’aide du compresseur dans un petit tube qu’on planquerait dans le cadre. Comme ça, on fait entrer plus de " liquide miracle ", et je peux très bien fabriquer un système électronique télécommandé pour l’actionner depuis le commodo du bracelet gauche par exemple. Jamais personne ne pensera à vérifier l’utilisation réelle du bouton. La durite qui sortira forcement du cadre, pourrait être fixée à un raccord rapide, elle-même relié à une ficelle qu’il suffira à René de tirer pour la faire disparaître... Aucune difficulté pour moi à concevoir une telle chose ! "
Max jette un regard sur Juju, cherche l’approbation d’Albert, Papy et Jean-Yves, puis déclare :
" Feu vert, les enfants !!! Et bravo pour ton idée, le môme ! "
Seul René semble faire la moue :
" C’est d’la triche vot’truc ! Franchement, vous pensez que j’vais accepter un machin commac ? "
Dave intervient à son tour :
" Tu sais, mon vieux, dans l’monde de la course, ça s’est toujours fait, et ça se fera toujours. Le principal est le résultat final. Tant qu’il ne s’agit pas de porter un coup bas à l’adversaire, le reste fait partie du jeu ! Faut simplement savoir naviguer avec les règlements, se faufiler entre les obligations et les contrôles, et faire en sorte d’être les plus malins. Si on peut tirer avantage d’une quelconque possibilité, on le fait, quitte à frôler l’illégalité. Là, avec la recette miracle qu’a apporté Maurice, on s’rait bête de pas profiter d’un truc comme ça. Et les autres, eux, n’hésiteraient pas non plus… "
A Maurice d’ajouter :
" Ils ont raison René, en plus t’inquiète pas, j’en ai encore pour ma conso personnelle ! "
Là, c’est un gigantesque éclat de rire qui s’empare du team au grand complet !
Superpapy les regarde un à un, semble réfléchir en se grattant le menton, puis finit par déclarer en soupirant :
" Bon ben…, allez-y… ! "
Chacun applaudit, et Max lance :
" Au boulot, les gars !!! "
Le Juju se met aussitôt en quête d’un tube pouvant convenir, qu’il trouve rapidement. Puis il s’empare du post à soudure de Jean-Yves pour, au bout d’une trentaine de minutes, observer la pièce qu’il tient entre les mains d’un air satisfait. Ensuite, il va fouiller parmi la tonne de matériel électronique qu’il trimballe toujours derrière lui, choisit des composants qu’il installe dans son fameux tube. Ceci fait, le " Mike GYVER " improvisé demande à Ovomaltine de lui ramener un commodo, lequel subit une transformation qui demanda un certain doigté et pas mal de patience. Une durite est ensuite fixée sur le tube, puis Papy branche le compresseur, au bout duquel est fixé le pistolet à peinture rempli d’un peu d’eau. Une valve est installée à l’extrémité du tube, puis Juju y effectue un branchement électrique. OVOMALTINE, une fois le compresseur en charge, branche le raccord du pistolet sur le tube, et injecte le mélange à l’intérieur. Une fois cette tache terminée, Juju branche le système sur une batterie, puis touche du pouce le bouton installé sur le commodo. BINGO !, ça marche !!! Un brouillard se trouve aussitôt pulvérisé par le tube, et tout le monde applaudit !
Reste plus qu’à installer le système sur la machine. C’est le boulot de Jean-Yves et Papy, aidé du génial Ovomaltine, l’auteur de l’idée. Ceci prend une bonne trentaine de minutes. Suite à quoi, le tube est chargé du véritable carburant, tandis que Juju branche les capteurs tests sur la moto. Le travail effectué, la machine est mise en route, chauffée soigneusement, puis l’informaticien effectue des relevés télémétriques en sortant les courbes à l’imprimantes. Un second test est fait ensuite, cette fois en appuyant sur le bouton " miracle " : une courbe bien différente sors de l’imprimante. Juju les compare, lève la tête avec un petit sourire, puis déclare :
" Vingt chevaux de gagnés, sur tous les régimes, et sans préparation mécanique !!! "
Là, c’est l’explosion de joie dans le box, et même René, réticent au départ, finit par s’y mettre et déclare :
" Bon, maintenant j’vais pouvoir déboîter sans déplier les rames… ! "
Reste plus qu’à fabriquer un second système identique pour la deuxième moto, et l’installer. C’est le travail de l’équipe technique, laquelle mangera un casse-croûte sur place, car ils auront ensuite à vérifier intégralement les deux motos dans les moindres détails, suivant une check-list préparée par l’usine et peaufinée par Albert.
Pendant ce temps, René va dîner léger, tout en évitant les journalistes, puis monte se coucher de bonne heure pour être en forme au rendez-vous qui l’attend demain. Max, quand à lui, passe la soirée avec Dave, tandis que Maurice vient de sortir son flacon " miracle " de sa poche. Il cherche ensuite quelqu’un du regard, qu’il trouve rapidement. Son œil s’illumine alors, puis il se lève et demande à la personne intéressée :
" Sophie, connais-tu la chevauchée fantastique du motard solitaire ??? "
Dimanche, très tôt dans la matinée…
Comme prévu, dans la nuit le ciel s’est couvert de lourds nuages gris menaçants. Il ne pleut pas, la température est clémente, mais on sent nettement que la piste sera arrosée au cours de la journée…
René s’est levé de très mauvaise humeur, rapport à son frangin, car Maurice a ronflé toute la nuit. Un des effets pervers de la potion miracle (faudra en parler au comte SATOVITCH…)
Tu vas me dire, Pépère est très souvent de mauvaise humeur au réveil. C’est le lot de tout être humain dès qu’il prend de la bouteille, et Superpapy n’y échappe pas !
Comme chaque matin, il enfile un survêtement, va courir quelques bornes à l’extérieur, se douche, puis file prendre un p’tit déj’ copieux. Vu la tête qu’il tire en entrant dans la salle de restauration de l’hôtel, l’équipe prend soins d’éloigner les journaleux curieux de prendre la température du doyen du paddock.
Maintenant, LA COURSE (en anglais : THE RACE). Direction le circuit, et place à l’action…
Bon sang, quelle foule !!! Les tribunes sont déjà pleines à craquer. Y’a des drapeaux de toutes les couleurs, portants différents numéros à l’intention de pilotes biens précis. Beaucoup de supporters pour les locaux de l’étape. Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de CORSER, VERMEULEN, MUGGERIDGE, PITT, MARTIN et le nouveau copain du Respectable, MC COY. Sont vernis les australiens avec une telle représentation, et on sent que la population locale aime la moto au vu du nombre de supporters présents. Il y a aussi des italiens, des anglais (moins nombreux), et quelques français richissimes qui se sont tapés le voyage (arrête de rêver, t’as pas les moyens…)
Les haut-parleurs diffusent de la musique, entre deux infos, tandis que dans les stands, les mécanos sont déjà à pied d’œuvre. Les portes des box commencent à s’ouvrir, et quelques mégaphones se font déjà entendre, couvrant la sono.
Mais pour l’instant, malgré cette effervescence, une certaine sérénité règne encore. Sorte de calme avant la tempête mécanique qui ne va tarder à se déchaîner, un peu comme le ciel, étrangement calme sans un souffle de vent. D’ailleurs, pas mal de regards inquiets scrutent les cieux en croisant les doigts…


Episode 48 :

Le warm-up…

René est dans son box, équipé de cuir. Il attend tranquillement en discutant avec Max, Dave et son frère, que retentisse la sirène donnant le départ de la toute dernière répétition avant le début des hostilités. La moto numéro un se trouve déjà à l’extérieur, équipée des couvertures chauffantes, avec les mécanos affairés aux ultimes vérifications sous la direction d’Albert.
Aucune tension ni appréhension particulière ne semble lisible sur le visage de l’Ancien. Il plaisante sur les " performances " de son frangin, qu’il compare à une espèce de Hide de la gent féminine dès l’absorption de son curieux breuvage, conseillant néanmoins à ce dernier d’éviter d’en verser dans le réservoir de sa KAWASUKI. Cette dernière, à l’image de son propriétaire, risquerait de grimper sur son pilote… Et à son âge, deux cent kilos de métal sur le dos, vaut peut-être mieux éviter ! Hilarité totale dans l’assemblée, sauf de l’intéressé en question qui rétorque que le moment venu, y’en a un qui sera bien content d’en avoir recours pour booster l’injection de sa BIMOCATI…
Ce qui me fait en revenir au fameux stratagème du team GAGA. René n’aura droit qu’à trois impulsions au cours de la manche, et va falloir s’en servir à bon escient…
Cette fois, la sirène vient de retentir. Pépère, toujours aussi calme, enfile son casque en vérifiant la jugulaire, puis ses gants. Ensuite, il se lève et sors du box pour se diriger vers la machine qui chauffe à renfort de grands coups de gaz, les couvertures chauffantes enlevées. René, avant de grimper sur la moto que lui tend Papy, jette un regard autour de lui et croise les yeux de Régis LACONI, sorti du box voisin. Celui-ci lui lance un sourire et lève le pouce en l’air, comme pour l’encourager. Puis c’est le moment de s’élancer pour l’ultime répétition. Pépère enfourche son trois cylindres, abaisse la visière de son casque, et doucement, lâche l’embrayage en tournant la poignée droite.
L’équipe s’est mise d’accord pour que René ne recherche pas le chrono. De toute façon, sa place sur la grille est déjà déterminée. Son rôle va être de déterminer la bonne monte pneumatique pour la course, à partir des réglages fixés la veille. Son manque d’expérience l’a en effet obligé à ne se consacrer qu’à la mise au point de la partie cycle et du moteur. Se perdre en plus avec le choix des gommes, surtout avec cette météo aléatoire, aurait risqué de passer à côté d’un bon setting.
L’ancien commence d’abord par effectuer deux tours de reconnaissance, puis en effectue trois en 1’37, et regagne les stands.
" Elle marche pas mal, très stable au freinage, mais j’ai un peu d’mal à la faire plonger et on dirait qu’elle fuit la corde. Passez moi un soft avant ! Par contre, j’garde l’arrière, si il tient toute la manche, ça va saigner !!! "
Plutôt motivé, Pépère ! Aussitôt l’équipe s’exécute, tandis que Juju effectue les premiers relevés télémétriques.
René repart pour un tour de lancement, puis un tour " vite " en 1’35. Nouveau retour par les stands de l’Ancien qui a le sourire aux lèvres, au grand soulagement de son équipe.
" Au poil ! ", fait-il, visiblement satisfait.
Vérification de l’état des pneus et nouvelle intervention de l’informaticien. OK !, fait celui-ci à Albert, un peu anxieux. Ce dernier s’adresse alors à " son " pilote :
" Bon, si la monte te convient, tu vas maintenant partir pour dix tours rapides, dans le rythme de la course ; c’est à dire, aux alentours des 1’36. Ensuite, sauf si un truc cloche avant, tu repasses au stand et on vérifie l’usure pour être certain que le soft va tenir la manche, ça marche ? "
" OK pour ça ! ", répond René en reprenant la piste.
Un premier tour de lancement, puis Pépère commence à visser. Il oscille entre 1’35 et 1’37, au gré du trafic sur la piste, mais à chaque passage le Respectable lève le pouce en l’air en passant devant le muret des stands. Tout semble se dérouler pour le mieux dans l’immédiat. Seuls LACONI, CORSER et KAGAYAMA semblent avoir déjà commencé à s’expliquer ! Les trois hommes ne se lâchent pas et tournent régulièrement en 1’34, comme pour se défier. Ce rythme sera quasiment impossible à imprimer en course, mais on sent que le trio piaffe d’en découdre et cherche à impressionner l’adversaire…
René, pour sa part, besogne dans son coin. Il continue de s’habituer tranquillement à sa BIMOCATI sans prendre le moindre risque, s’appliquant à chercher de nouvelles trajectoires en s’efforçant de conserver le même rythme. Bref, il se prépare tout en testant la longévité des ses pneus, et pour l’instant, la belle italienne semble tenir la cadence sans problème.
Dixième tour d’affilée de bouclé et nouveau passage au box. Pépère est dans son truc, concentré au possible, le regard au loin mais l’œil brillant…
L’équipe se précipite sur la moto, tandis que René redescend lentement sur terre : un pilote est toujours dans un état second, même après un round d’une dizaine de tours, quand approche l’heure du premier départ. A partir de ce moment, il ne voit plus rien, n’entend plus personne. Il est déjà dans sa course et ne fait qu’un avec sa machine. Seule compte pour lui alors le tracé de la piste dont l’image ne le quittera plus avant le premier feu vert.
La BIMOCATI, rentrée dans le box, est aussitôt auscultée tandis que René, toujours casqué, vient s’asseoir sur le fauteuil qui lui est réservé. Il s’enfile, à l’aide d’une paille, une boisson énergétique que lui tend Maurice, tandis qu’Ovomaltine recharge les écrans jetables de la visière de l’Ancien, toujours silencieux.
La seconde machine se trouve à l’extérieur, prête à partir. Un simple regard entre Albert et René suffit. Superpapy se relève, sort du box, enfile sa monture et repart. Dix nouveaux tours sont effectués, sensiblement dans les mêmes chronos, dont un en 1’34’3. Puis Pépère lève la main, regagne la voie des stands et rentre cette fois définitivement. Le warm up n’est pas encore fini, mais René est prêt, sa moto aussi…
Toujours dans un état second, il enlève ses gants, son casque, et regarde sa machine avec une lueur bizarre dans les yeux (Max et Albert l’observent sans rien dire : ils savent exactement ce que l’Ancien ressent à ce moment…). Puis le Respectable tombe le cuir, toujours sans parler, enfile un jean et un tee-shirt, puis sort du stand et regagne sa chambre une bonne demi-heure. Besoin de se retrouver seul pour se préparer mentalement. La pression monte dans l’équipe. Dehors, le warm up des supersports vient de débuter. Dans une heure très exactement, le départ de la première manche du mondial SBK sera donné…
Trente cinq minutes plus tard, l’Ancien est de retour. René semble présent beaucoup plus détendu, il est même arrivé en sifflotant ! Dans le team, par contre, la tension est à son comble : Max n’arrête pas de griller sèche sur sèche, Albert vérifie cent fois les relevés télémétriques de Juju, tandis que les trois mécanos continuent de s’affairer sur les machines. S’agit pas de se louper pour un détail oublié…
Pendant ce laps de temps, y’en a trois qui se sont fait gentiment refouler à la porte du box : le gars MONNERET et le duo BLANCONOVITCH/JBT. Pas d’infos ni interview avant la fin des courses, consignes du boss. C’est Maurice, accompagné de Dave, qui s’est chargé de les éconduire en y mettant les formes (on est jamais trop prudent avec la presse…)
René s’équipe maintenant tranquillement, et c’est fou ce qu’il semble calme alors que le départ est prévu dans moins de quinze minutes !
Max s’approche de lui, un peu étonné par l’attitude du Respectable :
" Dis-donc, mon vieux, t’es OK ??? "
René le regarde en rigolant, tout en finissant d’enfiler le cuir :
" Relax, mec ! J’crois qu’j’ai jamais été aussi en forme. J’avais b’soin d’rester seul, histoire de r’visionner tout ça tranquillos, pis j’ai pensé qu’un peu d’étirements me f’raient pas d’mal : alors j’ai fait quelques exercices… "
A ce moment, une girl vient de pénétrer dans le stand. Belle plante dans son collant moulant ses formes généreuses, mais la fille semble un poil essoufflée par un effort récent, et sa magnifique chevelure est ébouriffée… En passant devant Pépère, elle lui lance une œillade de connivence !
Max, voyant le manège, éclate de rire et déclare à l’Ancien :
" Toi ? On peut pas dire que tu fais les chose comme tout l’monde… !!! "
René rétorque, en se marrant aussi :
" Celle-là au moins, au niveau réglage, elle est parfaite. Tu verrais comme elle pousse en sortie d’courbe… "
La sirène vient de retentir : le trois cylindre chauffe déjà à l’extérieur, et Pépère se lève en sifflotant pour sortir du box et se diriger vers la moto que lui tend Albert. D’un coup, le regard du Respectable semble avoir retrouvé toute sa concentration. Il entame le tour de formation et vient se placer sur la quatorzième position de la grille de départ, juste à côté de son copain MC COY.
Tout le monde a coupé les moteurs, et les machines sont maintenant béquillées, les pneus revêtus des couvertures chauffantes. Chaque pilote a enlevé son casque, pour la présentation au public. Au delà de la première ligne, un pilote attire particulièrement l’attention. Le team GAGA au grand complet est rassemblé autour de René, avec les vingt filles en collant… Je peux t’assurer que ça ne passe pas inaperçu ! Les caméras n’arrêtent pas de zoomer dans leur direction, en s’attardant très peu sur le reste du plateau. Déjà le fait de l’age du Respectable, lequel semble avoir débarqué comme un chien dans un jeu de quilles, même si son temps de qualification ne reflète pas vraiment l’exploit réalisé. Alors, avec de plus les activités sulfureuses du boss de l’équipe, et entouré ainsi, l’équipe en jette et les journalistes n’ont qu’une envie : réussir à obtenir quelques mots de René avant le départ. Là, les filles, toujours sur instruction de Max, ont formé une espèce de bouclier autour de l’Ancien, empêchant ainsi une quelconque intrusion.
Soudain, la sirène retentit de nouveau ! Les mécanos redémarrent les moulins, enlèvent les couvertures chauffantes, et bientôt ne restent sur la piste que les pilotes sur leur machine. Un commissaire, deux drapeaux jaunes à la main, commence à les agiter, libérant ainsi les lignes pour le tour de formation. Cette fois, c’est parti…
Tourne vite la page suivante… Si t’aimes les émotions fortes, tu vas être servi !!!


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Episode 49 :


Les courses !!!

RACE 1 :
Pendant les quatre kilomètres quatre cent qui le ramènent vers la grille de départ, Pépère cogite en hochant la tête. Il regarde à gauche, à droite, voit le public derrière les grillages et dans les tribunes. Jetant un regard vers les cieux, il remarque l’hélico qui le suit. Autour de lui, une bonne trentaine de machines zigzaguent sur la piste pour conserver les pneus en température. Intérieurement, ça le fait marrer tout ça :
" Mon vieux René, se cause t’il à lui-même, franchement, tu crois qu’t’es VRAIMENT à ta place ici ??? Y s’rait p’têt temps d’voir à ralentir les délires, car tu t’vois faire une carrière de pilote à ton âge ???????? Qu’est-ce que j’raconte, moi… ? Au fond, c’est c’que j’avais toujours rêvé, et maintenant qu’on m’laisse jouer avec les mômes, j’va pas m’en priver, cré bon diou !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! "
Les pilotes, de retour dans la ligne droite, commencent à se placer sur la grille. L’Ancien, ça lui fait une impression bizarre au début, mais déjà la concentration reprend ses droits. Tout le monde attend maintenant que le commissaire libère la piste. Le safety car vient se placer derrière la meute, signe du départ imminent : un coup d’œil sur le côté, et l’homme aux drapeaux les agite en s’éloignant rapidement. Le feu rouge s’allume : René est à présent dans un état second, occultant ses adversaires, le bruit du moteur et du public, pour ne plus voir que cette lueur pourpre. Ne surtout pas se rater : ni trop rapide, pour pas risquer de percuter le gars devant, ni trop lent, pour pas gêner les suivants, tout en pensant à se faufiler, histoire de tenter de grappiller quelques places au bout de la ligne droite. Mine de rien, le départ est capital, mais plein de trucs à cogiter. René n’a pas l’habitude de ça, car pour lui, c’est la première fois… Il tient le levier gauche comme si sa vie en dépendait, tout en maintenant le trois cylindres en régime. Plus que deux secondes…, une éternité pour lui ! Une seconde…
VERT !!!!!!
Le pack s’élance dans un bruit assourdissant. Régis pointe déjà en tête, emmenant dans son sillage les deux pilotes ALSTARE ainsi que VERMEULEN et PITT. Plus loin, un accrochage s’est déjà produit entre MUGGERIDGE, HAGA et ABE : les trois sont au sol, heureusement sans mal ni encombrement de la piste, mais pour eux la course est déjà terminée…
René est bien parti. Il a profité de la parfaite progressivité de sa BIMOCATI pour se retrouver neuvième au premier freinage, au coude à coude avec… MC COY (décidément, ces deux là…). Garry, dans son style habituel, fait glisser sa PETRONAS en précédant un Respectable qui s’accroche à lui comme un morbac. Après un demi-tour, les deux pilotes ont déjà creusé un petit écart sur le groupe composé de BUSEI, GIMBERT, CORRADI et SANCHINI d’environ une seconde !
Devant LACONI est toujours en tête, suivi de KAGAYAMA, CORSER et PITT, lequel vient de doubler VERMEULEN. TOSELAND suit à une encablure. Un peu plus loin, on trouve WALKER, un peu esseulé, puis le duo MC COY/René, un poil décroché. Les quatre hommes en tête commencent déjà à s’échapper, à raison d’une demi seconde au tour, mais derrière les positions restent stables.
Pour l’instant, Pépère semble observer son adversaire sans rien tenter. Dix tours passent ainsi sans fait marquant, si ce n’est que devant, CORSER vient de doubler son coéquipier, ainsi que Régis, pour prendre la tête de la course. Régis s’accroche, mais rien n’y fait : Troy semble à présent sur une autre planète, ainsi que Yukio qui le déborde aussi dans le grand droit au fond du circuit. La DUCATI marche fort en ligne droite, mais marque le pas en accélération face aux deux quatre cylindres nippons.
Nous sommes maintenant à mi-course, et les positions semblent figées. Au quinzième tour, TOSELAND, qui s’est rapproché de VERMEULEN, tente de doubler ce dernier… et chute sur un freinage loupé, emmenant l’infortuné Chris avec lui. Dans l’histoire, René vient de récupérer la septième place !!!
Du bord de la piste, Max tente de panneauter son pilote, l’invitant à conserver ce rythme pour économiser ses pneus : Pépère tourne en 1’35, et derrière le pack est à une seconde trente. Il est donc un peu à l’abri d’un éventuel retour dans l’immédiat. De même, tenter d’attaquer MC COY immédiatement serait une bêtise : l’australien ne fait aucune erreur, preuve qu’il peut encore accélérer. Si René le double tout de suite (oublie pas qu’il n’a qu’à appuyer sur son bouton magique pour déboîter…), Macadam Cowboy le repassera instantanément en profitant des meilleures reprises de sa machine (et l’Ancien ne peut bénéficier que de trois coups de boost…)
Au dix huitième tour, le Respectable (qui reste le nez dans la bulle, au grand dam de son panneauteur…) passe à l’offensive. Il s’est collé dans la roue de l’australien pour le déboîter sans effort au bout de la ligne droite. Sur les écrans géants, on a nettement vu la BIMOCATI faire un bon en avant en crachant des flammes par ses mégaphones !
Instantanément, Pépère creuse un petit écart sur son poursuivant au prix d’un angle de cintré dans le gauche suivant. Mais GARRY s’accroche… Les deux pilotes ont haussé le ton et sont maintenant en 1’34’5, presque dans les temps des leaders !!!
Mine de rien, l’australien semble incapable de redoubler le pilote du team GAGA. Peut-être a t’il tapé dans ses pneus ? Peut-être, mais… pas sûr, car MC COY n’est pas né de la dernière pluie !
Dans l’histoire, c’est WALKER qui voit revenir le duo sur lui : dans l’avant dernier tour, René fond sur lui et le double irrémédiablement dans un petit droite assez vicelard. De nouvelles flammes ont surgi des silencieux… Mais on sent que la BIMOCATI commence à bouger sérieusement, ce que ne manquent pas de remarquer les pilotes PETRONAS. À l’entame du dernier tour, René perd le bénéfice de sa cinquième place en se faisant redoubler par Chris et Garry à la sortie du droite au fond du circuit, mais Pépère s’accroche, bien décidé à ne pas lâcher le morceau…
Sur le bord de piste, la crise cardiaque est proche pour l’ensemble du team GAGA. Max a laissé tomber son panneau et se cache les yeux, Dave croise les doigts en récitant une prière, les mécanos se rongent les ongles, Albert est retourné dans le box et seul Maurice, tel un gosse, continue à encourager son frangin qui bastonne pourtant à l’autre bout du circuit…
En tête de la course, la bagarre fait rage aussi entre les deux pilotes ALSTARE, à l’avantage toutefois du japonais, mais derrière, Régis vient de se faire une chaleur et se retrouve quatrième, doublé immédiatement par PITT, lequel s’octroie maintenant le dernière marche du podium !
C’est ainsi que les quatre premiers passent le drapeau à damier, alors que le public est debout, poussé par le speaker pas chauvin pour un rond. Le gain pour la cinquième captive plus que la victoire des ALSTARE boy’s … C’est du délire sur la piste avec ce type de soixante berges face à deux locaux, qui plus est, pilotes de pointe !!! Tout le monde espère secrètement que René viendra à bout des deux australiens : l’histoire serait si belle ainsi…
Il reste moins d’un demi-tour à parcourir, et les trois pilotes sont toujours roues dans roues. WALKER, de très peu devant MC COY, avec notre Superpapy national en embuscade. Plus que trois virages… René tente de déborder Garry au freinage, mais ça ne passe pas, l’australien fermant fort logiquement la porte. L’avant dernière courbe, un gauche serré, donne droit à un morceau d’anthologie de la course : MC COY, tout en travers, tente un intérieur sur WALKER, tandis que Pépère se place à l’extérieur pour les déborder d’un seul coup… Les trois se retrouvent de front, alors qu’en théorie il n’y a qu’une seule trajectoire !!!
A ce moment, ça hurle dans le public, et les caméras sont toutes sur le trio. Les carénages se touchent, aucun ne voulant céder, et c’est René qui est obligé de mordre dans l’herbe pour ne pas se sortir. Mais l’Ancien est survolté : il ne coupe pas et reprend très vite la bonne traj’ à la poursuite des deux autres qui ne l’ont bien sûr pas attendu…
Tu te souviens du freinage de SCHWANTZ sur RAINEY à HOKENHEIM en 91 ? Ben imagine notre Respectable qui vient de refaire son retard au prix d’un travers incroyable, les deux roues bloquées, à l’abord de la dernière courbe… Et c’est pas tout, la BIMOCATI crache à nouveau des flammes, Pépère vient d’actionner pour la dernière fois son bouton magique… Le trois cylindres transalpin a accéléré comme une balle, et cette fois l’extérieur fut imparable : René est ressorti le premier du dernier gauche et c’est lui qui termine à la cinquième place sous les hurlements d’un public au bord de l’hystérie !!!!!!
La foule a escaladé les grillages, envahissant la piste, alors que des pilotes passaient seulement sous le drapeau à damier : t’imagines ???
Dans le team GAGA, le délire règne ! Cette cinquième place obtenue de haute lutte vaut plus qu’une victoire, et jamais personne n’aurait osé y songer sérieusement avant ce moment historique…
René, fourbu par l’effort, a bien du mal à terminer son tour d’honneur tellement chacun tient à le féliciter, pilotes compris. Il regagne tant bien que mal la voie de stands, et se précipite dans son box dont les mécanos ferment aussitôt le volet roulant, au grand dam de la foule !
A l’intérieur, à peine descendu de la moto, l’Ancien a juste le temps d’ôter son casque qu’aussitôt l’équipe entière le soulève du sol pour le porter en triomphe ! Là, c’est trop pour le Respectable…
" Mais Bor..el de Me..de !!! Z’allez me laisser souffler un pneu ou va falloir que j’en étripe un ??? Franchement, c’est pas possible ! Je termine même pas sur le podium, et tout l’monde se précipite comme si j’étais l’pape en personne !!! Maurice !!!!!! File-moi une bière et aide-moi à enlever l’cuir : j’suis vidé… "
Max a bien du mal à se contenir :
" IN-CROY-ABLE !!!, c’que tu viens de faire sur la piste, c’est tout bonnement surnaturel… Dave avait raison, t’es capable de tout… ! Merci, merci, René !!!!!!!!!!! "
Pépère s’enfile la bière que vient de lui tendre Maurice, puis s’assoit sur son siège en regardant maintenant le boss du team avec un petit sourire :
" N’exagère pas, j’ai simplement tourné la poignée dans l’bon sens… Faut avouer aussi que l’coup d’la mixture m’a bien aidé pour doubler. Jamais la moto aurait été capable de faire ça sans c’truc-là. Maintenant, faut pas s’emballer ; y reste une manche, et les autres vont m’attendre au tournant… Ceci dit, rouler comme ça, c’est p’têt plus vraiment d’mon age, et là tout d’suite, j’ai b’soin d’aller roupiller pour récupérer. Alors vous allez m’excuser, mais j’passe par la petite porte, et j’veux pas êt’ dérangé. C’est OK ? "
A ce moment, Dave, qui s’était absenté pour repousser les importuns et parler aux journalistes, revient en déclarant :
" René ?, la presse entière te veut en salle de conférence… "
" Rien à faire !!!!!!!!, répond le Respectable, tu leur dis c’que tu veux, mais moi j’vais piquer un roupillon… Sans blague, y’a personne qui pense qu’à mon âge, après un effort comme ça, on ait besoin de se r’poser . Hé les gars ! J’ai plus vingt ans, moi… "
Il a raison l’Ancien : faut pas oublier que dans moins d’une heure trente, il va remettre le couvert !
Sortir par la petite porte du box n’est pas la chose la plus aisée à faire… Faut dire que la foule a débordé le service de sécurité et se presse maintenant pour tenter d’apercevoir le phénomène !
Pour permettre à René de s’éclipser, le team a dû mettre au point un stratagème. Profitant de sa ressemblance avec son désormais célèbre frangin (hors de l’hexagone…), Maurice a endossé le cuir et chaussé les bottes pour servir de leurre au public se pressant aux abords du stand. Pendant ce temps, l’Ancien, profitant de la confusion, s’est éclipsé par la porte de service sur un scooter…
Content l’Maurice ! Obligé de répondre aux journalistes présents et de signer des autographes…
Tu penses que c’est une tâche facile ? Détrompe-toi : le Respectable, sur instructions de Max, a commencé par déclarer qu’il donnerait une conférence de presse après l’épreuve. C’est Dave qui joue les traducteurs. Mais les journaleux ne l’entendent pas de cette oreille et sont bien décidés à ne pas lâcher le morceau. Force est d’improviser en tentant d’esquiver au maximum les questions embarrassantes…
Fort heureusement, la sortie imminente des supersports met un terme à cette situation un peu particulière : le service d’ordre s’est regroupé et, poliment mais fermement, a invité tout ce beau monde à quitter la voie des stands.
Maintenant, un autre boulot attend le team : préparer les machines pour la seconde manche.
Sur la piste, les six cent effectuent actuellement le tour de chauffe et… les premières gouttes de pluie commencent à faire leur apparition, légèrement au début, puis de plus en plus fort. C’est la panique dans les stands, car le ciel s’est soudain totalement obscurci, et on sent nettement que ça va pas tarder à tomber sévère…
La commission de course donne le signal de l’arrêt de l’épreuve pour un nouveau départ dans vingt minutes en configuration pluie.
Paradoxalement, dans le box du team GAGA, cette nouvelle des cieux semble réjouir tout le monde. Voilà qui va laisser plus de temps que prévu pour se préparer, et chacun sait que René, dans ces conditions (car même s’il ne pleut plus au départ de la seconde manche, il y a peu de probabilités que la piste soit sèche) a un atout non négligeable : sa grande expérience acquise pendant toutes ces années à sillonner des routes à l’adhérence aléatoires dans toutes les conditions possibles… Ce genre de truc, un pilote ne le possède pas ou peu, et rares sont ceux qui peuvent se prévaloir aimer ce type de situation…
Par contre, faut prévoir à toute éventualité ! Une machine sera réglée comme pour le sec, l’autre assouplie pour tourner sous la pluie. Sur cette dernière, le boost miracle ne se sera pas nécessaire, car avec près de deux cent chevaux dans de telles conditions, un tel subterfuge serait totalement inutile.
Comme prévu, la totalité de la manche supersport s’est déroulée sous la pluie, avec la victoire attendue de Sébastien CHARPENTIER, lequel n’a pas laissé passé sa chance. Explosion de joie dans le clan français !!!
RACE 2 :
Superpapy vient de regagner son équipe. L’Ancien est parfaitement reposé, et plutôt de bonne humeur, il pleut toujours, et l’Ancien sait qu’il est vite dans ces conditions…
Naturellement, c’est la deuxième moto que sortent des stands Papy et Jean-Yves. Pendant ce temps, René enfile son cuir sans se presser, le départ n’étant prévu que dans vingt minutes. Par contre, il passe beaucoup de temps à vérifier l’étanchéité de son équipement, et demande du liquide vaisselle qu’il applique lui-même sur l’intérieur de la visière de son casque, pour éviter la buée. C’est à ce genre de détail qu’on reconnaît l’habitué des conditions difficiles, chose qui risque de se révéler utile sous peu…
Juju vérifie une dernière fois le paramétrage télémétrique, tandis qu’Ovomaltine prépare le matériel nécessaire aux couvertures chauffantes. Pendant ce temps, Albert dicte une check-list à Papy et Jean-Yves, lesquels auscultent une énième fois la BIMOCATI. Max, en compagnie de Dave, s’affaire, lui, auprès des écrans de contrôles installés dans et hors du box.
Et Maurice ? Ben… l’Ancien, les mains dans les poches, jette des œillades à Sophie, présente pour servir d’Umbrella Girl à son frangin…
Soudain, la sirène retentit de nouveau. C’est l’heure d’y aller !!! Dehors, le temps est apocalyptique : la pluie tombe sans discontinuer, et le vent souffle maintenant assez fort. Le public s’est réfugié dans les tribunes, seuls quelques rares courageux se pressent le long des grillages.
La course promet d’être pour le moins incertaine…
Le safety car vient d’en terminer avec son tour de reconnaissance, et déjà les premiers pilotes s’élancent pour le leur qui va les amener sur la grille de départ. Sur les visages de pas mal de responsables des différentes équipes, on affiche la mine des mauvais jours : certains ont même envisagé l’annulation pure et simple de la manche… La direction de course, interpellée par quelques personnes désignées par les pilotes et les teams, sous la pression des médias n’a pas cédé aux doléances : ils estiment en effet que la piste est roulable, et seule une partie du plateau s’étant manifestée, la course aura bien lieu…
C’est donc dans cette ambiance mi-figue mi-raisin que la grille se remplit peu à peu. Les journalistes eux-mêmes montrent peu d’empressement à rejoindre les pilotes, et ces derniers renfilent très rapidement les casques, très peu protégés par les parapluies des malheureuses Umbrella Girls trempées jusqu’aux os. Bien entendu, le speaker s’égosille au micro, mais on sent nettement qu’il cherche à masquer la grogne des quelques teams, et pas des moindres…, qui jugent la décision de course dangereuse et peu professionnelle. Celui-ci retrouve toute sa verve quand vient le moment de parler de Superpapy (surnom adopté à l’unanimité). Faut quand même se rendre compte que ce bonhomme de soixante berges… Mais je ne vais pas encore te rabâcher la même musique, tu la connais parfaitement à présent !
Le safety-car, parti il y a quelques minutes, est revenu se placer derrière le peloton. La sirène se met de nouveau à retentir, et tout le monde se retire rapidement, laissant les pilotes à leur destinée… aquatique !
Les drapeaux s’abaissent, et les motos commencent à s’élancer vague par vague pour leur tour de chauffe. Des tribunes, c’est à peine si on distingue les couleurs, tellement les gerbes soulevées par les machines masquent la visibilité. Heureusement, aucun accrochage n’est à déplorer et tous se replacent sur la grille pour le second départ de la catégorie.
Le feu s’allume, rouge d’abord, puis vert : c’est parti dans la confusion la plus totale… !
René est moins bien parti qu’en première manche. Son trois cylindres à copieusement patiné au lâché d’embrayage, laissant pas mal de pilotes profiter de l’aubaine pour le passer rapidement en soulevant des trombes d’eau. Pépère est obligé de piloter au jugé tellement la visibilité est restreinte. Au bout de la ligne droite, il pointe aux alentours de la vingtième place…
Devant, un groupe composé de WALKER, CORSER, LACONI, TOSELAND et KAGAYAMA s’est déjà envolé, profitant de l’avantage offert d’avoir la piste libre devant eux. Derrière, chacun fait ce qu’il peut pour éviter les gerbes soulevées par les adversaires formant une masse assez groupée.
Au deuxième virage, premier accrochage : c’est WALKER qui vient de se louper au freinage, ce dont profitent les suivants, à l’exception de TOSELAND qui ne peut éviter de toucher le pilote PETRONAS au moment de le doubler. Les deux pilotes se retrouvent à terre dans le bac à gravier : ils ne repartiront pas. C’est maintenant CORSER qui mène, devant un LACONI particulièrement accrocheur en ce début de course. Mais KAGAYAMA semble aimer ces conditions particulières. À l’abord du second tour, il profite d’un grand gauche pour doubler le duo et s’emparer de la tête de la course.
Derrière, pas très loin, c’est la course à l’élimination : VERMEULEN d’abord, puis MUGGERIDGE vont tâter le gravier. Puis c’est MARTIN qui mange à son tour, les australiens ne semblent décidément pas à la fête chez eux dans ces conditions…
Et René ? vas-tu me demander ? Ben… Pépère a décidé de rouler prudemment, sachant que devant, de toute façon, va y avoir de l’écrémage. De plus, ça lui permet de s’habituer progressivement à sentir la limite, et à économiser ses pneus pour quand viendra le moment d’ouvrir d’avantage. Il navigue actuellement aux alentours de la quinzième place, et devant, la valse des chutes et abandons continue. Sa BIMOCATI se révèle parfaite dans ces conditions dantesques. Juju a parfaitement programmé l’injection, rendant ainsi le moteur très souple et linéaire, sans trop perdre en puissance, tandis que Jean-Yves a effectué un super boulot sur la partie cycle, avec la participation éclairée d’Albert. Il est actuellement dans un groupe de trois constitué de lui-même, de MC COY (encore !!!) et de HAGA. Macadam Cowboy, toujours aussi spectaculaire, fait un véritable festival de glisse en tout genre, HAGA collé à lui comme une mouche, et les deux tentent de prendre l’ascendant sur l’Ancien dont le style propre et très sobre contraste avec celui de ses suivants. Mais René va vite, très vite sous la pluie battante, et pour l’instant ne commet aucune erreur…
Jusqu’à la mi-course, les positions ne bougeront pratiquement pas. Et la pluie tombe toujours !
Les temps au tour ont baissé d’une bonne quinzaine de seconde par rapport à la première manche, et les pilotes, maintenant, semblent surtout penser à rester sur la piste qu’à tenter un hypothétique dépassement : rien de plus stressant pour un pilote qu’une course dans ces conditions. La concentration demandée pour ne pas se faire piéger, chose facile à de telles vitesses, entame sérieusement l’influx nerveux, et diminue l’envie d’attaquer son poursuivant au fil des passages. Il faut être fort, très fort dans sa tête pour dominer dans ces cas-là…
Dix-huitième tour, un rebondissement intervient en tête de la course ! KAGAYAMA vient de chuter dans le fond du circuit, laissant le champ libre à Régis et Troy, lequel se montre pressant depuis que le français l’a doublé dans un droite au prix d’un extérieur imparable. L’australien semble survolté : dans toutes les courbes il montre sa roue avant au français, mais le gars LACONI ne se laisse pas impressionner et ferme toutes les portes.
La pluie redouble soudain d’intensité : jusque-là, les conditions étaient à la limite de l’acceptable, maintenant ça va devenir un exploit de rester sur ses roues… Mais sur la piste, le spectacle continue !
Troy vient de redoubler Régis au prix d’un intérieur limite, limite. Les deux pilotes se sont touchés et ne doivent qu’au miracle de ne pas s’être sortis… Mais Régis sait qu’en cette fin de course, il ne doit pas laisser filer l’australien : il tente le tout pour le tout pour reprendre la tête et ne coupe pas pour le droite en bout de ligne droite… La DUCATI bouge dans tous les sens en plongeant à la corde laissée par un Troy qui tente de retarder son freinage au maximum, mais cette fois les deux pilotes se touchent sérieusement et se retrouvent dans le bac à gravier à pleine vitesse : c’est la chute et l’abandon pour le duo !
Mais derrière, c’est pas mal non plus… GIMBERT, un moment troisième, vient d’abandonner sur problème mécanique. C’est ABE, son suivant qui mène maintenant les débats de cette course à l’élimination, mais lui aussi se retrouve au sol, sans doute déconcentré de ne plus avoir son adversaire en ligne de mire. Décidément, va plus y avoir grand monde à l’arrivée de cette course incroyable…
Mine de rien, le grand bénéficiaire de tout ça, c’est le trio dans lequel évolue, toujours en tête, notre Superpapy national ! Ha, je t’ai pas dis ? Ils ne sont maintenant plus que quinze en piste, t’imagines ??? Et à ce petit jeu, aussi incroyable que ça puisse paraître, René EST EN TETE DE LA COURSE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Les pilotes devant se sont auto éliminés au fil des tours, l’Ancien lui, s’est contenté de rouler comme il le fait d’habitude sur la route (enfin…, p’têt un peu plus vite quand même !) en restant sur ses roues. Comme il n’amuse pas le terrain dans ces conditions particulières, aucun des deux poursuivants n’a pu l’attaquer sérieusement une seule fois, et ce n’est pas faute d’avoir essayé pourtant. Mais rien à faire, René essore dans le bon sens !!! Et derrière le trio, le trou est fait depuis longtemps…
Dans le public, c’est la folie ! Malgré la pluie, tous quittent les tribunes pour s’amasser au plus près des grillages, histoire de ne rien manquer de ce moment incroyable. Le speaker en bafouille au micro et tous, même dans les teams adverses, hurlent des " Superpapy ! " à se déchirer le gosier !!!
Dans le team GAGA, Max vient de tourner de l’œil, vaincu par l’émotion, tandis que les autres croient rêver en se grattant la tête devant les écrans… Albert, au panneautage, ne fait plus rien à présent et répète inlassablement, les bras ballants : " c’est pas possible…, c’est pas possible… "
Mais ce n’est pas terminé, il reste encore deux tours et MC COY commence à devenir nerveux derrière ce vieux bonhomme que lui, pilote d’usine professionnel, n’arrive pas à doubler…
Pourvu que tout se termine bien, car HAGA, toujours en troisième position, trouve que cette place est indigne de son rang, et qu’il est temps de passer à l’offensive !
BANZAIIIIIII !!!!!, fait le nippon en plongeant soudain sur Garry qui ne l’a pas vu venir à l’abord du grand gauche au fond du circuit. Mais l’australien réplique aussitôt et le repasse dans le droite suivant, pour être de nouveau redoublé par le japonais dans la foulée. Les motos bougent beaucoup sous cette pluie battante, et on se demande comment font ces funambules pour rester sur leurs roues…
Pendant que ces deux-là s’arsouillent, se ralentissant au fil des dépassements, la bataille profite à René qui n’en demandait pas tant. C’est ainsi que l’Ancien se permet de mettre la distance nécessaire pour être à l’abri d’une attaque dans ce dernier tour qu’il vient d’aborder et, accessoirement, remporter sa première victoire de manche en mondial Superbike !!!!!!!!!!
Te décrire l’ambiance au moment où il franchit la ligne en vainqueur serait en deçà de la vérité. Une véritable hystérie collective s’est emparée de la foule en ce moment historique. Mesure bien qu’un gars de soixante berges (oui, je sais…), pilote remplaçant sur une moto en cours de développement, qui plus est sans aucun palmarès à son actif, vient de remporter une manche de championnat du monde… Jamais, tu m’entends, JAMAIS dans toute l’histoire de la course moto on a vu un truc comme ça !!!!!!!!!!!!!! Plus fort qu’AGO et tous les grands réunis…
En plus, au cumul des deux manches, c’est… ben…, oui ! C’est VRAI… René est le vainqueur du Grand Prix d’Australie, et par là même, puisqu’il s’agit de l’épreuve d’ouverture, leader du championnat du monde !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Dans le clan français (tout ce qui compte d’éléments de l’hexagone, pilote inclus, se trouve à présent en compagnie du team GAGA), c’est de la folie furieuse… : tout le monde embrasse tout le monde, Maurice roule une pelle à Albert et Max est évacué sur une civière, inconscient…
Pendant ce temps, sur la piste, le responsable de tout ce remue-ménage essaye de terminer son tour d’honneur, car le public a envahi la piste et chacun veut toucher l’extra-terrestre, pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un être vivant… René finit par regagner la voix des stands en chialant comme un gosse sous son casque : ça y est, maintenant que la pression commence à retomber, l’émotion est trop forte ! Il amène péniblement la BIMOCATI à l’emplacement réservé au vainqueur et, à peine descendu, il est aussitôt happé par la foule qui le porte en triomphe !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
La direction de course ne sait plus ou donner de la tête pour tenter de ramener le calme. Des haut-parleurs, une voix tremblotante essaie de réclamer la compréhension du public pour l’inviter à s’éloigner des stands, et ainsi permettre aux autres concurrents de regagner les box. Cette course, mon ami, va devenir la référence des anales de l’histoire de la compétition moto…
Finalement, j’avais oublié de t’en causer, c’est MC COY qui a devancé d’une demi roue le japonais pour le gain de la seconde place. Autant le dire tout de suite, dans l’immédiat, tout le monde s’en fout. Et c’est presque anonymement que les deux autres invités au podium ont déposé les machines à côté de la BIMOCATI d’un Respectable qui, une fois son casque enlevé, s’écroule au sol en se tenant la tête entre les mains, chialant comme une madeleine.
Ses traits sont marqués par l’effort incroyable qu’il vient de produire. Il fait dix ans de plus et ressemble maintenant à un vieillard. La foule, impressionnée par l’attitude de Superpapy, commence à s’écarter pour le laisser souffler. Et René reste ainsi un long moment, sans que quiconque n’ose venir le déranger, jusqu’à ce que Maurice s’avance vers lui, s’adressant à son incroyable frangin d’une voix calme, tentant de masquer son émotion :
" Faut toujours que tu t’fasses remarquer, toi… Mais bon, t’as pas grand mérite : c’est des d’jeun’s que t’as battu…
Je peux te dire que si ça avait été moi qu’y t’collais au train, t’aurais pas filé aussi facilement !
Aller, relève toi, mon frère : y’a des filles qui t’attendent sur le podium, et ch’suis sûr qu’elles sont déjà folles de ton corps… "
René lève lentement la tête vers son frangin, plonge son regard humide dans le sien, et les deux restent ainsi quelques instants sans rien dire. Puis, l’Ancien se relève, jette un regard vers les cieux comme pour remercier une quelconque divinité, prend une immense bouffée d’air et expulse le tout en s’étirant. Ensuite, il se jette dans les bras de Maurice, et déclare en souriant :
" Toi, si tu m’avais collé aux fesses, on en s’rait encore à la mi-course… ! "
Là, c’est la libération : les jumeaux se laissent aller dans un fou rire inextinguible. A ce moment, tous autour se sont calmés et commencent à former une espèce de haie d’honneur, libérant enfin le passage vers la direction de l’escalier menant au podium. Alors, avec des gestes lents, René ramasse son casque, regarde à droite et à gauche, comme pour s’imprégner de l’instant présent, et se met en marche vers ce fameux escalier…
Au fait, la pluie tombe toujours, mais personne n’y prête plus attention désormais !
Soudain, une personne dans l’assemblée commence à taper dans les mains, puis une seconde : bientôt, tandis que Pépère grimpe vers le podium, la foule entière lui lance une véritable ovation par un tonnerre d’applaudissement !
MC COY, qui vient de grimper sur l’estrade, file directement vers l’Ancêtre pour le porter dans ses bras (pas facile pour lui, vu la stature quand même imposante du Respectable…). Il lui déclare, dans un français approximatif :
"J’ai tourné le gaz, mais you était trop fort for me… Congratulations, man !!!
Terminer second in this condition, c’est un honneur "
HAGA, comme tout nippon qui se respecte, est plus introverti. Il se tourne vers René, et, sans un mot, s’incline vers le vainqueur en signe de respect. Pépère le remercie en hochant la tête.
Les trois pilotes montent maintenant sur leurs marches respectives, et il se passe alors un truc bizarre : la foule entière soudain se tait, comme si un être invisible avait ordonné le silence. Seule la pluie crépitante se fait entendre en martelant l’asphalte. Puis, les haut-parleurs se mettent à crépiter, …et la Marseillaise retentit !
D’habitude, ce ne sont que quelques notes, mais là, la direction a décidé de laisser défiler l’hymne national dans son intégralité, histoire de marquer cet instant incroyable.
Au pied du podium, la colonie française dans sa totalité s’est massée et chante d’une seule voix. Il n’y a plus aucune rivalité de team ni de marque, simplement un mouvement patriotique sans précédant. Et même les étrangers s’y mettent en sifflotant cet air qu’on entend pourtant si peu souvent…
Sitôt l’hymne terminé, la cérémonie de remise des coupes est l’occasion d’un nouveau fait inédit… Serrage de paluches, la bibise de coutume puis la traditionnelle distribution des maxis boutanches de roteuse, mais soudain, c’est le team GAGA dans son intégralité, girls comprises, qui fait irruption sur le podium ! Attend, j’t’explique : imagine les vingt filles, vêtues d’un simple tee-shirt représentant Max occupé à besogner une frangine allongé sur une bécane, avec en dessous le slogan suivant " avec les préservatifs GAGA, elles en reviendront pas… ". Les autres, ainsi que Max (rapidement sorti de la clinique mobile), en portent un eux aussi (au fait, si tu veux en acheter un, passe-moi un coup d’bigo : j’touche une com’ sur chaque maillot vendu…). Celui qui a foutu le feu aux poudres, je te le donne en mille, Emile, c’est l’gars Maurice ! Ce dernier a demandé au frangin de bien secouer le champ’, puis d’en verser une rasade sur sa personne. René, d’abord étonné, s’est exécuté en aspergeant copieusement le Débris, lequel a ensuite enlevé le tee-shirt trempé pour le balancer à la foule, imité par Max, puis Dave, et Papy, ainsi qu’Albert, Jean-Yves, Juju, Ovomaltine… Dois-je vraiment te préciser que les filles en ont fait autant…
En un instant, c’est plus un podium de GP mais un spectacle improvisé de strip-tease qui est livré à la grande surprise des centaines de milliers de fans de moto présents sur place ou devant les écrans de télévisions ! Le speaker n’a plus la force d’improviser, la direction de course non plus…
En plus, voilà maintenant René qui s’y met en se désapant pour balancer son cuir à une foule limite hystérique. MC COY, ne voulant être en reste, en fait de même sous l’œil désemparé d’un HAGA dont la culture japonaise ne l’a pas habitué à pareille attitude… Celui-ci jette désespérément des regards à droite et à gauche, comme pour demander ce qu’il doit faire. Voyant la mine perdue du Jaunissant, Maurice, aidé d’Albert, tranche pour lui : ils se jettent sur le japonais et lui ôtent son cuir d’autorité !
Il a fallu toute la persuasion des dirigeants de la fédé pour ramener un peu de calme dans tout ce tumulte, et inviter les trois pilotes à la conférence de presse. Ben… ouais, t’as deviné : l’interview d’après course s’est déroulée avec le trio simplement vêtu d’un caleçon !
René : " vous m’excuserez, j’ai pas trop l’habitude des micros. Ma course ? Ben…, j’dois dire que je m’attendais pas vraiment à m’retrouver en tête. En première manche, j’ai fait c’que j’ai pu pour accrocher le bon wagon en ayant en tête de rester sur mes roues, mais ça arsouillait trop fort devant : cinquième dans ces conditions, c’est tout c’que j’pouvais faire. Par contre, en seconde manche, je savais que sous une pluie battante j’étais capable de faire un truc. La moto marchait bien, alors j’ai tout donné… Et voilà ! J’vois pas quoi ajouter… Hein ? La suite ? Ben… j’suis là que pour faire un remplacement ! Toute façon, à mon âge on a plus vraiment la santé pour faire une saison complète, surtout à ce rythme… J’tiens à remercier toute l’équipe, malgré l’boxon sur le podium, ainsi que l’usine BIMOCATI qu’a fait une bonne brèle qui, dans quelques temps, risque d’en surprendre quelques uns sitôt les problèmes de jeunesse réglés ! "
Garry : " Que dire de tout ça… ? Quand on bourlingué comme je l’ai fait aux quatre coins de la planète pour affronter les meilleurs pilotes du monde dans différentes catégories, ça fait bizarre de ce retrouver derrière un type qui pourrait être mon père au classement général. Mais la saison débute bien, surtout que René ne sera bientôt plus là pour me montrer sa roue arrière (rire et clin d’œil vers l’Ancien). Je tiens à dire merci à toute mon équipe pour le travail effectué, ainsi qu’au team GAGA de m’avoir permis de vivre une journée pas comme les autres… "
Nori : " Cette journée a été folle… : d’abord ma chute en première manche suite à l’accrochage, mais ça c’est la course, puis le podium sous la pluie, dans la seconde, alors que ma moto est encore en plein développement. Voilà qui me rassure pour la suite du championnat. René ? Chez nous on dit que l’homme reste jeune tant qu’il regarde devant lui, et aussi qu’un don ne s’exprime réellement qu’une fois la maturité atteinte : René San en est la preuve vivante. Merci à mon équipe de m’avoir fait cette moto, mais aujourd’hui c’est moi qui était incapable de lutter contre un véritable pilote que je serais honoré de voir encore en piste pour le reste de la saison ! "


Episode 50 :

Accroche-toi, c’est pas fini…

Voilà, fin de la première course… Fin ? Pas vraiment ! Tu sais que le soir de chaque épreuve une soirée est organisée dans l’hôtel logeant les acteurs du mondial SBK ? Non… ? Ben, si…
Cette soirée, même si tu me le demandes à genou, je vais pas te la raconter ! La chose serait proprement indécente, enfin… t’as pigé… !
Sache simplement que le boss de BIMOCATI, Joan-Paolo DAUTRICOURI, sorte de Playboy à la mode ritale, est venu honorer de sa présence le team GAGA. Devant les résultats inespérés obtenus par René, celui-ci s’est empressé de proposer un contrat au Respectable pour la saison complète. Mais L’Ancien était déjà trop bourré pour être en mesure de comprendre quoi que ce soit…
Maurice a encore fait usage de sa mixture…
Le duo journalistique BLANCONOVICH/JBT s’est fait remarqué par un duel assez particulier : un verre comprenant la compilation de l’ensemble des alcools du bar, puis une fille, puis un verre, puis… A ce petit jeu, c’est l’gars BLANCO qu’a déclaré forfait : au bout du quatrième verre, un énorme ronflement a couvert l’orchestre dont la sono turbinait pourtant à plein régime !
Ha ! J’allais oublier ! Au début de la soirée, voir même un peu avant, le portable du Respectable n’a pas arrêté de sonner… Le monde de la moto est un petit univers ou les nouvelles vont très vite. C’est d’abord JP MOUGIN, le président de la fédé française qui a tenu à féliciter l’Ancien, puis ROSSI himself, Christian SARRON ensuite, et tout un panel de personnalités du milieu du deux roues, voir aussi de personnages a priori aux antipodes de la bécane tel Frédéric DARD, ayant vu les courses à la télé, mais surtout le spectacle sur le podium, et voulant écrire un nouveau SAN ANTONIO mettant en scène not’ bon René national… Les appels se sont ainsi succédés sans discontinuer une bonne partie de la soirée, jusqu’à ce que Pépère décide de débrancher son portable pour avoir la paix !
A peine René avait-il coupé son phone, que la direction de l’hôtel le faisait appeler pour lui demander de répondre à une communication urgente venant de France. Le Respectable a d’abord refusé, puis, devant l’insistance du directeur, a accepté de répondre en maugréant :
" Ouais, c’est pour quoi !!!??? " a t’il demandé une fois le combiné à l’oreille.
" Ici l’Élysée, ne quittez pas… " lui a répondu une voix féminine…
Stupeur de l’Ancien qui se demande s’il a bien entendu !
" Monsieur GEDEUFOITRENTANS, fait soudain une voix à l’intonation familière, c’est moi, Jacques CHIRAC, le président… "
Là, heureusement que Pépère est bien installé dans le fauteuil du bureau que le directeur a laissé à sa disposition…
" Si, si, c’est bien moi…, reprend la voix au bout du fil, je tenais à vous féliciter d’avoir fait retentir notre hymne national si loin et vous invite à venir me rencontrer mercredi, en fin de matinée, juste avant le conseil des ministres. Faut dire que j’ai un emploi du temps très serré, mais la moto et moi, c’est une vieille histoire, alors j’ai décidé de me libérer pour avoir la possibilité de vous rencontrer. Une voiture viendra vous chercher. Je peux compter sur vous ? "
René, quelque peu sonné, s’entend répondre " Oui, monsieur le Président… ", puis l’illustre personnage a raccroché sans rajouter un mot…
La tronche de l’Ancien regardant son portable, blême comme un linge…
Pourtant, tu commences à le connaître, le gars René, pas du genre à montrer ses émotions, si ce n’est pour se faire entendre. Mais là, on dirait qu’il vient de faire une rencontre du troisième type…
L’équipe, alertée par la mine du Respectable, s’est aussitôt inquiétée :
" Un problème René ? ", a demandé son frangin en se précipitant.
" C’était Jacques… ", a aussitôt répondu Pépère, l’air absent.
" Jacques Use, ton pote avocat ? "
" Non, le Président… "
" Le…, me dit pas que c’était… ", bafouille le Liquéfié en zieutant son frère d’air soupçonneux, comme si ce dernier venait soudain de verser dans l’irréversible régression de l’être atteint par la limite de ses capacités…
Là, à l’évocation du mot " Président ", tout le team s’est tu, incrédule. Chacun semble attendre une explication sur un fait encore plus énorme que ce que René a effectué quelques heures auparavant sur la piste !
" Si, finit par lâcher Pépère, c’était le Président de la République en personne… "
" Hein !!! T’es sûr qu’on t’as pas fait une blague ??? "
" Non, non, j’t’assure, c’était bien lui ! J’ai bien r’connu sa voix, et y m’invite mercredi matin à le rencontrer à l’Elysée… "
" M…de !, fait Max, alors là…, t’as pas de limites, toi… Décidément ! Et t’as répondu quoi ? "
" Ben…, j’crois qu’j’ai dit oui… En fait, j’sais plus vraiment… "
T’aurais fait quoi à sa place… ?
Le mal au crâne du lendemain matin, j’te dit pas…
En plus, faut reprendre l’avion pour regagner la France. Pour permettre à René de se reposer, un jet a été spécialement affrété par l’usine BIMOCATI, histoire de lui éviter la cohabitation avec les journalistes. Tu sais quoi ? Le pilote est le même qu’à l’aller ! Celui-ci, devenu adepte de la potion à Maurice, je peux te dire que pour certains, le vol été plutôt… mouvementé !
Des précautions ont été prises afin de préserver l’anonymat à l’arrivée sur l’aéroport parisien, mais c’était peine perdue ! Dans le milieu, y’a toujours des petits malins pour déjouer les supercheries, et l’Ancien est accueilli comme un véritable héros sous un tonnerre d’applaudissement par une foule enthousiaste se pressant dans le hall de débarquement.
René, bien que disponible et aimable (si, si… comme il a profité pour en écraser un max, le Vieux est plutôt de bonne humeur, requinqué et finalement assez fier de lui, ayant eu le temps de digérer son exploit), mais bon, ce genre de mondanité, c’est pas vraiment son trip. Mais il se plie de bonne grâce au petit jeu des autographes et du mitraillage photographique, sachant que désormais, plus rien ne sera tout à fait comme avant. En acceptant la proposition de Max, il fallait s’attendre un peu à ça, même si le résultat est au-delà de toutes les espérances les plus folles…
Regagnant son domicile, il passe par le sous-sol ou dort sa fidèle V6 et jette un tendre regard vers cette dernière. Il sourit en hochant la tête ; que de chemin parcouru depuis les premiers tours de roues sur cette monstrueuse moto qui l’a fait basculer d’un coup dans l’univers actuel du deux-roues !
Quel plaisir aussi de retrouver son fidèle fauteuil, sorte de port abrité ou il peut enfin souffler après avoir affronté – et de quelle façon – les déferlantes du circuit australien. Il est maintenant chez lui, goûtant son home comme il ne l’avait jamais fait auparavant. René tombe la veste, enfile ses chaussons, et se hâte de se lover au contact du confort douillet du velours qui semblait attendre cette étreinte au goût un peu particulier aujourd’hui.
Puis soudain, Pépère craque et se met à chialer comme un gosse ! L’accumulation de tout ça, même pour un gars de sa trempe, ça commence à faire beaucoup pour un seul homme…
Maurice, un peu en retrait, a assisté à la scène :
" Vas-y, dit-il doucement, se parlant surtout à lui-même, vas-y mon frère, laisse toi aller, tu l’as bien mérité : ce que tu as réussi à accomplir, y’a pas grand monde sur cette planète qui auraient été capable de le faire… "
Puis il s’éloigne doucement, laissant René seul avec lui-même…
Mercredi matin, le Respectable est debout de bonne heure, un peu plus fébrile que d’habitude. Pourtant, il a fait comme à l’ordinaire : petit déjeuner léger, footing et douche froide, puis re-déjeuner un peu plus copieux, pour enfin lire (enfin…, tenter d’en lire une partie) le courrier qui inonde la boîte aux lettres, ainsi que son journal. Dans ce dernier, en première page, il est fait écho d’un vieux monsieur qui vient de bouleverser l’histoire de la course motocycliste, et pourtant, dans ce type de quotidien, la moto fait rarement la une… Là, un article complet est consacré à présenter le " phénomène ", et il est signé… Grigou The Kick !
Dans celui-ci, le journaliste évoque la récente carrière du Respectable, depuis la prise de conscience de son immobilisme dans l’exercice de sa passion jusqu’au GP d’Australie, en passant par le stage au Mans avec SARRON. Il décrit l’incroyable volonté de son ami à défier le poids des ans et l’émergence d’un talent fou à une période de la vie où, généralement, on passe plutôt le plus clair de son temps à ressasser les souvenirs en les enjolivant de jour en jour.
René esquisse un sourire en lisant les éloges de son pote à son sujet. Va falloir qu’il lui explique comment il s’y est pris pour piger dans un truc aux antipodes de la moto !
L’Ancien est soudain sorti de sa lecture par un Maurice qui s’adresse à lui d’un ton excité :
" René ?!!! Y’a une grosse bagnole qui vient de sa garer devant la maison, avec deux flics en moto !!! "
Pépère se lève tranquillement, va vers la fenêtre et écarte doucement le rideau. Pas de doute : une énorme limousine avec une cocarde tricolore au pare-brise, deux motards de la police en tenue d’apparat, un chauffeur en costard noir et une espèce de pingouin à binocles, vêtu comme une gravure de mode dont on aurait ôté toute gaieté, menu mais raide comme la … à Maurice après absorption de la désormais fameuse mixture. Et d’un sérieux, le gus… Sans dec’, ce type doit avoir trente cinq ans au plus, mais il fait déjà l’âge de son grand-père, pense René en rigolant de la comparaison d’un gars comme ça et… lui-même !
C’est justement ce curieux personnage – d’après les standards du Respectable – qui sort de la voiture pour venir toquer à la lourde. C’est René en personne qui ouvre la porte. L’autre rectifie sa position, regarde le gars fixement pendant quelques instants, puis demande d’une voix totalement impersonnelle, comme si elle sortait d’une bande enregistrée :
" Monsieur GEDEUFOITRENTANS, je vous prie… "
René, devant la mine de constipé du gus, a décidé de s’amuser quelques instants…
" Ouais…, c’est pourquoi ? Si c’est pour lui vendre un aspirateur, pas la peine d’insister : y’a c’qui faut ici… "
L’autre, un peu décontenancé, répond :
" Excusez-moi, mais je suis le secrétaire particulier de Monsieur le Président CHIRAC. Je réitère en changeant la formulation de ma question : Monsieur René GEDEUFOITRENTANS habite bien ici ? Si oui, pourrais-je le rencontrer ? "
" Ben… Y’m’semble en effet qu’il crèche dans l’coin… Vous lui voulez quoi ? "
" Mmm…mmmm…mais…, heu…, voyons…, il a rendez-vous avec Monsieur le Président. Et la République ne saurait attendre ! répond l’autre un peu courroucé.
René éclate soudain d’un rire franc :
" Vous formalisez pas, mon vieux, c’est moi René. J’avais envie de plaisanter un peu pour vous mettre à l’aise "
" Sachez Monsieur, rétorque le Constipé un peu pincé, que dans les hautes sphères nous ne goûtons que fort peu ce genre d’humour ! "
" Ben alors, vous devez pas rigoler souvent, soupire l’Ancien, mais entrez, je vous prie, le temps que je prenne mon blouson "
" Monsieur GEDEUFOITRENTANS, vous me permettez de pensez qu’il s’agit là encore d’une plaisanterie ??? "
" Hein…, quoi… ? "
" Je parle de votre tenue vestimentaire. Il est inconcevable de se présenter ainsi à l’Elysée sans porter au minimum un costume. Le protocole d’usage exige au moins cette démarche… "
Faut dire que René est vêtu d’un jean et d’un tee-shirt, comme à son habitude…
" Bon, rétorque le Gatouillable amusé, si y’a qu’ça pour vous faire plaisir… J’dois avoir un vieux costard qui traîne dans un placard. Il est pas tout jeune – faut dire que c’est pas l’genre de truc que j’met souvent, j’dois l’avouer – mais j’pense qu’il doit encore m’aller. Vous allez m’attendre à l’intérieur et mon frère Maurice va s’occuper de vous pendant que j’me déguise en perroquet ! Au fait, c’est quoi vot’nom ? "
" Charles Henry Edouard de la Queue Molle, monsieur "
" A vos souhaits ! Vous permettez que j’vous appelle Charles ? Moi, c’est René. Mauriiiiice !!! Tu peux t’occuper du monsieur pendant qu’je m’équipe ? "
" Tu prends ta moto ? ", s’étonne le frangin.
" Non, j’met mon costard que j’avais gardé du temps du remariage du vieux… "
Quelques longues minutes plus tard, voilà un René transfiguré qui descend l’escalier…
" Et j’vous interdis de vous foutre de moi ! ", déclare aussi vite ce dernier.
Maurice, amusé par l’attitude de son frère, ne peut s’empêcher de dire :
" Ben…, finalement…, c’est moins pire que j’pensais… "
Tu le verrais, l’Ancien dans son costume gris perle, type " années cinquante "… On ne peut pas dire qu’on le sent à l’aise, ainsi accoutré, mais ma foi, il ne s’en sort pas trop mal… à part la cravate ! Heureusement, son frère est là pour peaufiner la présentation. En un tour de main, voilà un nœud impeccable de fait, et un Respectable plus à l’image qu’on se fait en général d’un type de soixante berges passées !
Le Charles Henry, pendant ce temps, est toujours immobile dans le hall d’entrée…
" Maurice ! Je t’avais demandé de t’occuper du Monsieur… ", s’adresse René à son frangin sur un ton de reproche.
" C’est pas ma faute, s’excuse le Liquéfié, j’y ai proposé un verre, mais y dit qu’il boit pas. Et il a même pas accepté de s’asseoir ! "
" Charles, décompresse un poil, mon gars – je te tutoie, mais c’est juste pour te mettre à l’aise – t’es chez moi et t’as pas b’soin de jouer les maniérés ! " déclare René à l’intéressé.
" C’est que je suis au service de l’Etat, et en mission commandée ! L’étiquette… "
" Bon, ça va, coupe l’Ancien, mais on pourra pas dire que j’aurais pas fait le maximum pour être sympa avec toi… On y va ? Faut pas faire attendre ton patron ! "
Et voilà notre héros en route pour le palais de l’Elysée !
La limousine marche bon train, aidée en cela par les deux motards qui ouvrent la route toutes sirènes hurlantes. A l’intérieur, le gars Charles tente – avec certaines difficultés…- d’expliquer à René le protocole d’accueil, ou il doit se placer, ce qu’il doit dire ou ne pas dire…, enfin tout ce qu’un type de la trempe de Superpapy exècre par dessus tout…
Au bout d’un moment, mais il n’en dit rien au secrétaire du Président, Pépère commence à se demander si c’était réellement une bonne idée d’accepter une telle invitation !
Enfin, le cortège pénètre les Champs-Élysées, puis tourne à gauche peu avant la Concorde. Y’a du bleu partout, que ça finit par en devenir intimidant. Au fur et à mesure de la progression, René, sans trop savoir pourquoi, commence à avoir une drôle de boule au fond de la gorge…
Cette fois, ça y est, la limousine vient de franchir le porche majestueux du palais présidentiel !
René n’est pas au bout de ses surprises : toute la garde républicaine est présente dans l’immense cour, bien alignée de part et d’autre, et le tapis rouge a été étendu comme à la télé…
La voiture s’arrête pilepoil à hauteur de portière de ce dernier, tandis qu’un groom sapé genre " hôtel de luxe " vient ouvrir la porte en invitant le Respectable à descendre. Ce faisant, Charles recommande à l’Ancien de se tenir au garde-à-vous et d’attendre. Pépère, intrigué, et quelque peu impressionné, s’exécute.
Un roulement de tambour se fait alors entendre, et soudain une haute stature fait son apparition là-bas, par la porte ouverte de l’immense bâtisse au pied de laquelle se trouve l’autre extrémité du tapis : Jacques CHIRAC !
La prestance du président français… ! Celui-ci descend les marches d’un pas souple en gardant la tête droite, puis s’avance pour venir à la rencontre de René. Le Respectable, au fur et à mesure que l’illustre personnage se rapproche de lui, sent son cœur battre de plus en plus fort. A présent, Monsieur CHIRAC est presque à son niveau. Bon sang ce qu’il est grand ! Et surtout, c’est son regard qui impressionne le plus : deux billes noires scintillantes qui semblent te transpercer jusqu’aux tréfonds de ton être, d’une lueur presque insoutenable…
René, tu commences à bien le connaître désormais, n’est pas vraiment quelqu’un dont l’habitude est de plier ou de s’incliner devant qui que ce soit, mais là… L’Ancien a la désagréable impression d’être une mouche prise dans une toile voyant approcher l’araignée. Il voudrait s’enfuir, mais ne peut bouger tant le souverain français semble avoir de l’emprise sur l’ensemble de sa personne par le seul fait de le fixer droit dans les yeux !
Enfin, il parvient à articuler avec quelques difficultés :
" Mes respects Monsieur le Président… "
Jacques CHIRAC marque un temps d’arrêt, comme pour bien marquer l’instant présent, puis, sitôt les tambours tus, ouvre la bouche et déclare, d’un ton solennel :
" Monsieur René GEDEUFOITRENTANS, au nom de la république française, par les pouvoirs qui me sont conférés, pour avoir porté nos couleurs et fait retentir notre hymne national à l’autre bout de la planète, malgré le poids de vos années…, je vous fais chevalier de la Légion d’honneur pour service rendu à la Patrie ! "
Nouveau roulement de tambour, puis un militaire remet une boîte au président, lequel en retire une médaille. Toute l’assemblée en tenue se met au garde-à-vous et le président fixe la décoration au revers du costume d’un René qui retient son souffle en se demandant ce qu’il fout là…
Puis vient l’accolade, pendant laquelle monsieur CHIRAC déclare au Respectable :
" Je tenais absolument à vous faire cette surprise… A présent, si vous le voulez bien, suivez-moi ! "
René, tel un pantin, se laisse guider par le Président, et les deux hommes pénètrent bientôt dans le hall du fabuleux palais, suivis par Charles un peu en retrait. Le faste à l’intérieur ! Tu ne peux pas savoir, t’y as jamais été, mais sache que les plafonds culminent à une hauteur invraisemblable, parés de dorures que soulignent des immenses lustres de cristal. Partout, sur le sol et les murs, le marbre blanc règne en maître, apportant malgré la froideur de sa matière, une douce impression de tiédeur grâce à l’harmonie crée par un ensemble dont chaque élément forme un tout, laissant le visiteur s’envahir dans un univers de quiétude absolu renforcé par l’insonorité des lieux qui renvoie juste l’écho des pas martelant le sol.
Pépère en a le souffle coupé ! Mais le Président, habitué des lieux, traverse cette pièce somptueuse sans y prêter attention. A l’autre bout, une porte semble s’ouvrir sur l’extérieur. Effectivement, voici maintenant les fameux jardins de l’Elysée ! T’as déjà eu l’occase de voir ceux du château de Versailles ? Ben là, c’est commac mais en mieux !
Je vais pas te faire la visite complète, j’suis pas payé pour ça. T’as qu’à envoyer un mail au palais présidentiel en te recommandant du Respectable… Peut-être auras-tu l’honneur d’être invité toi aussi…
Là, Monsieur CHIRAC marque une pose près d’une espèce d’immense table de salon se trouvant à proximité d’une superbe pièce d’eau avec une colonne au centre représentant une sirène laissant ruisseler l’élément liquide le long de son corps dénudé. Encore une fois, c’est le calme qui domine : quel contraste quand on songe que nous sommes en plein centre de la tumultueuse capitale parisienne ! Un immense parasol a été installé, car la journée promet d’être chaude, et une table, remplie de mets divers pour la composition d’un solide petit déjeuner, dressée. Le Président fait signe à René de prendre place, tandis qu’il en fait de même. Charles, toujours à proximité, s’installe à son tour, mais le premier homme de France se tourne aussitôt vers lui :
" Non ! Pas toi, Charles… Laisse-nous s’il te plait ! ", dit-il d’une voix calme mais dont le ton employé est assez impératif.
" Mais… Monsieur…, le protocole… ", bredouille le secrétaire d’un air incrédule.
" Ha non !, tu vas pas recommencer avec ton truc, bidule, machin !!! Tu nous laisses, j’ai à parler à Monsieur GEDEUFOITRENTANS seul à seul. Allez, va jouer avec les mouches ! "
L’autre se lève et se hâte de déguerpir, non sans jeter un regard noir envers René, lequel n’en revient pas de la dernière réplique du Président envers son secrétaire : le ton employé est celui du chef de l’état, mais les mots…
Jacques CHIRAC jette alors un regard à droite (normal) puis à gauche, et finit par déclarer d’un air satisfait :
" Ha ! Enfin tranquille… "
Puis, le Président se lève soudain, tombe sa veste et sa cravate, ainsi que sa chemise… Il est maintenant en tee-shirt représentant une NORTON Commando !
René, sans moufeter le moins du monde, attend la suite avec une curiosité croissante. Jacques croise son regard étonné en direction de l’effigie de la moto, et répond en souriant :
" Ben oui, le Président est aussi un homme… J’ai toujours aimé cette machine que j’avais pu essayer à l’époque. Mais maintenant, je suis tenu par les rênes du pouvoir qui m’empêchent de vivre ce qui est une passion rarement exercée… ", dit-il en soupirant, un soupçon de regret dans le regard.
Quel contraste avec l’instant d’avant ! songe René. L’être, un peu froid et distant, semble maintenant un homme ordinaire…
" Mais bon, reprend t’il aussi vite, vous n’êtes pas là pour entendre ressasser les souvenirs d’un vieux nostalgique ! Je tenais d’abord à vous féliciter personnellement pour les deux manches que vous m’avez fait vivre sur EUROSPORT. Avec Bernadette, on était comme deux gosses et j’avoue avoir hurlé quand vous êtes passé devant la ligne en vainqueur… Bon sang, quelle course ! Mais je n’arrive toujours pas à comprendre comment vous avez fait pour en arriver là ! "
" Que dois-je répondre Monsieur le Président… ? En fait, tout est arrivé si vite que je n’ai pas encore pu réfléchir à cette question. Je suis simplement un passionné qui a décidé de vivre jusqu’au bout son rêve ! "
" Vous voulez me faire une faveur ?, appelez-moi Jacques, et mieux encore : on se tutoie. Ce sera plus simple comme ça… Pour tout dire, je commence à en avoir ma claque de toutes ces mondanités et obligations de mon boulot d’président… Tu peux pas savoir ! Tiens, prend un croissant avec ton café ! "
" Mons…, heu… Jacques…, vous…, tu… j’veux dire… ", bafouille René, au comble de la surprise.
Jacques éclate alors d’un rire franc, puis déclare :
" Merdeeeee René !, tu vas pas faire comme les autres ??? C’est là mon drame, depuis que j’suis président, tout l’monde me lèche les bottes et j’ai plus d’copain ! Quand j’t’ai vu à la télé, j’me suis dit : en v’la un qu’est vraiment différent des autres, bon sang qu’est-ce j’aimerai avoir un pote comme ça ! Alors, s’il te plait, fais-moi plaisir et considère le fait que le président est un homme comme tout le monde, et passionné de bécane en plus. Tu veux une preuve ? Tu crois VRAIMENT que si Christian ESTROSI fait partie de mon équipe, c’est pour ses qualités de politicard ? "
Là, René finit pas se lâcher complètement, séduit par ce type étonnant :
" Ouais, je comprend… Mais si tu m’as fait v’nir, je suppose que c’est pas uniquement pour me cirer les pompes ? "
" A la bonne heure !, s’exclame le président, c’est comme ça que je veux t’entendre ! Reprend un croissant, j’te dis. Mais t’as raison, et j’vais te donner l’explication. Quand l’Vieux m’a filé les clés de la maison – et moi, naïf, ça faisait deux ans que j’en rêvais de ce boulot- il m’a dit de pas m’inquiéter, que les affaires étaient en ordre et que maintenant que je prenais la relève, il allait enfin pouvoir passer ses journées à la pêche, après avoir fait le ménage dans les affaires… Tu parles : trois millions de chômeurs, les syndicats qui arrêtent pas de se plaindre, la délinquance qui monte, la dette extérieure, et plein de bidules, machins comme ça… En fait, le boulot de dans deux ans, quand j’l’ai eu, j’ai vite réalisé que j’y connaissais pas grand chose, alors j’ai cherché à bien m’entourer pour faire bosser les autres à ma place. Et je t’assure que c’est pas facile de faire semblant de surveiller tout l’monde quand y’a mille problèmes à résoudre et que toi, tu sais pas comment faire. Alors, j’ai pris ceux qui semblaient être les meilleurs, mais j’vais te confier un secret : plus ils étudient à l’E.N.A., et plus ils sont à côté de la plaque. Quand ils font une bourde, c’est bibi qui trinque ! Tu parles d’un cadeau comme boulot…
Tu vas me dire, y’a l’jeune Nicolas qui veut la place. Ouais mais bon, j’peux pas lui laisser la maison tout de suite, faut attendre les élections pour ça. Déjà, j’ai réduit le mandat à cinq ans : ça me fait gagner deux piges !
En attendant, avec la constitution européenne, y’a p’têt moyen de refiler le taf au d’sus de moi ! En gros, j’serai plus PDG mais simplement directeur. Mais faut que les français disent oui pour ça : c’est l’boulot de Raffi de les décider. Mais j’crois que le Jean-Pierre, j’lui ai filé un peu trop de trucs à faire et maintenant, il craque et commence à gatouiller sévère : si les français s’en aperçoivent, c’est foutu !
Donc, pour résumer, c’est sa place que je te propose… "
" Heiiiiiiiiiin ???, moi premier ministre ???????????, mais j’y connais rien à la politique… "
" Justement, comme ça t’as moins de chances de dire ou faire des conneries. Toute façon, tu fais dire oui aux français, et après c’est les autres qui vont bosser pour nous… Mais c’est un mec comme toi qu’il faut pour ça ! Alors t’acceptes ? "
Tu trouves pas que ça commence à faire beaucoup pour un seul homme, tout ça ?
" Après, je te garantis qu’on va pouvoir faire de la bécane à volonté, sans compter que je te laisse carte blanche pour édicter des projet de loi en faveur de la moto… "
Voilà le défaut de cuirasse du Respectable… Sa passion immodérée pour la moto…
Sans s’en rendre compte, il accepte la proposition du président, et…
DRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIING !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
" Hein ???, ha ! Pu…ain de réveil… !!! "
René est dans son lit : mal au crâne et les murs de la chambre semblent danser autour de lui…
" Bon sang ! Quel rêve…, se dit le Gatouillable, Faut que j’arrête de picoler comme ça, moi ! "
Lentement, il tente de sortir de son lit, mais ses vieilles articulations le rappellent à l’ordre. Faut dire que quand on a dépassé soixante ans, la mécanique est plus longue à chauffer…
Machinalement, il jette un regard sur le poster à l’effigie d’AGO, lequel est en bonne place sur le mur central de la pièce.
" Jamais fait un rêve pareil…, ça semblait si vrai pourtant… ", dit René à haute voix.
A son âge, quand on vit seul, on se parle souvent à soi-même.
Il lui faut bien une plombe pour émerger, mais comme le mal de tête persiste, il décide de descendre au sous-sol pour sortir sa moto, histoire de prendre l’air : peut-être ainsi ira t’il mieux après…
Clic ! L’interrupteur donne aussitôt la lumière. Sa vieille YAMAZUKI 1000 XYZ l’attend sagement. Tiens ! Elle a encore perdu de l’huile… Rien de plus normal, cette moto est atteinte de la même Respectabilité que son proprio !
René enfile ses vieilles bottes. Pour ce faire, il se penche et grimace par la douleur provoquée au niveau de ses articulations lesquelles ont pas mal bourlingué pendant toutes ces longues années à rouler hiver comme été. Puis il décroche son vieux barbour rapiécé, en se disant qu’un jour viendra ou il faudra bien songer à le remplacer. Mais René est un nostalgique…
Son intégral n’est pas en meilleur état, mais il est peint au couleurs de son idole, dédicacé en soixante dix sept de la main même du champion, alors…
Un petit coup de démarreur, et la brèle prend vie. Bien entendu, le petit nuage de fumée qui sort des échappements est bien présent pour lui rappeler qu’un jour ou l’autre…
Le Respectable sort maintenant du sous-sol et, pendant que la brèle monte doucement en température, vérifie dix fois qu’il a bien fermé la porte à clé… Que veux-tu, à cet âge-là, on a ses petites manies !
Soudain, le bruit strident d’un deux temps en approche se fait entendre. Cette fois, René vient totalement d’émerger : il monte rapidement sur sa moto, et passe la première. Il semble attendre quelque chose… ou quelqu’un !
Wiiiiiiiiinnnn ! fait le pisse-feu en passant rapidement devant lui. L’Ancien, rageusement, lâche l’embrayage et se lance à la poursuite de ce jeune trou du c… de Valentini ROSSO qui cette fois, c’est certain, ne lui échappera pas !
Dis voir…. ? Oui, c’est à toi que je m’adresse ! Franchement, t’y as cru à cette histoire de Gatouillable capable de mener le mondial Superbike ???


Fin…
(to be continued)

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SAGA RENE
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Verrouillé

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